elle quitte le brouhaha de la fête pour rejoindre le silence doré de son appartement ; où il l'attendait. c'est trop tard dans la nuit et trop tôt dans le matin quand elle passe la porte de la pièce et, il se tenait là, debout, dans la pièce. renard l'attendait et le visage de margot s'adoucit à sa vue
leur association était improbable et impromtu (comme un alliage étrange) mais margot aimait leur ressemblance et leur différence. elle savait bien quelque part au fond d'elle que ça ne durerait pas — comment le pourraient-ils ? mais elle faisait tout pour retarder l'échéance « il n'est pas si tard, si ? » mais il était quand même trop tard « et puis tu sais comment c'est : tout le monde se retient et au moment des 'au revoir' personne ne se quittent
mais c'était très bien, merci » elle attrape le verre et s'assoit nonchalamment sur la table haute « tiens, est-ce que tu peux m'aider à enlever cette robe ? j'arrive pas à atteindre la fermeture

tu aurais dû venir je suis sûre que tu t'y serais plu, cette fois-ci. » margot s'y risque ; c'était toujours une discussion compliquée parce que renard, de leur terrier ne voulait plus sortir — alors que margot l'en suppliait

ses sequins lui collent au visage et à la peau et au contact de la peau de renard margot a un petit souffle — c'est que sa peau à elle est chaude de la soirée tandis que celle de l'homme est plus froide
son vêtement légèrement ouvert margot respire enfin mais garde sur elle le tissu et à ses pieds les sandales à petit talon demeurent. elle descend de sur la table et attrape sa baguette pour incanter un accio cigarette discret. bâton blanc aux lèvres elle l'allume par magie et retient sa respiration
elle souffle « non, au contraire. je suis avec l'homme qui a aidé le gouvernement à arrêter un terroriste de danger mondial. je ne te vois pas comme une balance tu sais ? je te vois comme quelqu'un qui a fait quelques mauvais choix mais qui a su s'en défaire » elle reprend une bouffée de sa cigarette : la soirée allait s'avérer longue elle le savait (et elle se doutait que renard le savait aussi) « j'aimerai juste pouvoir sortir plus souvent avec celui que j'aime et qu'on puisse, je sais pas, profiter un peu tous les deux »

« tu as raison je suis désolée. je te l'avais promis et je n'ai pas tenu ma promesse » encore « tu me pardonnes ? » elle s'approche de lui et plante son regard dans le sien ; son verre à la main et cigarette dans l'autre. finalement margot placa chacun de ses bras sur les épaules de renard et elle attire doucement son corps près du sien « je ne voulais pas te faire attendre et si tu veux tout savoir il me tardait de rentrer pour te voir » elle lui sourit  « alors, dis moi : qu'est-ce que tu as fait pendant que j'étais dehors ? »

elle ferme les yeux et se laisse emporter à son contact. margot aimait tout particluièrement la délicatesse et la douceur avec lesquelles renard maniait son corps. comme si elle pouvait se briser à chaque instant son contact était protecteur mais doux — mais trop souvent il était loin ; comme s'il avait une désagréable sensation de déjà-vu
margot connaissait de cette histoire ce que renard avait bien voulu lui dire et elle n'avait pas cherché à insister mais une question demeurait toujours dans sa tête
et si tu ne m'aimais jamais assez pour l'oublier ? et si tu l'aimais plus ? et si tu ne m'aimais pas ?

elle cendre par une fenêtre qu'elle a ouverte et reprend une bouffée de fumée alors qu'elle sent petit à petit la sensation de sa soirée s'évaporer (elle prenait le froid du terrier) la robe toujours contre son épiderme et le maquillage toujours figé margot était sublime mais ne s'offrait qu'à renard ce soir « soulagée alors — que tu me pardonnes » elle fronce les sourcils « je sais que j'ai une belle vue et un appartement trop bien placé mais tu ne t'es pas ennuyé ? » bien que margot sache qui renard regardait et pourquoi « un auteur était avec nous ce soir : j'ai plus le nom de son livre en tête mais ça te plairait j'en suis sûre » elle sourit à sa proposition

« c'est seulement si tu veux je ne veux rien t'imposer » à la suite de sa phrase margot reprend une bouffée de sa cigarette avant de l'écraser dans son cendrier. il prend son visage entre ses mains quand elle relève sa tête « je sais bien mais ... c'est une partie de mon monde que j'aimerai explorer avec toi tu vois ? mais j'ai compris
je n'insisterai pas la prochaine fois » et pour la première fois depuis qu'elle est rentrée margot l'embrasse

elle se sentait importante à ses côtés. bien sûr elle n'était pas indifférente quand les foules hurlaient frénétiques son nom et qu'elle frôlait les mains les plus importantes ; mais ça n'avait rien à voir. avec renard margot se sentait importante pour autre chose qu'elle : ils transcendaient tout — peut-être l'aimait-elle vraiment (mais il était dans son esprit) elle sourit à ses marques d'affection et se sépare de lui pour rejoindre son verre
« tu sais il n'y a pas que des personnalités superficielles là où je vais. il y a des chercheurs et des ingénieurs quelques fois. j'ai même rencontré la ministre Goldstein une fois
tous ne sont pas aussi ternes que les célébrités qui ne sont connus que pour leur apparence. ils ne sont pas tous comme moi » elle murmure sa dernière phrase et elle savait ce qu'en pensait renard. s'il ne venait pas aux soirées que margot appréciait c'était parce qu'il avait plus à offrir que quelques jolis sourires et une jolie robe (margot quelque fois ne s'abaissait qu'à ça)

quand elle revient vers lui son verre est rerempli et son regard bien que brillant pétille moins « tu sais si je n'étais pas assez jolie ou si les gens n'aimaient pas ma voix je n'aurais probablement rien d'autre à offrir. c'est tout ce que j'ai renard : je ne peux pas baisser les bras » et elle passe une main tendre sur sa joue « non je n'ai pas beaucoup bu je te le promets » on ne se le permet pas dans ces soirées-là

