Silhouette consumée, à peine animée ; Ashe s’éternise mais il ne perçoit que du noir autour de lui se dessiner - d’une plume nauséabonde il couvre son regard, d’une aile maudite il éteint sa colère. Pourtant il n’arrive jamais à s’en défaire, car la brume persiste - comme cette songe persistante, cette inquiétude longue et douloureuse qui rend le regard de Parsifal si affligeant.
Et Ashe de toute façon, n’aura jamais su comment l’épauler ; il n’avait jamais su comment le consoler, il avait presque oublié comment l’étreindre - alors l’aimer n’était qu’une entité lointaine déportée par les vagues. Il avait l’impression de ne pouvoir que l’écouter, pire encore avait-il parfois l’impression de ne pas même le comprendre.
Alors quand il s’excuse Ashe une énième fois soupir - épuisé, le corps lourd qui s’écrase et même quand il est loin de lui il semble le stranguler si fort encore, comme cette fois-là ; ses sourcils froncés déforment son visage dans les ténèbres noyé, et son corps se courbe.

Il s’est laissé pendre pour entendre le chant des étoiles, mais il était suspendu ; les étoiles n’avaient plus rien à lui offrir. Rien d’autre que des larmes et des cris infinis. Mais dans ses cris, Ashe ne distinguait rien. Il ne lui tendra pas les mains, il ne prendra pas son corps frêle entre ses mains pour le rassurer - ce qu’il fera sera simplement laisser des cicatrices plus creusées les unes que les autres.

— Tu es trop fragile. Remarque grondée qui lui est adressée alors qu’il dépose l’une de ses mains meurtrières sur son derme hâlé - là saisit son poignet pour le serrer. Corps faible et volonté déchirée - il est comme ce chaton titubant, voué à une fin tragique. C’est peut-être désespéré mais il ne peut s’en défaire.

— C’est pour ça que tout ça est arrivé. Serre peut-être davantage qu’il ne le veut ; entre ses mains il n’y a qu’une poupée déchirée qui ne sait plus où aller, et la chaleur de ses bras d’autrefois n’est désormais qu’une chute lente de glace, un palais froid et malheureux qui ne fera qu’un peu plus le détruire.
Mais il n’y a qu’ici qu’il serait aimé peut-être ; douloureusement. — Mais tu ne pourras plus y remédier. Et c’est là qu’il se trompe mais son déni scintille et brûle son échine ; de sa descente latente vers la dénégation il s’abîme, car il sait qu’il ne partira jamais,
Car il sait que jamais il ne le laissera faire, s’il faut encore qu’il le consume pour qu’il reste près de lui.
Combien de fois encore devra-t’il le tuer pour qu’il comprenne ? Combien de fois devra-t’il entre ses doigts l’enserrer pour qu’il éclaire sa route comme autre fois ?
Mais les bougies se sont éteintes depuis longtemps et la brume persiste - il n’y aura plus de lendemains heureux, après tout.

À vrai dire il ne sait plus vraiment Ashe ; avait-il toujours été si faible ? L’avait-il cueilli entre ses doigts pour un éclat, ou avait-il cueilli avant tout ses larmes cruelles ? Aujourd’hui, même cette nuit encore si simplement il lui demandait, la réponse serait sans doute floue, ternie, il ne s’en souviendrait même plus.
Entre ses doigts ils n’effacent que des traces bleutées, dans son regard muet et froid il ne perçoit que le reflet d’une silhouette désarticulée, empoisonnée, peut-être morte-née finalement. Tout lui avait semblé si familier, quand il l’avait regardé encore une fois - le même regard terrifié et les mêmes mains tremblantes.
Étaient-ils maudits ? Ou peut-être était-ce lui qui finalement, les avait tous deux maudits.
Quand tout ce qu’il avait à faire n’était qu’à l’étreindre, un soir - et lui dire que tout irait bien, qu’il serait là. Et non pas alors qu’il l’étreigne pour l’étouffer, qu’il lui parle pour l’abîmer.

