Tu ne dors plus, tu ne t'alimentes plus. Depuis que la banshee est venu chercher Sage à la maison, tu restes prostré dans ton lit à fixer le mur. Neal a beau se démener pour te faire à manger, pour te faire parler, rien n'y fait. T'as les yeux éclatés, l'esprit ravagé. Tu n'arrives pas à croire que t'as commis une erreur aussi grave, que t'as détruit la vie d'un type alors que tu t'étais promis de ne jamais ressembler à ton père. Ah ! Qu'il jubilera, quand il apprendra que son fils a enfin mordu son premier humain. Le seul moment où tu quittes ton lit c'est pour gerber à cette idée. Sur ton palais s'est imprimé le goût de sa chair déchirée.

Au bout du quatrième jour de diète, tu consens à manger pour le réveillon. N'y prends aucun plaisir Teddy, même entouré de Neal et Jamie. Tu lui lâches même qu'il aurait mieux de le passer avec son connard de mec.
Noël est un désastre, et tu n'arrêtes pas de te demander comment va Sage de son côté, s'il l'a dit à sa famille et s'ils vont venir te chercher - si tout est foutu entre lui et toi. Et toute la confiance en toi habituelle s'épuise d'un seul coup. Tu deviens le pire des lâches, à ne pas oser vérifier par toi-même.

C'est à l'aube du cinquième jour que tu prends tes affaires et claques la porte de l'appartement. Tu transplanes dans une rue déserte de Londres, après t'être souvenu du sortilège qui fait apparaitre la maison des Black. Tu restes au moins trois bonnes et longues minutes devant la porte d'entrée, finis par toquer.

C'est pas Sage qui ouvre (évidemment) mais un elfe de maison. Tu demandes d'une mine un peu fermée à parler à Sage. La créature hésite, te dévisages comme si t'étais un pestiféré (et c'est peut-être bien le cas). Sans réfléchir et pris d'une impulsion, tu forces l'entrée en le poussant un peu. Te débats pour te justifier quand il parait outré.

— « Arrêtez avec votre délire de maitre, je veux juste lui parler en fait ! »

Lèves la tête, aperçois celui que tu cherches dans les escaliers. Il a l'air fatigué, lui aussi n'a pas du bien dormir. Tu te figes, fais un pas de côté pour instaurer une distance avec l'elfe de maison surexcité.

— « ... Sage. »

Tu te précipites dans les escaliers à sa suite avant qu'il ne retourne dans sa chambre sans te voir.

— « Attends ! Sage, je veux juste parler. »

M'expliquer, t'expliquer.
Ce qui va arriver.

Et parler de quoi ? Tu te figes, la ride du lion qui se marque au-dessus des yeux. Tu te fronces d'incompréhension, le nez qui frémit, les muscles qui se tendent. Tu restes con sur une des marches, écrases la rampe à la seule force des doigts. Quand tu retires ta main, elle est bousillée. Et les échardes du bois dans la paume font fleurir une grimace à l'orée de tes lèvres gercées.

Il s'arrête, se retourne enfin et tu constates l'écrasante similarité entre vous. La fatigue, le désarroi. Tu voudrais lui demander pardon mais tous les mots sont bloqués dans ta gorge.

— « Parler de ... »

Mais il te coupe. Tu te laisses dominer par sa lucidité, et cette façon qu'il a de présenter les choses sans détour. D'habitude, les gens éludent ou fuient. Ils n'assument jamais - mais lui ne te laisse pas faire tout le sale boulot.

— « Merde Sage... Dis pas ça comme ça. Énerve-toi, pète les plombs, je sais pas ?! »

Au diable les elfes de maison, ils peuvent aller se faire foutre. Tu grimpes les marches, longes le mur à côté de lui pour pouvoir passer devant. Tu le tires vers toi après quelques secondes à le fixer de haut, le souffle court.

Tu le prends dans tes bras.
Ne le serres pas, l'enserres juste contre toi.

