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A l'approche de l'après-midi, elle hume dans le confinement de sa fortuite maison. Elle n'est plus en très bon état - ne l'a jamais vraiment été, pour être honnête. Vieille, un peu cabossée - elle l'aime comme ça, mais surtout bien désinfectée. La décoration s'est amincie au fil des années. Depuis longtemps, plus aucun cadre n'adore les murs et les armoires. Décousus, dénudés, les murs sont à la place remplis de livres, de revues, de dossiers, rien de personnel (ça évite un moindre les mauvaises pensées). Dans le recul du salon, le serpentarium de Salem trône de son éclairage et de sa jolie décoration. Mais aujourd'hui, elle le laissera dans son habitat - un autre invité sera le roi de ses pensées.

Impatiemment, elle vérifie l'heure, puis relit les messages qu'ils se sont échangés. Son regard s'adoucit à la simple pensée de sa visite, là où l'inquiétude vient à la fois serrer son coeur. C'est toujours la même chanson, depuis des années - s'acharner, s'effondrer, et tout dénier pour mieux recommencer. Elle tente si fort de ne plus s'attacher, de laisser les noms n'être que des noms, les visages que des souvenirs et la proximité n'être que superficielle - mais Parsifal ne cesse d'occuper ses journées.

C'est une chanson familière qui lui est pourtant étrangère; des plaies qu'elle connaît, soigne, sans en connaître l'origine. Une ignorance opportune, tant dans un sens que dans l'autre. Ils se savent brisés au-delà de toute réparation, sans en connaître les raisons, mais s'octroient un moment de paix et d'innocence dans le havre de sa maison. Persephone aime - aime toujours à foison, dans la déraison. Elle protège, panse, rafistole - c'est son métier, sa passion. Elle cherche à débarrasser les gens de leurs poisons. Mais Parsifal semble être (é)pris d'un mal dont elle ne peut avoir raison. Elle ne cherche jamais à fouiner, ne cherche jamais à creuser (la peur d'effrayer un animal blessé) non elle avoue, vaincue, défaite - elle veut le garder à ses côtés.

Alors, aujourd'hui encore, au bruit familier de la sonnette, elle vient lui ouvrir la porte de son humble abode, un sourire tendre aux lèvres, le coeur chaud de sa simple présence. Elle a l'impression de retomber en enfance.

▬ Parsifal ! Tu as fait bon chemin ? Entre, entre, fais comme chez toi.

Elle le laisse passer, s'empresse de fermer la porte pour boucler leur bulle de sureté, la voix douce pour ne jamais le brusquer.

▬ Comment vas-tu aujourd'hui ? Je suis ravie de te voir, tu m'as manqué.

Et pour une fois,
Elle peut le dire en toute honnêteté.

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Elle a tristement l'habitude.
L'habitude de le voir passer le pas de sa porte, amoché - que ça se voit ou non, bien qu'aujourd'hui cela ne se voit plus que de raison. La plaie à sa lèvre saute aux yeux, constrict la poitrine de la guérisseuse qui aimerait effacer ses douleurs. Elle n'ose imaginer ce qui se cache sous les tissus qui couvrent son corps et ne saurait le lui demander, de toute manière. Elle a tant l'habitude, pourtant, de demander aux gens comment ils vont, où est la douleur, de les réconforter et de les accompagner dans leurs peurs. Mais Parsifal ne livre rien, et elle s'abstient. Tente tant bien que mal de respecter ses limites de peur de lui faire prendre la fuite. Une présence tant sucrée qu'amère qu'elle ne regrette pour rien au monde. Tant qu'elle peut lui offrir un abris, du repos pour ne serait-ce que quelques heures, elle se plierait en quatre pour rendre la chose possible.

Sa réponse vague lui fait hausser légèrement les sourcils - elle n'attendait pas une montagne de détails, mais est habituée à quelque chose de plus concret. Parsifal va toujours bien, si l'on se suffit de ses dires, mais parfois une plainte mondaine vient étayer ses propos, l'ancrer un peu plus dans le quotidien. Aujourd'hui, il n'en est rien. Mais qui est-elle pour lui demander des comptes ? S'il ne veut pas s'épancher, si aujourd'hui il est tout simplement ici pour oublier, alors elle fera de son mieux pour satisfaire les besoins de son coeur qu'elle tente toujours d'alléger. Il lui renvoie la balle, par courtoisie, par curiosité ou par simple moyen de se détourner du centre d'intérêt. Elle ne rechigne pas, faisant quelques pas pour l'inviter à s'asseoir dans le confort de son canapé.

▬ Je vais bien aussi. Toujours occupée par le travail, comme d'habitude. J'aurais aimé prendre rendez-vous à ton salon pour tout dire récemment mais je croûle sous les dossiers en ce moment.

Ce n'est pas un reproche, pour être honnête. Persephone se plaie à se noyer dans le travail. Elle en évite les cauchemars, à rester debout tard. Elle en évite les terreurs nocturnes, les souvenirs diurnes. L'odeur médicale du laboratoire souvent désert est une bénédiction qu'elle apprécie, à défaut de mener un style de vie sain qu'elle n'a honnêtement jamais eu. Elle s'éloigne pour passer derrière le comptoir de sa cuisine ouverte, pouvant ainsi toujours discuter sans le perdre de vue - comme s'il allait disparaître d'une seconde à l'autre si elle ne le gardait pas dans son champ de vision.

▬ Ca se passe bien au salon ? Des demandes intéressantes récemment ?

Sincèrement curieuse, elle aime entendre les récits de ses clients si différents des siens. Elle se redresse ensuite, lui souriant doucement.

▬ Qu'est-ce qui te tente le plus aujourd'hui ? Du thé ? Du café ? Un chocolat ? J'ai des biscuits à la fleur de sel si tu veux pour aller avec. Oh, ou des brownies ? Il m'en reste encore un peu.

