Peu de clientèle en ce samedi froid pour Cassidan qui, assit derrière son comptoir, brode son logo au bas d'un vêtement en fredonnant. Il aimait bien ces journées calmes, paisibles, où rien ne venait le déranger. Son esprit était en paix - trouvait une certaine accalmie.
Enfin, cela ne durait jamais très longtemps.
La porte s'ouvre et la clochette s'agite vivement - la première fois lorsque le bois la heurte, la seconde fois lorsque passe la tête. Ses yeux se lèvent sur le géant, le reconnaissent immédiatement - et au vu de la tournure de la dernière fois où ils s'étaient vus, Cassidan rougit vivement.

Vladimir !

Fallait vraiment qu'il change le système de sonnette dans sa boutique.

Cassidan lève un doigt mais abandonne vite- se rend compte que de toute façon il y avait trop peu de clients pour que le panneau ai de l'importance.

Bonjour à toi aussi. Tu me fais réaliser les manquements que je fais à ne pas réadapter les choses aux gens de ta taille.

Déposant délicatement le tissus sur le comptoir, il se relève, s'étire - époussettant la salopette qu'il porte sur un haut de résille noire des petits fils coupés de sa broderie.

Qu'est-ce qui t'amène ?

Il se racle la gorge légèrement, s'appuie sur le comptoir - avant de grimper et s'asseoir dessus dans l'espoir (vain) de prendre de la hauteur.

Le clic de la serrure a un drôle d'effet sur Cassidan - tout un coup, ça le rend nerveux. Pourtant, il connaît Vladimir, il le connaît même très bien. Mais jusqu'à ce que ses intentions soient claires l'anxiété persiste.
Heureusement, ça ne dure pas longtemps.

Hum oui. Mais... pas à grande échelle. Mon collier est enchanté.

Il porte ses doigts contre sa gorge où la bande de cuir repose. Elle n'avait jamais bougé et il était le seul à pouvoir l'enlever. L'enchantement lui avait pris des mois à apposer, alors qu'il était tout simple- mais il fallait avouer qu'il était meilleur couturier que sorcier.
Il observe Vladimir déambuler parmi les rayons, mais ce n'est pas la réponse à laquelle il s'attend lorsque l'autre daigne la partager. Et il rougit plus vivement encore avant de rire, nerveusement.

Bien sûr ! Je croyais juste que hum. Je ne te reverrai plus.

Haussement d'épaules timide, Cassidan tourne la tête de profil lorsque l'autre l'approche, lève les yeux au ciel et lui donne un coup de la pointe de son pied nu dans le genou.

Si Cassidan peut plus rougir, ses oreilles le peuvent encore. Il se racle la gorge, pose son regard sur cette large main à côté de lui.

Je peux y jeter un coup d'œil si tu veux. Ça ne coûte rien d'étendre son domaine d'expertise- qui sait, je te coûterai peut-être moins cher.

Un sourire, avant de sursauter au craquement, et Cassidan se relève précipitamment, se retournant- le dos se logeant contre Vladimir.

Oh Merlin j'ai cru j'allais finir par terre.

Expiration soulagée et amusée, il se tourne à nouveau, bien plus proche qu'il ne le pensait.

Tu vois, je dois vraiment réadapter ma boutique.

La tête est secouée et il s'adosse au meuble, ses doigts venant automatiquement triturer un fil dépassant du vêtement de Vladimir.

Je t'avoue que oui. Je m'attendais à ne jamais te revoir et devoir faire ton deuil.

Mais il va de surprise en surprise et la question suivante le fait brûler de rouge, couvrant maintenant ses épaules. Il lève les mains pour se dissimuler le visage, gêné.

Vladimir ! Si je. Enfin non. Enfin.

Il ne sait pas s'exprimer- n'a jamais su, et ça le fait brûler de honte.

Je ne veux pas qu'on en reste là et j'ai aimé même beaucoup ! Enfin !

Se retournant dos à Vladimir, il écrase sa tête sur le comptoir.

Rire nerveux en réponse, il acquiesce Cassidan, trouvant la décision bien sage. Il faudrait qu'il se renseigne sur ce qu'il fallait changer dans ses habitudes pour travailler ces tissus là - rien qu'il ne pourrait pas trouver dans ses romans de couture.
Mais Vladimir le perd dans son cours de pensées, de cette main chaude et rêche comme des draps trop longtemps laissés au soleil. Ça lui rappelle cette peau couturée, comme un parchemin antique fait de chair, dont il avait pu explorer quelques récits, intimement...
Il rougit davantage, se cache la tête un peu plus.