— « Je suis désolé de te l'avoir caché, je suis désolé d'être un gros con j'aurai jamais du laisser quelqu'un comme toi approcher quelqu'un comme moi. »

Tu le prends par le poignet et l'entraines à ta suite, grimpes les marches quatre à quatre pour rejoindre à l'instinct la chambre où il t'avait emmené la dernière fois. Claques derrière lui.

— « Si tu n'es pas mort, alors tu deviens comme moi. »

Il le sait déjà, ça.

— « Et malheureusement je ne peux pas te laisser tout seul. »

C'est la conclusion à laquelle tu es arrivée après avoir passé des heures et des jours dans le fond de tes draps.

Alors que vos corps s'enlacent, s'emboitent comme des jouets en bois malhabiles, tu cherches un peu de chaleur contre lui - après avoir passé des jours dans le noir et le froid.
Il répond à ton étreinte et tu ne bouges pas, réagis seulement au souffle qui s'échoue de la pulpe de ses lèvres jusqu'à la peau de ta nuque. Il fait naitre les grands frissons, ceux qui remontent par vague le long de ton échine et font s'hérisser les poils du désir et de l'agonie.

— « Non, c'est pas ce que je voulais dire. »

Tu ne sais pas trop ce que tu sous-entendais. Tu n'as jamais vraiment pensé que Sage était en sucre, mais tu étais sincère quand tu l'imaginais d'une nature moins féroce que la tienne. Il est de ceux qui ont grandi dans des draps de soie quand tu n'avais pour couverture que l'écorce des arbres et les tapis de poussière. Tu l'as jugé trop vite - car si tu avais imaginé qu'il s'effondrerait rapidement après la morsure, le voilà bien plus solide que tu ne l'as toi-même été.

— « Je suis désolé, je dois bien reconnaitre que... que tu es plus résistant que tu en as l'air. »

Tu as la voix plus basse, plus rauque. Tu ne veux cependant pas lui construire une illusion qu'il détestera plus tard.

— « Mais le pire est encore à venir. »

Tu l'entraines ensuite par la suite dans sa chambre. Il se laisse tomber dans le lit et tu grimaces. Tu vérifies du coin de l'oeil à l'emplacement de sa blessure, si tu détournes rapidement les yeux de prime abord, tu te forces à affronter ton erreur et sa douleur. Rougis quand il fait presque l'éloge de ta présence (allons Teddy, il a juste dit qu'elle ne le dérangeait pas, ne t'emballe pas).

— « C'est MA connerie, MA responsabilité. »

Tu passes une main dans tes cheveux, un peu humides.

— « Et tu n'as pas idée de la merde qui va nous tomber dessus. Tu vas pénétrer un monde qui est déjà trop grand pour moi. Putain... mon père. »

Écarquilles les yeux quand il sort son téléphone, qu'il te parle avec suspicion d'un possible piège à votre égard. Tu t'empresses de lui arracher les mains, sors ton propre pineapple pour vérifier le numéro.

— « ... Non. Je l'ai pas. Je sais pas qui c'est. »

Tu t'empresses d'ajouter.

— « Mais on peut facilement changer de numéro de portable. Y'a ce type... ce type à la botte de mon père qui est venu m'emmerder. Je sais juste qu'il s'appelle Noah mais j'ai pas son nom de famille. Je sais rien de lui ni de sa vie, j'ai même pas de souvenir de l'avoir croisé à Poudlard. »

Tu t'assois sur le lit, fébrile et lui rend son portable.

— « Mon père est un taré narcissique. Il voulait que je morde un humain depuis toujours. Qu'est-ce que je vais devenir s'il l'apprend... merde... »

Tu es désolé, Teddy - de ne pas avoir de solutions miracles pour sa nouvelle maladie incurable. Si t'avais été dans le trip abnégation, sacrificiel à outrage, t'aurais peut-être considéré de voir ta vie et carrière ruinées par cet évènement comme une punition ultime. Cependant, t'es égoïste Teddy et tu trembles des genoux à l'idée de tout perdre. Tu t'en veux d'avoir été imprudent, naïf et d'avoir pris à la légère les menaces de ton père et de son troupeau. Il a enfin eu ce qu'il voulait et toi tu vas perdre ce que tu avais enfin finir par vouloir (Sage et ses lèvres, Sage et ses mains).