Et Parsifal à lui-même fidèle, ne fait que suspendre des mots, peut-être des peines ; il sait pourtant ce qu’elles cachent. Il en a vu les teintes, il en a constaté la terreur. C’était si froid et malheureux, bien loin de cette chaleur véhémente dans lequel il avait volontiers plongé il y a quelques années.
Une obscurité béantes dans lesquelles ils s’étaient plongés - et pour écho cette nuit dans laquelle il le blesse, Ashe l’écorchure latente contre son poignet se fait plus ferme.

— Tu es toujours désolé. Sourcils froncés - car c’est assez d’être désolé. C’est assez de constater ce regard navrant dans lequel baigne des étoiles qui ont pourtant fané - mais pourtant il n’y changera jamais rien. C’est à sa douleur manifestée à haute voix que Ashe s’autorise à constater sa petite main tremblante au creux de sa poigne. Elle est comme lui, en quelques sortes, et comme à son habitude il la blesse.

— Tu sais comment finissent ceux qui sont toujours désolés ? Non sans lâcher sa main, mais plutôt gronde pour la plaquer brusquement contre le moelleux du canapé - peut-être devenu glaçant à l’impact. L’orbe implantée dans les siennes - s’efforce de garder son calme. Mais il sait comme à chaque fois il peine à gérer sa colère - c’est pour ça qu’il veille maintenant ; et s’ils revenaient pour mieux les hanter ?

— Est-ce que tu sais ou est-ce que je dois te montrer ? Rapproche son visage, rapproche son souffle - il s’excusera sans doute après, de cette terreur qu’il engendre sans pouvoir qualifier. Il s’excusera peut-être, de ne pas réussir à être calme ; de ne pas pouvoir simplement dire qu’il est désolé. Mais ceux qui disent toujours qu’ils sont désolés finissent souvent seuls et assiégés, en bribes au sol, totalement galvanisés.
Alors, ça ne servirait probablement à rien de lui expliquer.

Ashe silencieux un instant au souffle grondant - le regard détaille ce doux saccagé, assimile cette terreur de toutes pièces créée sans s’excuser, sans même s’en vouloir ; le regard noir et peut-être même vide de ceux à qui le bon sens a été retiré il y a longtemps. Il a posé ces questions, n’y a trouvé que des réactions qu’il ne saisit pas, des émotions qu’il est obligé de pêcher au creux de sa tête pour mieux les saisir, mieux les appréhender, mais jamais les comprendre.
Encore une fois sans jamais répondre, pigmentations de réactions ; Parsifal aux abords du monde, le coeur battant mais presque parce que comme ce jour, il est détruit encore et encore. Ashe n’y a pas pensé, il n’y a jamais pensé ; ça lui semble si puéril d’être aussi marqué et pourtant, lui-même se souvient des coups qu’on lui a donné l’autre soir, il se souvient aussi des crocs de Kumiho propageant son venin, des verres qui éclatent contre lui et peut-être à cause de lui. Pour cela peut-être alors, qu’il veille ici, lointain et dans le noir baignant. L’odeur métallique du sang tapissé contre son palais - et pourtant c’est les marques de Parsifal qui le déroutent.

À ses suppliques, le regard figé contre le sien ; il y remarque une lueur si fragile, si perdue. Une lueur qu’il laisse percevoir à chaque fois que sa voix se fait trop lourde et que sa présence se fait trop envahissante. À chaque fois qu’il l’effleure, à chaque fois qu’il le regarde d’un peu trop près ; et ça l’enragerait presque.

— Pourquoi est-ce que tu me regardes comme ça ? C’est plus indélicat, plus grondant qu’il ne l’aurait voulu - mais il est si lourd lui-même et indélicat, sur un fil si tendu ; les muscles contractés et la mâchoire serrée, si bien qu’il la sent déjà grincer. Sans même se rendre compte du poids qu’il inflige, le peu de force qu’il lui reste de ces journées toutes plus épuisantes les unes que les autres se concentrent pour n’être que violence et incompréhension. — Qu’est-ce que j’ai fais pour que tu me regardes comme ça à chaque fois ? Déplorable et pourtant, c’est que la question lui arrache l’esprit, si bien qu’il ne soit toujours pas motivé à aller la chercher lui-même. Et autour de lui il n’entend pas même le chat gronder - il sait qu’un être si fragile que lui ne ferait que se tenir maladroitement. Un peu comme Parsifal, au final ; les membres frêles, force d’avoir été frappé, le corps meurtri force d’avoir lutté, l’esprit amoindri force de ne plus savoir comment penser.