Elle lui laisse le temps de réfléchir, d'écarter les choix. C'est sa journée à lui - dans l'enceinte de sa maison, Parsifal est roi.

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Persephone se demande - est-ce que son métier est-il vraiment si prenant, ou est-elle simplement retournée dans son habitude de s'enfermer dans le travail pour fuir les autres ? Sûrement un peu des deux. Elle repense à Poudlard, l'espace d'une seconde. A ces jours où elle passait le plus clair de son temps en la compagnie d'autrui, où elle s'épanouissait dans un équilibre juste entre études et vie sociale. Où elle pouvait encore enlacer ses proches, leur tenir la main. Où certaines de ses soirées se passaient dans les rires de sa chambre, dans la pénombre de la bibliothèque à réviser en bonne compagnie, ou encore à boire le thé en discutant tantôt du futur que de mondanités. Elle aimerait qu'une amertume sincère ne vienne lui serrer les côtes, restreindre sa poitrine - mais les années l'ont anesthésiée, au fil des départs et des portes claquées. Seule la solitude l'entoure désormais. D'un léger mouvement de tête, elle tente de clarifier ses pensées, à défaut de pouvoir combler le trou béant qui la hante.

▬ Oh c'est pas si terrible que ça. Juste beaucoup de paperasses. Le plus terrible c'est qu'on est toujours à court de main d'oeuvre... ou de budget.

Un léger rire la prend alors qu'elle pose dans des assiettes les douceurs et commence à préparer le thé. Elle se rend bien compte qu'il ne sait que faire de son manteau et de cette écharpe qui le couvre encore - est-ce qu'il fait froid ? Elle ne fait plus attention, mais il est vrai que l'isolation n'est pas non plus la meilleure ici. Peut-être devrait-elle proposer un plaide ou une couverture ? Ca serait toujours plus agréable que de rester emmitouflé dans une écharpe et un manteau. Malgré les interrogations qui la travaillent, elle hoche la tête calmement.

▬ Je me doute. J'ai peut-être beaucoup de paperasse à gérer, mais au moins je n'ai pas à gérer des clients au sale caractère... Juste des empoisonnés, des malades, des presque morts Je sais pas comment tu fais, honnêtement. Je ne pense pas que j'aurais la patience...

Elle l'a avec ceux qu'elle apprécie, pour sûr, mais dans le cadre du travail elle savait se montrer tranchante, sans hésitation. La relation à la clientèle pourrait bien se montrer problématique. Elle sourit, joviale, toujours égale à elle-même.

▬ Mais j'ai tout de même hâte d'avoir un peu de temps pour passer. J'aimerais bien faire mon premier tatouage.

Elle avait encore un peu de doute sur ce qui lui irait le mieux, mais elle ne doutait que de longues discussions avec le tatoueur éclairciraient ses pensées. La bouilloire laisse échapper un bruit alors qu'elle l'arrête, versant l'eau dans deux grandes tasses - le thé du réconfort. Elle apporte ensuite le plateau sur la table basse, s'asseyant à ses côtés.

▬ Et sinon tu-

Ses lèvres se bloquent, entrouvertes, se muant dans le silence. Son regard, d'abord tourné sur son ami, se concentre malgré elle sur les tâches qu'elle devine autrefois violettes sur un cou qui tente d'être couvert par le maigre tissu d'un col. Elle connaît ce genre de blessures, sait parfaitement ce qui les provoque. Elle en a traité tellement. En a fait elle même les frais, il y a longtemps.

Elle hésite une seconde.

Elle pourrait entamer la conversation, bien que douce, sur le sujet. Pourrait chercher à creuser la chose, à savoir ce qui le ronge dans ce qu'elle devine, depuis le temps, être un mal tant physique que psychique. L'un ne va, malheureusement, souvent pas sans l'autre quand ça persiste aussi longtemps. Elle pourrait chercher à enfin faire bouger ce status quo qu'ils ont mis si longtemps à établir. Risquer de chambouler cette confiance, cette sérénité qui les apaise en les muant dans un mal silencieux qui ne cesse de s'alourdir.

Elle pourrait faire et dire tant de choses.
Mais elle est lâche, bien trop lâche pour risquer perdre un peu plus.
Bien trop peureuse pour risquer ce réconfort égoïste que lui procure Parsifal.
Alors elle referme ses lèvres, l'espace d'une seconde. Sur ses traits ne se lit aucun jugement, aucune déception, aucune colère ou frustration. Peut-être juste l'indice d'une tristesse de ne pouvoir être utile, dans sa résignation. Elle inspire, cherchant ses mots, avant de prendre une tasses et de la lui donner. Son sourire est doux, presque maternel. Elle n'a rien à lui reprocher.

▬ Tiens. Fais attention, c'est chaud.

Elle prend elle-même la sienne, soufflant sur la boisson sans montrer signe qu'elle ne parlera de l'éléphant dans la pièce. Elle respectera, cette fois encore, la volonté de son ami de ne pas vouloir parler de ses problèmes. Mais elle proposera ce qu'elle a déjà proposé et fait tant de fois, au fil des années de leur amité.

▬ Ta lèvre et ton cou ont l'air de s'être remis plus ou moins, mais si tu en as d'autres qui méritent un regard médical, je peux m'en occuper.

A défaut qu'il n'aille à l'hôpital pour se faire traiter.
Elle esquisse une risette rassurante - rien qui ne le presse ou ne le force, juste une proposition dénuée de jugements ou de conséquences.

▬ D'ailleurs, tu pourrais prendre un bain. Ca fait longtemps que je n'ai pas lavé tes cheveux, ça me manque un peu. Et puis, tu pourras profiter d'être dans l'eau comme ça.

Elle remonte ses yeux dans les siens, l'espoir que sa proposition soit alléchante.

▬ Qu'est-ce tu en dis ?

Elle acceptera un refus, mais aimerait bien qu'il lui dise oui.