C'est d'ailleurs lui le plus lucide d'entre vous. Pendant que tu te chies dessus à imaginer les pires scénarios possibles pour te torturer, il t'assure qu'il n'y aucune preuve. Ses doigts à tes joues sont brûlants, tu sens ton visage s'enflammer dès la première seconde. Serres les dents en détournant le regard.

— « Ouai... Si on apprend ce que tu es. Y'en aura vite une, de preuve. »

Tu fais confiance à Neal pour l'emporter dans la tombe - un peu moins à cette banshee que tu ne connais ni de Merlin ni d'Avalon. Tu te racles la gorge, un peu emmerdé. Si Sage croit en elle, ça devrait te suffire aussi. Elle ne trahirait pas le maitre de la famille qu'elle sert, n'est-ce pas ?

— « Ok ok. T'as raison. Mais... »

Mais ton père s'est déjà amusé à balancer à la presse les rumeurs de loup-garou, il ne se gênera pas pour que le monde entier sache que son fils est le prochain roi de son monde imaginaire. Tu vas câbler, frissonnes au passage de ses mains toujours plus exploratrices. Souffles pour te détendre, malgré la crispation qui serpente toujours plus le long de ton corps.

— « Putain de merde. »

Il te demande de parler de lui, de ton père. Avant qu'il ne recule, tu viens saisir un pan de son t-shirt pour le ramener à toi. Tu balances ta tête vers l'avant, cognes doucement son ventre et restes contre lui, accroché à ses vêtements.

— « Hm... Je sais pas si c'est une bonne idée. »

Mais tu le fais quand même, parce qu'il te l'a demandé.

— « Je connais pas ma mère déjà. L'est morte apparemment en m'accouchant. »

Et tu n'as aucune idée du fait qu'elle est vivante, quelque part en Angleterre.

— « J'ai grandi avec mon père et le reste de la meute. En forêt surtout, c'était un peu la galère, même avec la magie. On déménageait tout le temps parce qu'on était recherché par le ministère. Toujours d'ailleurs, mais haha pas de chance pour moi ils arrivent pas à le trouver. »

Tu déposes un baiser sur son torse avant de te laisser tomber sur le lit, de nouveau, l'entrainant avec toi à la force de tes muscles. Il tombe donc au-dessus, penché sur ta poitrine.

— « Bref, et tu vois, il a ce trip malsain. Il adore chasser les humains à la pleine lune. Interdit de prendre la potion tue-loup, sauf un mec de la meute pour surveiller et assurer que le ministère envoie pas ses sbires. C'était des boucheries, toujours prêt de petits villages. »

Tu fixes le plafond, une boule dans la gorge.

— « J'ai failli tuer Neal quand j'étais petit. Ses parents sont morts, tués par un type de la meute. Sombre histoire mais on l'a recueilli. Pour ça qu'on se quittait jamais. »

T'as jamais autant parlé. C'est fou comme il te met à l'aise.

— « Et papa parle toujours du moment où je mordrai mon premier humain, d'à quel point il sera fier de moi et que je pourrais le rejoindre dans son délire. Quel fils de pute. Je le hais putain, c'est lui qui m'a dénoncé à la gazette, c'est lui les putains de rumeurs. Je le hais, je le HAIS PUTAIIIN ! »

T'es en nage, tu te redresses sur les coudes.

— « Putain et j'étais bien avec toi. Je voulais pas... je voulais pas te faire ça. »

Il rougit, te murmure qu'il sait - que tu ne voulais pas faire ça. Tu te demandes à quel point il le sait vraiment parce que t'es rongé par la culpabilité. Entre Neal dont l'enfance a été gâchée, voilà que maintenant tu sombres dans de nouveaux péchés.
Il est bien avec toi, ça t'arrache un rire sardonique. T'es cynique Teddy face à une énième vacherie de la vie. Entre ton père et son frère, à croire qu'on se fout de votre gueule en plein nez. Tu peines à croire que quiconque puisse se sentir à l'aise avec toi, ça te parait surréaliste. Et ce n'est pas par manque de confiance, seulement une lucidité pessimiste et un recul froid sur ta personne.

