la journée avait été horripilante, simplement car il m'a fallu vérifier l’heure bien trop souvent pour ne pas définitivement perdre patience et rejoindre son bureau en avance ; alors qu’il avait prévenu rejoindre le mien. j’ai alors rangé quelques nombreuses fois mes dossiers déjà, prenant le soin de laisser celui que j’avais emprunté au milieu de mon bureau. j’ai hésité, cheveux attachés, détachés; quand bien même ce détail n’aurait vraisemblablement aucun impact sur le déroulement de notre soirée ; mais toutefois, j’avais besoin
de me sentir belle, et désirable. pour lui.

huit heure sonne. je suis assise sur mon bureau, je scroll sur mon téléphone, convaincue que les minutes ne seraient plus que des secondes si mes yeux n’étaient plus occupés à surveiller la porte d’entrée. quand elle s’ouvra enfin, il ne me fallut pas plus d’une seconde pour lever mes yeux afin de découvrir sa silhouette.

pour avoir si mal dormi la veille, pour avoir pris tant de soin sur moi-même aujourd’hui, pour autant savourer sa présence à cet instant même ; c’est sûr, j’ai le béguin, et ça va me détruire, de toutes les façons possibles.

« tu peux m’appeler madame. ou lune. » je délaissa mon trône, quand bien même mon propre cabinet m’inspirait bien des choses. « on y va. » sans lui laisser la possibilité de répondre; il ne fallait pas qu’il puisse soudainement se défiler. j’ai donc saisi sa main, d’une étreinte plus forte que douce; quittant la pièce pour la fermer à clé avant de transplaner jusqu’à l’immeuble qui me logeait; et, même arrivée, finalement, j’avais bien du mal à quitter le contact de sa peau… mais je ne pouvais pas obéir à mes désirs et uniquement mes désirs ; le jeu méritait qu'on obéissent aux envies de chacun. j’ai lentement lâchée ma prise, caressant ses doigts par les miens alors que j'entame doucement le pas à reculons, sans lui. « tu m’as l’air fatigué isaac. longue journée ? j’espère que cette soirée saura te détendre. » mon regard fixé sur toute sa personne, je prenais ce plaisir, peut être néfaste, peut être pervers, à le regarder, lent dans ses moindres mouvements, et sans aide. une fois dans mon appartement au rez de chaussé, je l’ai laissé seul dans cet espace qu’il ne connait pas. j’ai quitté mes talons dans l’entrée, déposé ma veste sur le canapé, je suis même partie dans ma cuisine sans un regard pour savoir s’il se débrouillait sans moi. « le salon est sur ta droite isaac, puis la cuisine ouverte sera encore sur ta droite. » pendant ce temps, je l'avais abandonné pour m'occuper des plats préparés la veille.

« scribe mihi. » un sort lancé par la voix calme, presque comme un chuchotement au vent alors que je dirige ma baguette vers isaac - je m’attèle ensuite à faire réchauffer mes plats sans plus me soucier de manquer un mot de mon invité ; quand je me retourne c’est pour jeter un coup d’oeil sur le livre qui était apparu, dont les pages blanches se faisaient baptiser par des mots que je n’entend pas.

« excuse moi si j’ai manqué de délicatesse ? dis moi comment tu veux être accueilli, je le ferai. » le sourire en coin, j’essuie mes mains sur un torchon avant de m’approcher. installer le canapé face à la cuisine était de loin ma meilleure idée ; je crois. coup d'œil sur le sac avant de le saisir par le bas, je me hâte alors d'aller déboucher la bouteille pour nous la servir généreusement. « tu me gâtes ce soir ! » car sa simple présence faisait déjà de moi une gamine en joie. j’apporte deux coupes, m’assois à ses côtés tout en me tournant vers lui, et puis je colle son verre contre le dos de sa main pour qu’il s’en saisisse. « je suis désolée de te paraître maladroite, disons que t’avoir à la maison me stresse un peu… cheers, isaac. »  une première gorgée timide, d’une lenteur même que je ne connaissais pas ; était-ce de l’observer si longuement qui me rendait si nonchalante dans mes démarches ?

