Lorsqu’elle l’aperçoit au loin, c’est un sourire qui se dessine très rapidement. Croiser son chemin au travers des couloirs étaient bien souvent une bénédiction, eux qui n’étaient ni dans la même maison, ni dans la même année. Ils partageaient pourtant beaucoup de temps, en dehors de ces lieux mais tout autant lorsqu’ils en avaient la possibilité.

Mais c’était toujours ces instants qui n’étaient pas programmés qui lui faisaient le plus plaisir. La surprise, le soudain, l’inattendu. Pourtant, ses mots sonnent comme une condamnation. Très rapidement son sourire disparaît, car il n’est pas question d’eux. Il n’y a pas cette bonne humeur habituelle. Elle sait, elle sent. Elle n’a pourtant pas besoin de grand-chose pour comprendre qu’il n’est pas dans son état habituel, à raison.

« Sisi ? Oui, j’ai vue ça. »

Qu’elle acquiesce. Tente de rester simple et neutre. Après tout, Persephone et Naomi partageait le même dortoir depuis leur première année. Alors il était assez simple pour elle, de remarquer ses valises et le lit par moment occupé. Racle alors sa gorge, car elle n’est pas ignorante. Comprend très rapidement où il veut en venir.

« Parler serait un bien grand mot mais, c’est assez compliqué j’imagine ? »

Hésitante ; douloureuse. Car quand bien même elles avaient pu ‘‘échanger’’, ce n’était pas comme avant. Il y avait ce petit quelque chose, cette petite inconstance. La discussion qui c’était finalement écourtée ; une vision bancale remplie d’incompréhension – Naomi ne s’y risquerait plus.

« Tu es allé la voir ? »

Ses yeux relèvent une tristesse sans précédent. Elle ignore beaucoup de chose, mais n’apprécie pas vraiment la façon dont Lancelot s’adresse à elle, cette façon qu’il à d’être face à elle. Parce qu’elle a cette impression qu’il n’est pas lui-même, bien différent de ce grand-frère habituel lorsqu’ils partagent du temps côte à côte.

« Qu’aimerais-tu que je te dise ? »

Qu’elle vient à l’interroger avec sincérité. Quand bien même pouvait-elle lui donner plus d’information, ce qui s’était passé était bien assez bordélique pour ses propres pensées. Alors elle ignorait comment formuler, comment expliquer. Puis… Ses épaules s’affaissent.  

« Elle ne t’a rien dit d’autre ? Tu as tenté de discuter un peu, de la rattraper ? Ou bien elle était déjà partie avant même que tu le réalise ? »

Que Persephone venait de mettre fin à leur amitié, tout comme elle l’avait fait avec Naomi. Une coupure qui cherchait à être nette mais indélicate. Mais si elle n’avait rien tenté d’autre, malgré ce qu’elle avait aperçu sans grand effort, si elle n’avait pas essayé de lui en parler, de lui expliquer pourquoi il avait été sans nouvelle pendant un temps ; elle ne pouvait rien y faire.

S’approche alors pour briser la distance qui les séparait. Qu’elle vient poser sa main sur son bras pour tenter de l’apaiser un peu. Parce qu’elle sait qu’il en avait bien besoin, quand bien même cela ne serait pas suffisant – essayer.

« Je ne t’apprendrais rien, mais parfois les gens changent drastiquement. Elle n’a juste peut-être plus besoin de nous, c'est tout. »

La lèvre qu’elle vient mordre. Parce qu’elle sait que ses mots ne sont pas justes et qu’elle tente de se voiler, à elle aussi, la face.

Si elle savait quelque chose ? Sans doute. Pourtant, elle n’était pas si certaine que ça, novice qu’elle était dans son entraînement, novice qu’elle était dans cette sincérité. Pourtant, ce qu’elle avait vue lorsqu’elle avait tenté de se faufiler lui semblait si clair, si net. Que Naomi avait bien du mal à en être assurée. Comme si les images pouvaient se tromper, comme si la tromperait était possible. Parce que c’était trop dur, trop sombre. Et pourtant, si visible ?