Tu sens ses mains caresser tes cheveux puis tes joues. Tu frissonnes au contact de sa peau, elle électrise la tienne. Tu te racles la gorge bruyamment quand il demande si ça va changer quelque chose ?

— « Tout va changer. »

Tu te détestes presque d'avoir l'air aussi dramatique - mais tu ajoutes pour mesurer tes paroles.

— « Ta perception des autres et de tout le reste, ça sera plus jamais la même. »

S'il y a bien quelque chose qui te fait craquer chez lui, c'est la manière dont il s'abandonne sans râler, sans pleurer. Sa force de caractère force le respect - combien auraient-ils été à rechigner ou à s'enterrer six pieds sur terre ? Même à l'article de la mort, il se fait plus impérieux que le prince des loups.

— « Un connard, si seulement. C'est surtout un désaxé avec une intelligence et une force surnaturelle. Le pire des combos, vraiment. Il ne recule devant rien pour avoir ce qu'il veut. »

Tu souffles par le nez quand Sage s'éloigne de toi pour s'allonger. Tu ne le regardes pas, fixant ton propre reflet dans le miroir placé en face du lit, à côté de la cheminée.

— « Et ce qu'il veut c'est... moi. »

Fronces les sourcils, tu réalises.

— « Et il ne tardera pas à se rendre compte qu'il te voudra toi aussi. »

Tu serres les poings, te laisses finalement tomber à côté de lui aussi. Glisses ta main dans la sienne, conscientises vos erreurs et surtout la sienne, fatale. Tu n'oses d'abord pas demander, mais oses finalement briser le léger silence qui s'est instauré.

— « Ton frère, Sage. Tu penses qu'il est...? »

Vivant ?
Mort ?
Parti loin d'ici ?

T'as trop d'hypothèse à suggérer sur où pourrait se cacher Regulus, mais aucune n'est plausible ou réaliste. Tu ne comprends pas comment les gens peuvent se volatiliser s'ils ne sont pas juste morts ou s'ils ne voulaient pas disparaitre.

— « Hm... »

Je ne veux pas devoir me tenir loin de toi. Tu n'étais pas certain d'avoir bien entendu. Et toi tu lui parles de son jumeau absent. Quel con, t'as vraiment pas le sens du tact et du timing. Tu passes ta langue pour astiquer tes incisives, ricanes nerveusement.

— « Je vais devenir ton alpha, Sage. T'as cru que je vais te laisser seul une seconde maintenant que tu m'appartiens ? »

Drôle de façon de faire l'humour.

Merde. Il va parler de son frère maintenant. Tu es un peu mal à l'aise Teddy. Tu l'écoutes être un peu alarmiste, mais tu serais un gros con de lui dire de ne pas se fier à son instinct, parce que tu fonctionnes comme ça depuis toujours. Tu serais même idiot, parce que le tien a toujours fonctionné. Tu veux le croire quand il te décrit ce qu'il ressent. Tu essaies d'imaginer à quoi ça pourrait correspondre ? D'abord ça te fait penser à une sorte d'interstice entre le monde des vivants et le monde des morts (mais après on va dire que c'est toi qui est trop dramatique) puis ensuite ça te fait penser à...

— « La forêt. On dirait que tu parles de la forêt. »

Tu as un regard entendeur. Il ne peut pas nier que ça ressemble fortement à ce qu'il a du vivre cette nuit, à attendre tout seul dans le noir des branches broussailleuses et le clair obscur de la lune monstrueuse.

— « On va le retrouver. »

Tu veux t'en convaincre, Teddy. Toi le premier.