« je ne veux pas briser l'ambiance mais
pourquoi tu m'aimes renard ? »
est-ce que tu m'aimes renard ?

elle tique à sa réponse. margot ne se voyait pas comme quelqu'un de brisé. peut-être un peu fissurée par moment mais jamais vraiment détruite. peut-être avait-il raison mais elle ne voyait pas les choses de cette façon-là. mais elle se persuadait que tous les artistes avaient toujours un œil ouvert sur le monde que les autres fermaient — c'était sans doute ça
et c'est quand renard vient l'embrasser que margot réalise qu'elle avait retenu sa respiration tout ce temps : elle n'angoissait pas de sa réponse seulement une partie d'elle se noyait dans les insécurités et c'était cette partie-là qui la tenait aux tripes et qui coupait son souffle. elle se détend et profite du moment puis margot brise leur étreinte
elle se rattrape une cigarette et en tend une à renard puis s'amuse à l'allumer avec un briquet (en contraste à sa première cigarette qu'elle alluma par magie) « je crois » et la partie paniquée planta dans son esprit la graine du doute — l'absence de cette formule qui prend aux tripes je t'aime « oui » elle fume un moment et quand le silence qui s'installe entre eux commence à peser trop lourd pour les épaules de margot
elle sort enfin la question qui la faisait passer d'insomnie en insomnie
« renard est-ce que tu l'aimes encore ? » son regard dans le sien on lisait dans les yeux de margot non pas de l'appréhension
seulement une interrogation au pire inquiète, au mieux dénuée de curiosité malsaine

elle regrette sa question. elle aimerait remonter le temps se clore les lippes de force ou bien se lancer un sort de silence ou encore se maudire de ne plus jamais parler. margot était une abrutie finie et elle se détestait pour ça
elle ne savait pas quand la fermer (ni la fermer tout court) et encore une fois, comme à sa maudite habitude, elle avait tout gâché  « non je— » elle aimerait lui dire qu'il se trompait sur elle et sur eux
qu'ils marchaient bien et que rien ne venait entâcher le tableau de leur idylle mais c'était faux. parce que près de margot il y avait l'ombre de l'autre et dans le regard de renard il y avait aussi son autre à lui « j'aurais dû me taire »

elle aspire longuement sa cigarette et termine son verre d'une traite. margot ne veut plus parler ni même exister de trop ce soir ; elle aimerait simplement aller se coucher, renard à ses côtés et les discordes ils les auraient chassés. mais leur nuit ne sera probablement pas aussi calme « je pense à lui et tu penses à elle. on le sait tous les deux mais ... mais c'est nous qu'on a choisi pas vrai ? c'est toi que j'ai choisi et c'est toi que je choisis encore et encore

ça me bouffe et— et— je veux pas penser à lui et je veux pas que tu penses à elle et je veux pas que tu m'attendes comme un chien renard je veux—
j'en sais rien

je t'aime et encore une fois je suis désolée. je sais pas je crois que je suis pas facile à aimer ni à supporter enfin j'en sais rien
il est tard » elle passe une main sur son visage, excédée et engourdie d'un trop-plein de sentiments qui l'étouffe alors qu'elle ne demande qu'à inhaler l'air frais et le parfum de celui à ses côtés

sans dire un mot elle le regarde et écoute ses paroles, c'est un discours chaud qui vient réchauffer chaque recoin de l'habitation, qui elle, se gelait petit à petit. elle ne trouve rien à y redire pourtant margot est parolière et crier c'est ce qu'elle a toujours connu
leur couple n'est pas dysfonctionnel comme elle se le représentait parfois il n'est tout simplement pas lisse ; parce qu'elle-même n'est pas lisse et que renard n'est pas lisse non plus. et elle remercie celui qu'on remercie alors pour tout ça « je t'aime renard andré leroy » elle atomise la distance entre eux pour se jeter dans ses bras encore (toujours) et ses cauchemars où ils se disputent, hurlent et brisent le mobilier s'évaporent aussi vite qu'elle les voyait arriver
elle l'embrasse gentiment et colle sa tête à ses épaules, le drapé de la veille couvrant encore son corps frêle et chaud ; écoute renard respirer et cale ses inspirations avec les siennes

les problèmes et les troubles ils se les créent eux-mêmes et ce soir margot prend conscience que tout est dans sa tête, quelque fois dans la leur, rarement concrets « je t'aime une fois deux fois milles fois » lui prend le bras « je me démaquille et je suis à toi » et s'envole d'un pas léger et rassuré vers la salle de bain de l'appartement bien trop grand