certains disent que notre corps est une maison. qu'il faut le traiter comme tel. tu dois arrêter de lui faire du mal. de la scalper à longueur de journée. et ils ont raison.
occupe toi de ton coeur, car celui-ci risque d'imploser à tout moment, par manque d'affection, par manque d'amour. occupe toi de tes poumons, qui s'envolent à chaque bouffée d'air frais, comme paniqués par la sensation que tu existes bel et bien. occupe toi de ta gorge, car elle seule peut vociférer les mots qui y sont bloqués.
occupe toi de ton corps, il te remerciera.

tu regardas ta patiente droit dans les yeux. tu y voyais une montagne de chagrin, mêlé aux vents destructeurs de l'anxiété. elle ne prit pas la parole pendant un bon moment. tu pris ce temps pour scruter ses moindres faits et gestes. son coeur doit battre la chamade, son souffle semble saccadé. ses mains se frottent ensemble, comme pour calmer une anxiété évidente. elle ne te regarde pas — du moins, pas pour l'instant. elle scrute plutôt le bureau et les babioles qui s'y trouvent. ces dites babioles pourront sans doute être utiles dans fun futur proche.

ils disent que la lavande calme l'anxiété. tu te demandes si tu devrais en faire un jardin. mais pour le moment, elle remplit juste la pièce, en espérant donner du courage aux personnes assises sur la chaise du patient. ça peut être très éprouvant de s'y retrouver, le regard du psychomage peut sembler creuser dans tes souvenirs les plus profonds, et ça fait mal. la douleur sera intense, les larmes couleront à flots. il faut braver les tempêtes. et accepter que vous avez besoin d'aide, c'est le premier pas vers la guérison.

— c'est déjà un immense effort que vous avez fait, de venir ici et de parler. certains sont complètement muets quand je leur parle. mais vous, vous acceptez que je tends la main pour vous aider, et je vous dis bravo.

tu fis mine de taper dans tes mains. c'est là que ça allait être douloureux. les questions sont toujours comme un pic que l'on vous plante dans l'oeil. c'est froid, gelé même. mais c'est des obstacles à franchir avant d'aller mieux. le chemin est semé d'embûches, rien n'est facile. tu existes, et c'est déjà bien. tu existes — dans une certaine agonie, mais tu existes.tu es tourmentée sur le bord, mais tu existes ! même si tu t'assois seule sur un pilier — tu existes!

— vous acceptez que vous avez besoin d'aide. pourriez-vous développer ? je vous sens anxieuse, pourquoi ressentez-vous ce poids ? qu'est-ce qui vous fait flancher ?

tu sortis ton bloc note pour y écrire le nom de mlle cavendish en haut, et y noter son anxiété, son désir de recevoir de l'aide.

— désolée je vais vous poser tout un tas de question. si jamais je vais trop loin, vous pouvez ne pas répondre, d'accord ?

le choc était toujours le même, quand on réalisait l'impact des mots que peuvent articuler les patients. le coeur battait toujours la chamade, il faisait mal, si mal. comme s'il voulait sortir de sa cage. sous une brusque et violente tempête. on sentait notre coeur battre jusque dans nos veines, inlassablement, constamment. ce rythme vient nous obstruer le crâne. des mots tournent, en boucle, dans la tête. garde le contrôle. c'était une l'une des règles les plus connues pour les psychologues, qu'ils soient moldus ou sorciers. il ne fallait pas flancher, surtout pas devant le patient. il fallait garder le contrôle. à tout prix. même on trouve l'histoire racontée déchirante, même si les larmes menacent de couler hors des yeux. le self-control est obligatoire.

malheureusement, tu devais continuer ton travail. poser des questions même si ça fait mal. tu posas une boîte de mouchoirs devant ta patiente. elle traversait un tournant difficile, et elle pouvait se permettre de pleurer. pleurer fait du bien quand tout va mal. quand tout va de travers. surtout depuis tant d'années. elle avait le droit de pleurer, presque le devoir. il fallait qu'elle débouche toutes ses émotions, qui circulent dans ses veines sans trouver de sortie.

— avez-vous été près d'elle, lors de sa mort ?

ces questions étaient si cruelles. il fallait que tu fasses quelque chose, n'importe quoi pour la mettre à l'aise.

— on va mettre au point un code. si vous dites "stop", j'annulerais ma question, et vous n'aurez pas à répondre. c'est votre droit, je ne peux pas vous forcer à parler. et si ça ne va pas et que vous voulez prendre l'air pour mieux respirer, levez la main. d'accord ?

voilà une bonne chose de faite. les mots lui semblaient faire du mal, semblaient la ronger de l'intérieur. ça devait être affreux de vivre alors que sa propre soeur n'est pas à nos côtés. tu voulais lui tapoter le haut de la tête, et lui dire que tout ira bien. mais pour surmonter le traumatisme, il faut à nouveau y mettre les pieds. et ça risque de faire du mal.