— « Tu vas le retrouver. »

Vous vous arrêtez là. Regulus redevient un cauchemar qu'il range au fond d'un tiroir. Tu te contentes d'en ouvrir un autre, un peu sur le ton de la plaisanterie. Mais derrière l'humour se cache un instinct plus viscéral. Que vous le vouliez ou non, ça va arriver. La meute va se constituer et le mordu devient le bêta - tu as peur de comment il pourrait interpréter ce qui va devenir sa réalité.

Ah.
Il le prend mal.
Il lâche ta main brusquement et tu restes allongé, fronces légèrement les sourcils alors qu'il te répond froidement. Tu viens de te faire rejeter là ? C'est pas une blague ? C'est pas une putain de blague ? Tu sens ton coeur se déchainer dans ta poitrine, souffles par le nez. Amer, frustré, en colère. Tu le prends grave mal et t'arrives pas à contrôler le seum qui monte malgré sa légitimité à Sage, de vouloir rester libre.

— « Ok super. »

Tu fais claquer ta langue contre ton palais.

— « Bah je vais me faire foutre je suppose. »

Silence. Comme un con tu restes allongé, hargneux, alors que tu pourrais ramasser tes affaires et te barrer. Malgré tout, une force surnaturelle t'en empêche. C'est plus fort que toi, tu restes à attendre sa majesté dans son ombre. Putain t'as encore le gout de ses chairs dans ta bouche. Ça t'obsède.

Sa main revient tâter la tienne à l'aveugle. Tu laisses tes doigts se faire dompter, alors que tu les glisses pour qu'ils s'entremêlent avec les siens.
On a le temps pour ça.
Tu renifles.

— « Ouai. Sage... »

Pas convaincu sur le coup mais tu t'en contenteras. Tu entends son pardon même si ses lèvres ne bougent pas. Et putain il t'a trop facilement, c'est comme si tu lui en avais jamais voulu.

— « Ça me casse les couilles d'être aussi à fond sur toi. »

Exprimer ses sentiments de ton côté, c'est pas non plus une grande réussite. Tu te redresses à ton tour, l'entraines avec toi pour plaquer sa joue contre ton torse. Qu'il entende ton coeur battre.

— « C'est comme si le loup te voulait toi dès le départ. J'irai pas te narguer et te dire que c'était le destin. Je sais pas si j'y crois à cette merde, parce qu'il se foutrait bien de moi sinon. Mais je... »

Ça brule les lèvres. Les veines. Les extrémités de ton corps.

— « C'est toi que je v- ... bref. »

Il est mignon quand il rougit. Tu hausses un sourcil et étires un demi-sourire, un peu complaisant. C'est sa punition pour t'avoir rejeté l'espace d'un instant, tu te réjouis de le voir crouler sous la gêne. Chacun son tour. Tu frissonnes en sentant le bout de ses doigts chatouiller entre tes phalanges. Il perd ses mots, Sage, et tu ne sais même pas ce que tu attends de lui - vu que toi-même t'as été incapable de verbaliser correctement quoi que ce soit.

— « Bon. On va pas y arriver. »

Et pourtant, c'est lui qui brise la glace en premier.
Je veux aussi.
Il n'a pas dit, je te veux.
Ton coeur se serre et tu te fais plus impérieux, capricieux et possessif. C'est bien la première fois que Theodore Hingsley joue sur les mots. Tu penches la tête vers l'avant, inquisiteur et joueur.

— « Tu veux quoi ? »

Moi, moi, moi - penses-tu sans aucune forme de complexe et de pudeur. Et tu le vois se mordre la lèvre, ça t'excite. Tu te sens gonfler, être à l'étroit dans ton pantalon. Et merde, il ne va pas tarder à le remarquer, même si tu te décales un peu. Putain, il précise enfin. Tu vas vraiment finir par clamser ici sur son lit s'il continue à te teaser de cette manière.

