L'air glacé de l'hiver pour venir cogner contre ta peau alors que vous tentez de vous frayer un passage à travers la foule. Et tu pestes encore de la décision si stupide de Romulus, Hermès. Surveiller Noah. Et puis quoi encore, il voudrait pas que tu lui tiennes la queue pendant qu'il pisse aussi ? Ça te fait chier mais tu dois bien admettre que t'as pas vraiment eu le droit à la protestation alors, un peu comme d'habitude, tu fermes ta gueule et tu fais ton boulot. Suis l'indésirable à la trace sans jamais le quitter des yeux, pour sa sécurité officiellement, à cause de son enlèvement -comme si ce type avait besoin d'un chaperon. Au fond vous savez tous les deux que c'est pas vraiment ça l'idée, pas vrai ? T'es là pour le fliquer pas pour le protéger et c'est sûrement dans l'histoire ce qui t'emmerde le plus, parce que t'as la flemme.

— Fallait bien qu'ça tombe sur quelqu'un hein.

Un murmure à toi-même que tu ne doutes pas qu'il l'ait entendu mais tu t'en fiches alors que tu continues de tracer ta route à côté de lui, le nez emmitouflé dans ton écharpe sans cesser de bougonner.

— Compte-pas sur moi pour t'aider à accomplir la mission qu'il ta donné. Sauf si c'est celle de t'faire caner évidement.

L'humour est là.
Nul mais là.

— Comment ça t'as pas de mission.

La grimace immédiate à tes lèvres quand tu comprends que t'es vraiment là pour rien -et que t'as pas le choix, tu échappes un soupir agacé.

— J'y crois pas, comme si j'avais que ça à faire que d'te coller au cul toute la journée pour rien.

À vrai dire, comme t'es en repos aujourd'hui, t'as vraiment que ça à faire mais il n'empêche que ça te fait chier. Alors tu te consoles en te disant que ça doit l'emmerder un peu lui aussi. Après tout c'est pas vraiment comme si vous étiez de grands amis tous les deux. Tu hausses les sourcils lorsqu'il parle de voler un téléphone, un peu perplexe sur l'instant alors que tu te fiches bien, au final, de ce qu'il peut faire. Tu le suis sans répondre dans la petite ruelle avant de laisser ton regard dériver sur la façade du pineapple store de l'autre côté.

— Ezra m'a dit que y avait le nouveau modèle, là.
— Ouai, t'as loupé des trucs pendant que ton frère faisait mumuse avec toi.

Prononcé platement, plus comme une évidence que dans le but de réellement être méchant. Parce que t'as beau le détester tu sais qu'il a vécu un enfer et t'as encore assez de coeur pour faire l'effort de pas être trop méprisant vis-à-vis de tout ça. Ton attention se porte sur le gamin qu'il désigne. Il a une tête de chien d'la casse. Tu soupires.

— Romulus veut que tu m'aides, nan ?

Tu corriges.

— Romulus veut que j'te flique.

Mais de ça il a pas l'air de vraiment s'en soucier. Tu roules des yeux à sa remarque et étire un sourire en coin moqueur pour commencer à avancer vers votre cible.

— Te loupes pas.

Quitte la ruelle le pas tranquille pour te rapprocher encore du fameux blond. De près sa coupe est encore pire que tu ne l'imaginais et tu te retiens d'esquisser une grimace, feignant d'être totalement ailleurs alors que tu esquives la totalité des passants sauf lui. Le choc est plutôt rude (pour lui) et tu le rattrapes de justesse avant qu'il ne tombe au sol.

— Wo tu peux pas faire un peu attention ??????
— Ouai. Désolé.

Il te bouscule, tu cilles à peine.
C'est quoi cette force de mauviette ?

— Cette veste vaut plus que ton salaire sur une année, je te jure que si elle a la moindre égratignure-
— Oh mais ta gueule.