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Une idée ? Elle ne saurait trop dire. Elle a envisagé tellement de choses. Les tatouages, ce n'était pas quelque chose qui l'avait toujours intéressée. Elle ne s'était penchée sur le sujet, ça et les piercings, qu'un jour où elle s'était effondrée. Dans la fatigue qui a suivi, elle se réconfortait de vidéos trouvées au hasard sur internet et dans une impulsion soudaine, au fil de petits trésors trouvés, d'oreilles percées elle s'était tout simplement dit - et pourquoi pas elle aussi ? Alors, prestement, dès que le temps le lui avait permis, elle était entrée au hasard dans le salon. Celui qui abritait un ange aux ailes toutes amochées. Même dans son monde fait de gris, où tout n'est que terne, elle l'avait senti irradier de douceur, de bienveillance et d'une passion qui l'avaient chamboulée. Sans même un mot de ce qui l'avait réellement amenée, elle s'était sentie quelque peu réconfortée. Alors elle s'était mise à parler, elle aussi. A sourire, comme elle sait si bien le faire. Et le temps est passé, et il est venu l'effleurer de ses ailes.
Et comme si tous les maux qui abritaient ce petit ange ne suffisaient,
Elle avait refusé de le laisser partir,
S'était frayé un chemin dans son coeur et son avenir.
Egoïste.

▬ Je suis pas sûre... J'avais pensé à des serpents, peut-être elle avait toujours été fascinée par ces êtres ou peut-être un papillon ? J'ai l'impression que ce sont des idées terribles, par contre, ahah.

Elle ne saurait dire si c'était les significations derrière ces animaux qui l'attiraient ou leur simple attrait esthétique, mais ce n'était pas bien important. Quoi qu'il en soit, le tatouage n'est pas son problème prioritaire.

Il lui dit ce n'est rien et elle ne compte plus le nombre de fois qu'elle l'a entendu répéter ça comme un disque rayé qui tourne en boucle. Elle connaît ça. Elle fait exactement la même. Tout va bien. Pardon. Je suis désolée. Ou pire encore. Ce n'est pas grave, je l'ai mérité. Elle connaît la chanson, à force de l'avoir chantée. Et il lui dit de ne pas s'inquiéter - elle en sourit. Ca ne va pas l'en empêcher. Il pourrait être en parfaite santé, dans un bonheur utopique, qu'elle s'en ferait toujours. C'est là l'un des défauts de son amour. Mais elle tente d'enterrer ses idées moroses, ses inquiétudes obsessionnelles, en voyant dans ses yeux de petites nova éclater à sa proposition réfléchie. Elle en sourit un peu plus, attendrie. Elle n'avouera jamais, parce que ça soulèverait des questions, des informations qu'elle n'a pas envie de déverser, mais il lui rappelle un peu ses frères. Sûrement qu'à ses yeux, Parsifal était le benjamin qu'elle n'a jamais eu. Sans aucune hésitation, elle outrepasserait pour lui les limites infinies de sa dévotion. Irait décrocher la Lune ou bien la détruire si cela lui permettait de sourire. Et dans une gorgée de thé qui lui brûle la gorge, elle se dit qu'elle ne vaut probablement pas mieux que celui à la racine de toutes ses peines.
Toujours aussi égoïste.

▬ Alors allons-y. Profitons au maximum de la journée.

Elle se lève avec sa tasse, mettant dans un coin rangé du canapé son manteau et son écharpe. Lui attrape délicatement le poignet du bras qui ne tient pas sa tasse pour l'emmener avec elle dans la salle de bain de sa modeste maison. Sur le chemin, devant le serpentarium, Salem se cogne comme à son habitude la tête contre la vitre, curieux de la visite - un léger sifflement à leur égard. Comme une enfant, elle sort sa langue et l'imite. Ssss fait-elle. Elle aussi est un serpent. Une vipère, sûrement. Venimeuse, vicieuse. Elle s'enroule autour de ses proies pour les étouffer, rendre sa présence indispensable dans leur journée. Les achève simplement en se retirant, au lieu de les avaler, les laissant dépérir de l'absence béante qu'elle a laissé. Elle se demande si Salem s'était habituée à elle en comprenant à quel point elle lui ressemblait.

Passé le seuil de la porte, sa salle de bain est immaculée. Propre jusqu'au dernier carreau. Sur le rebord de l'évier, elle pose sa tasse, remontant ensuite les manches de son pull. Une seconde, elle s'arrête sur sa main gauche, sur les traces blanches des cicatrices qui y restent. Un regard à son miroir. Neuf. Propre. Loin des éclats qu'elle a dû ramassé, couverts de son propre sang. Elle tait ses pensées et met l'eau à couler, faisant attention à ce que la température soit pile comme il la préférait. De sa petite taille, elle s'assoit sur le rebord, sortant de sa poche arrière son téléphone. Rapidement, une musique calme, presque nostalgique, s'en échappe, alors qu'elle le pose, se reprenant de sa tasse dont elle prend une gorgée. Non loin, un tabouret est là. Pour lui, exprès. L'attendant toujours, pour un moment comme celui-ci.

▬ Oh, j'y pense. J'ai acheté des bombes pour le bain, tu veux en mettre une ? Il y a une qui est censée avoir la couleur de la galaxie.

Elle ne dit rien, propose d'un air calme et toujours aussi maîtrisé et composé qu'elle aborde à chaque moment de la journée. Pourtant, au fond, elle trépigne d'impatience de pouvoir s'amuser des cheveux de son ami. Après toutes ces années, son amour pour les cheveux ne s'est jamais estompé, mais elle n'a plus vraiment l'occasion de s'y adonner. Les amis sont rares et le temps l'est encore plus. Alors bien qu'elle ait proposé ça pour lui faire plaisir, au final, c'est surtout pour assouvir son propre désir.
Egoïste, à n'en jamais finir.