s’il me voyait… peut-être se rendrait-il compte que j’ai toute l’attitude d’une chasseuse, pourtant bridée dans mes mouvements. « ça m’a toujours insupportée, qu’on me traite comme une pauvre petite sourde que l’on doit ménagée. mais je ne sais pas comment tu veux qu’on se comporte avec toi. je n’ai fait que t’observer de loin, après tout. » sans jamais dépasser les limites, qu’on y voit toujours que deux collègues en plein travail. mais tomber sur un dossier si important grâce à ariana m’a donné du courage, et, je crois ; gagner en pouvoir m’avait insufflé assez d’espoir pour entreprendre ce que je n’avais jamais osé.

un autre public ? j’arque un sourcil, à défaut de les froncer. la présomption d’innocence était de mise ; c’était comme être conditionnée à ne pouvoir l’accuser du moindre des crimes qu’il avouait dans des sous entendus presque blessants.

son verre rejoignant la table basse j’ai pourtant la confirmation que j’étais la seule déterminée à passer une bonne soirée. j'arbore un regard oscillant entre frustration et déception, me permettant alors (foutue pour foutue) de saisir son verre pour le vider dans une série de gorgées rapides. et en repensant à cette histoire de table que je constate que la mienne n’était pas encore mise - alors je me redresse, une main sur son épaule avant d’aller préparer assiettes et couverts. il me fallait vite m'occuper d'autre chose que de son arrogance si je voulais témoigner d'encore un peu de... patience.

« parce que j’ai des points, avec toi ? » peut-être qu’en montrant les crocs sa nonchalance à mon égard finirait par s'essouffler ? plus il s'exprimait, plus j’avais cette horrible sensation d’être confinée dans une cage sans aucune échappatoire. j'allais devenir folle... « je ne me souviens pas t’avoir déjà parlé de ma maison à poudlard… tu t’informes sur tes collègues de manière générale ou seulement sur la petite avocate entreprenante qui pourrait empoisonner ton verre ? que je sache, d’ailleurs, tu comptes ne rien manger ou te faire vomir à la fin du repas ? »

finalement ma patience est en berne. « pourquoi penses-tu que je t’ai invité à dîner, isaac ? hm. » une dernière intonation marque ma pause, trop appliquée sur la présentation de mes plats je ne décroche pas un regard en sa direction, apportant au plus vite les bols pleins et nos couverts sur la table basse, je retourne toutefois chercher le livre qui me rapporte ses paroles, avant de m’installer définitivement.

« soyons dignes et respectueux, veux- tu ? puis-ce que tu y tiens tant. qu'es-tu convaincu que je suis en train de manigancer ? »

la conversation n’est pas pour me plaire : plus les mots s’échapent de sa bouche plus j’ai l’impression de nager dans un océan de galères. isaac n’est vraisemblablement pas de ces hommes faciles que l'on peut charmer sans trop se fouler et pourtant je n’aurai jamais cru ce combat aussi compliqué.

à lire ses lèvres je commence à croire que notre soirée n’est qu’une caméra cachée dont je suis la victime : l’avoir dans mes petits papiers, une comédie de mauvais goût ? j’inspecte un instant le livre où sont retranscrites ses paroles, les sourcils froncés d’incompréhension ; oui, c’était bel et bien ses termes.

un rire m’échappe, et si je ne pouvais l’entendre, j’imagine pourtant qu’il devait mêler mon malaise, ma surprise et ma gène. je lève mes yeux sur le plafond puis divague sur les murs la décoration et les meubles.

un nouveau cul-sec de mon propre verre et je suis prête à lui partager le fond de ma pensée : en espérant un peu utopiquement qu’il puisse, une fois au moins, avoir confiance en mes intentions les plus sincères.

