Saint-Sylvestre.
Être née le jour du réveillon, quel manque de chance. Deux fois moins de fêtes, deux fois moins de cadeaux, et pour votre anniversaire, personne j'ai jamais dispo. Vous être toujours au second plan "oh on fait noël et on peut faire aussi l'anniversaire de Rin dans la foulée". Personne ne dira jamais l'inverse "on fait noël dans la foulée". C'est 1. Noël 2. Vous, un point c'est tout.

Rin était né sans rien. Sans maman, sans véritable ami, sans argent, sans animal de compagnie, sans talent particulier, et sans magie. Enfant ouragan qui espionnait l'équipe locale de Quidditch en espérant les rejoindre un jour, désormais triste et sans rêve, avec un père aimant qui fit de son mieux pour lui redonner le sourire, jusqu'à ce qu'aux réformes de Poudlard.

  Eireann était contente d'être née pauvre et impulsive. Cela lui avait donné une longueur d'avance pour être prête à maraver la gueule de quiconque essayerait de la rabaisser. Mais une partie d'elle ne pouvait pas les blâmer. Une partie était d'accord. Elle avait beau avoir trouvé des amis elle n'était pas encore bien sûre que sa place soit là, au milieu de ceux qui ont ce qu'elle n'a pas. Elle a beau se battre, il suffit de voir un reparo, alors qu'elle galère avec son tournevis, pour comprendre qu'une partie des insultes qu'on lui jette sont justifiées. Pas douée pour grand-chose, facilement surpassée dans ce qu'elle sait faire.

  Rin relit plusieurs fois son  bulletin de huitième année (ici). Passée au ras-des-fesses, comme d'habitude, oscillant entre le Désolant et l'Acceptable. Parfois elle se demandait si elle méritait seulement d'avoir au-dessus d'un Piètre, si les professeurs n'avaient juste pas pitié d'elle. Potentiel mon cul. Tout ce qu'elle arrivait à lire dans son appréciation c'était ces trois même mots qu'on lui répétait en toute situation. Condition de cracmolle, condition de cracmolle, condition de cracmolle. Comme un maléfice, une marque au fer rouge, une médaille de médiocrité suspendue à sa chair.
  Et d'autre part, il y avait tout ces drames, ces enlèvements, ces expériences, ces débats politico-corrects qui la faisait se sentir toujours plus à part.
Alors Eireann a dit stop.
Pas de neuvième année.
Elle était fatiguée de faire semblant d'être une fille « académique », qui compenserait ce que la nature lui a refusé avec efforts et brillance. Fatiguée d'avoir des amies bien plus brillantes qu'elle en quelque domaine que ce soit et souffrir silencieusement de la différence entre elles. Fatiguée de se prendre des râteaux et de vomir ses tripes à toutes les fêtes.
Il était tant de passer de l'autre côté de la boule à neige.

  Le monde moldu fut tout aussi cruel, bien que différent. De son petit boulot d'apprentie mécanicienne moldue, elle put apprécier ce qu'on appelle la "différence culturelle". Certes, elle avait quelques références grâce aux né-moldus de Poudlard, mais il était difficile de tout compenser, et Rin se retrouva souvent dévisagée comme une arriérée si elle avait le malheur de demander c'est quoi, matrix?.
Et il y avait ses références à elle: incapable de trouver quelqu'un pour s'extasier devant les résultats au Quidditch de son équipe avec elle, incapable de confier tout son stress avec cette histoire de corbeau qui passait dans les journaux magiques.
Tout le monde dit toujours que le mélange culturel entre sorcier et moldus c'est enrichissant et génial, la vérité c'est que c'est dur, et chiant, et qu'il faut faire constamment des efforts. Mais quand l'autre parti n'est même pas au courant que votre culture existe, on a juste l'impression de danser la valse avec une statue.
Alors Eireann a encore dit stop.

  Presque deux ans, jetés à la mer, tout cela pour finalement retourner chez Papa et les grands-parents, dans le confort de la boule à neige. Pas vraiment sorcière, pas vraiment moldue, refugiée dans le dernier endroit où elle se sent chez elle. Et là encore, le familier à bougé, des routes se sont construites, des magasins ont fermés, les amis d'enfance ont déménagé.

Le matin par la poste, elle reçoit sa correspondance. Les lettres d'Abena, de Taylor, des autres cracmols de Poudlard parfois. Chacun continue sa route, construit sa carrière, avec toutes les épreuves et les récompenses que cela implique.
Et elle, reste là, à vivre au dépends du salaire de misère de papa, à dormir jusqu'à midi et rien branler jusqu'à minuit. Passer les douches, remettre le même vieux t-shirt qu'hier, grignoter des cochonneries et sauter des repas. Avoir l'impression d'entendre, malgré les sourires et le silence, des reproches et de la déception, de sentir les regards en biais de voisins pleins de jugements, la culpabilité envers quelques vieux cracmols du village, qui ne s'empêchent de lui faire remarquer, qu'ils ont toujours rêvé eux d'aller dans l'école qu'elle a décidé d'abandonner.
Son dernier refuge, devenu oppressant et distant.
La boule à neige s'est cassée depuis longtemps.