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Ca pouvait peut-être paraître étrange à certains, comme habitude, que de partager ce moment. Vous êtes deux adultes, après tout. Pourtant, il n'y a absolument rien d'ambiguë à la situation. Quand elle voit des morceaux de son corps, son coeur ne s'emballe que de tristesse à la vue de ses blessures, que d'une tendresse à l'idée de pouvoir s'occuper de ses cheveux et apaiser un peu ses maux l'espace d'un moment. Un plaisir peut-être aussi un peu égoïste qui lui rappelle ces moments précieux partagés au sein de sa fratrie, à Poudlard avec ses amis. Parfois elle repense peut-être à un Serdaigle un peu têtu, un peu insolent, qui lui a pourtant laissé tresser ses cheveux un soir, juste pour mieux repousser le souvenir et l'oublier. Rien ne sert de ressasser quand on ne peut plus rien changer. A sa demande, elle se tourne et tend le bras pour couper l'eau qui remplit maintenant le bain à une bonne hauteur, arrivant en même temps à prendre une gorgée de son thé qu'elle savoure. Une contortion habituée et pourtant toujours aussi délicate. Et si elle ne regarde pas, par habitude, l'hybride qui commence à se déshabiller, elle entend bien sa demande.

▬ Mais bien sûr. Où avais-je la tête.

Certainement pas dans la gouttière.
Ca serait mal la connaître.
Elle se redresse, se relève du rebord de la baignoire et se tourne entièrement vers celle-ci, réfléchissant en regardant le mur aux prochains produits ménagers qu'elle devrait acheter pour nettoyer ses murs déjà impeccables. Le bruit du tissu qui glisse sur le corps ne la distrait pas, elle se balance même légèrement d'un pied à l'autre dans sa réflexion. Une fois tout vêtement retiré, elle n'hésite pas à couvrir ses yeux d'une main pour laisser son ami entrer dans l'eau en toute pudeur. Quand c'est chose faite, elle pose sa tasse près du lavabo et se penche (à peine, le seul avantage de sa taille) pour ouvrir un placard et sortir d'une corbeille en osier une boîte, neuve. Comme si c'était le début d'une procédure médicale, elle ne réfléchit pas quand elle ouvre le robinet pour entamer des mouvements répétitifs et habituels - trop, même, à en juger par les craquelures qui couvrent ses mains abîmées. Elle mouille, savonne, rince et appuie sur le distributeur de la bouteille de désinfectant à côté de celle du savon pour finaliser son rituel. Sa peau lui pique, courtoisie des plaies qui la recouvrent et son esprit mal en point en est satisfait - se dit que c'est comme ça que la salissure invisible qui la recouvre est éliminée. Même si elle n'a jamais l'impression d'en être débarrassée.

▬ J'espère que l'eau est à la bonne température.

Elle attrape la boîte, l'ouvre après un léger combat contre ce foutu scotch qui la scelle et finit par en sortir une boule d'un violet, bleu et de pigments dorés qu'elle s'autorise à sentir. Elle y reconnaît la cardamome, une légère effluve d'anis et une odeur de citron (ou peut-être est-ce du yuzu ?) qui la ravie. Elle adore le citron, à n'en point douter. Le mélange lui semble idéal - revigorant, mais surtout fait pour apaiser. Alors, se forçant à faire entendre ses pas qui sont d'habitude silencieux, elle dépose dans l'eau la boule qui dans la foulée commence à se dissoudre dans un bruit de bouteille d'eau gazeuse fraîchement ouverte et une certaine mousse qui vient recouvrir l'eau, histoire d'autoriser au garçon encore plus d'intimité. Puis le reste n'est qu'une habitude bien huilée. Elle attrape le tabouret pour s'asseoir et remonte ses manches, dévoilant quelques cicatrices sur ses bras - mais ce n'est pas comme s'il pouvait les voir, comme ça. Si elle voit sur le peu de peau qui lui est visible des étoiles filantes, elle n'en dit rien. Elle sait qu'elles n'ont aucun voeu à lui accorder. Alors elle évite de les regarder. C'est toujours plus simple de fuir la vérité. Elle attrape le pommeau de la douche et fait couler l'eau une seconde, vérifiant la température avant de s'autoriser à commencer à mouiller la chevelure en face d'elle - douce, attentionnée, faisant attention de ne pas lui en mettre sur le visage.

▬ Tu penses que tu peux pencher la tête en arrière, un peu ?

Elle passe sa main dans ses mèches, si longues. Savoure la sensation de pouvoir gentiment masser son scalpe, ici et là, portant une attention particulière à ne pas toucher sa nuque. Elle sait qu'elle n'aimerait pas, de son côté. Et si elle mouille ses jambes, ou ses pieds, ou les vêtements qu'elle peut porter, elle n'en a rien à faire. A ce moment précis, ça ne la gêne pas d'être trempée. Elle est prise d'une certaine sérénité.

▬ Tu te sens un peu plus à l'aise ?

Elle ose espérer.

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Elle pourrait faire ça pendant des heures. Peut-être même que ça ne serait pas une exagération de dire qu'elle pourrait faire ça de ses journées. Elle n'a jamais trop su pourquoi, mais toucher la tête des autres lui apportait une satisfaction immense. Elle qui, pourtant, était si sensible au toucher et aux textures appréciait particulièrement celle des cheveux en tous genres. Elle aimait jouer avec, les coiffer (et y passer des heures) ou encore les sentir entre ses doigts pour les laver, ou les sentir peu à peu prendre du volume pendant qu'elle les séchait. Une passion somme toute mondaine mais qui lui apportait un peu de joie et de couleur dans sa vie bien grise. A cette pensée, un regret l'habite. Elle ne doute, vue la teinte qu'elle perçoit, de la beauté et de l'éclat des cheveux de Parsifal. Elle aimerait tant en voir la couleur. Le lui demander, pour se laisser imaginer. Pour pouvoir avoir une idée, même si ça n'en est qu'une fraction, de la beauté qui vient du contraste entre cette mystérieuse couleur et le teint foncé de sa peau. Elle est sûre que c'est très beau. Même en nuances de gris, Parsifal est très beau. Même quand il était tout amoché. Même quand il lui mentait. Même quand il se cachait. Même quand il n'osait avouer. Dans toute son entièreté, Persephone n'avait jamais douté que sa beauté était indéniable, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Mais demander à se renseigner sur quelque chose d'aussi évident, ça serait bizarre. Ca serait se trahir sur sa malédiction. Ca serait lui avouer que oui, tout ne va pas bien dans sa si jolie vie bien rangée de médecin. Et elle ne sait pas si elle serait capable d'affronter son regard si elle le faisait. Alors, comme avec le reste du monde, elle se tait sur ce fait.