« isaac si je devais draguer quelqu’un pour que ma carrière décolle c’est à bathilda que j’irai faire du gringue. tu crois que je prends le temps de préparer un plat traditionnel lié à mes racines et à mes ancêtres, la veille pour qu’il soit prêt aussi vite que possible après les journées de travail qu’on amasse, simplement pour que tu parles en bien de moi à tes supérieurs ? eh bien. c’est aussi prétentieux que stupide, je suis subjuguée. »

nos deux coupes vides, je me dépêche de les remplir au fur et à mesure que ma colère, poliment, arrive à son terme. il me faut tempérer mes propos si je ne veux avoir aucun regret dans cette aventure un peu bancale que je mène pour lui. « le point positif à retenir c’est qu’au moins tu as conscience que je suis quelqu’un de déterminé. » une gorgée de courage, et je viens toucher sa main droite avec le manche de la fourchette que j’avais préparé. « j’aurai pu me contenter de t’apporter un café tous les matins à ton bureau, crétin. je voulais juste partager un peu de complicité avec toi. tu m’intéresses, oui, beaucoup même. mais pas à des fins professionnelles… goûte à mon plat s’il te plait. j’ai cuisiné pour toi, pas pour ma carrière. »

si la situation me dépassait jusque lors c’est soudainement qu’elle devenue étrangement à mon avantage. j’ai cru trahir mon caractère en osant lui dire ce que mon coeur me suppliait d’avouer, et maintenant les mots semblent se perdre plus pour lui que pour moi ; quelle étrange sorcellerie que l’honnêteté ?

curieuse, terriblement intéressée par l’acheminement de sa pensée maintenant que mes intentions étaient devenues plus claires, je garde le silence mais me délecte de l’observer ; il y avait comme un plaisir pervers à le voir si torturer… chez moi, rien que pour moi.

je m’hydrate à nouveau, savourant le repas qu’il est pour moi. toujours pas un mot pour le couper, juste mon regard pour se satisfaire. une main qui se lève, je comprends que la patience est de mise. je chuchote alors  « hm hm. » déposant mon verre sur la table basse alors je m’installe à mon aise, croisant mes jambes j’y appose ensuite un coude, parfait cheminement pour ensuite tenir ma joue dans la paume de ma main, alors que j’observe, patiemment.

je pourrais rester ainsi la soirée entière que je ne crierai jamais famine. oui, je crois que c’est ça, le coup de foudre.

j’ai du mal à me concentrer pour lire ses lèvres, peut-être était-ce là un peu de gène vis à vis de la situation ; comme une sensation d’être revenu à l’école. j’ai le livre à portée de vue et m’y penche quand sa parole se délie, sinon le reste du temps, j’avoue découvrir chaque détail de son apparence.

il y vient enfin, à une nouvelle théorie farfelue dont je ne saurai trouver la source. j’aurai pu abuser de son temps, me montrer trop prétentieuse, le toucher à ma convenance. faire l’idiote, l’incapable, celle qui veut tout tout de suite, celle qui ne connait pas la patience. pourtant j’ai gardé ma tenue du jour, belle pour lui oui mais assez formelle pour le bureau ; le genre d’attention que j’aurai facilement pour une conquête mais pas pour un coup.

« je ne compte pas coucher avec toi ce soir. » ni le second, et peut-être pas le troisième. que la chasse soit intense et sempiternelle, qu’il trouve dedans le temps de, tomber amoureux de moi ? « j’ai vraiment la réputation d’une marie couche toi là au ministère ? » à l’écouter je ne serai capable que d’aventure sans avenir. « t’inviter à dîner, parler du travail. t’apporter un café, t’écouter me raconter ta matinée. t’attendre à ta porte après une journée fatigante, marcher un peu avec toi. choisir scrupuleusement ma tenue du jour tout en sachant pertinemment que tu ne la vois pas mais, avec l’espoir qu’un jour tu la découvres en la touchant. c’est à ça que je pense isaac. et à d’autres scénarios plus torrides dont je préfère garder le secret. » mais j’ai peur que ça fasse trop d’un coup. mon corps un peu crispé je le force à se détendre, récupérant mon bol pour commencer notre repas en tête à tête. « tu peux me mettre un rateau si tout ça te met mal à l’aise, j’espère quand même qu’on passera une bonne soirée. hm, il faut que tu mélanges tout ton plat avant de le manger. il y a du riz, et tout autour des carottes, pousses de soja, concombres marinés ; normalement on y met des épinards aussi mais moi je n’aime pas ça… enfin bref. et au centre, un œuf au plat. »

c’est assez lunaire, sans jeu de mot. tout dans ses mots m’ordonne de tuer mon obsession, la logique voudrait suivre : faire l’élève obéissante, taire tout cet intérêt que je lui porte sans que je ne sache moi-même pourquoi.

