Le regard malicieux le contact subtil ses orbes, surprises, ne peuvent détourner le regard un instant de sa présence - il est dévastateur Oswin mais Avalon ne s’en rend pas encore compte. Rassuré pourtant, quand il lui assure ne pas avoir l’intention de valser. La danse ? Très peu pour lui ; et quand bien même il n’y voit que lui, Avalon ne peut s’empêcher de se sentir étouffé et écrasé par les regards. Mais c’était bien plus par simple embarras qu’autre chose.

Alors quand il s’éloigne de quelques pas, Avalon lui offre un regard interrogateur - qui ne tarde pas à devenir intéressé. Oswin fragmente l’univers, il décompose les basses les sons les chants pour museler le banal ; il découpe les faisceaux lumineux pour les lui offrir. Alors le son n’est qu’une rythmique détonnante et il n’est rien d’autre que la pièce maîtresse, il détonne dans sa spécificité et surplombe dans sa frénésie ; et il sourit Avalon et les nymphes viennent cueillir des rires impressionnés aux commissures de ses lèvres. Des rires parce que lui aussi peut s’amuser sans s’efforcer d’être comme tout le monde ; ils ne sont pas comme tout le monde.
Alors ses doigts qui se faufilent sur ses épaules animent son échine d’un frisson incontrôlé et il ne sait pas Avalon la raison de cette attirance qu’il ne peut manifestement pas retenir - il n’en a pas peur mais il l’appréhende.
Et si c’est bien une invitation qu’il décèle il y répondra, peu importe s’il faut que de trop près on le regarde - il se détachera volontiers de son enveloppe ; il discerne l’envie qui agite ses membres alors il renchérit volontiers.

— Je ne suis pas aussi doué que toi mais je peux m’y essayer, je suppose. Sourire qui anime son visage alors qu’il se détache soudainement du reste et qu’il rejoint alors Oswin dans cette atmosphère qu’ils ont eux-même créé. Il n’y a ni foule ni obstacles, le temps s’anime et le métronome rythmique se déconstruit au fur et à mesure que son corps s’articule. Ce n’est pas aussi effréné que lui mais peut-être plus impétueux. Ce n’est pas aussi gracieux et adroit que ce monde qui les entoure mais l’élégance est bien trop prisée chez les artistes de la scène pour qu’il se prête à vouloir leur ressembler - lui n’a jamais été trop élégant dans une forme qui plairait au monde, alors autant l’être dans une forme qui lui plairait à lui.

Il n’a jamais apprécié les fêtes, jamais plus les foules, encore moins la danse - toutes les futilités prisées par les nantis, tout ce qui semblait si banal que ça en devenait futile. Quand il observait le manoir des Rosenwald devenir une fourmilière grouillante d’insectes la nuit, alors il s’enfermait toujours à double-tours dans sa chambre, pour être sûr qu’on ne l’efforce pas d’y sortir.
Et pendant que les basses venaient cogner contre les murs, l’appeler jusqu’au travers des portes de l’Enfer - Avalon ignorait Cerbère. Il l’ignorait mais il le terrifiait alors il plongeait son esprit dans les livres ; il remuait sous sa couverture les feuilles de papiers, griffonnait et s’enivrait de tout ce qui était susceptible de l’intriguer.
Pas les autres ; ou seulement lorsqu’ils étaient intéressants.

Mais Avalon n’avait jamais vraiment dansé, encore moins ici - seul sa silhouette animée par quelques verres était capable d’ainsi se mouvoir mais pourtant ce soir, c’est un tout autre opium avec lequel il s’est enivré pour trouver la volonté de se fondre parmi le monde.
Et ses mouvements n’ont pas de sens - il a suivi une rythmique décomposée, qu’Oswin lui-même lui a offert. Parce que c’est cet opium dont il n’arrive pas même à se lasser et ses fuselées s’accrochent, s’amourachent, se crèvent contre leurs homonymes alors qu’il pivote, et trois pas, puis deux et ses bras fondent le long de son corps, et c’est soudain. Il respire à nouveau quand le contact de ses mains le surprend dans sa frénésie. Hors de l’eau pourtant, s’il est un pêcheur il se laissera volontiers happé par la cantilène de la sirène. Il sera alors tout à elle ; il était déjà tout à elle. Et ses mains agitées viennent rejoindre les siennes ; et son sourire lui en arrache un autre.

Et son regard, ses mots, ses murmures lui arrachent le coeur ; Avalon pourtant ne cherche pas à le retenir. Mon coeur ? Mais je te le laisse - les ronces qui l’enserrent redoutaient ce moment, le moment où il lui offrirait finalement. Mais ce n’est qu’un coeur, un palpitant qui n’a attendu que d’être offert alors Je te l’offrirai volontiers. - et les ronces lâchent, déchirées de n’avoir pu résoudre leur propriétaire.

— Mais je n’ai jamais été parfait, Oswin. Jamais, mais il s’en moque bien, tant qu’il lui est suffisant. Tant qu’il lui arrache des sourires et des rires, des baisers qui font s’étendre les étoiles au dessus d’eux et rendre jaloux les astres qui ne peuvent eux, que se désirer. La perfection, ça importe peu car ce soir - ou peut-être depuis longtemps déjà il s’est amouraché de lui, pour constater sans peine cette plaie béante contre sa poitrine vide. Ce n’est pas grave, si c’est à lui qu’il l’offre.

— Je t’apprécie moi-même un peu trop. Et s’il se laisse captiver par les baisers et les étreintes, sais-tu Oswin que Cendrillon quand vient minuit s’enfuit ; parce que la nuit n’est pas éternelle. Parce que sous les éclats de lune il est facile d’offrir son coeur mais qu’une fois l’aube éclatante il constatera simplement ce vide béant dans sa poitrine - trop comblée par tout l’amour que tu lui as donné. Il trouvera le jour trop obscur parce qu’il aura voilé la nuit de tes rayons - alors il se terrera dans l’obscurité en espérant que les étoiles lui ramènent ce qu’il a perdu.
Et s’il l’embrasse Avalon s’il s’accroche terriblement contre lui - c’est parce qu’il a peur de tomber, car ça pourrait peut-être bien arriver. Fais en sorte que je ne l’oublie jamais. Parce que je ne veux jamais t’oublier.