▬ Vraiment ? Ca me fait plaisir. Si tu t'endors, je promets de te réveiller ahah.

Et si elle ne voit pas son sourire, elle l'entend dans le bruit discret de sa voix et ça suffit à la ravir. Sur ses lèvres aussi, un sourire bien plus naturel qu'à son habitude a pris place. Un moment de détente réel et réciproque. Sa dernière remarque lui arrache un rire - doux et tout aussi discret. Rien qui n'éclate ou ne résonne. Elle pose le pommeau de douche et attrape une bouteille de shampooing, versant un peu du produit dans ses mains avant de commencer à savonner les cheveux de l'hybride, massant son crâne pour le relaxer un peu plus.

▬ Tu sais, j'y ai pensé quand j'étais plus jeune.

Et pour la première fois, elle se laisse parler d'elle un peu plus, sur un sujet qui ne la gêne pas trop. En tous cas, pas si c'est avec lui.

▬ Quand j'étais à Poudlard, j'ai dû abandonner les rêves que j'avais. Ce n'était pas compatible avec le monde sorcier. J'avais un peu de mal à y trouver ma place, pour tout dire. Je me suis dit que je pourrais devenir auror à la place. Même si bon, comme tu le vois, ça s'est pas fait.

Bien qu'elle se gardera bien de divulguer les raisons de ces abandons.

▬ Pendant un temps, j'ai vraiment réfléchi à mes options. Je me disais que peut-être je pourrais quitter Poudlard après l'ASPIC et retourner dans le monde moldu où est ma famille. Etudier là-bas. Pour devenir coiffeuse éventuellement, pourquoi pas.

Elle repense à ce moment où elle était encore entourée et si heureuse. Où ses rêves ne semblaient jamais trop durs à atteindre. Elle était si douée dans ce qu'elle faisait, dans tout ce qu'elle entreprenait. Et puis, c'est la nostalgie qui la prend. Quand elle repense à un garçon un peu têtu, avec une fierté parfois mal placée et qui aimait beaucoup le thé. Et qu'elle, elle appréciait beaucoup. Parfois peut-être un peu trop, mais malgré le temps, elle n'a jamais réalisé ses propres sentiments. Son sourire s'adoucit un peu plus, pourtant, comme si la tendresse qu'elle avait eu à son égard ne s'était jamais complètement éteinte, malgré le fait qu'il avait quitté sa vie il y a bien longtemps.

▬ Mais quelqu'un m'a dit que c'était une idée absolument affreuse.

Elle rit légèrement, repensant à la colère qui avait habité le Serdaigle quand elle avait mentionné le simple fait de quitter ses côtés.

▬ Il m'a dit de trouver quelque chose à Poudlard. Il m'a dit que j'avais du talent, et que ça serait du gâchis.

Ses mains ne s'arrêtent pas, tout comme ses paroles. Ressasser lui fait, très rarement mais parfois, un peu de bien.

▬ Il était un peu brute dans sa manière de dire les choses mais malgré tout ce que les gens disaient de lui, il n'était pas aussi méchant qu'on voulait bien le lui accorder. C'était toujours un plaisir d'être en compétition avec lui pour les meilleures notes. J'adorais ça.

Et elle taira le fait qu'elle pense que ça lui manque, parfois.
Elle attrape à nouveau le pommeau de douche et commence à rincer la mousse, disant d'un ton amusé pour en cacher la résignation.

▬ Enfin, au final, je ne suis devenue ni auror, ni coiffeuse, et je n'aurai pas utilisé mon talent pour laisser mon nom dans l'histoire. Il serait sûrement déçu, s'il voyait ce que j'étais devenue.

Parce qu'il n'en sait rien, vu que vous ne vous parlez plus.
Elle prend son temps pour être sûre d'enlever tout le produit, humant doucement.

▬ Désolée, je t'ennuie sûrement à ressasser comme une petite vieille, c'est pas bien intéressant.

Elle, en tous cas, elle trouve ce qu'elle dit barbant.

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Elle espère ne pas être chiante. Elle ne parle pas souvent d'elle - elle n'a jamais été trop douée pour ça, mais à force de se refermer, de ne plus rien confier, ça a rendu la chose encore plus dure. Elle, elle adore écouter. Elle adore quand l'on vient se confier à elle. Elle aime plus que tout écouter les autres s'épancher dans ses bras. Elle aime partager les joies comme les peines. Mais lui, lui elle ne veut pas l'attrister. Alors elle n'aura que des jolies choses à lui dire. Des moments qu'elle peut regarder en face et penser que, oui, elle était heureuse à ce moment là. Elle se dit que malgré tout ce qui lui est arrivé, elle a peut-être bien de la chance de pouvoir encore se souvenir de temps heureux. Il lui dit que tout va bien, qu'elle n'est pas agaçante et qu'elle n'a sûrement pas assez coiffé ce pauvre Eamon si c'était sa conclusion. Un nouveau rire lui échappe - gaie, sincère.

▬ Oh si j'avais pu, je l'aurais fait bien plus souvent ! Mais déjà, il m'a laissée le faire quelques fois et c'était plus que ce que je pouvais espérer.