mais comment faire ? isaac, si c’était si simple…

mon appétit doucement est étouffé par ce refus un peu bancal, parce que ce n’est ni très clair ni très vague. on dirait une sorte d’avertissement ; véritable mise en garde j’y retrouve ceci dit toute la minutie d’un professeur dans le choix de ses mots. ça m’arrache un sourire. c’est horrible. tout ce qu’il dit, tout ce qu’il fait : quand je n’ai pas envie de l’envoyer paître, j’ai envie de sentir la chaleur de ses bras, le battement de son cœur. c’est si cucul j’en serai presque dégoûté ; mais pourquoi renier ce qui me rend pleine d’enthousiasme ?

entre deux bouchées, une bonne gorgée de vin : il me faut bien ça. et puis je pose mon bol sur la table, m’enfonce dans le canapé après avoir récupéré le livre d’isaac pour le garder sur mes cuisses, le regard accroché.

« j’ai laissé ma sagesse avec ma robe de serdaigle… ne m’en veux pas d’essayer isaac. »

laisse moi une chance ? me craint-il moi ? ou simplement lui ? je hume, soupire. je me penche pour récupérer mon verre : voilà qui définissait bien ma soirée. picoler et lire les mots d’un homme qui venait quelque peu de m’éconduire.

« qu’est-ce que je risque, au juste ? » je bois. il me faut du courage pour naviguer en eaux troubles, du courage pour ne pas regretter ma curiosité. « je suis une grande fille, tu sais. avocate, même. je suis capable de prendre mes responsabilités… capable de m’arrêter si ça devient dangereux. je ne te demande pas de me faire confiance, c’est un peu tôt après tout…  mais ne me rejette pas sans avoir essayé. » j’arbore un sourire timide, c’est pas dans ma nature d’y aller à tatillon. mais les histoires de cœur ça n’a rien à voir avec des procès ; là il n’y a ni coupable ni victime, que des âmes qui se cherchent, se refusent ou s’acceptent. « on n’est pas très proche mais, jusqu’à présent, je ne t’ai jamais déçu, je crois ? »

plus perlent ses mots plus mes inspirations sont lourdes, étouffantes. il parle, s’offre le temps et la gloire de ses heures perdues à être professeur : si je pouvais entendre je suis sûre que je me souviendrais d’au moins une fois où sur les bancs de l’école j’ai dû subir une leçon. toutefois tout ce que je peux faire à cet instant, c’est lire ses lèvres, et quand bien même je rêverai de détourner le regard parce qu’un rire me chatouille à la gorge, me voilà coincée à devoir lire sur le papier. dieu que c’est horrible d’être sourde.

c’est la contrainte perpétuelle d’offrir son attention toute entière à quelqu’un, quand bien même la condescendance, maladroite sûrement, de ce dernier me donne envie de lever les yeux au ciel.

peut-être peut-il l’entendre à ma respiration, qu’en sais-je. mais mon visage est crispé, frappé par une frustration candide : la même que l’on a lorsqu’enfant on nous réprimande d’avoir voulu passer sa main sur le feu. isaac se prenait-il pour un brasier ? pourquoi parle-t-il comme si j’étais incapable de me soigner ?

mais la tête baissée, je continue à lire. découvrant avec amertume, la suite insupportable de sa pensée. jusqu’à ce qu’il parle de mise en scène. mais je ne sais pas ce qui me frustre autant, entre son comportement infantilisant et ce rejet à peine déguisé qu’il puisse être aimé sans artifice.

