Pour une fois, tu n'en veux pas à Dombunry d'avoir eu une idée. Le gala avait été un franc succès. Pour vous remercier, le conseil avait consenti à offrir à votre fière équipe de sept personnes, des chèques-cadeaux magiques. Il n'a pas fallu à Dombunry plus d'une heure pour proposer dans votre conversation de groupe de réunir vos chèques pour vous offrir un week-end bien mérité dans un gîte de la vallée du Långt Norrut. Tu n'es pas friand de ce genre de rassemblement entre collègues où le but premier est de faire ami-ami, mais la tentation de bénéficier de quarante-huit heures loin de tout et spécifiquement de ton père et de Ciara était trop forte. Le week-end s'était vite et organisait et très rapidement, votre petite troupe de six personne (McDouglass -à ne pas confondre avec McDouglas- été tombé malade la veille du départ) s'était retrouvé le jour J pour ce que Dombunry a appelé "une riche aventure !"

Tu observes le gîte. Bien plus grand que tu ne l'avais imaginé, ce dernier était doté d'un spa et de divers option de bien-être qui avait eu l'air de ravir tes collègues. Ta valise à la main (une simple mallette sur laquelle tu as lancé quelques sorts d’extensions) tu glisses un regard discret vers Leslie. Tu t'es efforcé de maintenir une certaine distance depuis que vous êtes parti. Tu étais encore frustré de votre échange le soir du gala. Et, si vous aviez un peu échangé entre temps, n'en restait pas moins la désagréable sensation de revivre la semaine cauchemardesque au cours de laquelle il t'avait évité.

Tu rentres dans le hall entouré de tes collègues. Tu te diriges vers l’accueil, habitué à prendre les choses en main. Normalement, Dombunry avait réservé pour six personnes alors...

— Comment cela, trois chambres ?

Tu regardes d'un air perplexe les trois clés que le gérant de l’accueil vous donne. Il t'explique, oui, une réservation pour six personnes, trois chambres de deux. Tu soupires. Derrière toi ça hausse les épaules, pas plus dérangé que ça de faire chambre commune. Carter, lui, s'exclame.

— Leslie ! Tu te mets avec moi ?

Tu ne te retournes pas, au départ. Leslie peut bien dormir avec qui il veut. T'as même l'aigreur de penser, qu'il pourrait également flirter, après tout il a l'air d'aimer ça. Tu te saisis des trois clés, en donne une à Dombunry, l'autre à Evans. Tu sens Carter insister, parler, toujours parler, à dire que ce serait l'occasion de discuter. Bon sang, ce crétin congénital n'a-t-il pas encore compris que Leslie ne pouvait pas parler ? Tu soupires, t'imagines la torture que ce sera pour Leslie de partager son week-end avec lui. Tu ne devrais pas faire ça. Tu es censé être vexé. Tu te retournes et balances sur le ton le plus neutre possible.

— Leslie, j'ai notre clé.

Tu présentes ça comme-ci vous aviez déjà tout prévu à l’avance. Tu le fixes, l'invites à jouer le jeu. C'est soit toi, soit Carter.

— C'est la chambre 15. Allons y.

Tu tournes des talons. Dombunry agite la main dans ton dos pour te rappeler que vous êtes tous censé vous trouver pour le dîner, dans plusieurs heures. Tu agites la main sans te retourner pour lui dire que tu as entendu et tu t'enfonces dans le couloir. Tu sais Leslie sur tes talons.

Tu ne sais pas quoi dire. Tu as la gorge nouée. Ce n'est pas tant la colère qui fige tes lèvres, que l'appréhension d'avoir tout saboté. Dans le fond, aucun de vous n'est réellement en tort. Il n'y a pas de tors, parce qu'il n'y a rien. Vous n'êtes, objectivement, rien l'un pour l'autre. Il voulait juste flirter avec toi. Pour autant, tu te sens aussi mal à l'aise et heurté que concerné. Tu te mures dans le silence, c'est la seule chose que tu saches faire pour le moment.

Tu ouvres la porte et découvres une chambre magnifique où deux lits simples vous attendent. Tu prends celui le plus au fond de la pièce et pose ta mallette dessus. Tu sens son regard dans ton dos. Ça te brûle. C'est toujours comme ça. Il te remercie, il ne le voit pas mais sa mâchoire te contracte. Tu souffles, c'est peut-être parler ton estomac se tord que le ton est plus sec que ce que tu aurais voulu.

