Six heures du matin, emmêlé dans des draps défaits, Sambre observe fixement le plafond comme si toutes les réponses de l’univers y étaient inscrites. Il avait perdu le compte quant au nombre de fois où il avait attrapé son pineapple pour finalement ne pas s’en servir. Perdu entre un état de semi-somnolence qui ne laissait pourtant pas le sommeil le gagner tant son esprit était encombré de mille et une questions sans réponse. Celle qui revenait le plus souvent, et la meilleure d’entre toutes : Où était passée sa vie si facile et sans questionnement ?
Encore une fois, elle restait sans réponse.

Finalement, à six heures quarante-six, Sambre avait repris le téléphone pour finalement envoyer trois messages après moulte négociations avec lui-même. Le troisième lui avait légèrement fait mal à l’égo, quoi que pas plus que le premier si on était vraiment honnête, mais demander de l’aide à Mads, malgré leurs relations plus apaisées qu’à leur première rencontre, ça lui arrachait toujours un petit peu la gueule.
“Mads, comme je sais que tu bosses pas vraiment en vrai, passes me voir quand tu auras deux minutes.”

Sambre se réveillera finalement deux heures plus tard, visiblement soulagé d’avoir fait taire sa fierté pour appeler à l’aide.
Au réveil, il a encore changé d’avis et douze fois, il songe à poser un lapin à Mads juste pour ne pas avoir à expliquer la situation, envisageant même un itinéraire démesurément long et détourné pour ne finalement pas être chez lui quand le détective sonnera.
Cela dit, même si leur relation était de moins en moins tendue, l’idée de se manger son poing dans la figure après l’avoir fait venir pour rien plane encore au-dessus de sa jolie tête blonde et il valait mieux ne pas tenter le diable.

De toute façon, il venait à peine de sortir de sa salle de bain qu’on frappait déjà à la porte.
Pendant un bref instant, Sambre se fige en imaginant que ce n’est pas le détective derrière, mais bien le problème qu’il aimerait régler.
Quand il se rappelle que Nimrod ne prendrait pas la peine de frapper, il est presque rassuré et vient ouvrir pour laisser Mads entrer dans ce loft immense qui lui sert d’atelier. L’odeur de la peinture et des plantes séchées embaumes l’unique pièce. L’artiste lui, a les cheveux encore mouillés, le cou marqué de manière fort peu discrète et l’air fatigué.

- T’aurais pu me ramener un p’tit déj.

Rustre, comme d’habitude, et aucune manière lorsqu’il entrait chez les gens. Tel était le détective.
Et Sambre, princier, exigeant, épuisé de sa nuit à ne pas dormir, ne lui dira pas tout de suite merci pour sa présence. Ce serait trop simple.
Et puis, une petite voix lui soufflait que Mads serait bien trop heureux de le taquiner sur son état pour que Sambre ait envie d’être poli. Même si au fond de ses yeux violines, il lui était reconnaissant d’être déjà là.

- Fais comme chez toi. Enfin… Je m’entends… Non, fais plutôt comme si tu étais dans un musée, et ne touche à rien.

@Mads M. Kovačić aled

Quand Sambre ouvre la porte, son premier constat du jour c’est d’avoir l’affreuse surprise de voir que Mads avait l’air beaucoup plus frais que lui, donnant au détective une raison de plus pour se foutre de lui indéfiniment. Il ne louperait jamais une occasion pareille.
Et bingo. S’il avait pu parier sur la première phrase prononcée par Mads à son arrivée, il aurait probablement gagné. Sans surprise, une remarque sur sa mine et le “blondinet” grimace. Un soupire accompagne la porte qui se referme lentement derrière eux alors que Sambre marmonne, contrarié.

- C’est pour être à ton niveau sinon j’suis trop beau.

Acide. La fatigue le rend maussade, les événements récents aussi. Mais malgré tout, même s’il ne l’admettrait jamais vraiment à haute voix, ce serait dommage d’être honnête, sa présence le soulage et le rassure. Le fait qu’il soit venu aussi vite également.
Sambre se dirige vers le canapé qui trône au milieu du loft particulièrement haut sous plafond, mélange d’atelier et de lieu de vie minimaliste. Il avise son lit défait et le reste de l’appartement mais décide d’avoir la flemme de rendre le lieu présentable.

- Ça va, ne te vexes pas, je veux juste que tu évites de mettre tes gros doigts indélicats sur mes peintures.

