Découvrir Londres, s'installer dans une nouvelle ville, s'habituer à l'étroitesse de son appartement de fonction aussi; tant de choses t'ont éloigné de l'héritier des Von Rosenwald, celui qui a grandi dans le grand manoir, celui dont le visage cristallisait dans les journaux allemands le scandale de ta famille, leur défaite aussi, et le nom qu'il fallait redorer. Les premières semaines ici tu n'étais plus vraiment un Von Rosenwald, plus vraiment Chrysanthe non plus, juste l'employé fraîchement débarqué, le nouveau voisin qui essayait de s'intégrer, l'accent allemand qui surgissait en fin de phrase pour trahir ton identité.

Et puis petit à petit, tu as pris tes marques. Réinstaller une routine, prendre le temps de visiter la ville... Alors aujourd'hui, c'est ton jour de congé, et tu as décidé de te rendre enfin au Jardin botanique que tu as découvert il y a un mois de cela; déjà un mois? Le temps passe trop vite. Tu n'avances pas comme tu le voudrais dans tes recherches, mais cette journée au moins, tu peux la prendre pour toi. C'était le plan, avant de te faire agresser de la plus vile des façons par une créature sauvage. Découvrir un Clabbert au milieu des espèces protégées était déjà une surprise en soi, mais il avait osé se jeter sur toi pour te mordre avec ses petites dents acérées... la sale bête. Heureusement, tu avais eu l'intelligence de lancer un sortilège de repousse-moldu autour de vous avant d'essayer d'entrer en contact avec lui... tu aurais mieux fait d'appeler le Service de régulation des créatures magiques.

Verdammt...

D'autres mots moins doux t'échappent tout bas dans la langue de Goethe. De quoi aurais-tu l'air, à présent, si tes collègues débarquaient? La créature a filé à travers une fenêtre ouverte et toi tu t'es caché dans un coin de la serre pour dissimuler ta manche ensanglantée et lancer un sort de soin. Episkey, formulé entre tes dents serrées, ne fait aucun effet. L'animal a les dents longues... Tu lâches un grognement de douleur agacé. Dire que tu avais payé 12 livres moldus l'entrée pour te faire agresser au détour d'une serre pour espèces protégées... Quelle arnaque.

La douleur n'est pas le plus insupportable, en fait elle est même plutôt tenable, de ton point de vue, mais c'est sûrement infecté, et c'est la seule chose qui t'effraye. Tu n'as plus 10 ans et tu es parfaitement capable de gérer la situation sans t'effondrer en larmes. Certes, les injures discrètes dissimulent les grognements de douleur, mais c'est la seule chose qui t'échappe alors que d'un côté, ta main appuie sur le bras blessé dans l'espoir de faire cesser le saignement et, de l'autre, ton cerveau réfléchit à toute allure pour trouver une solution. Au moins, tu as pensé à te protéger des Moldus. Il te semblait qu'avec ce sort, tu serais tranquille, c'était sans compter la présence d'un autre sorcier à proximité...

Sa voix t'arrache à ta réflexion mais tu mets quelques secondes avant de réagir. C'est qu'entre l'attaque, le bras qui pisse le sang et l'intervention inattendue... Tu gères, oui, mais ça fait beaucoup. Tu relèves juste assez la tête pour dévisager le nouveau venu. Il n'a pas l'air particulièrement aimable mais ses mots démentent cette première impression et au moins, il semble calme. Manquerait plus de rameuter quelqu'un qui panique à la vue du sang.

Clabbert.

Tu articules ça entre deux inspirations, histoire de reprendre contenance. Pas le temps et pas l'envie d'entrer dans de longues explications. Cette histoire est complètement abracadabrante de toute façon. Sans prévenir, l'autre s'approche et tend son bras; tu relèves vivement la tête dans un geste naturel mais agacé pour chasser les cheveux qui tombent devant tes yeux.

Je vous demande pardon?

Surpris, piqué dans ta fierté, et presque aussi méfiant qu'un animal blessé - et les animaux blessés n'ont pas le temps d'être polis. Tu es au courant que tu saignes, merci, et même à l'agonie tu n'obéis pas aux ordres du premier pégu. Heureusement pour tous les deux, il s'empresse de préciser qu'il est médicomage. Ah.