Et lui, force de ne plus savoir comment se tenir, comment s’exprimer - ne le blesse-t’il pas à chaque fois, de toute façon - ne sait plus où diriger son regard, ne sait plus même comment lui parler, seulement plus maladroitement se tenir à chaque fois.
Pourtant il en a des questions ; mais aucune qu’il ne peut clairement poser. Un esprit aussi faible serait incapable de lui répondre, c’est certain. Et il est épuisé de devoir attendre, de devoir prendre autant de temps ; ils pourraient se tenir là, qui sait ? Juste devant lui, prêt à dévorer son esprit, ronger ce qui lui reste de bon sens.
Pourtant Parsifal a déjà répondu à ses questions ; il lui a déclaré déjà les orbes galvanisées, il s’est terrifié de ses coups et de sa colère, et pourtant rien n’a changé.

Ashe entre ses mains la pulsation de son sang ; son coeur battant qui part en symphonies terrifiées - celles qu’on les empreintes de terreur sur son visage. Il y distingue la peur, il y convainc la terreur ; mais il est persuadé qu’elle est injustifié. Plus il s’imprègne de son visage, plus ses contours lui semblent terrifiants. Il se souvient éperdument de ces mêmes détails qu’il distinguait lourdement lorsqu’il le strangulait vivement, et alors l’esprit vif s’écaille. En résonance de ces mots qu’il délaisse entre quelques souffles ; Ashe la tête plongée dans des abysses d’insuffisance, il ne lui suffirait que de plonger dans son esprit pour en comprendre l’intensité.
Mais il s’est limité lui-même à son utilisation - il a bien vu la lumière s’éteindre, comme la noirceur des pensées de Hua, il a assimilé celle des pensées de Parsifal.

Entre ses doigts, son poignet semblait si frêle et impuissant ; comme s’il pouvait le briser. Comme il l’avait pourtant déjà fait ; et jamais il n’avait sous-estimé sa force, il l’avait toujours si mal maîtrisée. Il ne voulait qu’en tirer le bien, mais il n’en avait clamé que le mal. Pour camoufler les songes troublées de son esprit, il s’essaie à le percevoir autrement ; entre ses doigts les siens qui se crispent et c’est à son tour ses muscles qui se ternissent. Il se souvient de la délicatesse dont Darya faisait toujours preuve pour calmer ses maux - il s’y essayait à chaque fois mais il n’y avait d’autre bénédiction que la sienne.
Il n’avait que la force - pas plus qu’un amour propre ni paisible. Il avait les crocs empoisonnés qu’il plantait chaque fois contre son échine ; morsure mortelle pour ne lui offrir que des violences plus malades à chaque fois.
Au fond, son désir le plus ardent était de protéger la lumière (elle était morte), de protéger son corps faible (il était vide) ; de l’épargner de tous les vices dont lui subissait le courroux (c’était trop tard).

Il savait si bien pourquoi il le regardait ainsi - il avait peur (ils avaient tous peur, après tout) il s’enfuirait probablement s’il continuait. Mais son esprit ravagé n’en distinguait plus les sens, son esprit parasité ne distinguait que très brièvement les choses. Pourquoi étaient-elles si éphémères ? Il aurait aimé contempler sa propre raison un instant, pour percevoir à quel point elle était embrumée.  Quand il a lâché son poignet, c’était pour qu’il s’effondre sur les bords froids. Quand Ashe sortit (un court instant) des effluves de sa colère, c’était pour constater (encore navré) de ce qu’il lui avait infligé. Ce même regard qu’il offrait à Hua quand il en distinguait ses peines ; elles étaient similaires.
Et à chaque fois il les abîmait un peu plus.