L'adolescent va pour renchérir mais la poigne puissante que tu exerces soudain sur son épaule semble tout à coup l'en dissuader. T'es à ça de lui briser les os, et il semble l'avoir compris vu comme il fait moins le malin à présent. T'aurais juré l'entendre déglutir d'ailleurs, comme quoi.

— Quand on est poli on dit "merci de m'avoir rattrapé", connard.

Il a la volonté de reculer quand tu approches ta bouche de son oreille, mais vu comme tu l'immobilises, il se contente de reculer un pied tandis que toi tu souris avant d'ajouter plus bas, menaçant.

— Et si tu veux pas que j'repeigne ta jolie petite gueule en rouge sang, t'as plutôt intérêt à dire merci. Ok ?

En preuve de ton sérieux ta prise sur son épaule qui se resserre encore.

— O-o-ok ! Ok merci ! Merci maintenant lâche-moi bordel !
— Une dernière chose.

Tu recules pour te remettre droit devant lui et esquisser un sourire faussement doux sans lâcher son épaule.

— Comme t'as pas été super gentil j'vais te prendre un peu d'argent. Pour un resto. J'suis beaucoup trop pauvre après tout et j'avoue que j'commence à avoir la dalle. Aller, t'es un gars sympa non ? Pour t'faire pardonner.

T'aurais pu croire que t'étais super convaincant si t'avais pas sa mine effrayée sous le nez. Le gamin sort son portefeuille en hâte, les gestes hachurés par la peur pour te filer sans regarder tout son contenu que tu récupères dans ta main libre, malgré quelques gallions qui tombent au sol, avec un regard surprit.

— Eh bien. Tu siffles. Ça m'fera un bon resto tout ça ! Merci mon pote.

Tu lui tapotes sur l'épaule alors qu'il s'empresse de déguerpir aussitôt l'as-tu lâché. Même pas un au revoir, c'est quoi ces jeunes ? N'importe quoi. Pendant que tu récupères la monnaie au sol, tu remarques Noah qui te rejoint.

— Quel cassos ce gosse putain.

Tu te redresses.

— Tu l'as ?

Y a intérêt.
Qui laisse encore son téléphone dans la poche arrière de son jean de nos jours ?

— Déjà plus que la tienne c'est certain.

Rictus au coin des lèvres alors que tu lui demandes s'il l'a. Rictus qui s'agrandit en sous-entendus lorsqu'il te redemande pour qui tu le prends. Va savoir, t'as bien des choses à dire mais rien de super sympa en stock alors tu t'abstiens. Vous avez mieux à faire de toute façon. La moquerie du sourire qui se transforme en ricanement quand tu mentionnes Ezra.

— Noah Priest qui s'cache pour désobéir à son maître, c'est une première. T'as peur qu'il arrête de t'sucer en l'apprenant c'est ça ?

T'es plutôt surprit en réalité.

Si toi t'as l'habitude de lui cacher des choses simplement parce que t'es incapable d'en parler, tu pensais pas que Noah en ferait volontairement de même. Surtout pour un truc aussi stupide, comme un gosse qui risquerait gros à être prit sur le fait. Ce serait presque attendrissant, si on ne parlait pas de lui et si ce n'était pas toi à côté. La situation te rend plutôt amer finalement, parce que Noah reste l'enfoiré qui s'est approprié ton meilleur ami après t'avoir tout prit. Et toi, dans cette putain d'histoire t'es quoi Hermès ? T'en sais rien. Pas grand chose sûrement.

Tu le suis à travers les ruelles jusqu'à une petite boutique discrète et peu fréquentée, remarque les regards des quelques passants peu assurés que vous croisez. T'imagine que s'ils ont pour la plupart l'air de vouloir se pisser dessus c'est qu'il ait passé leur dire bonjour à un moment, Romulus l'a bien trouvé celui-là. Et ça te fout encore un peu plus le seum, pourtant tu dis rien. Le laisse faire ses affaires au comptoir rapidement avant de se tourner vers toi.

C'est bizarre, hein ?
J'fais si pitié que ça ?