Là, ta fierté se le dispute à ton instinct de survie. Ils ne prennent que quelques secondes pour se battre, avant que la première ne capitule. Toujours sans lâcher le médicomage du regard, tu tends lentement le bras, prêt à le récupérer au moindre faux pas. Tu n'ajoutes rien, tu es trop concentré à refouler les pensées paniquées ridicules et désarticulées du Chrysanthe de 10 ans qui se demande si le Clabbert sauvage transportait une maladie dangereuse et si on va devoir t'amputer. Impossible d'exprimer ça tout haut, même pour 1 millions de Gallions. Tu te contentes de serrer les dents tout en surveillant l'inconnu. Tu ne sais pas ce que tu redoutes réellement, mais la méfiance n'est pas toujours fondée sur la logique. Quand on est blessé on ne pense pas comme un humain; plutôt avec le cerveau reptilien.

C'était ton jour de chance, décidément. D'abord un clabbert en liberté dans un endroit public et moldu, mais en plus la sale bête était coriace. Une morsure profonde, t'informe ton soignant improvisé. Tu serres un peu plus les dents, si c'est possible. Tu détestes imaginer la taille de ses canines, pourtant c'est exactement ce que fais ton cerveau sans prévenir. Tu noies ces pensées intrusives de la même façon que tu noies la douleur qui transperce ton bras comme des aiguilles sous la manipulation du médicomage, ou ton agacement à sa prochaine remarque : Ou alors vous l'avez mis très en colère pour qu'il morde si fort... Cela ne te fait pas rire, mais tu affiches un sourire tendu pour te retenir de dire ce que tu penses réellement. Tu aurais dû lui lancer un sort, à cet affreux petit être, ça justifierait au moins sa voracité à l'égard de ton bras et tu te sentirais un peu mieux désormais.

Mes os épais...

Tu répètes ces mots-là, dubitatif, ce qui te soulage un peu. Ta mâchoire devenait douloureuse. Les termes techniques, tu ne comprends pas, mais... c'est donc une bonne chose? La satisfaction, trop brève, s'effrite à la phrase suivante, et tu tressailles quand ton interlocuteur appuie plus franchement autour de la plaie; une vaguelette sombre reflue, c'est plus dégoûtant que douloureux. La vision t'empêche de penser directement aux explications du médicomage. Le mot INFECTION finit par s'imprimer en lettres grasses et majuscules dans ton esprit à force de toquer derrière les barrières que tu as érigées entre ton toi conscient et le petit Chrysanthe de 10 ans et tu frissonnes, non pas de dégoût cette fois.

Combien de temps me reste-t-il avant de commencer à délirer? Soyez direct.

Tu ne dis pas ça sur un ton dramatique, en fait c'est même très pragmatique, mais tu as besoin de savoir. Tu ne peux pas sauter sur tes pieds et transplaner sur le simple conseil de cet inconnu, aussi autoritaire soit-il; ce serait même l'effet inverse, tu n'aimes pas que l'on te dicte ta conduite. Mais s'il dit vrai, et il serait ridicule qu'il mente sur son statut et son diagnostic, alors tu dois comprendre exactement à quoi tu as affaire.

Vous ne connaissez pas un sort pour désinfecter une plaie? Faire un garrot, au moins...

Empêcher mon sang de retapisser le sol derrière moi et me réduire dans un état proche de l'inferius avant même de mettre un pied aux urgences... L'angoisse chantonne clairement à la lisière de ton esprit rationnel, tu repousses cette voix bien familière, machinalement, c'est à peine si tu l'entends. Oh dis Chrysanthe, sur une échelle de 1 à Amputation, à quel point on est baisé? Pourtant il y a comme un fourmillement dans les doigts côté plaie, et est-ce l'angoisse ou la température de la serre qui vient d'augmenter? Tout est de sa faute. Décidément, les médicomages sont tous les mêmes. Bien sûr, il fallait qu'il soit aussi alarmiste, n'est-ce pas? Maintenant ton cerveau essaye de te trahir et, si tu contrôles parfaitement tes pensées, tu ne peux pas être certain que les symptômes que tu commences à ressentir ne sont que dans ta tête. Inspire. Expire. Contrôler ta respiration te demande toute ta concentration, ainsi qu'en témoigne ton regard fixe, pointé sur la semelle de tes chaussures en peau de moke. Tu aurais dû stupéfier ce foutu clabbert quand tu en avais eu l'occasion. Si tu le retrouves, tu en fais une descente de lit.