Et oui sûrement que si elle avait su que leur relation finirait par s'estomper, elle aurait été plus insistante, elle aurait été plus audacieuse. Elle se serait assurée de combler toutes ses envies et ses espérances, pour ne pas avoir de regrets. Mais elle ne l'a pas fait et ils se sont séparés, et des regrets c'est tout ce qui comble le creux dans sa poitrine qu'elle n'a jamais su refermer. Elle les traîne à ses pieds sans rien en montrer, sourire aux lèvres.

Et si elle s'était confiée de bonne volonté, sans rien attendre en retour, elle est plus qu'heureuse que Parsifal ne parle un peu de lui à son tour. Des mots qu'elle boit, avide de toujours plus entendre sa voix. Si elle l'aimait quand il parlait de tout et n'importe quoi, pouvoir en apprendre un peu plus sur lui est une aubaine qu'elle n'aurait osé quémander.

▬ Ah ça... La passion, c'est comme une maladie. C'est contagieux et ça se propage vite.

Elle était passionnée, aussi, dans sa jeunesse. Elle avait des rêves de grandeur, de médailles, de jeux olympiques. Elle avait des envies de compétition sans que sa faim ne semble avoir de fin. Vorace, prête à terrasser tous ses adversaires. Mais sa passion est morte avec ses rêves - prématurément. Un joli mot pour marquer la résignation qui vient avec le fait de devenir grand. Quand il semble avoir du mal à parler de son propre corps, elle ne peut s'empêcher de parler.

▬ Je me doute qu'il y a peu de chances que de simples mots ne changent ton opinion sur ton corps. Je sais à quel point c'est dur de s'aimer comme on est.

Elle caresse ses mèches de cheveux qu'elle s'amuse à glisser entre ses doigts en les rinçant.

▬ Mais tu es beau, Parsifal. Très beau. Qu'il s'agisse de ton visage, de tes cheveux, de ton style, ou de tes écailles, tu es absolument magnifique. Je pourrais passer des heures à énumérer tout ce qui est beau, chez toi. Tant au dedans qu'au dehors. Tu es beau, et tu es une belle personne. Peu importe ce que tu peux en penser ou ce que les autres peuvent te dire.

Sa voix est douce, cajoleuse, sincère. Elle ne ment pas dans ses compliments et ça se sent. Persephone, toujours honnête même dans les moments les plus embarrassants. Avec douceur, elle s'autorise à poser ses mains sur sa tête et à venir y déposer ses lèvres. Ses doigts glissent sur le front du jeune homme, y dégage quelques mèches affectueusement. Elle est bien incapable de trouver chez lui un éclat de laideur.

Puis, la question tombe. Sur ses origines, à quoi ressemble son monde. Une seconde de silence en suit. Elle n'y peut rien, dès qu'elle repense au monde moldu, elle pense à eux. A sa famille. A celui qui a détruit sa vie. A ceux qu'elle a détruit. Mais elle ne veut pas lui laisser penser que c'est un monde horrible. Alors, après une légère inspiration, chassant ses pensées sombres, elle se laisse emporter par la nostalgie.

▬ Ca l'est... Ca l'est sans vraiment l'être ?

Elle réfléchit alors qu'elle attrape une petite bouteille de soin pour cheveux, commençant à s'en servir sur la chevelure en face d'elle. Elle songe. Pense. Ressasse. Elle n'est pas froissée. Elle a juste un peu de mal à choisir quoi lui raconter.

▬ Ca fait un moment que je n'y suis pas retournée, pour tout dire... Mais c'est grand, comme monde. Tellement vaste. Comparé au Londres magique... Les gens n'ont pas de baguettes ou de sorts, évidemment. Du coup, ils se reposent beaucoup plus sur la technologie. Pour la majorité, en tous cas. Il y a toujours des exceptions.

Alors qu'elle masse et mousse, elle repense à sa ville natale.

▬ Je n'ai pas beaucoup voyagé... Je suis allée en France plusieurs fois quand j'étais enfant. C'est très différent de l'Angleterre. Mais au final, que ça soit le monde moldu ou le monde magique... C'est fondamentalement la même chose. Des gens qui vivent dans une société avec des règles, avec des gens qui les brisent, d'autres qui ont des rêves pleins la tête...

Une pensée l'effleure et après une hésitation, elle se laisse aller.

▬ Je pourrais te le montrer, si tu veux le découvrir.

Une proposition osée, elle s'en rend bien compte. Mais ça n'a pas besoin de devenir concret. Ca peut rester un doux rêve, une utopie qu'ils crèveraient de réaliser. Si ça leur permet d'avancer un peu plus, c'est aussi bon à prendre.

▬ Je suis sûre que si on faisait attention, personne ne remarquerait ta différence. Les gens n'y font pas tant attention que ça. Et s'ils voient, on pourrait toujours prétendre quelque chose. Comme du maquillage, un cosplay... C'est facile de trouver des excuses.

Elle s'autorise à fabuler un peu sur la chose.

▬ On n'a pas à aller super loin non plus. Elle n'a pas envie d'y retourner. Mais elle voudrait tellement lui montrer. De là où je viens, au nord, c'est très joli. Y'a la mer pas loin aussi. Ca serait bien si on pouvait aller à la mer. Tu imagines ? Pouvoir nager dedans ? Ca serait mieux que ma baignoire hein.

Elle rit, doucement. Bercée par les espoirs. Bercée par des rêves où ils ne seraient pas entravés par les ombres qui les recouvrent. C'est beau parfois de se laisser rêver. Ca laisse penser qu'il n'est pas encore temps de mourir.

