T'es d'humeur exécrable. Plus les heures passent, plus tu sens la mélancolie laisser place à cette frustration latente. Frustration envers lui, envers toi, envers tout. T’allais crever et on t'avait sauvé. On t'a tendu un couteau et tu l'as jeté. Oh, tu ne peux pas dire que l'idée ne t'avait plus traversé l'esprit depuis. Tu te surprenais, parfois, à fixer d'un œil inquiétant la cuisine sans pour autant trouver la force de te lever, d'y aller. Tu pourrais mettre ça sur le compte de ton état physique mais même pour toi, Noah, la mauvaise foi avait ses limites. Et tu te sens boule de nerfs, bombe prête à l'explosion. Plus vraiment certain de ce que tu veux depuis que ta mère a explosé le peu de déni qu'il te restait. Plus vraiment certain d'avoir envie, aussi, alors ça ne te rend que plus furieux encore. T'as que quelques pas à faire, un coup sec, et voilà. Pourtant, tu restes assis dans ce putain de lit, ce putain de portable entre les mains, avec ce putain d'appétit en moins. Comme un vieux en colère contre tout. Tu te demandes si ce n'est pas l'absence de goût qui te tend.

Hermes partit, bosser, faire les courses, baiser, t'en sais rien et tu veux pas savoir. Tu lui à peine adressé un mot depuis ton réveil. T'es enfermé dans un silence colérique puisque t'as pas les mots pour verbaliser. Les larmes que t'as versées, elles se sont transformées en de sinistres grincements de dents.

Soudain, ça sonne. Une fois. Puis deux. Tu fronces les sourcils. À tous les coups, ce connard a oublié ses clés. Sous l'assaut d'une troisième sonnerie tu pousses un grognement, t'extrait avec difficulté de ton lit. Bon sang, ton corps est lourd, maladroit. Chaque mouvement te coûte une goutte de sueur, t'es aussi faiblard qu'un nourrisson. T'as jamais été comme ça. Soudain, ça te révulse. Tu veux te rasseoir. Tu te traînes, pourtant, jusqu'à la porte d'entrée. T'appuies sur les murs, sur les meubles. Tu t'appuies contre la porte, souffle avant de râler.

— Putain arrête de sonner, je vais ouvrir !

Tu saisis la poignée, tires doucement la porte.

— Tss... Her-

Ezra. Tes yeux s’écarquillent, t'as le réflexe de pousser la porte dans l'espoir de lui claquer la porte au nez mais t'es faible. Si faible, qu'aujourd'hui, même Ezra peut avoir le dessus sur toi. Tu te laisses surprendre, ton corps trop épuisé de ses blessures et de son manque d'alimentation (tu te nourris si peu ). En reculant tu t’emmêles, tes pieds malhabiles, traîtres.

— Put-

Tu chutes au sol dans un bruit sourd, cri dans un éclair de douleur. Tu te redresses sur ton coude, te tiens maladroitement le ventre.

— Casse-toi !

Tu grondes, pas aussi rauque que tu ne le voudrais. Physiquement t'es plus que l'ombre de toi-même et qu'il te voit ainsi est une humiliation que tu n'as pas la force d'encaisser. Mais surtout, surtout. Le voir te file la nausée. Pourquoi est-il ici ? Tu fais l'effort de tourner ton regard vers lui. Maintenant que tu y penses, tu n'avais jamais passé autant de temps sans le voir de ton propre plein grès.

— Hermes est pas là, barre-toi.

Tu presses ta main contre ton vendre, plisse les yeux, c'est douloureux putain, ça fait mal putain. Il te tend la main, comme-ci t'étais une chose fragile et ça te soulève un haut-le-cœur. Il te tend la main, comme-ci rien ne s'était passé et au fond de toi ça te blesse plus que tu ne l'aurais cru. Ah, comme quoi, même au bord du suicide, même dans le plus grand des vides, lui, il trouve le moyen de te faire du mal. Tu enrages. Tu enrages de lui avoir donné cette force, tu enrages qu'il ose s'en servir. Buter tu grognes, gémit sous l'effort en repoussant à coup de grand geste maladroit son aide. Tu agrippes à un mur, tente de soulever ton corps qui se tend sous l'effort, t'étais si puissant avant... Mais sans succès puisque tu retombes sur le sol, gémi de nouveau. T'as plus qu'à t'adosser contre le mur, tu ne lui feras pas le plaisir de te traîner à même le sol pour regagner ton lit.