Un début de rire nerveux s'étrangle dans ta gorge, quand le médicomage mentionne les magizoologistes, de sorte que tu donnes l'impression d'avoir ravalé un hoquet. Tu n'as pas du tout envie de rire, pourtant ton diaphragme tressaute nerveusement et tu dois te retenir. Si ça se trouve ce n'est pas un rire mais un sanglot. Ton corps est empoisonné, ça y'est, à ce stade tu ne peux plus lui faire confiance. Tu retiens donc tant bien que mal le tout, lâcha à la place quelques mots cyniques:

Brillante idée. J'en connais pleins!

Tu en côtoies tous les jours au travail, malheureusement il a fallu que cette mésaventure t'arrives à toi, qui n'a aucune expérience du terrain. Tu essayes de ne pas penser au fait qu'il ne te reste que quelques heures de santé mentale et détournes les yeux quand le médicomage examine l'autre côté de la plaie. Tu clignes des paupières quand il sourit légèrement, pas 100% certain que tu appréhendes clairement la situation clairement ou que la fièvre te fait déjà délirer.

Je ne compte pas être mon propre cobaye. J'ai juste besoin de comprendre pour anticiper au mieux la situation.

Ta voix est neutre mais ta respiration commence à se faire difficile à contrôler. Tu n'as pas envie de paniquer. D'autant plus que le médicomage semble tout à fait certain de lui et très professionnel.

Je ne paniquerai pas si vous cessez d'entrer dans les détails...

Cette fois, un sourire t'échappe. Tendu, le sourire, mais c'est bien le premier.

Vous m'avez l'air de vous y connaître en... euh.

La fin de ta phrase se perd en quelques secondes et tu clignes des yeux, confus. En morsures de créatures magiques, c'est ce que tu allais dire, pour... quoi. Pour quoi faire?

J'ai un peu la tête qui tourne.

Tu annonces ça sur un ton très pragmatique, presque surpris par ta propre lucidité alors que ton cœur s'emballe. Tu suis le conseil du médicomage sans réfléchir, serre ton bras blessé et t'appuies de l'autre contre le mur pour tenter de te lever. Le plancher tangue. Tu préfères rester collé contre le mur de la serre.

Non, je crois que je vais plutôt rester ici un petit moment...

Il est bien ce mur. Solide.

Ton cerveau paniqué se rappelle alors d'une information importante et tu affiches un air effaré. Comment ça, transplaner? AU SECOURS. C'est trop tard.

Vous avez déjà essayé de transplaner alors que votre corps essayait déjà de garder l'équilibre dans le monde réel? Voilà. C'est plus pâle qu'un linge que tu réapparais, persuadé que tu vas t'évanouir à tout instant. Les jambes flageolantes, tu es forcé de rester accroché au médicomage pour ne pas tomber. À moins que tu ne l'entraînes dans ta chute, qui sait? Ça lui apprendra. Transplaner! Quelle idée... Même parler te demande un effort intense, raison pour laquelle tu gardes tes pensées pour toi, te contentant de le fusiller du regard, aussi fort que tu le peux dans ton état, pour lui faire comprendre le message.

Difficile de dire à quel moment tu as perdu pied exactement. Etait-ce au moment de transplaner? Non, car le sol de Ste-Mangouste s'est imprimé très clairement dans ta rétine lorsque tu as manqué de le rencontrer. Au cours de la description imagée du médicomage, alors? Répondant avec force détails à une voix inconnue qui s'élevait quelque part au-dessus de ta tête, quand tu fixais tes pieds pour te concentrer sur quelque chose de concret, quelque chose qui ne te renvoie pas à la douleur sourde qui pulsait dans ton bras blessé, remontait jusque dans ton épaule au rythme de ton coeur affolé. Il y avait une goutte de sang sur un de tes mocassins. Taché. Ruiné. L'agacement que tu aurais dû ressentir s'est noyé dans une vision floue, puis tout a disparu.


Tes yeux s'ouvrent sur un halo de lumière beaucoup trop claire. Tu clignes des paupières, fronce les sourcils, avant de rouvrir un oeil prudent. Ce n'est pas un halo, c'est un plafond blanc. Autour de toi, c'est calme, un silence entrecoupé de paroles étouffées et très lointaines, comme à travers un oreiller. Il règne une odeur de propre, d'herbes et de dictame. Ça sent l'infirmerie de Beauxbâtons est ta première pensée cohérente. La suivante s'enchaîne sur un ton plus pragmatique : Ça veut dire que je ne suis pas mort. Tu n'es plus à Beauxbâtons non plus. Tu relèves légèrement la tête, confus.

