Tu t'étais levée à l'aube comme toujours, avec en mémoire le désagréable souvenir de la soirée de la veille. Ta mère avait orchestré un dîner sous ton propre toit auquel tu n'avais pas pu échapper, y invitant Ivan et Jasper. Si rien de tout ça n'était officiel, tu avais pourtant toute conscience du manège auquel elle jouait. Les visites répétées d'Ivan sonnaient à tes oreilles comme des rendez-vous organisés que tu n'avais pas le loisir de refuser, et Jasper n'était que le témoin de tout ce cinéma. La carte à valider avant de passer à l'étape suivante -celle que tu redoutais, parce que sous ses apparences de prince charmant idyllique, Ivan n'était rien d'autre qu'un nuisible. Mais il avait le sang pur et beaucoup, beaucoup d'argent. Et toi tu avais une parole à honorer.
Alors tu avais pris soin d'Ivan tout le dîner durant, des sourires aux attentions délicates, tu avais été une hôtesse parfaite du début à la fin. Et tu savais qu'il n'y avait vu que du feu, même lorsque d'une caresse habile tu avais repoussé encore et encore ses doigts discrets tout contre ta peau. Ils te donnaient envie de vomir, pourtant pas une seule fois le masque ne s'était effrité. Ni devant Jasper, ni devant ta mère, ni devant lui. Il n'y avait eu qu'après, dans le silence de leur départ que la colère s'était glissée à la surface, tremblante de s'être trop retenue. Elle était venue d'un geste brusque fissurer le verre d'un cadre sans jamais réellement exploser. Et puis tu t'étais lavée. Deux fois. Pour enlever les traces et ne pas paniquer. Ne pas exploser.
Et ce matin alors n'avait rien de doux.
Rien de beau ni de tendre.
L'odeur des fleurs si amère à tes narines que tu t'étais l'espace d'une seconde demandée si elles n'avaient pas toutes pourries. Tu étais repassée devant le cadre brisé sans un regard ni un remerciement pour Nima qui l'avait réparé pour rejoindre la terrasse extérieure comme d'habitude. La gazette déjà posée sur un coin de la table, tu t'étais assise puis l'avais saisi sèchement.
Quelques minutes plus tard l'avais baissé lorsque Nima fit irruption pour t'annoncer un visiteur. De si bon matin. À tes lèvres les apparences qui s'inondent de nouveau alors que tu te redresses pour venir saluer ton invité. Surprise légère dans ton regard à la vision de ce beau bouquet entre ses doigts, tu trouves bien vite le chemin jusque ses yeux au son de sa voix qui résonne.
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Sir Rosier, c'est un plaisir. Une surprise également je dois bien l'avouer. Ces fleurs sont magnifiques, je constate que vous savez comment m'amadouer.Un rictus amusé au coin de te lèvres. Tu poses un regard sur le bouquet avant de retrouver le sien.
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Pardonnez-moi cet accueil pour le moins rustique, je ne m'étais pas préparée à une visite aussi matinale.Tu sembles peinée une courte seconde avant de te reprendre, plus avenante. Tout était dans le contrôle, toujours.
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J'étais justement entrain de petit-déjeuner. Voudriez-vous vous joindre à moi ? Nous pourrons ainsi discuter de la raison de votre venue.Qui la rend curieuse, il faut bien l'avouer.