« Et bien pour une fois non, elle ne m’a rien dit. »

Qu’elle vient secouer la tête de droite à gauche. Ce n’était pas un mensonge, concrètement : Naomi ne savait rien. Persephone ne lui avait rien dit, n’avait apportée aucune explication. Et elle-même, n’avait pas essayer de comprendre ce qu’elle avait aperçu, car après tout, n’avait-elle pas souiller son espace personnel ?

« Elle le sait oui. »

Elle le sait comme le montrait toutes ces années qu’ils avaient passés ensemble. Que malgré les différences, tous deux s’acceptaient et savaient se confier qu’importe les situations. Pourtant, cette fois-ci était différente. Bien trop complexe. Alors, si la vérité était bien celle qu’elle avait découvert, au fond elle comprenait. S’imaginait que ce genre de chose n’était pas facile – alors éviter, évincer pour se protéger était sans doute une réaction des plus logique.

Du moins, c’était ce que Naomi cherchait à se faire croire. Car pour elle aussi, tout cela était dur à accepter. On n’effaçait pas une amitié avec, ce qui semble être, une aussi grande facilité sans donner la moindre explication. Elle était tout autant touchée, mais n’arrivait pas à le montrer, à l’exprimer. Parce que cet instant était pour lui.

« Je sais. »

Qu’elle n’était pas comme les autres pour lui, qu’elle n’était pas comme toutes ces personnes qui le suivait dès qu’il changeait de salle. Alors elle respire d’une force, lui caresse délicatement l’arrière du dos lorsqu’il cherche à prendre appuie sur elle.

« Je sais Ily. »

Mais malheureusement, aucun deux ne pouvaient y faire quelques choses. Si Persephone pensait avoir fait le bon choix, alors ils ne pouvaient rien y faire. Aller contre sa volonté n’était clairement pas la meilleure chose.

« Il y en a toujours, oui. Mais si elle ne veut pas la partager, alors on ne peut rien y faire. »

Il faut juste attendre. Car bien souvent, il est dit que le Temps répare les maux. Alors on peu garder espoir, mais la forcer et l’acculer ne servirait à rien ; seulement agrandir la distance que Persephone venait de construire.

Elle ferait de son mieux pour lui faire comprendre que, comme toujours, elle était là pour lui. Pour le soutenir dans ce qui pourrait s’apparenter à une épreuve. Jamais Naomi ne le laisserait tomber, parce que c’était ainsi que fonctionnait la famille. Qu’était lié chaque personnalité qui répondait au patronyme des Avery. On ne laissait personne sur le bas-côté lorsqu’il en avait le plus besoin.

Pourtant elle ignore ce qu’elle pourra faire, ce qu’elle doit dire. Est dans une situation bien délicate, bien particulière. Plus que n’importe qui, c’est de Persephone et Lancelot que l’on parle. Alors il n’y a pas vraiment de solution miracle. Reste là avec lui, une épaule et une conversation à offrir. Avec l’espoir qu’il passera à autre chose, bien qu’elle n’imagine pas que cela arrivera du jour au lendemain.

Et elle à ce rire jaune face à ses mots pourtant bien véritable. Si parfois Naomi pouvait paraître têtue, il en était de même avec Lancelot. Un point commun parmi tant d’autre, ils n’aimaient pas attendre et subir. Accepter était une chose, mais pas de cette façon. Pourtant, une crainte est là. Sincère. Qui commence à naître dans son être, à faire battre son cœur d’une manière bien irrégulière. Parce qu’elle sait, parce qu’elle le connait.

Alors elle n’arrive pas à être étonnée.

« On pourrait, oui. »

C’était un fait. A deux, ils avaient bien plus de chance de lui faire cracher le morceau, d’avoir une explication véritable vis-à-vis de ces adieux qui paraissent sans fondement de leur côté.

« Mais on ne le fera pas Ily. »

Qu’elle vient lui attraper la main qui dorénavant liées se balancent toutes deux dans le vide.

« Parce que je sais que même si tu veux des explications, tu n’as pas envie de lui faire du mal. Et la forcer à nous expliquer, eh bien… Ce n’est pas bien. »

Ses doigts s’entremêlent et la pression se fait un peu plus forte.