je ferme le livre qui me rapporte ses paroles, me lève pour faire quelques pas dans la pièce. ça y est, j’ai décidé de ne plus rien entendre. « je sais que tu as du respect pour moi isaac alors cesse de parler de ma vie comme si tu l’observais attentivement depuis le premier coup que j’ai reçu en maternel. » je la sens dans ma gorge, ma voix pondérée et excédée, qui se fait violence pour ne pas plus trahir ma lassitude. les mains sur le front, tirent les mèches qui encadrent mon visage pour les caler derrière mes oreilles. je pars en cuisine chercher une autre bouteille de vin. « tu crois que j’ai besoin d’un homme dans ma vie pour me sentir en sécurité ? tu penses que j’ai envie qu’on ne me reconnaisse que comme étant la femme de quelqu’un ? » mon soupire cache un rire, alors que je reviens m’installer en déposant la bouteille sur la table. j’avais enfin compris. « si seulement tu pouvais cesser de te voir comme quelque chose et commencer à prendre conscience que tu es quelqu'un. » c’était finalement ça son plus grand défaut, je crois. son l'égocentrisme dégradant.

« excuse moi… » alors doucement je me suis penchée, déposant une joue contre sa poitrine, alors que mes bras se glissaient dans son dos. c’était osé mais nécessaire. pour qu’ainsi il nous voit comme deux âmes, loin des supplices de nos positions hiérarchiques et stéréotypées. « et dire que tu pensais que je voulais simplement t’avoir mes petits papiers… » j’en souris, satisfaite de moi-même, avant de le lâcher. « dans tes bras c’est agréable. mais j’ai pris assez d’initiatives comme ça pour aujourd’hui, je ne voudrais pas que tu ailles raconter à tout le ministère que je te harcèle sexuellement. »

une palette d’émotion, surement, que je ne ressens que par sa poitrine qui s’élève, que par son souffle qui se bloque dans ses poumons, de par ses joues qui réagissent à mon étreinte comme si j’étais devenue soleil.

j’oublie la bouteille qu’il avait apportée, trop forte à mon goût. c’est un doux vin blanc que j’ouvre, bien plus douce pour la gueule de bois que je risque bien d’avoir demain vu comment semblait se goupiller cette étonnante soirée.

j’ai le sourire scotché au visage, d’un bonheur intense et sincère, celui qu’on a quand on comprend qu’on désirait sincèrement quelque chose ; quelqu’un. l’envie de sauter sur mon téléphone pour répéter à melchior ce que je venais de lire sur les lèvres d'isaac. patience. et si il y avait plus inattendu encore ?

« si c'est une façon détournée de m'inviter à un nouveau tête à tête en dehors du travail, j'en serai ravie. » princesse sous ses airs de femme fatale mais je ne suis pas bête, il doit bien entendre à ma voix que je suis sournoise.

je me serre un verre de vin blanc, dépose la bouteille. un coup d'oeil à nos plats et mon appétit revient, alors je reprends là où je m'étais arrêtée. tournée vers lui, le bol tenu sur mes genoux, je reste désormais plus attentive que jamais au moindre de ses mots.

« tu ne m’as toujours rien dit sur le bibimbap. tu aimes la cuisine coréenne ? » mais c’est impossible de faire la fière plus longtemps, je dois absolument en savoir plus sur ce que l’avenir nous réserve. « tu as une idée… ? pour notre prochaine entrevue ? je suis curieuse de goûter ta cuisine. » et de découvrir son monde, d’apprendre à aimer ce qu’il aime, à écarter ce qu’il déteste. l’envie est démesurée mais plus forte que moi, je voudrais tout savoir tout de suite, en commençant par les limites… mais je m’estime heureuse d’avoir pu percer la coquille, alors pour ce soir je saurai à présent me contenter de ce qu’il me livre de lui-même.

sourire ebété, fait plisser mes yeux et je retiens un rire tant je fonds d’amour. le voir décontenancé pour si peu, oh isaac, il n’était visiblement pas prêt à découvrir tout ce que je suis.