— Il n'y a pas de quoi.

Tu fourres les mains dans ta valise, tu te mords la lèvre et te maudis. Qu'est-ce que tu fiches, Monday ? À lui parler sèchement, à instaurer la même froideur que lui la semaine passée ? À quoi bon l'avoir invité à partager une chambre si c'est pour t'enfermer dans un silence lourd et crispé ? Tu voulais le faire fuir, voilà qui est une franche réussite. Tu sors une chemise, un pantalon en toile, un maillot de bain et d'autres vêtements impeccablement plié. Ton ordinateur dans l'espoir de travailler le soir, une trousse de toilette tout aussi bien organisée, une thèse d'une centaine de pages sur l'étude bactériologique qui tu as imprimée et... Ta main se renferme enfin sur trois mangas que tu avais achetés quelques jours avant le gala. Une série que tu sais qu'il affectionnait, qu'il t'avait même conseillé : Black Jack. Tu avais acheté les trois premiers volumes autant par curiosité que pour lui faire plaisir. Tu avais oublié que tu les avais pris avec toi. Tu hésites à les sortir, te sens stupide, c'est à ce moment-là qu'il t'appelle. Tu le trouves cruel. Injuste. Il y avait de l'appréhension de sa voix, comme-ci il craignait ta colère. Ça réveille en toi quelque chose qui te trouble. Tu fermes les yeux une seconde puis consens à tourner la tête pour lui faire face. C'est peut-être la première fois depuis que vous êtes parti que vous vous regardez vraiment l'un l'autre. Tu vas pour ouvrir la bouche, c'est là que ton regard accroche la boîte de préservatif. Tu te racles la gorge et détournes les yeux.

— Leslie.

Tu désignes du doigt la boite accrochée. Est-ce qu'il avait prévu de s'envoyer en l'air avec quelqu'un ? Toi ? Vous étiez pourtant en froid. Qu'il vienne ainsi équiper, éveille de nouveau quelque chose. Tu n'as pas remarqué que tu avais les mangas à la main.

— Vous vouliez me dire quelque chose ?

Il jette le paquet de préservatifs dans son sac comme un voleur se débarrasse de son butin. Tu fronces les sourcils, t'as du mal à croire à une erreur de sa part, mais tu ne relèves pas. Tu n'as pas spécialement envie d'entendre qu'il avait pour projet de passer du bon temps, le tien est trop mauvais pour que tu puisses encaisser le plaisir des autres. Son regard se porte ensuite sur les mangas à ta main. Tu sursautes légèrement, baisse un regard gêné sur tes trois livres. Maintenant que tu y penses, c'est ridicule. De quoi t'as l'air à acheter compulsivement des mangas dans l'espoir de vous faire un point commun ? T'es pris en flagrant délit. Tu redresses la tête, l'air digne. La tête haute, toujours, même quand t'as envie de te cacher au fond d'un trou.

— Je n'ai pas encore lu. Mais vous les aimez, vous.

Comme si ça expliquait tout. Comme-ci sa simple affection pour une œuvre était un justificatif suffisant pour la découvrir. Tu ne ranges pas les mangas dans ta mallette, tu les poses sur ta table de nuit. Digne, toujours. Tu dois cependant admettre que ta dignité en prend un coup quand il s'excuse. Ta mine se ferme un peu, tu détournes le regard un bref instant.

— Je ne suis pas désolé.

Tu remontes ton regard vers lui. Tu as les épaules tendues. Ce n'est qu'en ouvrant la bouche que tu comprends que tu retenais ta respiration.

— De vous avoir suivi.

Tu te tournes pour te mettre dos à lui. Juste du flirt. Tu secoues la tête pour toi-même, ce ne sont que des excuses. Les signaux sont contraires, on ne se déchire pas pour un simple flirt. Tu repenses à ses reproches, le lapin que tu lui as posé sans le vouloir le soir du gala.

— Je sais que ma situation est difficile à supporter.