« C’est ce que des vrais amis font. Attendre que Persephone soit prête pour nous en parler, si un jour elle en a l’envie. Tu ne crois pas ? »

Parce que de toute façon, ils ne comprendraient pas vraiment.

Naomi comprend, elle perçoit que Lancelot est terriblement blessé ; meurtri par cet abandon. Elle fait son possible, pour l’apaiser, pour lui faire comprendre malgré tout. Mais elle se rend compte que pour l’instant, rien de se qu’elle semble lui dire et aucun de ses gestes ne semblent vouloir faire mouche.

« Donc au final, ce que tu veux, c’est une vengeance ? »

Ses mots sont pourtant durs mais son intonation est douce. Le sourire douloureux, mais l’apaisement que l’on cherche à maintenir pour le bienfait de Lancelot et pour celui de Persephone. Quand bien même son cœur était tout aussi blessé par les actions de cette dernière. La seule différence entre elle et lui, était que Naomi possédait peut-être un peu plus d’information. Se qui semblait rendrait l’acceptation plus facile, bien que Naomi était toujours comme ça. Lorsqu’on y réfléchissait quelques instants.

« Comprend qu’en ce moment, elle doit penser que c’est la meilleure chose à faire. Peut-être qu’elle à tort, peut-être qu’on a raison. »

Elle hausse les épaules.

« Mais au fond, l’inverse est tout aussi plausible. »

(et elle savait, qu’aucun des trois n’avait vraiment raison.)

La façon de gérer le problème était seulement différents. Ils avaient tout autant tort que raison, un choix comme un autre. Mais Naomi resterait certaine de son choix, forcer Persephone pour avoir des explications était tout sauf une bonne idée.

« Actuellement tu es triste Ily. Dis-moi, même en colère, n’est-ce-pas ? »

En colère contre elle, contre ses adieux, contre son manque de nouvel. En colère contre lui-même, sans doute, de ne rien avoir vue venir. De ne rien comprendre. Car c’est bien comme ça que ça fonctionne, non ? Parce que Naomi, c’est bien ce qu’elle ressent aussi. De ne pas avoir été là pour elle, dans ces images qu’elle avait aperçues. Alors qu’au fond ? Elle n’aurait rien pu changer.

Malheureusement.

« Tu penses que ça te libérera d’aller la forcer, mais ça finira par te ronger. Alors ne fait pas quelque chose que tu regretteras plus tard. »

Même si c’est pour Persephone, et que Naomi te comprenait terriblement.

« C’est la définition même de la vengeance et c’est un acte enfantin. »

Qu’elle ait envie de croire que ça ne lui ressemble pas, que ce n’est pas dans les habitudes de Lancelot. Pourtant elle sait qu’elle ne le connaît pas totalement, qu’ils ne sont pas toujours collés ensemble. Qu’il lui est déjà arrivé quelques fois, d’avoir des réactions semblables simplement parce qu’il s’était persuadé que Naomi avait été blessé par un tiers, d’une quelconque façon.

« Et si tu fais ça Ily, ce n’est pas que Persephone qui va être blessée. Mais moi aussi, bien plus que je ne le suis déjà. »

Et elle savait que Lancelot pouvait être autant en colère qu’il le souhaiterait, il n’était jamais le genre à pouvoir blesser intentionnellement Naomi. Acte semblable au chantage, bien que voir son frère agir de cette façon la détruirait tout autant car elle cherche à croire que ce n’est pas avec ce genre de personne qu’elle a grandi, ce genre de personne qu’elle a chéri.

« Regarde-moi. »

Lorsqu’elle le voit fuir son regard. Lui pourtant si grand garçon, incapable de maintenir cet échange entre deux âmes. Alors elle lâche cette main qui n’était plus suffisante pour lui attraper le visage. S’approche alors pour ne pas lui permettre de s’y dérober une nouvelle fois.