— Me touche pas.

Grogne, mauvais, comme un avertissement.
Tu souffles du nez, rire est trop douloureux. Ce putain d'Hermes.

— Parfait, j'ai plus aucune raison de lui être redevable, maintenant. C'est bel et bien le roi des connards !

Tu peux pas t'empêcher de lui décrocher un regard acide.

— Vous faites la paire, tous les deux.

Tu souffles, rejettes la tête contre le mur. Tu n'aurais pas cru que le voir te foutrait dans un tel état... De quoi ? De colère ? De panique ? T'es même plus sûr de savoir. Tu secoues la tête.

— Et qu'est-ce que tu veux, Ezra ?

Faut que tu regagnes ton lit, ta position actuelle est trop douloureuse. Mais plutôt crever que de le lui demander.

— Parce que moi j'ai toujours pas envie de te voir.

C'est cruellement vrai.
C'est douloureusement faux.

— J'ai assez à digérer avec mes darons sans que j'ai à m'imposer ta sale gueule de traître.

Parce que tu m'as trahi, hein Ezra ?

Rire acide, mauvais, dangereux. T'as actuellement tout de l'animal blessé. Celui qui n'a rien à perdre. Parce que t'as plus rien à perdre hein ? Tu le fixes, furieux, des éclairs dans les yeux, toutes tes forces jetées dans la bataille du mépris et tu réalises, Noah, que t'as besoin d'une victime. Et qu'Ezra va payer.

— Oh, ça te blesse qu'on s'attaque à ton amoureux, hein ? T'as pas changé. Même maintenant. Même devant moi, tu viens étaler ta mièvrerie dégueulasse.

Tu craches, autant pour marquer le coup que pour l'éloigner de toi.

— Je lui ai rien demandé, figure toi.

Oui. T'as besoin de tout extérioriser et Ezra va payer. T'as plus aucune raison de le ménager. Il t'a trahi le premier.

— Mais apparemment ça te ferait trop mal que je meurs... Putain de blague.

Et il a de la rancœur lui aussi, Ezra. Il crache son venin aussi, qu'il fasse ! T'es épuisé, furieux contre le monde, furieux contre lui, furieux de cette putain de vie. La seule chose qui pulse en toi c'est l'injustice. T'étais censé le conquérir, ce putain de monde. Tu étais le soleil brûlant, tu étais Hyperion putain ! Mais ce monde, il fait gagner des gens comme Hermes, comme Atlas. Ça te révulse. T'as toujours été mauvais perdant. Faut croire que t'avais encore un peu de fierté, finalement.

Et tu secoues la tête, un rictus désabusé aux lèvres. Il abuse. Il a un culot monstrueux.

— Ce que tu veux ?

Tu clignes des yeux, une leur folle dans le regard. Tu répètes, presque hilare.

— Ce que TU veux ? Mais Ezra c'est tout le problème, TU NE SAIS PAS CE QUE TU VEUX !

Tu pointes un doigt accusateur vers lui, la sueur perle ton front. Il te semble qu'Hermes t'avait expliqué que tu devais ne pas t'énerver.

— TU FAIS LA PUTE DEPUIS LE DÉBUT ! Un jour tu veux que je t'encule, l'autre tu me regarde comme-ci j'étais un putain de déchet ! Un jour tu fais de moi ton calice, l'autre tu ROULES UNE PELLE A HERMES ! Un jour t'es dégoûté du sang que je suis prêt à avoir sur les mains POUR TA SÉCURITÉ, l'autre tu me supplies de buter Atlas parce que tu flippes. C'EST QUOI TON PROBLÈME ?

Tu portes ta main à ta blessure. Tu te sens fiévreux, tu sais pas si c'est la colère ou si tu perds vraiment la boule. Mais qu'importe, rien ne t'arrête à présent.

— T'es qu'une petite pute insatisfaite incapable de prendre de vraies décisions ! Tu veux te faire passer pour un dur mais la vérité c'est que tu kiff jouer à la putain de gonzesse en détresse ! Tu fais miroiter des choses pour retourner ta veste au dernier moment parce que t'es un putain de lâche ! TU SAIS PAS CE QUE TU VEUX EZRA !