« merci beaucoup. » vraiment très bon ; mais pas assez pour lui redonner l’appétit après avoir cassé l’hypothèse qu’il avait sur mes ambitions ? pour ce soir je peux pardonner, alors je termine mon bol, m’hydratant au vin blanc. s’il pense me nourrir un soir au café, moi je songe déjà à quelle tenue porter pour que nous nous amusions un peu plus… mais il y a des secrets qui méritent d’être gardé pour le jour j.

je repose mon plat sans quitter mon verre, posant une épaule contre le canapé j’y laisse même ma tête se reposer, le regard toujours pour lui, ma candeur transformée en apaisement. c’est si lent, comme relation. c’est si lent et presque parfait. mais j’aimerai tant poser mes doigts sur les siens : puis ce qu’il y a, comme il dit, une forme d’officialité maintenant… pourtant je reste sage. j’obéirai à ses limites, à sa cadence, à ses envies.

« plus d’aller retour à ton bureau… » je sirote ma boisson. « j’essayerai de m’y tenir, monsieur le sous secrétaire d’état. » le sourire en coin, mais je me doute que ce genre de sarcasme n’est pas celui qu’il apprécie le plus. « si tu aimes tant le café, tu as trouvé qui en ville sert le meilleur ? » d’une curiosité qu’on trouve chez les jeunes amoureux en quête des petits plaisirs de l’autre. mais à force de cogiter, un détail me coupe dans cet élan romantique. « ah, mais. j’imagine que je n’ai pas le droit d’en parler à melchior non plus ? moi qui m’impatientais déjà de lui raconter comme je t’avais volé un câlin. » je laisse un rire concis braver le sérieux de sa demande, repose mon verre sur la table. « je suis désolée d’ailleurs. je ne voulais pas te gêner. »

la peur ancrée traverse l’étendue des émotions qui me submergent ; parce que j’ai envie d’être audacieuse, mais prudente. je voudrais trouver les limites dont il ne parle pas, mais sans le braquer. je m’en veux d’être si timide, mais ne regrette pas l’avancée que j’ai déjà faite. c’est fou ce que tout était soudainement compliqué ; j’ai presque l’impression de réapprendre à marcher sans tomber.

« j’ai peur d’être maladroite avec toi. »

il n’y a qu’en étant honnête que la chute me fera moins mal.

voilà une occupation qui pourra me distraire les dimanches ; trouver le meilleur café de londres. c’est enfantin et peut être même trop, mais j’ai conscience que ces envies soudaines de décrocher les étoiles unes à unes pour les lui offrir dans un coffre doré ; ce n’est qu’un défis à moi-même pour vouloir l’impressionner… le travail saura me remettre les pieds sur terre. tous les astres du ciel, isaac, je ne peux pas les voler ; mais quelques uns ça ne doit pas être si farouche, quand on aime ?

quand on aime ? ce n’est pas un peu tôt ? tout ça me monte à la tête. un sourire amusé qui vient embellir mon visage rouge de tous ces songes qui trainent dans mon esprit, et je me concentre finalement sur melchior qui doit être épargné. tant pis, pour ce soir j’imagine que je me contenterai d’un tout petit sms…

« si tu doutes isaac, demande moi. je n’ai rien à te cacher. »

aucun secret, aucun sentiment. rien ne se négocie quand on veut la confiance et le respect.

lors qu’il se redresse, après que ces lèvres m’aient offertes pour la première fois je crois, un sourire aussi tendre, je m’interroge ; que se passe-t-il à présent ? son bras se tend et dans une hâte maladroite je termine mon verre d’une gorgée nette, avant de me lever pour passer la paume de ma main sous son avant bras.

« tu y vas ? veux tu que je te raccompagne ? je dois aller chercher sam de toute façon. je l’ai laissé chez une amie pour la soirée, je pensais que tu viendrais avec feliz, et j’avais peur qu’il ne supporte pas les chiens. ah, ma veste. attend moi une seconde !» je l’abandonne un court instant, récupère la veste de mon costume pour l’enfiler d’une traite. « prête ! » je nous avance vers l’entrée. « alors, combien de points à serdaigle pour cette soirée ? » et je saisis mes clés, ouvrant la porte pour que nous y allions le visage égayé par mon propre humour.