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Il lui dit ne pas mériter ses doux mots - elle se doutait de ce genre de réactions. Elle la connaît bien, elle pense la même. A chaque fois qu'on lui dit qu'elle est jolie, qu'elle est douce, qu'elle est gentille, elle sourit simplement - merci disent ses lèvres, sans conviction. Elle a l'impression de tenir le monde dans le creux de sa main et de s'en jouer ; pas comme un villain. Juste comme une menteuse. Elle est de ces gens qui pensent avoir réussi à berner tout le monde, qui ne se sentent légitimes pour rien - l'amour des autres, les cadeaux qu'on peut lui offrir, les tendresses qu'on peut lui faire, son métier même ; est-elle réellement qualifiée pour sauver les autres quand elle a détruit la vie de tant de personnes ? Elle ne le pense pas. Sa promotion avait été une fierté de très courte durée ; un mensonge de plus qu'elle avait entassé. Des soirs, elle se dit que son poste reviendrait sûrement à quelqu'un de plus qualifié. C'est un peu triste que les gens comme eux ne pensent avoir droit à rien quand ils donnent tant - ça prouve que le bonheur n'est pas une question de méritocratie. Sinon, ils seraient des saints au milieu des anges, vivant une utopie absolue.

▬ De rien. Et même si tu ne penses pas le mériter, je te le dirai autant de fois que nécessaire. Ou autant de fois que j'en ai envie, d'ailleurs.

Elle est espiègle, parfois. Fourbe dans sa douceur. Elle ne laisse personne y échapper. Son rire nerveux et ses explications lui font faire une moue rare - il ne peut pas la voir, alors elle s'en fiche. La mer n'est pas une option, dit-il. Certains s'avoueraient vaincus, laisseraient sortir un aw, c'est dommage ! et s'arrêteraient - mais Persephone, au travers des années, est toujours aussi têtue. Alors elle continue.

▬ L'eau douce, uh... Une piscine alors, peut-être ? Une très grande. Je me demande s'il y a des parcs aquatiques quelque part... Ca pourrait être drôle. Enfin je suis pas une très bonne nageuse mais je suis sûre que ça serait amusant malgré tout. Tant qu'on pense un moment ensemble, ça sera toujours amusant.

Elle frotte gentiment ses cheveux. Elle sait que ça ne se réalisera pas. Elle sait qu'elle ne peut pas l'arracher à la cage dont il est prisonnier. Mais elle peut peut-être le nourrir d'espoir, de rêves d'avenir, même si c'est incertain. Lui faire regarder un peu plus haut que ses pieds, même quelques heures. Peut-être que dans les moments les plus durs, il pourra y repenser. Et peut-être que ça l'aidera un peu à se relever. Elle, ça fait longtemps que les rêves ne suffisent plus. La chute, elle ne s'en est jamais remise. Elle est restée au sol ; trouve toujours le moyen, semble-t-il, de chuter plus bas. Elle sait - et elle ne veut pas que, pour lui, ça soit comme ça. Alors des rêves à lui donner, elle en a. Elle en aura toujours.

Un maigre silence s'installe - pas forcément gênant. Elle ne cherche pas à le combler, se contentant du bruit de ses mains qui moussent et de la musique du téléphone qui emplie la pièce confortablement. Et ses mots la ravissent. Un sourire doux naît sur ses lèvres, contente d'avoir réussi à faire grandir l'idée dans son esprit.

▬ Peut-être, oui. Ca serait bien.

Peut-être, c'est tout ce qu'elle demande.
C'est largement suffisant, un peut-être.
Elle reprend le pommeau de douche et recommence à rincer, une inspiration contente la prenant. Elle se sent bien. Relaxée. Triste, déçue, coupable. Ca, ça ne part jamais. Mais relaxée. Ca fait longtemps qu'elle n'a pas su détendre ses épaules et profiter d'un moment de quiétude. D'une aisance avec quelqu'un. D'une complicité réelle et pas superficielle, malgré la distance qu'ils s'efforcent de garder entre eux. Le bruit de l'eau qui coule, la chaleur du bain - elle aimerait en voir les couleurs, ça doit être si joli, et Parsifal. Elle a toujours été étonnée de sa facilité à le toucher. Elle n'en avait rien dit, n'avait jamais mentionné la rareté de la chose, bien qu'elle ne se collait aucunement à lui et qu'elle ne cessait de se désinfecter les mains à chaque fois, mais la peur qui venait naturellement avec la chose semblait rugir en elle à un degré moindre et presque supportable. Presque. Elle essaye de se convaincre que les produits qu'elle utilise laveront tant les cheveux de son ami que ses propres mains. Espère que ça sera suffisant pour ne pas le salir de ce qui la ronge. Elle n'en dira rien. Un voeu égoïste qui n'est que sien.

▬ Tu voudras faire quelque chose de spécial pendant que je m'occupe de sécher tes cheveux, après ? Regarder un film, te faire les ongles, manger quelque chose, lire...

Elle dirait bien jouer, aussi, mais sa maison ne recelait pas exactement de divertissements en tous genres. Majoritairement de livres et de dossiers. Beaucoup de café. Quelques snacks toujours prêts pour la venue de qui que ça soit. Du thé, aussi. Beaucoup de thé. Et Salem. Mais Salem n'était pas une attraction. Même si c'était parfois très drôle de le faire s'enrouler autour d'elle, elle savait pertinemment que ça n'était pas au goût de tout le monde.

▬ Ou dormir. C'est une option valable, si tu es fatigué.

Elle réfléchit une seconde avant de rire, un peu gênée.

▬ Désolée, il n'y a pas grand chose à faire chez moi, au final. Je passe majoritairement ma vie à l'hôpital alors mon apart n'est pas bien fourni pour les invités... Je reviens majoritairement pour dormir ou travailler.

Même pas pour manger.
Faut dire qu'elle ne sait pas très bien cuisiner.
Le docteur qui se contente souvent de plats préparés achetés à la volette au supermarché à des heures improbables quand elle rentre du boulot.
Faites ce que je dis mais ce que je fais.