Se glissant dans la cuisine ouverte, séparée du reste par la simple limite d’un carrelage noir et blanc, il s’occupe de préparer un café pour son invité, de mauvaise humeur mais tout en sachant recevoir. Il avait volontairement ignoré la question pour se laisser le temps de songer à une formulation qui ne lui donnerait pas un air trop désespéré.

- Princesse… Vraiment… Mads.

Une main dans ses cheveux blonds, un autre soupire passe la barrière de ses lèvres.
Nouvelle moue boudeuse également, alors qu’il lui tourne le dos pour ne pas affronter son regard azur immédiatement, trop clair pour ne pas se sentir transpercer par lui. Il réfléchit et regrette brièvement d’avoir eu l’idée de lui en parler.

- J'aimerais que tu… me rendes un service. Enfin. Non. C’est pas ce que je voulais dire. Je te paierai.

Hors de question de lui être redevable de quelque chose, Mads serait trop heureux de le lui rappeler jusqu’à sa mort. Il fixe les tasses et pourrait se noyer dedans à force de les contempler.

- Si tu as du temps, peut-être que tu pourrais faire une recherche pour moi. Sur un type qui me fou les nerfs en pelote.

@Mads M. Kovačić aled

Sambre claque de la langue et grimace silencieusement en dardant ses yeux violines sur Mads et son habituel sens de la délicatesse. Honnêtement, de part son humeur massacrante, si le potionniste avait pu se trouver assez proche pour le mordre, il l’aurait sans doute fait, ne serait-ce que pour se calmer les nerfs. Bon d’accord, il n’y aurait peut-être pas mis les dents, mais une bonne claque aurait fait l’affaire.

- Je pourrais regretter ?! Pourquoi ? T’es si mauvais que ça avec tes doigts ? “Attention”... Tsss…

Une nouvelle vacherie balancée entre eux et dont le passif-agressif avait été un réel soulagement pour Sambre dont les épaules se détendent un peu. Légèrement. L’ambiguïté lui a échappé sur le moment, mais quand il s’en rend compte, il se rend compte qu’il aurait peut-être dû la boucler, encore une fois. Mads avait tendance à rebondir sur tout et n’importe quoi.

Quand le détective le presse, Sambre se tasse un peu, serre les dents, fronce les sourcils. Bordel, ce fichu moment où il avait osé lui envoyer un message, il aurait mieux fait de se casser une jambe. A quel moment avait-il pu croire que Mads était une bonne solution ?
Sa gorge se noue brièvement quand il fait le tour de la question. N’était-il pas sa seule solution, en ce moment ?  
Une solution particulièrement irritante mais on avait rien sans rien. Et l’artiste fusille le rustre du regard.

- Je rêve où t’es entrain de dire que je suis une petite chose fragile ? N’importe qui de normalement constitué n’arriverait pas à te supporter ! Je vais t’en faire bouffer de la soie.

Un nouveau soupir lui échappe encore alors qu’il se masse une tempe de sa main libre, quand l’autre tremble légèrement, faisant vibrer délicatement le café à l’intérieur. Il fallait vraiment qu’il se calme. Mads n’était là que depuis quelques minutes à peine.
Et il s'adoucissait, aussi incroyable que cela puisse être. Alors Sambre respire et vient se glisser sur son canapé, et souffle quelque chose qui lui aurait arraché la gorge en temps normal, mais étrangement, pas aujourd’hui.

- Désolé… Je suis un peu tendu en ce moment. Tu peux prendre le temps que tu veux.

L’effort fait des deux côtés, Sambre invite le détective à venir s'asseoir près de lui d’un coup d'œil. Du bout des doigts, il avait attrapé sa baguette pour débarrasser la table basse d’un reste de peinture, et le lit aussi à droit à son petit coup de neuf. Il avait changé d’avis. Si Mads devait rester un peu, c’était mieux.

- Je n’ai que son prénom. Nimrod. Et j’ai pas cherché plus loin parce que je voulais pas chercher plus loin. Je me suis dit qu'en ignorant, ça passerait tout seul. J’aime bien faire l’autruche sur mes problèmes.

Un rire nerveux, alors qu’il réorganise ses idées entre deux gorgées de café brûlant. Est-ce que Mads avait vraiment besoin de savoir qu’il était entré ici par effraction ?

- J’aimerai savoir… je sais pas. Qui c’est ? Qu’est ce qu’il a foutu avec ma mère pour qu’elle puisse lui demander de garder un œil sur moi.