À bout de souffle. T'es haletant contre le mur. Tu passes une main sur ton front, fatigué.

— Tu me regardes comme si j'étais une sous-merde mais regarde toi. Tu m'as demandé de rester. J'étais prêt à le tuer... Pas juste pour moi... Pour toi aussi... Parce qu'aussi fou que ce soit je ne voulais pas que tu payes ma merde. Mais la vérité, c'est que t'en as jamais eu rien à battre. T'es une blague, Ezra.

Tu lèves la main, à ton doigt la bague.

— Ça, c'est une blague.

Tu la laisses retomber sur le sol.

— Et c'est de ta faute. Alors ouais, bébé, c'est finit.

Il y a mis fin lui-même après tout.

oh si, oh si, oh si, oh si !
Tu peux. Non, même tu vas. Tu vas le lui reprocher parce que c'est injuste. Tu vas le lui reprocher parce qu'il n'a pas la bonne grâce de te rejeter. Parce qu'il faut toujours qu'il s'accroche à toi comme une sangsue. Et c'est de sa faute, tout est de sa faute ! S'il n'avait pas regardé autant, s'il n'avait pas, à chaque putain de fois, montrée qu'il y avait cette chose, ce truc, cette putain de connexion. S'il avait été autre chose que décevant, s'il avait été conforme à toutes tes attentes... T'aurais pu le tuer, on en aurait plus parlé. Mais il a fallu qu'il soit laid de façon originale, Ezra. Il avait fallu qu'il te laisse miroiter l'espoir d'avoir une place. Il avait fallu qu'il te garde, son précieux. Il avait fallu que tu t'accroches à cet espoir qu'il avait naître, quitte à repeindre en rouge tout ce qui le menaçait. Mais il avait tout détruit si brutalement et là... Et là..

Il s'accroupit devant toi, ses yeux rouges, si hideux (si beaux). Une partie de toi ne peut se soustraire à la contemplation intense de ses traits (ça fait si longtemps.). Contemplation malsaine, hideuse, addictive, troublante. Tu soupires, il pense pouvoir toucher ton ego. Quel idiot. Tu laisses ta tête doucement ballottée pour relever les yeux vers lui, sourire impertinent qui creuse ta joue.

— Alors pourquoi t'es là ?

Tu lui souffles ces mots. À la colère furieuse se mêle la tristesse méprisante.

— Si c'est une blague, pourquoi t'es là ? Si tu me détestes, pourquoi t'es là ? Me fait pas croire que c'est pour moi. Nan, t'es là pour toi, parce que tu peux plus te regarder dans la glace, hein ?

T'as ton visage proche du sien. Tu approches, approches encore, approche jusqu'à ce que ton souffle transperce ses lèvres et murmures.

— B i e n       f a i t.

Tu laisses ta tête lourdement s'échouer contre le pan de mur. Ça t'arrache un rire qu'une quinte de toux vient bien vite effacer. Tu te plies en deux, te tiens le ventre.

— Putain...

Tu te demandes si, contre toute attente, ta plaie va pas se rouvrir.

— Hermes m'a dit qu'il t'avait largué.

Ton regard dérive, un peu absent.

— Tu m'as toujours pris pour un con, hein ? Noah-ci, Noah-ça... Tu m'engueules comme-ci je t'avais trahi en partant. Mais si Hermes ne t'avait pas rejeté, est-ce t'as réfléchit à comment t'aurais pu me demander de rester ?

Tes yeux reviennent sur lui. Tu laisses passer une seconde, puis deux, puis trois.

— Nan... Tu réfléchis jamais jusque-là.

Tu ricanes de nouveau, mauvais, la voix traînante de malveillance.

— Si tu fais rien je vais vraiment partir, tu sais ?

T'es ignoble.
Plus rien ne te retient.

— Quand je pourrais marcher, je partirai et t'entendra plus parler de moi. J'irais très certainement crever en essayant de me farcir Atlas. Ou qui sait, je laisserai ma mère m'achever cette fois. C'est ce qui se passera. Parce que j'en ai ras le cul de toi, Ezra.

Ses yeux rouges contre tes yeux jaunes. Tu lui fais miroiter le scénario dans lequel il sera le bourreau, dans lequel il sera le méchant, le scénario où il traînera tous les jours de sa longue vie le fardeau du coupable. Parce que t'es rancunier, Noah. Si tu pars, ce sera en lui arrachant la promesse d'un quelconque bonheur avec qui ou quoi que ce soit.