Tu saisis tes vêtements pour les ranger dans le placard. Tu as besoin de bouger, de t'occuper. C'est une vieille technique que tu as apprise pour ne te laisser déborder. Bouger, agir, donne l'illusion qu'on maîtrise son environnement. Alors que tu ne maîtrises rien du tout.

— Je voulais vous rejoindre. Je suis désolé de ne pas avoir pu le faire. Je ne voulais pas vous heurter ou vous faire sentir que vous n'en valiez pas la peine.

Tu lâches ça en te forçant à adopter un ton neutre, pourtant une certaine émotion et une certaine tension perce dans ta voix.

— Je ne vous demande pas non plus d'accepter et de comprendre ma situation, ni même mes raisons. Je veux juste que vous sachiez que...

Que tu apprécies chaque seconde en sa compagnie. Que vos échanges te plaisent au point de créer un manque. Que tu aurais voulu ne jamais être interrompu. Tu souffles, fermes la porte de ton placard d'un coup sec.

— Que vous en valez la peine.

C'est ok. C'est si simple. Une partie de toi est frustrée de ne pas pouvoir lui expliquer, tu as l'envie, l'espoir, quelque part, de le voir compatir à ta situation. Il n'empêche que c'est peut-être pour le mieux. Tu claques la porte de ton placard, c'est là qu'il t'enlace. Tu soupires te sentir ses bras autour de toi, ses mains à ton torse. Tu sens sa joue contre ton dos et le témoignage d'une possessivité que tu as peur de mal interpréter. C'est juste du flirt, qu'il a dit. Pourtant, il te touche comme-ci tu lui appartenais, comme-ci tu étais sa chose, sa propriété. Tu glisses une de tes mains contre une des siennes pour jouer avec ses doigts. Tu fixes le placard devant toi. Sa confession sur Carter te fait souffler du nez.

— Dommage pour lui.

Tu te tournes, sans lâcher sa main. Tu le regardes, vous n'avez jamais été aussi proche depuis le gala. Tu caresses sa paume du pouce, sans le quitter des yeux.

— Nous ne flirtons pas, Leslie.

Ajoutes dans un semblant de rictus.

— Au grand dam de Carter.

Tu cherches dans ses yeux ce que vous partagiez quelques jours plus tôt. Tu cherches cette complicité qui t'a tant manqué, qui te fait frissonner. Vous revenez l'un vers l'autre avec tant de facilité et de naturel que tu te songes condamné à un dilemme impossible. Mais vous n'avez rien décidé, rien dit, encore. Lâchement tu t'engouffres dans cette brèche, tu n'auras pas à te confronter à ton père ou à Leslie tant que vous ne choisissez pas. Ça ne veut pas autant dire que tu le partages. Pas avec eux. Pas ici, du moins.

— Mais vous pouvez le rejoindre s'il vous plaît. Nous ne sommes pas mariés que je sache.

Tu énumères en d'un air distrait les qualités de ton prétendu concurrent.

— Il est vrai, Carter est plus jeune, plus bavard...

Insupportable au possible. Tu entrelaces tes doigts aux siens.

— Mais si vous ne voulez pas passer du temps en sa charmante compagnie et que vous avez finit de ranger vos affaires, peut-être pourriez, vous m'accompagner ? Je comptais profiter un peu du spa de l'hôtel.

Tu hausses un sourcil, l'air de le défier de s'infliger la compagnie de Carter juste pour te donner tort. Tu lui désignes la porte du menton, comme pour l'inviter à sortir. Rien ne le retient, qu'il vive sa vie s'il l'entend. Carter est un jeune-homme si charmant ! Tu étires un rictus un brin condescendant. Tu sais qu'il préférerait s’assommer que de s'infliger la compagnie de ce clown en déficits de classe.

Il tire un peu sur ta main pour que tu le lâches. L'espace d'un instant, tu te dis qu'il va vraiment le faire. Partir. Juste pour te donner tort. Mais il bifurque vers le lit pour prendre ses affaires et les ranger dans l'armoire. Tu lui ouvres la porte, en profites pour tirer ton maillot de bain. Il accepte, tu lui fais la grâce de ne pas lui dire que tu n'es pas surpris.