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C'est un rare rire soufflé qui lui échappe - presque inaudible. Elle trouve ça un peu drôle qu'il soit si ancré dans la réalité alors que leurs fabulations ne sont que ça - irréelles et irréalisables. Elle en est parfaitement consciente. Alors, pour se venger un peu, elle frotte légèrement ses cheveux avec un peu plus d'énergie - pas assez pour faire mal, jamais elle n'oserait, mais juste assez pour surprendre un peu.

▬ Mais dis donc c'est que tu as des goûts de luxe ! Même Salem n'est pas aussi demandeur.

Elle charrie, évidemment. Pour lui, elle réunirait toutes les conditions les plus improbables pour le satisfaire. S'il le fallait, elle lui trouverait sa propre piscine d'eau douce, sans chlore, sans rien pour abîmer ses branchies et ses écailles. Quand on veut refaire le monde pour quelqu'un, une piscine ce n'est pas bien cher payé. Et puis elle retourne à ses questions. Elle réfléchit. Quel genre de livres a-t-elle chez elle, déjà ? Au final... Elle a surtout des dossiers en tous genres. Même à la maison, le boulot prône. Elle continue de masser, plus doucement évidemment, en songeant à la chose.

▬ Hmm... Je dois avoir quelques livres pour enfants, des livres de cuisine que j'ai jamais utilisé... De la philosophie moldue et magique... Des romans fantastiques aussi. Beaucoup de pollars et de thrillers. Et je dois avoir quelques bouquins de romance, aussi.

Puis elle bombe un peu le torse - bien qu'il ne puisse pas la voir.

▬ Pour le vernis, j'ai tout ce qu'il faut. Ca fait un moment que je l'ai pas fait parce qu'au boulot c'est pas terrible, mais je peux t'apprendre ! J'ai pas beaucoup de couleurs par contre. Surtout du noir.

Et puis elle secoue un peu la tête. Son travail n'excuse rien, elle le sait. Occupée oui, mais des millions de personnes le sont et continuent d'avoir des passe-temps au lieu de mourir dans le travail comme elle le fait. Par choix.

▬ Quand bien même. Vu que je sais que tu viens, je pourrais trouver quelque chose d'un peu plus distrayant.

Elle attrape le pommeau de douche et recommence à rincer, une dernière fois. Elle profite de la sensation, sachant très bien que ça va se terminer trop vite à son goût. Son pantalon est définitivement mouillé, depuis le temps, mais elle n'en a que faire. Malgré tout, elle demande.

▬ Est-ce que ça serait ok que je te coiffe, une fois tes cheveux secs ? Ils vont être si doux...

Elle ne peut pas s'empêcher d'imaginer la chose et de retenir son impatience. Elle peut déjà imaginer les coiffures élaborées qu'elle peut faire avec la chevelure de son ami. Enfin, seulement si elle en a le droit, évidemment. Jamais rien pour brusquer, jamais rien pour gêner.

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A nouveau, sa réponse l'amuse. Dans un élan d'honnêteté, elle s'autorise à avouer.

▬ Pour tout dire, je n'ai jamais ouvert les bouquins de recettes. Je suis absolument nullissime en cuisine. Je sais faire des pâtes et du riz et c'est à peu près là que mes talents s'arrêtent.

Autant dire qu'elle mange dehors, souvent.
Même pas bien, en plus. Juste des repas tout prêt qu'elle n'a qu'à réchauffer. Le genre de trucs qu'on jette dans le micro-onde et qu'on mange hâtivement en continuer de travailler, comme si manger était la pire des corvées. Elle s'occupe de rincer les dernières traces de produit de ses cheveux, prenant son temps pour faire durer ce dernier plaisir égoïste dans la salle de bain.

Les livres pour enfant, en revanche... un plaisir coupable. Une nostalgie de ces soirées où ses parents, tour à tour, lui lisaient des histoires qui l'emmenaient dans des rêves merveilleux. Les mêmes livres que ses frères se mettaient ensuite à lui lire, un prétexte simple pour étendre le temps qu'ils passaient ensemble chaque jour. Inséparables jusque dans les confins de la nuit. Même aujourd'hui, à chaque page tournée, elle repense à eux. C'est pour ça qu'ils étaient restés fermés et rangés ces dernières années.
Y repenser ne lui amenait plus les mêmes sentiments qu'autrefois.

Alors sa réponse enjouée la tire de ses contemplations moroses, la ramenant dans un moment plus doux et tendre, qu'elle chérie parce qu'elle le sait bien éphémère. Qui sait quand le monde viendra lui arracher Parsifal ? Qui sait quand elle perdra encore quelqu'un ? Qui sait quand elle finira définitivement seule et isolée comme elle semble le chercher ?
Pas elle.

▬ Merci, Parsifal.

Un merci anodin, qui pourtant, pour elle, signifie bien plus.
Mais elle taira ses sentiments - elle ne veut pas l'enchaîner dans son adoration. Il semble avoir assez de démons. Elle coupe l'eau, le shampoing et le rinçage finit, s'occupant de remettre le pommeau à sa place. Elle redescend ses manches mouillées rapidement sur ses bras alors qu'il ne se retourne vers elle et qu'elle ne lui offre l'un de ses sourires.

▬ Comme tu le veux.

Délicatement, elle se saisit d'une de ses mèches de cheveux, l'enroulant autour d'un de ses doigts, pensant déjà à la coiffure qu'elle lui fera.

▬ On peut les sécher ici, même si l'eau risque de refroidir éventuellement, ou dans le salon pendant que tu regardes la télé ou que tu lis. Ou que tu te fasses les ongles. Tout ce que veux.

Toujours tout pour lui, jamais la moindre hésitation.
Elle délaisse ses cheveux pour se lever et attraper une serviette, douce et confortable, retournant ensuite à son tabouret pour aller la mettre sur sa tête, enlevant déjà une part de l'humidité qui s'y trouve.

▬ Qu'est-ce qui te fait le plus envie, Parsi ?

Car c'était ce que lui voulait, qui comptait.
Elle, elle n'était là que pour donner.
C'est ce qui la comblait le plus, après tout.