Ça lui fait toujours bizarre de se dire que Jasper a terminé ses études et qu'il ne fera plus le trajet avec elle comme tous les ans. C'est le cas depuis le début de l'année scolaire et pourtant, aujourd'hui encore au retour de vacances elle y pense. À l'année dernière et la façon dont il a remit à sa place cette idiote de Rebecca d'un coup de baguette sur le quais de la gare -ou encore à sa première année, leur premier trajet à deux.

Du quai au train, du train à la gare. Le retour c'était hier et ce matin déjà les cours reprennent. Bientôt les sélections de Quidditch et le début des matchs, la pensée lui arrache un grand sourire tandis qu'elle discute tranquillement avec les élèves qu'elle croise sur son chemin. Seule en chemin pour retrouver ses amis à l'extérieur, elle finit par te remarquer, âme errante parmi la foule qui se presse dans les couloirs. L'esquisse s'étire à ses lèvres alors qu'elle s'avance dans ta direction, ça ne fait pas si longtemps depuis la dernière fois (deux semaines à peine) mais à ses yeux cela sonne comme une éternité.

Va pour te saluer chaleureusement mais s'arrête au dernier instant, le bras levé qui retombe ballant -il semblerait que cette fois encore tu n'ailles pas bien. Une grimace pour venir assombrir ses traits. Que peut t-il bien se passer chez toi pour qu'à chaque retour tu donnes l'impression d'être mort, dis ?

— Izar !

Elle se retourne rapidement pour te rattraper, tandis que tu la dépasses sans lui accorder la moindre considération.

Et elle n'aime pas ça, Iphigenie.

C'est pourquoi elle se plante face à toi pour te barrer le chemin. Les traits doux mais visiblement préoccupés, elle aimerait tellement pouvoir t'alléger Izar. Que peut-elle faire pour t'aider si ce n'est continuer de rayonner ? Va savoir, ce n'est peut-être pas la meilleure des idées.

— Tu ne m'avais pas vu ?

Laisse le bénéfice du doute à l'inattention sans pourtant ignorer la légère douleur de son coeur qui se serre à la seule pensée que tu ais pu l'esquiver volontairement.

— Te- Quoi ? Non ! Non bien sûr Izar, je ne te reproche rien.

Même pas ce regard gelé qu'elle capte au travers de tes iris. C'est simplement qu'elle ne comprend pas, et que ça fait un peu mal, tu vois ? Ce n'est jamais agréable de sentir son coeur se serrer. Elle tique un peu cependant lorsque tu roules des yeux, lance tes mots sans aucune considération apparente pour sa personne -elle déteste ça. Te voir toi dans cet état. T'entendre toi lui parler comme ça.

Alors forcément, elle aussi s'agace.

— Je voulais simplement te saluer. Mais aujourd'hui encore il semblerait que tu ne sois pas d'humeur, monseigneur Izar Black.

L'ironie est un peu trop provocante mais elle s'en fiche, il faut que tu comprennes que ça la blesse cette façon que tu as de réagir.

— Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

Les bras croisés contre sa poitrine, elle se fait barrière infranchissable. S'emporte sans doute un peu trop, mais c'est parce qu'elle est inquiète.

C'est toujours comme ça, bien sûr elle devrait avoir l'habitude depuis le temps. Mais elle n'y arrive pas, Iphigenie, elle ne parvient pas à ne pas s'en faire pour toi. C'est plus fort qu'elle ! Alors, quand tes mots sonnent l'affirmation comme une excuse derrière laquelle te cacher, elle ne peut empêcher un soupir de s'échapper.

— Bien sûr que je le sais ! Mais- Izar... Je déteste te voir comme ça.
Je déteste que tu m'évites aussi.

Elle avance de quelques pas pour te rejoindre et poser une main sur ton épaule tandis que l'autre retombe le long de son corps. Elle a le sourire triste aux lèvres, quand elle reprend.

— Pourquoi tu dois supporter ça tout seul ? Pourquoi tu ne me dis jamais rien ?

C'est infernal.
Tu sais, si elle avait conscience de ce qu'elle faisait, elle se détesterait de t'infliger ça. Seulement dans sa volonté de bien faire, Iphigenie ne se rend pas compte de cette pression qu'elle ajoute en plus à tous tes problèmes. Parce qu'elle est fatiguée de te voir sombrer à chaque rentrée et plus encore, parce qu'elle se doute que tout ça ce n'est pas l'affaire que de quelques jours par an.

Mais que croit-elle pouvoir arranger ?

Elle qui n'est qu'Iphigenie Fawley.

— Je n'y arrive plus, Izar. C'est trop difficile de te regarder dépérir sans rien pouvoir faire. Parle-moi, je t'en prie.

Ça ne ferait que t'inquiéter d'avantage.
Ça ne va pas.

Elle ne sait pas si c'est elle, elle n'est pas sûre Ginny, mais ça ne va pas. Parce que tu ne comprends pas Izar. Elle ne peut pas s'inquiéter plus qu'en ne sachant rien -et ça l'énerve. Parce qu'elle essaie, sans y arriver.

Et toi tu gâches tout.
(elle aussi, tu sais)

— Comment je pourrais tout te dire ?
— En ouvrant la bouche et en parlant.
— Crois-moi ça ne ferait qu'empirer les choses.

Pourquoi c'est si difficile.
Pourquoi cette colère qui monte, dis ?
Arrête de la prendre pour une enfant, vous avez quinze ans Izar. Et à quinze ans, pour les gens comme vous c'est déjà trop grand. Si elle savait seulement ce qui tomberait la semaine d'après.

Tu sembles désolé quand vos regards se croisent. Désolé mais pourtant bien décidé et face à ça elle ne peut qu'exprimer sans trop savoir comment de la peine et de la colère. Beaucoup, beaucoup de colère qu'elle te renvoie, l'œillade dure et les doigts crispés sur ses bras croisés.

Je ne veux plus te faire autant de mal Iphi.
Tu ne lui as pas laissé la moindre chance de répondre.

— Alors je pense que le mieux pour nous deux c’est de prendre nos distances, tu mérites bien mieux que de te prendre la tête avec mes humeurs, c’est mieux.
— Merde Izar !

Ses doigts pour agripper tes épaules brusquement, elle capte tes iris fuyants (encore) des siens alors que son visage s'approche du tien.

— Tu es sérieux ? C'est ÇA ta façon de tout gérer ? Je voulais t'aider, j'voulais simplement ÊTRE LÀ POUR TOI !

Et c'est comme ça que tu réagis.
Tu ne seras pas le seul, t'en fais pas.

Seulement de la part du premier ça fait toujours un peu plus mal, tu sais.

— Mais c'est bon. C'est bon t'as gagné je m'en vais.

S'en suit sa prise qu'elle lâche tout aussi brusquement qu'elle l'avait attrapée. Alors les mots qui sortent sont agacés, impatients, tranchants dans ce dernier espoir qu'elle a de te faire comprendre les choses. (de la pire des façons, sûrement)

— Le jour où tu décideras de faire autre chose que de me rejeter je serai là. En attendant passe une belle journée. Salut.

Avant de te bousculer pour partir dans ton dos sans se retourner.
Merde.