Mais à une condition. Il lève le doigt et pointe son index dans le vide. Tu suis la direction de son doigt pour le voir désigner le lit. Tu écarquilles légèrement les yeux. Le message est très clair, son audace te surprend. En général, tu n'abordes pas cette activité de façon aussi directe. Tes convenances sont mises à mal, son style te désarçonne quelque peu. Comment peut-on être aussi ambivalent et brut à la fois ? Tu glisses un regard vers lui, tu vois bien qu'il essaye de décortiquer tes expressions.

— Très bien, mais je vais moi aussi poser une condition.

Tu le jauges, tu te rends compte que l'idée de franchir ce cap te stresse. Ce n'est pas de la culpabilité envers Thursday, envers Ciara, envers qui que ce soit. C'est beaucoup plus égocentrique, beaucoup plus personnel que ça. Voilà des semaines que vous vous tournez autour. Au fond de toi, t'as peur qu'une fois comblé, il mette les voiles.

— Je veux d'autres soirs.

Tu tires de ta mallette une serviette de bain propre et quelques accessoires de ta trousse de toilette. Sans le regarder, sans même lui laisser le temps, tu viens te poster dans l'encadrement de la porte.

— Vous comptez rester planté là encore longtemps, Leslie ?

Le couloir est vide. Tu ne sais pas comment se sont organisé les autres et tu t'en fiche. Un œil à ta montre pour voir qu'il vous reste encore quelques heures avant le dîner. Tu attends que Leslie passe la porte pour la refermer derrière toi. Tu profites de cette intimité pour une main contre sa taille.

— Venez.

Le spa est indiqué à coup de grand panneau bleu accroché au mur. Vous ne tardez pas à tomber sur un espace carrelé et une odeur de chlore que tu apprécies tout particulièrement. L'espace spa est une vaste salle composé d'une piscine, elle-même divisées en plusieurs bassins et zones. Ainsi dans le plus grand bassin, on peut trouver des jets massant, une zone de courant et autres petites cascades. Un bassin plus petit propose une baignade en eau salée. Plus loin en dehors de la piscine se trouvent quelques jacuzzis avec leurs eaux chauffées et leurs jets. Plusieurs transats sont disposés çà et là avec des petites tables sur lesquels poser ses affaires. Dans le fond, se trouve la porte menant à la salle de spa. Tu notes qu'elle est mixte. Tu pries sincèrement pour que Dombunry ne soit pas tenté de faire trempette tant que vous y êtes. Tu embrasses la salle du regard.

— Pour le moment, nous sommes seuls. Venez, les cabines sont par-là.

Il y a plusieurs cabines pour se changer et des casiers dans lesquels mettre vos affaires. Tu ouvres l'une d'elle, plutôt spacieuse. Tu ne refermes pas la porte tout de suite derrière toi. Tu te demandes à quel point vous n'êtes plus en froid.

Tu attends, sans savoir s'il prendra la peine de te suivre ou non. Après ce que vous vous êtes promis, tu as envie de penser que oui. Mais on ne sait jamais. Tu revois l'expression surprise et troublée qu'il a abordée dans la chambre. Il était d'une assurance pour ordonner un moment d'intimité avec toi, mais semblait perdre pied à l'idée d'en connaître d'autres. Tu n'as pas envie de tirer une balle dans le pied de votre relation. Tu apprécies sa présence, sans la dire ouvertement nécessaire à ton quotidien, ces semaines de trouble t'ont tout même appris qu'elle t'apportait quelque chose de précieux, quelque chose d'un brin addictif. Tu le vois vérifier à droite et à gauche que personne ne vous observe, plus il entre avec toi avant de refermer derrière lui. Tu le regardes de haut, un sourire satisfait sur les lèvres. Tu poses ta serviette, ta trousse de toilette et sans rien dire tu déboutonnes ta chemise.

Tu es de nature pudique, dans tes mots, dans tes gestes, spécialement quand les tiens sont impliqués. Tu n'en reste pas moins conscient de ton corps, à l'aise avec ce dernier. Tu n'exprimes pas tant de crainte d'être vu et regardé tant que cela ne met pas ton image professionnelle et familiale à mal. Avec Leslie, tu n'as que peu de scrupule à déshabiller. Qu'il te regarde, renforce cette jouissance de voir que tu lui plais. Il te demande de te tourner. Tu souris, hausses les épaules et obtempères en profitant pour faire tomber la chemise. Tu la plies en silence t'attaques à la boucle de ta ceinture en guettant le bruissement derrière ton dos. Il tousse pour attirer ton attention et tu te retournes. Tu le regardes de haut en bas, de bas un en haut. Il te défie en silence de faire un commentaire, tu souffles du nez, puis tu passes une main tendre sur ses côtes.