— Alors qu'est-ce que tu veux ?

— Non, je crois que tu culpabilises. Mais je crois que tu culpabilises aussi et surtout parce que tu m'as trahi pour que dalle. Normal, tu me diras, à ta place aussi je me serais senti con.

T'es ignoble. Tu retournes le couteau dans la plaie. T'en peux plus, il faut qu'il prenne, t'as besoin qu'il prenne, tu veux le ravager, tu veux qu'il en chie, tu veux, tu veux, tu veux, tu veux... C'est lui qui t'a trahi !

Mais la gifle part et ta tête décolle. Tu la laisses pendre sur le côté, interdit avant de cracher par terre sans le moindre rester. Tu redresses lentement la tête, braque ton regard dans le sien alors qu'il se lève, prend de la distance. Tu lui en veux. Tu veux qu'il revienne. Il n'a pas le droit de s'éloigner de toi comme ça. Mais ton corps est trop faible et ton cœur trop fier pour supplier quoi que ce soit.

— Tu me fais pitié.

Tu lui lances un regard lourd de reproches. Sa répartie s'effrite à mesure qu'il se referme. Tu détournes le regard, pose une main fébrile sur ton ventre.

— Non, ça va pas.

Tu soupires.

— Ça ne va plus du tout.

Tu attends un peu, du coin de l’œil essaye de capter la culpabilité dans ses traits. Le mieux, c'est encore de lui dévoiler l'horrible vérité.

— Je pensais qu'elle m'aimait encore, même un peu. C'est ma mère, un parent peut pas réellement détester son gosse, hein ? Mais elle m'a tiré dans le ventre... Si elle avait pu viser la tête elle l'aurait fait.

T'as un rire cruel, secoues la tête avant de revenir vers lui.

— C'est marrant... Je pensais que tu m'aimais aussi, même un peu.

T'es horrible, horrible, horrible, horrible.

— Qu'est-ce que tu comptes faire, Ezra ? Me laisser crever ici ? Me supplier de revenir ?

Tu plisses le regard, diabolique.

— Tu vas te servir de moi pour l'oublier lui ?

Tu le fixes quelques secondes. Ah. T'en a marre. Pourquoi est-ce qu'il te regarde toujours comme ça ?

— Tu me vois vraiment comme un outil, hein ?

Craque, craque, craque
excuse-toi, excuse-toi, excuse-toi

Tu l'observes fuir, fuir le plus loin qu'il peut. Se retrancher dans la cuisine, sa colère mêlée d'insécurité. Il est faible, au bout. C'est toi qui as le bide troué, mais c'est lui qui est au bord du gouffre. Il suffirait d'un rien pour le briser, le faire se sentir comme une merde pour le ramener à tes pieds. C'est que tu ne le connais que trop bien. Non, rectification, vous ne vous connaissez que trop bien. C'est sans doute pour ça, rassuré d'avoir quelqu'un auprès duquel on est transparent, que t'as jamais su lâcher l'affaire.

La vérité c'est que tu pourrais abandonner, la vérité c'est que tu pourrais l'aguicher encore un peu plus et mettre fin à sa torture. Le noyer sous culpabilité te procure un sentiment de justesse un peu trop salvateur. Ouais, il suffirait d'un rien pour définitivement le briser, mettre fin à tout ça. Seulement, t'es pas tellement connu pour ta retenue. Seulement Ezra est tombé au mauvais endroit, au mauvais moment. Mais c'est de sa faute, t'avais prévenu que tu ne voulais pas le voir, ce fils de chien.

— Mon problème ?

Susurre entre tes lèvres. Tu sais qu'il entend très bien.

— Mon problème c'est toi.

Et ça fait du bien. Un bien fou, de le dresser en fléau de ton existence. Tu penses que c'est tout ce qu'il mérite. Tu réalises que si t'es trop accro pour ne pas l'aimer, t'es trop haineux pour ne pas désirer le voir ramper. Tu veux qu'il se repentisse, tu veux soigner toute l'amertume de ces dernières semaines avec ses larmes. Tu veux qu'il s'accroche, parce qu'il s'accrochera. Tu sais qu'il aime trop son image de petit sain pour accepter de ne plus penser à toi. T'es cruellement conscient qu'il est ton problème autant que ta solution. Et tu vas lui faire comprendre que c'est son cas aussi.