Une voix s'élève au bord du lit - forcément, tu es dans un lit - alors que tu te croyais seul. Ton attention se focalise sur la silhouette, grande, le visage légèrement familier... tu finis par le reconnaître. Et la suite d'événements qui t'a conduit dans ce lit refait surface comme une vague angoissante.

Je ne suis pas mort.

Tu le répètes mentalement jusqu'à ce que les pensées intrusives et stupides qui t'assaillent veuillent bien retourner là d'où elles viennent. Ton regard cherche le bras blessé, le trouve bien enveloppé dans des bandages. C'est de là que vient l'odeur d'herbe et de désinfectant. Tu remues légèrement les doigts, juste pour être sûr que tu n'en as pas perdu l'usage. Tout va bien. Ton cerveau revoit mentalement les informations principales : attaque, blessure, sang, transplanage, ste-mangouste. La situation semble sous contrôle. Alors tu repousses les événements passés pour te concentrer sur le plus important.

Ton regard un peu agité revient sur le soignant, qui t'explique en quelques mots ce que tu as raté. Tu te concentres sur les mots clefs, et le nom de la personne sans qui tu ne serais pas là maintenant. Tu n'as pas pour habitude de contracter des dettes d'honneur, et contrairement à celle qui remplissent ton porte-monnaie, tu n'aimes pas les laisser impayées. Il est important que tu te rappelles de son nom, et que tu te présentes en retour.

Chrysanthe von Rosenwald. J'ai dormi combien de temps?

Ta bouche est pâteuse, ta voix fatiguée, trahissant ton accent allemand, ce qui t'agace. Tu tournes légèrement la tête pour regarder autour de toi, en faisant bien attention à ne pas bouger ton mauvais bras. Tout ton corps te semble courbaturé, comme si tu avais couru un marathon, et comme si une armée de Clabberts t'avait roulé dessus. Maintenant tu les détestes. Tu te racles la gorge et articule plus clairement:

Est-ce vous qui m'avez soigné? Je vous remercie de m'avoir aidé.

Les mots t'arracheraient presque la bouche, en d'autres circonstances. Là, c'est juste lui et toi, et il est le seul à avoir assisté à cette débâcle dans la serre du jardin botanique - si tu passes outre l'évanouissement en plein milieu du hall de Ste-Mangouste, probablement. Sans te laisser trop le temps de t'attarder dessus, ou sur la façon dont tes remerciements pourraient être accueilli, tu te redresses maladroitement pour scruter tes alentours:

J'ai soif.

La réponse à ta question tombe, calmement. Les faits, juste les faits, pas de dramatisation inutile, et tu ne sens pas d'inquiétude dans la voix du soignant non plus. Quatre heures. Ce serait effrayant, en d'autres circonstances. Tu aurais pu tomber sur bien pire. Tu aurais pu ne pas être soigné à temps, pour commencer... mais tu préfères laisser de côté ce qui ne sera jamais pour te concentrer sur ce qui est arrivé. Tu as de la chance d'être tombé sur un médicomage compétent. C'est difficile, pour toi, de réaliser que tu es coincé dans un lit sans bouger. Que pendant quatre heures tu as été inconscient, incapable de te battre, mentalement en tout cas. Il semble que ton corps ait fait son job. Réagissant positivement aux traitements médicomagiques. Te permettant de t'en sortir sain et sauf, avec les soins appropriés. Cela tu le dois au médicomage à ton chevet. Tu es soulagé qu'il n'y ait que lui. Plus il y a de monde et moins il est aisé de faire semblant.

Tu attrapes le verre d'eau, reconnaissant, en avales le contenu sans y penser; s'hydrater, éclaircir sa voix et ses pensées. Tu réfléchis. La réponse du soignant est exactement telle que tu l'espérais: il ne s'attarde pas sur les remerciements, minimise même son intervention. Une personne responsable. Et humble. Tu ne portes pas de jugement sur le moment, tu constates simplement.

Il te faut quelques secondes pour comprendre que ton vis-à-vis vient de plaisanter. L'esprit un peu plus clair, tu es à présent capable de répondre à son sourire:

Croyez-moi, s'il était revenu... l'un de nous deux ne s'en serait pas sorti vivant.

Ton expression amusée, quoique légèrement tendue encore, sous-entend bien que tu ne parles pas de toi. Mais à présent, tu n'as plus envie de penser à cet horrible petit monstre. Une fois sorti de ce lit, tu préviendrais tes collègues au Département de régulation des créatures magiques. Qu'ils fassent leur truc de... régulation.

