Il était agacé. Agacé par le comportement de sa petite sœur. Agacé par son inutilité. Agacé par son existence même. Tiphaine n’avait rien d’une Rosier à ses yeux. Pourtant, elle portait toujours le même nom qu’eux. Cette simple image lui était insupportable. Et chaque rencontre avec elle ne faisait qu’accroitre ce mal-être en son sein.

C’est pour cette raison qu’il avait tendance à éviter la demeure familiale. Entre autres. Mais moins il venait dans ces lieux chargés de souvenirs. Moins il avait de chances de croiser son père et… l’autre. Deux personnes qu’il était incapable de voir, ne serait-ce qu’en peinture. Il suffisait de croiser leur route pour que sa journée s’en retrouve gâché. Quoi qu’il advienne par la suite. Quoi qu’il puisse advenir.

D’autant plus qu’il peinait de plus en plus à garder le contrôle sur ses émotions en leur présence. Un autre point fort désagréable à ses yeux. La récente discussion avec Tiphaine lui avait laissé les nerfs à vifs et la patience au plus bas. La discussion en avait été presque éprouvante. Devant faire appel à toute sa volonté pour ne pas craquer. Pour ne pas l’expulser lui-même. De ses propres mains.

Il n’avait plus la patience nécessaire pour le voir. Pour le supporter. Pour accepter leur existence. Pour les laisser ruiner davantage la réputation de leur famille, de sa famille. Intolérable.

Il se dirige d’un pas rapide vers la sortie. Bien décidé à prendre l’air, pour son propre bien. C’était presque vital à ce stade.

C’est justement à ce moment même. A cet exact instant. Qu’il la croise. Son autre sœur. Ellana. Elle n’était pas une ratée, elle, au moins. C’était déjà ça. Il n’avait d’ailleurs rien contre elle en temps normal. Malheureusement. Ce temps était tout sauf normal à ses yeux. Il suffisait de passer à côté d’elle. De faire comme si de rien était. De l’ignorer, tout simplement.

Mais non.

Dans cet état, il ne pouvait pas rester muet. Il ne pouvait pas s’empêcher de l’ouvrir. D’en rajouter une couche. Quitte à aggraver la situation, déjà bien désespéré.

Ellana. Tu tombes bien.

Un silence. Pesant, lourd de sens. S’installer entre les deux frères et sœurs. Une réunion de famille qui aurait pu être touchante, dans n’importe quelle autre famille. Si ce n’était pas la sienne. Si ce n’était pas les Rosiers.

J’ai une question.

Un nouveau silence. Qui retombe tout aussi lourdement sur cette conversation déjà bien assez oppressante.

Tu comptes te marier un jour ?

L’assaut était lancé. Sans sommation, sans avertissement. Il venait de frapper juste et fort. Il ne s’était encombré ni de pincettes ni de tact, abandonnant tout espoir de diplomatie.

J’espère juste que tu ne t'inspires pas de l’autre. Une raté dans la famille, c’est déjà une de trop.

Au moins, il n’avait jamais été aussi honnête qu’en présence de cette digne famille. C’est quelque chose qu’on ne peut lui retirer.