Il est grand, Hermès.
Il a toujours été imposant et elle chétive, ils ont toujours contrasté l'un auprès de l'autre. Lui l'ouragan, elle la brise. Pourtant elle ne saurait dire de qui il faut se méfier le plus, en le voyant ainsi.
▬ Bonjour.
Elle a la décence de répondre.
Avant qu'ils ne s'enferment dans une bulle - la leur, qui n'a jamais vraiment trop changé. Pourquoi ça aurait changé quand tout n'était que superficiel pour commencer ? Elle l'a apprécié pourtant, et elle l'apprécie toujours autant.
Mais il fait partie des neutres, Hermès.
De ce qui n'ont ni disparu ni éclaté.
De ceux qui se sont laissés porter loin de son courant, loin de la porte qu'elle a fermé. Ceux qui se sont contentés de continuer leur vie sans se retourner. Elle aurait aimé qu'il y en ait plus ainsi, sa vie aurait été moins compliquée.
Matériel en main elle s'avance enfin du lit qui porte son ami.
Pas encore. Vues ses plaies, elle se disait que ça risquait d'arriver bien plus vite qu'ils ne le pensaient. Elle ne savait pas s'il s'en réjouissait.
Mais pour une fois, elle comprenait.
Elle savait ce que ça faisait.
Mais elle n'aurait la prétention de le dire.
▬ Evidemment. Mais ce n'est pas ça le problème.
Elle ouvre les paquets, sort les désinfectants pour nettoyer les plaies, s'applique à lui faire pencher la tête vers elle légèrement alors qu'elle commence à s'appliquer à la tâche.
▬ Le pire, ce n'est pas ceux qui viennent ici.
Elle y va avec douceur, s'applique.
Doucereuse, Persephone.
Elle l'a toujours été.
Trop bonne.
▬ C'est ceux qui n'en repartent pas. Ou qui n'ont même pas le temps d'arriver.
Et elle ne veut pas que ça lui arrive. Ca se lit dans son regard. Ca se lit dans ses mains froides et abîmées qui s'attèlent à une tâche que personne ne semble vouloir prendre en charge qu'elle. Et elle commence à mettre les pansements, notamment sur cette arcade amochée qui saigne plus qu'il n'y paraît - c'est une zone sensible, il faut dire.
▬ Tu es toujours le bienvenu ici, ou chez moi. Rappelle toi juste qu'une porte t'est toujours ouverte, peu importe l'heure ou le jour. D'accord ?
Elle ne veut pas de regrets, Persephone. Ces derniers temps elle se dit qu'elle préfère les remords. Peut-être parce que l'heure tourne et qu'elle va bientôt droit à sa mort. C'est plus simple d'agir quand on sait qu'on en paiera pas vraiment les conséquences. Elle reprend son sourire ; l'unique, le seul, celui qu'elle porte depuis douze ans.
▬ Comment va ta main ?
Elle n'oublie pas si simplement.