Elle l’a serré contre son cœur, sans vraiment trop y croire. Elle a osé Maxine, pour une fois. Les paroles de Cassidian ont tourné encore et encore durant des mois. Dis Maxine, tu n’as pas pensé à adopter parfois ? Elle voulait tout leur bonheur, voulait à tous leur réussite. Mais son coeur meurtrie restait accroché à une étoile.

Demande de filiation
C’est écrit en gras sur le dossier qu’elle tient. Elle a déjà rempli toutes les parties. Il ne reste que la signature de sa peut-être fille. Elle n’en a parlé à personne de cette décision, n’en a jamais mentionné l’existence. Mais aujourd’hui, elle se décide enfin.

Alors elle se tient devant sa porte, hésitante, et y frappe deux grands coups tremblants. C’est que pour la première fois, elle aurait peur Maxine, d’entendre une négation. Je suis là !

Le dossier caché, après tout elles auront le temps, elle s’avance d’un pas pour caresser sa joue. Pour Eléonore, elle irait décrocher les étoiles, les poser sur un plateau d’argent. Plus tard, elle écoutera sa respiration endormie, elle contemplera les paix apaisée de celle qui a trop longtemps protégé les fantômes.

Pardon de mon retard. Et elle ne sait plus si elle évoque ce maintenant, où cette idée qu’elle aurait pu sauver Eleonore des griffes de son enfance. Elle ne dit rien,  Maxine, de la voir porter la mort en étendard. Un regard au dossier bien sagement caché au fond de son sac.

Plus tard.

Un regard dans la maison, les fragrances lui rappellent Eleonore, elle lui tend finalement la main (comme elle le ferait avec chacun de ses enfants). Tu es prête à commencer ?

C’est dur après tout, que de dire au revoir à ceux qu’on a aimé. Elle le sait Maxine, elle en a enterré tellement de ses proches et ses amis, de ses enfants qui n’ont jamais grandi. Elle a vu la mort, a goûté à sa veine sans même frémir.  

Alors elle tend une main discrète.
Tu ne seras plus jamais seule Leo Voilà la promesse qui traîne dans ses prunelles.
Pour peu que personne ne l’empêche, Maxine tronerait dans sa vie comme une étoile immortelle.

Je suis fière de toi Eleonore. Ca s’échappe tout seul, s’abandonne de son myocarde. Elle est fière de sa bravoure - même si elle voit les fêlures, même si elle sent qu’il y a un gouffre si proche. Et elle qui ne voulait jamais intervenir dans la vie de ses proches, jamais influencer les courbes de leurs choix, se voit obligée de s’écarter de son chemin.

Certaines personnes valaient toutes les entorses.

Mais tu as le droit de demander de l’aide, de me demander de l’aide tu sais ? Le cœur ouvert, elle se tait finalement, écoute et hoche la tête. Le factuel semble plus simple à gérer et une moue se dessine sur les lèvres de Maxine, tandis qu’elle imagine Eleonore partir. L’intime conviction que si elle disparaissait dans la nature, jamais elle ne reviendrait encre le cerveau de trait noir et alourdit l’estomac vide.Tu ne veux pas plutôt venir habiter chez moi quelque temps ? Jusqu’à ce que tu sois plus stable tu sais.

Elle capte ses prunelles. Pas dupe face à l’incertitude qui règne, Maxine avait assez perdu de ses proches pour reconnaître les signes d’un abandon. Il y a un appartement de fonction libre, mais tu peux aussi venir dans le mien. Tu pourrais simplement te poser, jouer avec les enfants et respirer un coup.

Elle désigne la maison. Par exemple, le temps de sa vente.

Un rire qui ponctue le silence. Si on écoutait Alex, il serait bon de tout brûler. Je ne suis pas sûr que réduire le monde en cendre règlerait certains de nos problèmes. Le front qui se plisse un peu à sa réflexion. Elle ne le réalise pas encore Maxine, mais les premières traces de son âge apparaissent, tirent ses prunelles et pâlissent son teint. Dans les flammes de sa chevelure se réverbèrent quelques filaments ivoires à peine discernables. Pourtant le constat était là : même elle finissait par se faire rattraper par le temps.

Alors à voir Leo hésiter ainsi, Maxine se sent peut-être coupable. Elles auraient tout le temps du monde plus tard, de se retrouver et de discuter à nouveau. Tu as besoin d’un nouveau départ.

Projection un peu perverse, elle ne pouvait s’empêcher de reconnaître un peu ce visage. Elle l’avait arborer des années durant dans la Russie dorée, au côté d’un époux qu’elle haïssait. Subsister pour l’ombre de quelqu’un est une chose, vivre pleinement en plein soleil en est une autre.

Elle sourit - passe la main sur un meuble plein de poussière pour mieux l’égrenner de ces doigts ensuite. Je crois que je comprends ce que tu veux dire.

Maxine ne voudrait jamais voler leurs vies.
Mais elle pourrait les soutenir.

Je dirais dans ma grande sagesse qu’aucun choix n’est bon. Aussi étrange que cela paraisse la liberté fait peur, mais s’il faut que je te pousse dedans pour que tu la vives, je le ferrais sans regret, mhm ? Ses lèvres se pincent. Je raconte n’importe quoi ça y est. La vieillesse me guette.

Finalement elle apostrophe Eleonore du regard. Il n’y a plus personne pour décider pour toi. Maintenant tu dois choisir toute seule.

Une moue aimante. Vous m’êtes précieux. L’affection qui glisse de ses canines. La vérité qui sort, elle est heureuse de converser avec ceux qui ont grandi, avec ceux qui sont restés si près. Elle en avait vu passer des mille et des cents.

Elle conserverait quelques préférés.

Si elle pouvait, elle raconterait à qui veut l’entendre leurs exploits, elle roucoulerait d’une fierté et d’un amour maternelle. Elle brillerait pour eux, se consummerait comme si sa vie mourante pouvait racheter tous les péchés.

Un sourire conciliant fleurit contre ses lèvres.

Eleonore ? L’interrogation pour capter son regard, une main pâle glisse dans ses cheveux, démêle un nœud. Tu es prête. Elle l’a toujours été - mais Eléonore était de ces âmes à nécessité des cordages et des chaînes pour fonctionner. Maxine lui proposerait de les échanger contre des ficelles.

Tu n’as pas besoin de guide, tu as été guidé toute ta vie. Elle replonge sa main dans son sac et inspiré d’un seul coup, le courage qui brûle ses côtes. Tu as déjà un garde fou. Tu as Alex, à sa manière - donc un très mauvais. Tu as ton directeur, Antoine Savoy, sur qui tu peux compter. Et puis, je suis là. Le document de proposition d’adoption est sorti du sac. Et je peux l’être autant que tu le désires.