— Ça vous va bien.

Tu souffles à ses lèvres sur son torse, tu glisses tu main contre sa nuque, à la naissance de ses cheveux que tu masses avec délicatesse. Tu glisses l'autre autour de sa taille pour l'enlacer et déposer un baiser dans le creux de son épaule. Tu allais lui murmurer que tu étais heureux de vous savoir réconcilier quand la voix de Carter a résonné. Tu te redresses, un air furieux sur le visage. Tu te pinces l'arête du nez, excédé. Tu te saisis de ton pinneaple pour écrire rapidement et montrer à Leslie.

Évidemment, il fallait que ce gougnafier se ramène !

Tu roules des yeux, reposes ton pinneaple et pose ton index sur les lèvres de Leslie. Pas un bruit. Tu ne veux pas que Carter sache que vous êtes ici. Tu ne veux pas qu'il vous pompe l'air. Dans la cabine d'en face, vous l'entendez siffler, se lamenter à voix haute, parce que visiblement il aime s'entendre.

— Aaah, vraiment dommage que Leslie ne soit pas là ! Où est-ce qu'il est ?

Tu comprends qu'il a dû frapper à votre porte, que vous l'avez raté probablement à une minute prête. Tu fronces les sourcils, tu n'as pas échappé à Ciara, ton frère et ton père pour subir un autre admirateur de Leslie. D'une main ferme, tu le ramènes à toi et murmure tout doucement.

— Vous êtes populaire.

Comme balancé sur un ton reproche. Ce que tu t'apprêtes à faire est puéril. Mais tu as comme des envies de vengeances, soudain. Tu glisses à l'oreille de Leslie.

— Discret.

Puis tu relèves son menton, cueilles ses lèvres. Y a un côté excitant de savoir Carter se languir de l'homme que tu embrasses à quelques mètres de lui. Tu glisses tes lèvres à son cou, tu souris, viens le regarder comme pour le mettre au défi de faire le moindre bruit. Tu retires doucement ta ceinture. Carter est bruyant, c'est presque criminel. Tu retires ton pantalon en profitant de son bordel pour te changer en silence. Quand il ne te reste que le bas, tu glisses tes mains sur les hanches de Leslie pour le retourner, tu souffles dans sa nuque.

— Retournez-vous.

Tu te changes et le frôles, exerces une torture sans nom dans un silence que tu lui imposes, seulement brisé par Carter incapable de se changer sans perturber le calme ambiant. Une voit changé, tu l'enlaces et souffles à son oreille. Tu lui prends la main, lui fait signe que vous allez sortir sans faire de bruit. Tu attends un autre épisode bruyant de Carter cherchant visiblement quelque chose pour sortir de la cabine le plus discrètement possible. Tu as un sourire farceur, quand tu tires doucement Leslie de la cabine, un doigt sur tes lèvres pour lui intimer de te taire. Tu as à peine le temps de vous planter devant les casiers que Carter ouvre sa cabine.

— Oh ! Docteur Stuart ! Leslie !

Tu ouvres ton casier avec l’innocence d'un homme sincèrement surpris de le croiser ici. C'est à peine si tu te moques de lui.

— Docteur Carter, quelle coïncidence. Je ne vous avais pas entendu !

Le vieux ? Oh, jusque-là, ton sourire était moqueur, mais encore poli. Là, il n'est plus qu'assassin. Non seulement ce cafard ne te répond pas, mais en plus, il t'insulte, devant toi. Que pense-t-il faire avec son attitude de jeune prépubère ? L'impressionner ?