— Ouai.

Tu te moques encore, le regard plongé sur le comptoir. Pas que tu l'évites, mais t'imagine que c'est mieux comme ça.

— Mais ça peut s'arranger si ça t'plaît pas, suffit de demander.

Ricanement à tes lèvres avant que tu ne te décides finalement à le regarder. T'as l'air un peu trop sérieux sûrement alors que tu penses être simplement impassible, peu importe. T'étouffe ici.

— J'sors prendre l'air mais pense même pas à fuir, ok. Parce que si j'te r'trouve y aura pas qu'ta gueule qui prendra cher. Grouille-toi.

Tu tournes rapidement les talons pour t'éloigner.

— Casse les couilles putain.

T'as grand besoin d'une bière.

T'es accoudé contre le mur bordant l'entrée depuis un moment quand il ressort. La verbe piquante, tu lui adresses une œillade désabusée en te décollant tranquillement.

— Tu peux toujours te suicider, ça nous arrangera tous les deux j't'assure.

Rictus à tes lèvres alors que tu traces à sa suite sans rien ajouter. T'es franchement gavé de devoir le suivre comme un vulgaire toutou toute la journée, et t'es certain que demain tu devras recommencer. Romulus n'est jamais trop prudent, tu t'attends à tout moment à un sms de prolongation. C'est vraiment ta veine. Vous marchez sans vous presser le long des rues jusqu'à ce petit bar dans lequel il entre en premier. Les exclamations aussitôt qui se taisent, en même temps que la peur naît sur leur visage à chacun. Tu dois bien avouer que t'es surpris Hermès, à part les deux du fond qui ne semblent prêter aucune attention à l'entrée royale(ment chiante) de Noah, tout le monde vous fixe.

Il demande sa bière et tu peux pas t'empêcher de siffler, sans cacher ton étonnement à personne. Vu le silence, forcément qu'ils t'entendent -et t'en as rien à foutre.

— Et bah ! Ravis de voir qu'même avec ta sale gueule tu sais tenir tes vikos. C'est que tu sers vraiment à quelque chose finalement alors ?

Grand sourire au patron pas du tout serein derrière le bar et sans un mot, tu lèves simplement la main pour mimer un deux, histoire de lui faire comprendre de pas t'oublier. Vous vous installez à la première place trouvée et tu te laisses aller contre la banquette, saluant un confort que tu n'aurais jamais deviné à première vu. C'est plutôt sympa ici, tu pourrais t'y plaire.

— Donc tu t'caches comme un gosse de deux piges qui a peur de s'faire gronder, j'ai pigé.

C'est con pour lui parce que t'adore foutre la merde mais tranquille, vous n'y êtes pas encore. Le patron vient vous apporter vos bières plus rapidement que tu ne l'aurais cru, tu lui adresses une œillade exagérément surprise avant de regarder Noah.

— Tu l'as bien dressé celui-là. Dommage que son maître soit con comme un manche à balai, m'enfin.

T'es incapable de faire un compliment sans insulte.
Ça t'arracherait trop la gorge de simplement savourer, alors à la place tu bois deux grosses gorgées de bière avant de reposer la chope sur la table.

— Me cherche pas trop Priest, tu veux.

Les sourcils haussé, regard un peu blasé, tu le toises comme un adulte toiserait un gosse trop turbulent. C'est ce qu'il est après tout, un gamin. Un gamin qui a tendance à oublier que toi aussi t'as de la ressource, toi aussi tu sais mordre Hermès et contrairement à ce débris de mytho chien, toi tu mords depuis ta naissance. Tu laisses cependant passer l'affront pour reprendre quelques gorgées de ta bière et devenir aussi sérieux qu'il le devient tout à coup.

Des questions.
T'as pas cherché à être compliqué à griller, t'es juste un peu trop con pour savoir comment aborder les sujets même quand en face ils ne méritent aucune considération. Faut croire que t'as vraiment eu pitié après tout, tu deviens beaucoup trop gentil avec lui.