  Peut-être sa mère avait le don de voyance, elle a vu son avenir et s'est dit qu'il fallait mieux partir tout de suite.
Eireann se surprit elle-même, à penser à sa mère comme cela. Elle n'y avait jamais trop pensé depuis qu'elle était petite, elle s'était résignée jeune à l'idée qu'elle n'avait pas de maman. Elle ne savait pas trop ce qui la motiva à prendre la décision qui s'ensuivit. L'absence d'un objectif de vie, l'impression de stagner, la curiosité soudaine, le besoin de mieux connaître ses racines, pour enfin trouver sa place dans l'univers. Il était temps de dire stop à ce mode de vie-là, et elle le savait.
Elle fit ses bagages -il n'y avait pas grand-chose, demanda à la banque une conversion de ses euros gagnés en Irlande moldue il y a  6 mois en monnaie magique, et avant de partir dans la nuit, fit un bisou sur le front de son vieux dirico déplumé qui l'avait accompagné toutes ces années à Poudlard.

▬ Je t'emmène pas cette fois mon grand, déso. Prend soin de papa pour moi.

Pour toute réponse il s'en alla se téléporter  calmement dans un mur comme un pnj bugué dans un jeu vidéo, et, Eireann, claqua la porte doucement pour prendre le train pour Londres, en silence, ultime acte de lâcheté. S'il fallait confronter son père avant de partir, elle savait bien qu'elle ne partirait jamais, comme elle savait qu'il ne lui donnerait pas plus d'information sur sa mère si elle en demandait. Elle savait qu'elle habitait à Londres, à l'époque, et c'est à peu près tout.

  Il fallait la jouer stratégique. Déjà, elle prit l'appartement le moins cher qu'elle puisse trouver, dans l'allée des embrumes, afin de s'assurer de pouvoir payer quelques mois de loyers avec rien que ses économies, le temps de trouver un travail. Par appartement, on veut dire un studio ridiculement petit, une garçonnière dans un grenier, avec un canapé, une étagère, un évier, une gazinière, un bac à douche séparé du reste de la pièce par un rideau uniquement, et des toilettes partagées. Au moins, de là-haut, il y avait une belle vue sur les toits de la ville... Plus ou moins.
Ensuite, trouver un travail. N'importe quoi pour payer la bouffe et le loyer. Il faut pas déconnez, elle a ses ASPICs tout de même, elle peut trouver. Au final elle prit un job de serveur au chaudron baveux. Bon endroit pour les rumeurs et rencontrer du monde.
Le département de droits des non-magiques avait l'air plus accueillant comme lieu de travail, mais elle a toujours l'impression de détecter un soupçon de pitié dans leur bienveillance.
Et puis elle les voit venir, à l'embarquer dans des manif le weekend.
Flemme.

Et maintenant il était temps de commencer.

▬ élevée en Irlande par un père célibataire et ses grands-parents dans la ville de Kenmare, connue pour son équipe de Quidditch, elle veut devenir joueuse pro plus tard.
▬ découvre qu'elle est cracmolle et se renferme un peu sur elle-même, rejoint Poudlard en cours de scolarité quand la politique de l'école change et commence à les accepter
▬ ça se passe bien, elle a des potes, même si elle se bagarre souvent et se sent moyen à sa place
▬ quitte un peu après avoir validé sa huitième année, ne se sent pas faite pour l'école de façon générale et vit encore mal d'être cracmolle.
▬ va travailler dans le monde moldu pendant un peu moins de deux ans mais souffre de la différence culturelle de cette sorte d'expatriation magique
▬ au final rentre chez son père et ne fait rien pendant plusieurs mois, souffre de symptômes de dépression, ne se sent à sa place nulle part, a l'impression d'être la seule à faire du sur place dans son groupe d'amis.
▬ décide de chercher sa mère qui l'a abandonné petite à Londres parce qu'elle ressent le besoin de se donner des objectifs, et a besoin de se trouver un peu elle-même également.
▬ emménage dans une mini garçonnière dans l'allée des embrumes parce que le loyer est pas cher et se trouve un job de serveuse pour payer les factures pendant qu'elle cherche.

(ps; sa mère sera un scénar de membre mais au cas où ça vous intéresse d'avoir une fille qu'on vous a oublietted ou que vous avez abandonné sciemment hésitez pas à me poke, il faut juste qu'elle ait entre 37/40 ans)