Tu vas pour ouvrir la bouche. Ce petit freluquet a oublié à qui il s'adressait. Mais le bruit du casier de Leslie claque dans l'air. Tu as une certaine satisfaction à le voir aussi tranchant face à Carte. Un mot, sec, qu'il ne mérite pas à ce stade mais soit. Tu vois Carter se vexer que son opération séduction ne fonctionne pas. Leslie tourne des talons en le gratifiant d'un doigt d'honneur outrageusement bien placé. Carter le poursuit tu claques ton casier et t'avance à ton tour. T'étais en train de fantasmer le moment imminent où tu allais choper cet enfoiré par l'épaule pour lui faire goûter le carrelage quand ton regard s’écarquille. Et tout ce qui sort de ta gorge, c'est un cri.

— LESLIE !

Ton sang ne fait qu'un tour, tu te précipites au bord en poussant Carter sur le carrelage au passage. Tu l'entends tomber dans un cri, mais tu n'y fais aucunement attention, tu plonges ta main dans l'eau glacée pour t'asperger la nuque et tu sautes dans l'eau. Qu'importe que tu sors d'ici avec un 39 de fièvre, tu ne penses qu'à Leslie. Tu plonges en grimaçant pour récupérer Leslie au fond du bassin et le hissé à la surface. Tu le portes à bout de bras pour le sortir de l'eau, te hisses alors qu'autour de vous des gens se précipitent. Tu écartes les gens qui essayent de t'aider et de te demander si ça ne va pas. C'est pas à toi qu'il faut demander ça, merde ! L'eau froide t'a gelé sur place mais l'adrénaline t'empêche de t'en inquiéter. Tu te précipites sur Leslie pour le prendre dans tes bras et appliquer la technique du corps-à-corps pour le réchauffer du mieux que tu peux.

— Tout va bien. Tout va bien. Respirez. Respirez calmement. Je suis là. Je suis là.

Tu trembles et ce n'est pas seulement de froid. Carter se précipite vers vous, l'air sincèrement désolé.

— Je suis- Je suis vraiment désolé Leslie. Je ne voulais pas... Je suis désolé... Oh mon dieu laisse-moi t'ai-

Tu n'as pas compris. Il n'a pas eu le temps d'achever sa phrase que tu étais debout, ton poing à la rencontre de sa joue droite ce qui lui a fait de nouveau manger le sol. Incapable de retenue, dans un état second, tu t'entends pour la première fois de ta carrière hurler.

— ESPÈCE DE TARÉ !

Tu ne te souviens plus de la dernière fois où la colère te rendait hors de tout contrôle. Les mots et les insultes se bousculent dans ta bouche sans que tu ne puisses rien y faire.

— Vous auriez pu le tuer, bougre d'imbécile ! Pousser quelqu'un dans un bassin au hasard et vous vous dites médecin ?! Incapable, fils de pute, gardez vos distances !

Le pauvre Carter a l'air sous le choc. Il se tient la joue sans comprendre réellement ce qu'il se passe. Il bafouille encore, ose faire entendre le son de sa voix.

— Mais je-
— TAISEZ-VOUS !

Tu pointes un doigt furieux contre lui, le même que tu pointes, rageur, sur Friday.

— Approchez-le encore une fois, adressez-lui la parole, ayez même l'audace de le regarder encore UNE FOIS et vous aurez affaire à moi. C'est clair ? C'EST CLAIR ?

Tu le toises avec une haine toute nouvelle. Le pauvre Carter à l'air d'être partagé entre l'envie de pleurer et la peur de respirer.

Tu fixes Carter avec acidité et violence. Ta poitrine se soulève sous le coup de la colère. Ce n'est que la voix de Leslie, derrière toi, qui te ramène à une certaine forme de réalité. Tu claques ta langue contre ton palais pour te détourner de Carter et de sa risible existence pour te concentrer sur Leslie à genoux sur le sol. Tu te penches en avant pour l'aider à se relever. L'exercice est difficile, le choc a été rude. Tu te sens le roi des cons quand il te sourit. C'est pour te rassurer. Une victime ne devrait jamais avoir à déployer de l'énergie pour rassurer. Tu fronces les sourcils, en le couvant d'un regard coupable. Tu presses doucement son bras, souffle. Tu lui fais comprendre en silence.

J'ai compris.

Tu t'appelles au calme. T’énerves ainsi ne te ressembles pas. La peur ne justifie pas l'agression.

— Allons vous réchauffer.