— C'est pas de ton frère que j'veux parler.

Pas que.
Pas là en tout cas.

— Ezra.

Parce que tu les vois, jour à après jour, t'es là, tu constates. Les rapprochements, les distances, les pleurs, les tortures, les vomissements, tout. T'es un putain de loup-garou qui vit sous le même toit qu'eux et ces deux idiots font n'importe quoi. Ça t'emmerde.

— Tu lui fais du mal.

Pourquoi ça t'emmerde autant ?
Tu repenses à tout ces soirs où tu les entends -à ceux ou quand c'est trop tu te barres au milieu de la nuit pour pas avoir à supporter les images qui te viennent à l'esprit en plus des sons. Le lit, les draps, le sang. Les wc qui suivent. Pourquoi ça t'emmerde autant Hermès ? C'est ton meilleur ami, ça doit être pour ça (que ça te les brise autant).

— Va falloir que t'arrêtes tes conneries.

Sans rien ajouter, tu reprends quelques grosses gorgées de ta boisson, claque la choppe sur la table quand tu reposes sans quitter Noah des yeux.

Il le prend mal. C'était sûr qu'il le prendrait mal -t'as pas dit ça pour son bien après tout. Mais ça te fait brièvement soupirer parce que t'es gavé d'avance de qu'il va pouvoir te sortir. Noah sur la défensive est bien plus con que le Noah normal. Va fourrer une meuf et attends neufs mois. Tiens, qu'est-ce qu'on disait. T'es persuadé que s'il avait pu t'atomiser dans la seconde il l'aurait fait, parce qu'il a clairement pas l'air serein, là.

J'arrêterai pas. Je prendrai pas mes distances avec lui.
Bien sûr que non.

— C'est pas c'que je te demande.

Froid. Sans aucun tact. Tu sais qu'Ezra te démonterait si tu faisais plus que simplement le souhaiter. Tu sais que Noah se laisserait pas faire. Ça fait combien d'années, hein ? Combien d'années que c'est comme ça ? Beaucoup trop.

Ezra sait ce qu'il fait. T'as pas le temps de rétorquer qu'il enchaîne. C'est vrai ça, c'est quoi ton problème Hermès ? Son sarcasme te donne la nausée. (il a raison) T'attends que ça, pas vrai ? Pas comme il l'entend -t'es pas sûr de vraiment comprendre alors, mais tu peux pas nier qu'il a raison. Alors tu ne réponds pas, laisse ton regard le faire pour toi. Ton silence décrire tes pensées à ta place. T'aimerais bien, ouai.

— Tu dérailles.

T'es jaloux.
Comme lui -sûrement plus.

— Dévies pas la conversation, Noah.

C'est si rare que tu l'appelles par son prénom depuis Poudlard. Que ce soit l'ancien ou le nouveau d'ailleurs, si tu ne t'en souviens c'est que parce que tu l'entends à longueur de temps, pas parce que tu le prononces toi. Ezra t'enverra bouler, sûrement. T'es plus à ça près maintenant.

— C'est pas moi qu'il regarde de toute façon.

Tu avoues à demi-mots. Ouai, tu veux. Lui, son odeur, ses crocs. Non, tu sais pas comment. Ouai, t'es putain d'aveugle Hermès parce que t'as jamais rien vu, jamais rien vu d'autre qu'Ezra et Noah. Tu laisses échapper un soupir bruyant avant de terminer ta choppe pour la reclaquer sur la table. T'as pas envie de rire, il te casse les couilles.

— Mais moi je vous vois. Tu le tortures, tu joues sur son addiction et t'en as rien à carrer du reste, hein ? Si t'en avais quelque chose à foutre tu le mettrais pas dans cet état.

Tes poings que tu serres à mesure que tu parles. Ezra est grand, Ezra fait ce qu'il veut. Toi aussi dans ce cas. Tu ne quittes pas Noah des yeux.