— Je n’ai pas serré si fort que ça. Il ne s’en est pas rendu compte, dans sa colère ; il a oublié sa force, il en a oublié les couleurs. Ardentes et abîmées - c’est la paume de sa main qu’il a contemplé un instant, sourcils froncés pour en distinguer les rougeurs, ces mêmes rougeurs lorsqu’il avait enserré sa gorge et alors ; il recule d’un pas. Quand il l’admire, il ne sait plus où aller - ni sur quel pied marcher ; il finira blessé, dans tous les cas. Il finira l’esprit terrifié et les mains tremblantes, quoi qu’il fasse n’est-ce-pas ?

— Est-ce que c’est pour ça ? Qu’il demande, que son esprit se perd de nouveaux dans les interrogations que Kumiho a laissé dernièrement. Alors est-ce pour ça, Parsifal ; que tu le crains si intensément ? — C’est pour ça que tu es toujours comme ça ? Parce que je serre trop fort ? Comme ça - idiot et faible, indécis et apeuré. Parce qu’il t’effleure trop et qu’il te blesse encore plus. Parce que son corps brisé et trop lourd à comprendre, trop lourd à porter sur ses épaules ; s’il n’était pas lui-même embrumé, peut-être aurait-il réussi à l’aider.
Pour l’instant, c’était impossible.

Il donnait l’impression de comprendre mais pourtant, son regard était noirci par les questions et l’incompréhension. À chaque pas dans son esprit, il était toujours plus terne, toujours plus brusque. — Mais si je ne serre pas, on sait tous ce qui finira par arriver. Et alors,
Du bout des doigts on transforme les nuits blanches et nuits noires ; et en contraste de violence il laisse ses doigts contre le dos de sa main tituber. Leur froid macabre a oublié la douceur - et bien qu’ils soient légers et délicats, ils resteront toujours rudes et lourds. Il a voulu tendre la main mais il n’y a toujours eu que du sang ; si tu partais maintenant Parsifal alors il aurait simplement tout ce qu’il méritait.
Des ténèbres et des remords - de l’indélicatesse et des abysses.

Le toucher est mort en même temps que la raison - sa peau contre ses doigts glisse, se faufile jusqu’à lui, en sécurité. Ashe aux émotions décuplées, faute de ne pas savoir comment les contrôler ; pourtant il n’a même pas la sensation de l’avoir effleurer une seule seconde, pas l’impression de l’avoir ne serait-ce que frôler, il n’y a qu’un vide béant et une peine brutale, une colère âpre qui s’enfonce dans son palais.
S’il ne peut serrer sa main, ça sera sur la sienne qu’il s’acharnera et aussitôt qu’elle agrippe le vide, il contracte les muscles - serre les poings jusqu’à en ressentir plus fermement les pulsations. Sa raison est morte peut-être en même temps que lui et pourtant, Ashe est persuadé qu’il lui reste un peu de bon sens ; simplement se résoudre à penser le contraire était parasitaire.

— Et encore cette fois tu ne réponds pas à ma question. Mais Ashe est épuisé de se torturer l’esprit - en réalité, ne lui torture-t’il pas l’esprit à lui aussi ? Il a veillé toute la soirée, veillera toute la nuit encore s’il le faut, pour se persuader que les démons n’entrent pas et que les vipères ne viennent par leur arracher les yeux. Il est épuisé peut-être, de ne faire que veiller encore et encore ; et il ne pourra définitivement jamais soigner ses plaies, si seulement avait-il le temps de soigner les siennes.
Son corps lourd se lève, grinçant et imposant - maladroit parfois. Statue froide et sombre qui grimpe les mètres pour peser son regard lourd sur sa silhouette effrayée.
Rien qu’ainsi, il paraissait si petit et mièvre, trop sensible et pitoyable ; entre ses doigts s’il l’avait désiré, il aurait pu le briser. Il l’avait déjà fait - il le savait, mais c’était trop tard. Désormais, c’était la seule façon pour lui de s’exprimer, la seule façon de le faire rester.

— Toi comme moi le savons très bien ; et je ne suis pas encore stupide. Mais définitivement moins humain que les jours précédents, et si toujours la raison se dégrade - l’empreinte laissée par son regard persiste et quand ses pas viennent faire trembler le sol froid, c’est pour laisser la nuit être un peu plus blanche pour lui, un peu plus noire pour lui-même. Que son corps déjà mort se faufile au plus loin de lui, pour simplement patienter jusqu’à sa prochaine géhenne.