Mais évidemment, il faut que le reste de la clique se ramène. La voix haut perchée de Dombunry te tire une grimace. Tu es excédé, tu manques de patience et tu n'as pas l'énergie pour te montrer poli. Sa curiosité te tire un regard méprisant vers Carter. Tu lâches plein de suffisance.

— Il se passe que le Docteur Carter vient de nous prouver qu'il était le roi des guignols.

Tu le juges du regard. Qu'il ne vienne même pas essayer de t'adresser la parole, tu ne peux pas te promettre d'avoir l'intelligence de ne pas lui coller une autre droite. Tu lances à Dombunry d'un ton bourru.

— Si vous voulez bien nous excuser, je ne suis pas d'humeur à faire la causette.

Tu aides Leslie à cheminer jusqu'au bassin. Tu as froid, mais tu ne prêtes aucune attention à ta propre condition. Tu descends dans le bassin le premier, la différence de température t'arrache une grimace.

— Asseyez-vous, je vais vous frictionner.

Tu plonges tes mains dans l'eau pour ensuite venir frictionner ses jambes et le faire entrer dans l'eau en douceur.

— Vraiment, quel bouffon.

Tu pestes encore. Les gens qui ne réfléchissent pas t'énervent. Tu tends les mains pour aider Leslie à rentrer doucement dans l'eau. Tu lui asperges doucement le dos. Tu ne fais plus vraiment attention aux autres, concentré sur lui. Manquerait plus qu'il ne tombe malade.

— Si vous ne vous sentez pas bien, n'hésitez pas.

Il n'y a pas énormément de monde, mais tu désespères de te calmer et de trouver un peu de calme. Tu t'asperges la nuque et les épaules et t'immerge doucement une première fois. Tu ressors de l'eau en rejetant la tête en arrière. Tu fronces les sourcils, tu es sorti de tes gongs devant lui, peut-être même l'as-tu embrassé. Tu repenses à son sourire. Merde, quel con.

— Je n'aurai pas dû perdre mon sang-froid.

Ton regard passe du petit groupe de tes collègues au loin à Leslie.

— Je ne veux pas vous embarrasser. Mais Carter est vraiment le roi des gougnafiers.

Tu y pense, mais il a sûrement user de beaucoup de mot. Dans ta panique, tu as perdu le fil.

— Essayer de signer, j'ai un peu progressé, je devrais pouvoir au moins comprendre le gros du sens.

Tu en fais trop. Tu as laissé le médecin dirigiste prendre le pas. Tu te recules pour lui signifier que tu as compris et secoues doucement la tête.

— Navré, l'habitude.

De toute prendre en charge, de tout faire à la place des autres. Parfois par manque de patience, parfois juste pour prouver, à toi et à autrui, que tu peux le faire. Mais Leslie n'est pas un enfant, un patient ou un membre de ta famille à materner à outrance. Tu laisses tes mains s'enfoncer dans l'eau. Il faut que tu tempères tes instincts, Monday.

Il semble surpris que tu puisses comprendre la langue des signes. Ton niveau est acceptable, encore loin de la maîtrise complète mais tu es confiant sur le fait de pouvoir déchiffrer à peu près à défaut de pouvoir communiquer avec la même aisance que ton frère. Tu n'as pas eu le temps que tu voulais pour pratiquer comme tu te l'étais imposé. Mais, au fond de toi, tu espères que le goût de l'effort l'impressionnera plus que le génie auquel Thursday l'a habitué.

Tu hoches la tête, l'air de lui dire "allez-y, testez moi". Il signe une première phrase avant de se caler au bord de la piscine. Tu mets une seconde avant de réagir, tu as compris qu'il te complimentait sur ton maillot. Tu poses une main sur ta hanche, étires un rictus un brin provocant.

— Je sais.

La seconde phrase te pose un peu plus de difficulté, mais tu en comprends le sens. Tu as bien identifié le mot "séduisant".

— Séduisant, hm ? Peut-être devrais-je sortir de mes gonds plus souvent...

Tu souffles du nez, amusé, avant de lancer un regard nerveux vers tes collègues au loin.

— Mais ce n'était pas malin de ma part. J'ai été trop transparent, les commères vont s'en donner à cœur joie.