@Mads M. Kovačić aled

Qu’il reste debout, Sambre répond d’un haussement d’épaules en roulant des yeux. En vérité, il aurait grandement préféré qu’il s’assoie, simplement pour ne pas avoir à lever les yeux vers lui, plus qu’il ne le faisait déjà lorsqu’ils étaient tous les deux face à face. Mais tant pis, à leur distance, l’impression d’être minuscule face à lui était amoindrie.

Cette même distance était aussi un bon moyen de pouvoir parler sans se sentir encore plus oppressé par son impatience et son regard de glace.
Mais du coin de l'œil, Sambre n’avait pas manqué de jauger l’attitude du détective qui réceptionne alors les maigres informations disponibles pour la tâche dont il aurait à s’occuper.
Et sentant la mauvaise blague arrivée quand il l’entend pouffer comme un adolescent attardé, ses yeux fusillent Mads avant qu’il n’ait l’idée d’ouvrir la bouche pour autre chose que ce pourquoi il avait été sonné.
Étrangement, il se tient. Sambre n’en croit pas ses oreilles mais préfère se passer de commentaire.

- Est-ce que tu es toujours aussi condescendant avec les personnes qui veulent te donner du travail ou est ce que je dois me sentir flatté par ce traitement spécial  de goujat ?

S’il avait appuyé sur le mot “con”, c’était tout à fait fortuitement, à n’en pas douter.
Agacé, Sambre secoue la tête en singeant le discours de Mads silencieusement et de manière parfaitement immature. De quoi il se mêlait au juste ? Pourquoi ne pouvait-il pas se contenter de ramasser l’argent qu’on lui offrait, même sans guetté de cœur.

Quand Mads se rapproche, le potionniste se tasse un peu dans son canapé en serrant les dents, hésitant à faire comme s’il n’était pas à quelques centimètres de son visage, et à l'ignorer, tout simplement. Mais sa proximité insistante lui colle un frisson tout le long de l’échine, lui faisant relever le menton, pour poser sur lui un regard impérieux.

- Je te demande juste de faire ce que tu sais faire de mieux. Alors pourquoi tu m’emmerdes ? Tu seras payé, tu devrais être content.

Poison craché mais qui ne le fait pas se sentir mieux. Quand leurs regards se croisent, Sambre déglutit difficilement, composant avec la désagréable imprévisibilité de l’individu qui lui faisait face. Malgré tout, il soutient son regard un instant, les sourcils froncés comme si sa présence l’indisposait.
Et puis finalement, ses yeux se détournent et sa main libre attrape le menton de Mads pour le repousser sans délicatesse.

- Recule merde ! Tu m’oppresses !

Ce qu’il pouvait détester cette attitude que le détective avait constamment. Cette assurance et cette façon de le faire se sentir, comme il le disait si bien, aussi doux que de la soie, aussi friable qu’une feuille morte entre ses doigts.
Même l’apparent contrôle qu’il avait habituellement avec ses jolis sourires et ses battements de cils semblaient dysfonctionnels et inutiles avec lui.

- Je l’ai trouvé chez moi en rentrant d’un vernissage, en pleine nuit.

Il s’arrête là. Hors de question d’admettre que la peur le ronge depuis. Que les substances récréatives sont ses meilleures amies pour pallier tout ce qui part en vrille dans sa vie.
Mads n’était pas quelqu’un à qui on se confie. Juste celui qu’on paye pour ce qu’on se refuse à faire soit même.

@Mads M. Kovačić aled

Si un regard pouvait tuer, Mads serait probablement déjà mort des dizaines et des dizaines de fois en une seule matinée. Car même s’il avait consenti à s’éloigner un peu du canapé, Sambre ne le lâchait plus de ses yeux violines qui semblaient reprocher au détective tous les malheurs de sa vie sans exception.
Ses lèvres se pincent au résumé, accompagnées d’un petit “C’est l’idée.” alors que le jeune homme préfère ne pas relever la remarque bien trop vraie pour qu’il ait envie d’en rire. Ce type d’humour n’avait jamais été sa tasse de thé, d’autant plus lorsqu’il en était plus ou moins la victime.
Et l’humilité ne dure jamais bien longtemps avec Mads, de toute façon.

Sambre plisse alors un peu plus les yeux, détaillant son aîné dans moufter, les dents volontairement serrées pour s’empêcher de lui répondre avec un peu trop de véhémence.

- Parce qu’il te faut encore quelque chose de plus que l’argent Mads ? C’est nouveau ça.