Tu frissonnes légèrement quand Emyr survole ton bras, anticipant une douleur atroce qui... ne vient pas vraiment. Le traitement doit faire effet. Pour combien de temps?

Fatigué, mais ça va. La douleur est tout à fait soutenable à présent.

Ta réponse est sincère. Tu préfères être honnête, plutôt que de prétendre être guéri et devoir revenir le soir-même parce que la douleur serait devenue atroce. Inutile de jouer les héros. Ce n'est pas ton style de toute façon. Tu hoches la tête à la suite de ses directives. Pas de fièvre, il te semble. Tu es juste épuisé. Peut-être sous l'effet de calmants pour la douleur, également. Tes pensées ne sont pas entièrement claires, mais tu parviens à les formuler à haute voix sans trop te fourvoyer:

J'aimerais beaucoup sortir ce soir, si c'est possible.

Il y a une chose que tu ne comprends pas. Peut-être l'a-t-il déjà expliqué, mais tu ne t'en rappelles pas. La mémoire vous joue des tours étranges, parfois.

Vous travaillez vraiment dans ce département? Non que je doute de vos capacités, pas maintenant, c'est juste la coïncidence qui me frappe.

Tu juges bon de préciser, par peur de le vexer. Alors en général, tu n'as pas peur de "blesser" les gens, mais tu n'es pas un monstre, tu ne t'autoriserais pas à traiter le médicomage qui t'as sorti d'un mauvais pas comme un moins que rien. Le respect se gagne et Emyr Selwyn cochait actuellement toutes les cases.

Les explications du médicomage te rassurent, tu as beau jouer le jeu, être un patient coopératif, tu ne rêves que d'une chose: sortir d'ici. Une heure ou deux... ça semble gérable, et pour peu que la douleur ne revienne pas tu pourrais être remis sur pied d'ici à quelques jours. Tu pourrais toujours garder ton bras en écharpe le reste de la semaine, par prudence. Ou juste pour être un peu dramatique.

Emyr vérifie ta température et tu te figes dans ton lit, craignant que son verdict contraste avec tes impressions, plutôt positives au vu des circonstances, sur ton état actuel. Tout semble aller dans le bon sens, mais tu te plies aux vérifications sans broncher. Intérieurement, tu as l'impression de passer un test, pour lequel tu ne te serais pas préparé.

L'examen est réussi et tu sens une vaguelette de soulagement familière te traverser, comme quand tu gagnais l'approbation de tes parents. Ce doivent être les herbes et les potions qui grattent tes barrières mentales, car il y a longtemps que tu n'avais plus pensé à eux de cette façon. Raison de plus pour espérer qu'on te libère rapidement.

Le médicomage s'est retourné et tu en profites pour te concentrer sur ce qu'il dit en fixant tes draps histoire de... remettre ton cerveau sur le droit chemin. La coïncidence est vraiment intéressante, d'autant plus que vous travaillez tous deux en lien avec les créatures magiques... simplement pas dans le même domaine.

J'y penserais s'il me vient à nouveau l'envie de sauver des créatures en détresse un jour... Ce qui est peu probable. Surtout si vous n'êtes pas dans les parages.

Tu réponds à sa plaisanterie par une autre, et le sourire apparaît plus naturellement cette fois. Tu secoues la tête, diplomate:

Je serais bien incapable de vous dire à quoi vous devriez ressembler, monsieur Selwyn, je n'ai pas croisé beaucoup de médicomages dans ma vie... je ne suis pas souvent malade. En dehors des infirmiers de Beauxbâtons, cela t'était peut-être arrivé une ou deux fois, et pas à cause d'une créature sauvage. Tu souris, confiant: Vous ne risquez plus de me retrouver dans votre service, c'est une promesse.

Parce que tu as quand même abusé de son temps, ce qu'il confirme en avouant qu'il t'a aidé en dehors de ses heures de travail. Tu n'es pas assez égocentrique pour l'ignorer, cela t'embarrasse même, mais c'est peut-être juste une question de fierté. Tu gardes tes pensées pour toi, pour le moment. Tu te sens redevable, et tu n'es pas du genre à oublier tes dettes - sauf, bizarrement, quand il s'agit d'argent. Tu ne peux évidemment pas le payer, mais tu peux t'excuser avec élégance quand tu seras sorti de cet hôpital. Un café, par exemple, ou une boîte de chocolats, ça ne coûte pas grand-chose, mais ça suffira à apaiser ton ego. Lui aussi a besoin d'être soigné. Tu hoches poliment la tête:

Merci docteur, à demain alors.

(fin)