— Qu'est-ce que t'attends pour passer cette porte ? Tu me détestes, non ? T'as pas besoin de moi, non ? Alors casse-toi.

Ah, c'est bon. Ça te rassure malgré toi. Ce sentiment de dominance, cette sensation d'être le roi, cette réalité que même avec une balle dans le ventre tu peux encore faire mal, si mal. Oui. Oui. Parce que t'as toujours été meilleur qu'eux, hein ? Maman à tort, papa à tort, Atlas à tort. Tu es le meilleur d'entre eux. Même comme ça, même dans cet état, tu restes le meilleur d'entre eux. Oui. Oui. Oui. Oui. Doux poison qui vient pulser dans tes veines, te donner un semblant d'éclat de vie après des semaines à être mort.

— Tu me fais tellement pitié, je me demande bien ce que j'ai pu te trouver... T'en vaux pas la peine. Sincèrement, casse-toi, personne n'a besoin de toi. Ni Hermes, ni moi. Pourquoi je devrais rester pour quelqu'un comme toi ?

Ah, terrible. À le voir aussi détraquer tu te sens apaisé.

Il pleure. Tu captes du coin de l’œil les sillons discrets laissés parce que tu espères être un signe de repentir. Mais ce n'est pas suffisant. Il t'en faut plus. C'est que tu as tant à faire payer. Hermes en premier lieu, mais tout le reste aussi. Parce que tout vient de lui. S'il n'avait pas été là, s'il n'avait pas été lui alors... ALORS.... Tu ne prends pas rêvé d'une réalité où ton père te pose la main sur l'épaule, où ta mère sourit sur les photos. Une réalité dans laquelle t'aurais brillé si fort qu'Atlas aurait été un lugubre petit cancrelats relégués au second plan. T'aurais été à la tête d'un département au ministère, voir un auror ah ! T'aurais été brillant sans Ezra. Alors seulement ses larmes ça ne suffit pas.

— Difficile de pas monter dans les tours quand j'ai ta sale gueule en face de moi.

Tu l'observes s'approcher, méfiant. Ah, le voilà qu'il joue aux infirmières à essayer de te soulever pour t'aider à t'allonger. L'idée te prend de le repousser encore, mais la perspective de la chute qui t'attend te déplaît. Et tu as vraiment besoin de te poser, aussi. La douleur commence à se faire dangereusement sentir et tu n'encaisses plus aussi bien qu'avant. Alors tu te laisses faire, non sans grogner dans ta barbe une tripotée de mots acides et infernaux.

Tu le laisses t'aider à t'allonger puis tu repousses tout autre gestes tendres qu'il pourrait avoir. T'es pas prêt de lui laisser ce privilège. Avant, il faut qu'il paye. Fou comment, hier comme aujourd'hui, la seule chose qui trompe l'appel de la mort c'est l'envie de vengeance. T'as déjà quelques idées. Ils veulent que tu soignes ? Que tu n'abandonnes pas ? Oh, alors tu vas te soigner, de la seule médecine qui a eu chez toi le mérite de fonctionner.

— Je suppose que tu vas revenir vu que t'es aussi têtu qu'un herpes génital. Mais t'attend pas à ce que je t’accueille à bras ouvert, actuellement je ne sais pas qui je déteste le plus entre mon frère et toi.

Tu lui décroches un regard lourd de reproches. Tu grimaces en bougeant sous les draps. Putain. Mais tu lui fais le plaisir d'aucune demande, s'il veut se rendre utile, qu'il prenne l'initiative. Tu tais, qu'à la perspective de voir coupable et fragile tu te sens un peu moins mort.

— Herpes génital... Tien, je vais te renommer comme ça.

Et tu t’exécutes, l'humiliation ultime, tend ta main vers ton téléphone (celui-là même qu'Ezra t'a offert) pour renommer devant ses yeux le pseudonyme amoureux pour le genre de contrariété que tu ne souhaiterais pas, même, à Atlas.

Et après ça, tu t'amuses à faire comme-ci sa présence n'existait pas. Mate des vidéos en silence, parce que ton silence, c'est peut-être bien la chose qui le blessera le plus.