— « Je préfère ça. »

Léger sourire narquois pour souligner l'humour, toujours. Humour qui s'évapore quand il t'impose son souffle torride, qu'il nargue tes lèvres et attise le brasier qui enflamme déjà ton bassin. Tu souffles en retour, mais la respiration est étranglée, souffrante. Tu saisis son visage entre tes mains pour l'empêcher de reculer, plaques ta bouche pour dévorer la sienne. Tu vous fais rouler sur le lit, te places sur lui et appuies le bas de ton corps contre le sien, dévores son cou de baisers brulants. En équilibre à la seule force de tes abdominaux, les mains plaquées sur les draps, tu ricanes contre sa peau pour seule réponse.

Avant de finalement concéder d'une voix caverneuse.

— « D'accord Majesté. »

Tu es un peu un fumier Teddy, un fumier et un fumiste. Vous sautez vite des étapes, soumis au prisme du désir. Y'a quelques jours il était mourant sur le lit de Neal, après que tu lui ai déchiré une bonne partie de la cuisse - et quand tu viens aujourd'hui pour mettre les choses au clair et clairement t'excuser, tu lui sautes dessus à la première occasion.
Pourtant, tu essaies malgré tout de tenir à la force de tes bras pour ne pas compresser sa blessure. Si tu es né comme ça et n'a donc par extension jamais subi une morsure de loup-garou, tu fais l'effort de prendre en compte son mal. Il prévaudra sur ton envie de lui faire sa fête.

Je préfère ça.
Tu glousses, mauvais joueur, contre sa peau. Passes ta langue le long de son cou pour remonter à son oreille que tu mordilles. Mais tu arrêtes rapidement, ranges les dents pour bafouiller des excuses un peu grognées. Tu vas éviter les morsures pour le moment, pour un LONG moment. Reprends le jeu de ta langue contre son lobe alors qu'il te presse de sa jambe valide. Tu étouffes un gémissement rauque, à bout de souffle.

— « Hm ? »

Il veut que tu le dises aussi. Dire quoi ? Tu papillonnes des cils, te redresses alors que tu passes ta tête pour que le haut s'enlève. T'as la peau du torse brulante, et tu t'appuies un peu plus sur son bassin, animal.
Malgré ton air de brute, tu grimaces pour chasser l'ego de son (votre) lit.

— « Je te veux. »

Tu ne sais pas vraiment ce que ça signifie.
T'en as eu des conquêtes, des flirts, du coups d'un soir. T'as batifolé à Poudlard sans jamais réussir à vraiment te poser - parce que t'en avais pas envie aussi.

— « Mais je veux pas juste coucher avec toi. Ça on l'a déjà fait. »

Et t'es bien parti pour le refaire, hein.

— « C'est quoi les plans avec ta famille ? T'es dispo ou je peux me retrouver sur le côté d'un mariage arrangé à n'importe quel moment ? »

Parce que t'es pas si con que t'en as l'air Teddy, pendant que tu le ghostais t'y as réfléchi. Tu t'es renseigné sur ces familles de sang-pur à la vie hyper chiante et controlée. T'étais pas sur de vouloir poireauter à côté, ou de lui imposer les crimes d'un loup-garou en cavale. Dommage pour lui, il s'est ajouté à la liste de ce que t'essayais de lui cacher.

— « Je suis pas du genre à partager. »

Pas qu’une fois même. Tu hausses un sourcil, il t'arrache un instant au sérieux de cette conversation. Tu te pinces la lèvre en le regardant dans les yeux, le regard brulant de désir. Non non non, d'abord tu veux que vous soyez clairs. Quoique, tu as un peu peur aussi que dans un sens, poser les mots d'un échec éteigne la flamme qui vous habite. Fais chier.
Tu te raccroches à ses doigts, à son souffle, à sa peau qui luit de sueurs et de parfum, à sa putain de ligne parfait que ton instinct hurle de vouloir déchirer. Tu fermes les yeux, inspires lentement.

Et quand tu t'attends innocemment à une réponse préfabriquée, Sage joue la carte de l'honnêteté. Elle te frappe de plein fouet, cette franchise cassante et réaliste qui te projette dans son infâme vérité. Tu te renfermes, écoutes sagement sans l'interrompre une seule fois. Tu sais qu'il n'a pas volonté de te blesser, tu sais qu'il se préserve lui en priorité et qu'il a raison de le faire mais putain. Tu tires une tête de six pied de long, te forces à étirer un demi-sourire compatissant qui se meurt à l'instant même ou il en remets une couche.