Tu ne percutes pas encore la catastrophe que ton coup de sang a été. Si l'incident sort du cadre de votre groupe, si ton attitude protectrice arrive aux oreilles de Raspoutine, qu'il en parle à ton père... Il n'est pas stupide, il te sait sélectif, distant, tu n'es concerné et proche que de ce qui t'importe. Il t'as trop bien éduqué pour votre proximité physique ne soit pas le signe clair que Leslie n'est pas qu'un simple collègue, encore moins un simple ami. Tu fixes ton poing droit que tu fermes et ouvres comme pour essayer de reprendre contact avec ton corps.

— J'ai distribué un crochet du droit à Carter.

Tu lèves les yeux vers Leslie, désabusé.

— Mais quel imbécile !

Tu t’immerges dans l'eau une seconde fois pour te remettre les idées en place. Le plus intelligent serait de faire profil bas avec Leslie pour que les choses se tassent d'elles-mêmes. Mais tu n'as pas envie de te priver de passer du temps avec lui. Tu as trop soif de ce semblant de vie, de vrai, que sa présence t'offre. Ta tête vient crever la surface de l'eau, tu t'immerges jusqu'aux épaules.

— Je n'ai pas envie que cette bande de saltimbanques nous gâche le week-end. Mais je comprendrai si vous souhaitez rester raisonnable.

Tu pousses sur tes jambes pour barboter à quelques mètres de lui. Derrière vous il y a un petit coin de bassin caché, tranquille, ou se bouscule quelques jets massant. Tu le fixes, au fond de toi un peu anxieux qu'il décide de mettre de la distance pour le bien de sa propre tranquillité. Alors tu le provoques du regard.

— Êtes-vous un homme raisonnable, Leslie ?

Tu espères qu'il a raison. Tu n'as pas honte de lui, ni de votre proximité, mais tu crains les conséquences. Un pli soucieux se dessine sur ton front, tu as la mauvaise habitude de te soucier des détails autant que du reste. Mais tu ne tiens pas à passer le reste du week-end anxieux. Tu glisses un regard vers Leslie. Il ne souhaite pas se montrer raisonnable et tu ne souhaites pas, au fond de toi, laisser des insignifiants figurants te voler le plaisir que tu prends à relâcher la pression loin de ta famille.

Il s'élance et te dépasse avec une aisance qui te clou sur place. Tu te tournes surpris, il traverse le bassin avec grâce et fluidité. Tu esquisses un sourire, c'est qu'il t'a bien roulé dans le lac. Tu n'as jamais vu aussi bon nageur que lui. Tu lèves les yeux au ciel et nage à ton tour. Disparaître du champ de vision de tes collègues te soulage. Tu sens l'eau se réchauffer et tes épaules se détendre à mesure que tu progresses vers le petit coin intimiste des jets massant. Tu te cales contre le bord, à l'entrée de la zone, pour observer Leslie se détendre, un sourire aux lèvres. Tu ne le rejoins que quand il te fait signe de venir. Tu avales la distance entre vous en quelques secondes. Tu te postes devant lui, une main sur le bord. C'est cette proximité que tu aimes le plus.

— Ça va la température ?

Tu regardes discrètement derrière toi, ne voit personne à l'horizon. T'en profite pour pencher la tête vers Leslie, ta main de libre à son menton pour lever sa tête et cueillir ses lèvres avec lenteur. Ce baiser a un goût particulier. Le jet dans le dos de Leslie le pouce un peu vers toi. Tu donnerais cher pour profiter de cet espace sans personne d'autres que vous. Tu songes que tu pourrais peut-être lui proposer de venir dans la nuit, après la fermeture.

Tu laisses ton front se coller au sien. Tu cherches ses lèvres, lui offre des baisers sensuels. Tu glisses ta bouche à son cou, tu as retenu qu'il y réagissait toujours favorablement.

— Je n'ai pas envie de subir la compagnie de Dombunry et de Carter pendant plus d'une heure.

Tu redresses la tête vers Leslie.

— Nous avons plongé dans une eau glacée de façon brutale... Des gens ont eu des fièvres pour moins que cela. On pourrait se faire porter pâle. Appeler le room service dans leur dos.

Commencer ainsi votre soirée.

— Qu'en dites-vous ?