Ouais. Je suis misérable désolé.

Aucune habitude. Jamais il ne développait de sentiments, Cassidan, pas comme ça tout du moins. Non, il les fuyait - incapable de les exprimer. C'était plus simple de ne pas avoir à parler - avec Vladimir il pouvait parler et fuir en même temps, mais pour ça il devrait apprendre à crier.
Enfin. Parler plus fort, parce que crier, il avait déjà fait.

Léger rire alors qu'il tente de chasser la vilaine main - tentative qui n'aboutit en rien - surtout lorsque derrière le baiser suit, le faisant frissonner. Et Cassidan se redresse, réalisant qu'il ne cesserait pas de rougir de toute façon, remettant ses cheveux en ordre avec bien trop d'entrain. Mais ses yeux se dirigent vers Vladimir qui s'est éloigné, suivent sa silhouette, attentifs.

Je sais que ce n'est qu'un ressenti mais... Je n'arrive pas à m'en défaire. Parler c'est... Parfois difficile.

Le regard se fait plus attentif, intrigué.

Et.. Tu ressens quoi alors ?

Oeillade sur le côté, il vient traîner un vieux pouf élimé du coin de la boutique et invite Vladimir à s'installer dedans.

Un sourire en le voyant comblé du siège - Cassidan s'approche, tapote le côté du tas et se renverse dessus - la tête vers le bas, logée près des cuisses de Vladimir, ses jambes vers le haut, près de ses épaules. Il était étalé sur ce qu'on pourrait croire un accoudoir - tellement plus menu que le géant, que ça lui suffisait amplement.

Là. J'adore ce truc aussi. Je peux t'en coudre un, si tu veux - c'est super simple.

Il l'observe de sous ses cils, discrètement - venant récupérer une des mains de Vladimir pour suivre du bout des doigts les cicatrices l'ornant.

Je ne vois aucune raison valable pour que tu tiennes des propos pareils.

C'est un pouf. Un fatboy, pour être plus précis.

Cassidan hausse les épaules.

Je crois que c'est des boules de polystyrène dedans. Et au pire prends un California King...

Hésitation. Il se tait quelques instants, soupire.

C'est deux mètres treize sur un mètre quatre-vingt... Mais avec un fatboy tu vas dépasser quand même, bien qu'il en existe d'immenses modèles, c'est vrai.

Inconsciemment, il pose la main de Vladimir contre son coeur en continuant de jouer avec.

Je ne comprends pas ce que ça a à voir avec tes ressentis, Vladimir. Tu tournes autour du pot.

Un sourire attendri.

C'est un lit, un California King. Le plus grand qu'ils font commercialiser.

Ses yeux continuent pourtant de s'accrocher au visage de Vladimir, cherchant à savoir d'où lui venait cette moue soudainement... Différente.

Rassure-moi, tu as quand même des meubles chez toi, hein ?

Oeillade suspicieuse, avant qu'il ne pousse un petit cri moqueur, essayant d'éloigner ses jambes des vils pincements.

Parce que tu sais pas ou tu veux pas ?

Cassidan ne retient pas sa phrase qui part toute seule - et il détourne les yeux. Et rougit. Bien sûr.

J'y peux rien !

Tu découvres un pouf ! Comment tu veux que je sache. Géant troll ou sorcier, y a plein de gens qui se donnent pas la peine d'acheter des meubles figure toi.

Il en aurait fait partie, Cassidan, à dormir à l'arrière de sa boutique, si il ne s'était pas fait remonter les bretelles pour acheter l'appartement au-dessus du local et l'emménager.
Le retrait de la main semble lui être presque douloureux, et lorsqu'elle est rendue, il la serre fort - ne voulant plus la lâcher.

Tu n'as toujours pas répondu.

Les lèvres mordues, il hésite quelques instants - finit par craquer.

Tu sais, si à toi ça t'a pas plu, tu peux le dire je... Je peux comprendre si toi tu veux mettre un terme à...

Mais il sait pas à quoi Cassidan. Ils en avaient pas parlé. Ils ne s'étaient pas concertés. Il ne savait pas ce qu'ils étaient - s'ils étaient quelque chose.