L’agressivité transpire malgré tout dans ces quelques mots, alors que le potionniste reste clairement sur la défensive. Le détective avait la fâcheuse tendance à jouer de son attitude pour se faire plus menaçant qu’il ne l’était en réalité. Sambre s’en voulait toujours de tomber dans le panneau, mais entre les petits noms douteux et cette volonté de lui mettre la pression, il tombe encore une fois.
Et se crispe aussi un peu, parce que cette pseudo bienveillance que lui servait Mads, là, il n’en avait pas l’habitude venant de sa part. D’ailleurs, la méfiance ne le quitte pas puisqu’il s’attend à une énième vacherie balancée à la suite.

- Il est rentré par effraction chez moi. Je l’ai trouvé entre ma porte d’entrée et moi sans l’avoir remarqué, comme s’il me bloquait volontairement la sortie. Il s’est installé dans mon canapé comme s’il était chez lui en sous-entendant presque que les artistes étaient, juste, au fond, un autre type de putes. Et semblait également connaître certaines de mes fréquentations, dont une pourtant, que je m’efforce de ne pas étaler par respect pour l’autre.

Il se lève, réduit la distance entre eux pour enfoncer son index contre le thorax du détective, mais son regard ne veut plus tuer, il demande à être rassuré. Silencieusement. Tu ne lis pas dans les pensées Mads ? Tant mieux. Peut-être que ça t’évitera de le remarquer.

- Alors oui j’ai la trouille mais c’est pas à quelqu’un comme toi qu’on dit ce genre de choses.

Ses yeux s’abaissent vers la main tendue que, dans son agacement, il n’avait pas remarqué, et qui lui arrache un soupir alors qu’il fait un pas en arrière, se renfrognant.
Sa main baguée se glisse alors lentement dans celle du détective pour la serrer, sans avoir trop d’espoir quant à lui faire mal mais il est des fois si doux de rêver.

- Oublie ce que je viens de dire. Et juste… Fais ton job. Pour le paiement, ça me convient.

@Mads M. Kovačić aled

Sambre grimace. Les mots de Mads sont durs mais pas si éloignés de la réalité. Dans la sienne, cependant, il préférait ne pas voir les choses de cette manière. De toute façon, ce n’était pas à ce sujet que l’artiste avait besoin d’être rassuré et le détail avait simplement été glissé pour donner des précisions au détective quant à la personnalité du personnage.

De toute façon, Sambre avait vomit ses paroles de manière parfaitement incontrôlable alors il était trop tard pour revenir dessus, où même tenter de faire comme s’il n’avait rien dit. Pressurisé de toute part dans sa petite tête trop chamboulée, Mads n’avait eu à faire beaucoup d'efforts. Quel flemmard, ce type.
Enfin flemmard, pas tant que ça, semblerait-il, puisque le détective prend le temps de détailler ses menus services. Et Sambre relève vivement la tête à sa proposition, plissant les yeux avec un air des plus suspicieux, analysant ce qu’il était entrain de dire. De proposer.

Nerveusement, le potionniste se met à rire. Un vrai rire, quoi qu’un peu étranglé quand il meurt dans sa gorge. Les idées de Mads le terrifient quand bien même le ton soit à la plaisanterie.

- Le faire disparaître ? Mais tu te crois dans un film Mads ? Et surtout, tu te crois invincible ? Y a quelque chose qui cloche chez ce type alors…

Sa phrase suivante reste en suspens, alors qu’il détaille le détective lentement, comme s’il était entrain de réaliser quelque chose d’étrange et de déplaisant. S’inquiéter pour Mads ? La bonne blague. S’il avait fait appel à lui, c’était bien pour ne pas mêler l’émotionnel à ses problèmes. Et pourtant, il souffle, déterminé, secouant la tête avec un certain agacement.

- Juste des informations. C’est tout ce que je te demande. J’aviserai ensuite. Si besoin.

Et pour que ses mains cessent de trembler, à cause de l'énervement et de l’anxiété provoqués par la situation, Sambre passe lentement ses mains sur son visage, puis dans ses cheveux blonds en soupirant. Car encore une fois, Mads avait le don de choisir ses mots pour faire trembler le sol sous ses pieds.

- Mads, s’il te plait. Je suis naïf mais pas complètement con, des fois. Cette histoire t’en touche une sans faire bouger l’autre alors joue pas à… Je sais pas trop quoi. Tu auras ton argent, pas la peine de me faire croire que ça te fout en boule.  

Et d’ailleurs, il n’y croyait pas une seule seconde. N’est-ce pas ?

@Mads M. Kovačić aled