« On l’est tous les deux. Mais c’est comme ça les relations, malheureusement on ne peut pas tout avoir, un jour ou l’autre, on finit tous par être blessé. La perfection ça n’existe pas, cette idée où tout le monde est heureux et content jusqu’à la fin de ses jours, c’est une utopie. »

S’ils avaient tous deux été éduqués de la même façon, Naomi était celle qui semblait avoir le mieux retenu les leçons sur ce point. Profiter l’instant qui lui était offert par les Lwas et ne pas chercher à tord lorsque cela lui serait enlevé. Il existait bien des spécificités, mais elles avaient toujours un coût. Alors accepter était la chose la plus censé qui pouvait être fait.

« Tu le sais n’est-ce-pas ? Tout comme le fait que je n’aime pas lorsque tu imagines savoir ce que je vis ou ce que je ressens. »

Gonfle ses joues, tente de faire tourner la situation à son avantage. Apaiser d’une autre façon, semblable à un enfant grognon, si ses mots n’étaient pas suffisants pour arriver jusqu’à son cœur.

« Alors tu veux vraiment que je te dise ce que tu es censé faire ? Tu attends. A la rigueur, tu peux lui dire que tu seras là pour elle, lorsqu’elle voudra t’expliquer pourquoi elle ne veut plus te voir. Lui faire comprendre que tu es là et que même si tu es blessé, même si tu lui en veux, tu attendras. »

Léger silence, qu’elle fini par lui lâcher le visage.

« Et ce n’est pas se faire marcher dessus, c’est simplement être ami. »

Ses bras s’en tombe, mais elle tendait vraiment à croire que c’était la meilleure chose à faire pour eux.

« Moi je ne ferais rien, parce que je suis persuadée qu’elle sait que je suis là pour elle. Que nous sommes là, que tu es là. Alors j’attendrais. Si elle a envie de revenir, je serais là. Si elle n’a pas envie de revenir. »

Elle hausse les épaules.

« Et bien, elle ne reviendra pas et je devrais m’y faire. C’est aussi simple que ça. »

Pourtant, le cœur en miette lorsqu’elle vient imaginer cette possibilité. Car si le Temps apaise les maux, il ne soulage pas l’entièreté pour autant.

Elle était sérieuse dans chacun de ses mots qu’elle portait avec une certaine dureté. Elle savait que ses paroles pourraient le blesser, que faire face à ce genre de réalité n’était pas dans ses habitudes. Et pourtant, Naomi avait pris le risque. Parce qu’elle savait qu’il savait, du moins, elle l’espérait. Qu’au fond, elle n’avait pas si tort que ça. Que ça serait difficile, mais que tout ce qu’elle disait, elle le disait pour son bien à lui, pour le bien de Persephone. Plus que pour son propre bien.

Alors elle aurait pu continuer éternellement s’il le fallait, tenter de lui faire comprendre par tous les moyens. L’arrêter par la force même, si cela en était nécessaire. Mais lorsque la cloche retentit ; c’est un certain soulagement. Le soupir qui s’y entremêle et la pression qui tombe. Les craintes, aussi.

« Pas le choix, oui. »

Qu’elle acquiesce, vient confirmer ses propos. Donnerait cette impression d’être la méchante car pour lui, elle serait prête à endosser tous les rôles du monde. Aussi moches puissent-ils être. S’accroche un peu plus à ses mains, n’a décidément pas envie de le quitter, de le laisser retourner en cours dans l’état actuel.

« Promis hein ? »

Le regard doux qui cherche à apaiser. Yeux dans les yeux, tandis qu’un timide sourire tente de germer sur ses traits. L’embrasse alors sur la joue avant de se séparer de Lancelot et de lui permettre la liberté. Espère secrètement qu’il ne fera aucune bêtise ; bien que légère sureté qu’elle serait celle qui retrouverait Persephone avant lui. Même classe, même salle, même chambre. Un avantage bien que jouer les surveillants n’avait rien pour lui plaire.

« On se voit après, d’accord ? »

Question rhétorique, car ils se voyaient toujours et bien souvent. Avant de reprendre son chemin d’une démarche rapide car elle ne pouvait pas se permettre d’être plus en retard qu’elle ne l’était déjà.