— « Ouai, je capte. »

La seule chose que tu trouves à dire pour lui témoigner que tu comprends pas, c'est lui mettre en pleine gueule que tu comprends pas.

— « C'est horrible. Je pige pas pourquoi tu dois te marier avec quelqu'un que t'aime pas. Je veux dire, des enfants ok. Mais la pureté du sang je vois pas l'intérêt. Ça me fait penser à mon père et son délire de sang royal, qui m'appelle prince des loup-garous. Ça me renvoie à cette même mentalité de tarés. »

Tu es frustré. Tu te forces à prendre du recul même si tu n'y voies pas clair. C'est pas ton monde, c'est le sien.

— « Mais t'as envie d'être avec moi. »

T'as la gorge sèche.

— « Et moi j'ai envie d'être avec toi. »

Tu réalises soudain.

— « Alors on est ensemble ? »

Pour l'instant.

— « Cool. »

Cool, cool, cool.

Tu l'écoutes en silence, pas véritablement convaincu par ses explications. Tu comprends les règles mais n'en voit pas l'intérêt. C'est flou pour toi, t'es pas né dans ce monde - t'as pas baigné dans cet univers. Alors oui, il y a des similitudes mais ce qui vous rassemble vous éloigne davantage. Les animaux (les loups) sont libres. Ils déchirent, s'ordonne pour jouir de cette liberté. Les sang-purs s'enferment dans des castes, bâtissent des prisons pour mieux s'y enfermer d'eux-même, se forcent à sourire de derrière les barreaux.

— « Donc si c'est pas Izar, si c'est pas Regulus, c'est toi. Mais j'ai vu dans le stupeshit que Izar allait épouser Iphigénie Fawley. Darya va épouser Clovis Lestrange. Et Regulus... »

Ça reste bloqué dans ta gorge, tu veux pas lui faire l'affront de ne pas le compter dans la balance, malgré son absence.

— « Rien. »

Tu ajoutes quelques secondes après, non pas vraiment pour te rattraper, mais surtout pour préciser.

— « Tant mieux pour lui quand il reviendra. En attendant ça n'a rien changé pour les autres, pourquoi ça serait à toi ? »

Et tu te laisses aller Teddy, abandonnes finalement le débat bien trop facilement quand vos lèvres se lient, quand vos destins s'alignent. Tu le veux, il te veut. Vous êtes donc ensemble.

— « Le reste on l'envoie se faire foutre pour l'instant, c'est ça ? Ok. »

Si ça reste présent dans ton esprit (comme un parasite qui te gratte), tu décides d'en faire abstraction. Ton attention est vite détournée, focalisée sur les formes de son visage, par la chaleur de sa peau et de ses lèvres. Tu lui arracherais ses deux yeux si tu le pouvais, tendu de l'effet qu'ils te font dès qu'il te regarde. Tu voudrais lui arracher les bras si tu le pouvais, dévasté de les sentir s'éloigner dès qu'il cherche à reprendre son souffle. Tu pourrais t'arracher ton propre coeur s'il le voulait, meurtri par chaque battement passé loin de lui.

— « Sage.. »

C'est un râle d'agonie avant d'être un râle de plaisir. Tu le veux lui, tout entier. Tu veux le sentir, que vous ne fassiez qu'un. Sous les assauts de ses mains tu questionnes alors que les tiennes saisissent ses hanches.

— « T'es sûr que ça va aller dans ton état ? J'veux pas te brusquer. »

Oh putain de oui que tu veux le brusquer - si tu t'écoutais tu l'aurais déjà retourné. Tu agrippes le galbe de ses fesses, le regard vacille et lubrique. Te redresses à la force de tes muscles pour venir lécher son cou, gémir rauque à ses oreilles.

— « T'es hot as fuck Majesté. »