Difficile de retourner sombrer dans le sommeil lorsqu'au travers de la nuit il la vit quitter le manoir.
Il la suivie sans un bruit, conscient que pourtant elle saurait qu'il est dans son ombre.
Elle le savait toujours.
Pourtant, lorsqu'il parvient à son niveau, au cimetière, elle semble surprise de le voir. Tendrement, il lui sourit, s'avance, vient envelopper ses épaules d'un épais plaid de laine.

Je n'ai fait que te suivre. Tu devrais mieux te couvrir, les soirs sont frais.

Un clin d'oeil. Un souvenir, d'un passé si lointain qu'il semble appartenir à une autre vie. Il avait déjà recouvert ses épaules lors d'une froide nuit à Poudlard.
Elle s'en souvenait probablement aussi.
Face à lui, elle se détache de la pénombre par sa pâleur divine - fantômatique. Peut-être était-elle à sa place ici, reine des lieux, reine des défunts. Une ombre dans le regard de Galaad alors qu'il se demande si lui avait toujours sa place à ses côtés.

Tu as parcouru une distance qui ne peut être comptée en pas humains.

Il lui offre un sourire tendre, alors qu'il lève la main pour mettre une de ses mèches derrière son oreille.

Je ne suis qu'un voyageur, et toi une vagabonde, Fallen. Les mondes que tu foules sont bien différents des maigres collines que j'arpente.

Il l'observe, il penche la tête, esquisse un demi-sourire en venant effleurer sa joue.

Moi si, et ta peau est glaciale.

L'annonce fait s'arquer un de ses sourcils alors qu'il détourne les yeux.
Si elle passait les murs, il était certain qu'elle serait froide comme les tombes les entourant. Peut-être était-elle réellement morte - peut-être qu'il avait face à lui un cadavre ambulant qui aurait besoin que l'on le recouse lorsque le temps lui prendra sa force.
Il serait son couturier s'il le fallait.

Je ne cherche pas à t'éloigner.

Il l'oeille lorsqu'elle complète sa pensée, lui offre un sourire franc, avant qu'il ne rit doucement, sorte une petite flasque d'une de ses poches et en tire une gorgée - l'alcool brûlant son oesophage alors qu'il la lui tend.

Je ne dissimule rien. Je cherche simplement mes marques - je les ai perdues depuis le temps.

Expiration quelque peu tremblante, il se met à côté d'elle et appuie son épaule contre la sienne.

Veux-tu perdre ton chemin avec moi, Fallen ?

Un rire, Galaad détourne les yeux, baisse les paupières ornées de longs cils blonds pour dissimuler la rougeur de ses joues qu'il pourrait blâmer sur l'air frais.

J'ignore si tu peux tomber malade, mais autant l'éviter.

Tant de belles paroles pour dissimuler ce qui aurait pu n'être qu'un simple 'oui', qu'il a préférer dissimuler dans ce sourire en coin mutin, qu'il sait parfaitement bien qu'elle saura correctement interpréter.

Oui.

Il ne soulève pas le reproche, ne cherche même pas à s'en cacher, non. La flasque ni acceptée ni refusée est rangée, et il hausse légèrement les épaules.
Dans le froid des plaines découvertes, il n'y avait rien pour apaiser le froid que le vent et la solitude imposaient à un corps trop épuisé pour réellement s'en protéger.

Je voulais arrêter. Ce n'est plus une addiction, tu sais. Ce n'est rien qu'un remède au froid désormais.

Au froid de ses pensées qui peinent à s'ancrer, au froid de son corps qu'il ne parvient pas à réchauffer.
Qu'il ne parvenait pas à réchauffer.
Lorsqu'elle le contourne, l'avise comme un cavalier, comme le cavalier qu'il est, à son service et à ses pieds, la fierté enfle son torse et le réchauffe. Au fond de son esprit il vient tout de même à s'en demander - était-il tant pathétique que de ne savoir exister qu'au travers de ses ordres et de son regard acéré ?

Veux-tu réellement retourner dans le passé ?

Il penche la tête, s'avance d'un pas - vient tendre les doigts avant de les laisser retomber.

J'ai connu le vent des plaines, et tu as connu le froid du cercueil. Je ne suis pas sûr que le chemin nous laisse retourner sur nos pas.

Il ne regarde pas le château, non, il préfère regarder sa propriétaire, la reine de ce royaume froid et glacial sur lequel elle fait sonner le glas de l'action et de la fin de l'insouciance.

Sûrement. Je ne connais pas... Les spécificités de ta condition.

Un sourire lorsqu'elle le scrute, il rit doucement à sa conclusion, secoue la tête, reprend une gorgée brûlante et range la flasque toujours au même endroit, contre son coeur - conscient qu'un jour son emplacement le sauvera, car le cuir de dragon repoussera tout sort qui viendra s'en prendre à son palpitant.
Lorsqu'elle le saisit par la joue, pourtant, il réalise qu'elle n'a même pas besoin que ce dernier soit exposé pour l'atteindre.

Faisons cela alors. Ensemble, comme autrefois. Nous deux contre le monde et contre leurs idées préconçues si aisées à abattre.

Il l'observe encore un instant, frissonne.

Non. Je pensais revenir, et j'étais en chemin, lorsque l'annonce m'a été faite. J'ai craint être arrivé trop tard, tu sais.

Sa main se glisse sur le menton de Fallen, le relevant vers lui pour l'observer attentivement, explorer les traits de son visage.

Je voulais conquérir quelque chose que j'ai craint perdu.