Lorsqu'il t'écarte tu prends appui contre l'un des fauteuils juste à côté de vous et tu le regardes. Il te demande d'arrêter et tu refuses. Encore. Tu ne peux pas simplement abandonner, est-ce qu'il le sait ? Tu ne veux pas l'abandonner et briser les miettes de ce qu'il reste entre vous. C'est trop difficile, tu l'aimes encore trop. Malgré ta colère, malgré tes peines tu l'aimes si fort Clovis. Et il finit par céder, va pour parler alors que tu te laisses tomber dans le fauteuil, las, mais il n'a pas l'occasion d'en dire plus.

Jasper au téléphone, Jasper que tu devines à la fois paniqué et en furie -c'est normal après tout. Tu regardes Clovis, c'est froid. Parce qu'il n'a pas besoin d'en dire plus, parce que tu connais déjà la suite. (et tu avais raison, encore) Il raccroche avant d'attraper ton poignet et tu forces brusquement pour essayer de t'en dégager. Vos regards qui se croisent encore, la colère dans tes iris revenue si vite que tu as l'impression qu'elle n'est jamais vraiment partie.

— Oh ne t'en fais pas pour ça, je n'ai pas pour habitude de fuir moi.

Autant pour lui que pour Jasper qui ne l'entendra pas. Tu le prends de haut alors qu'il vous traîne à l'extérieur du Ministère pour transplaner jusque chez toi. Lorsque vous entrez, Adara, Cayrel et Caelus vous attendent. Adara t'indique que Jasper vous attend dans la véranda, tu t'y diriges rapidement, le pas pressé par l'énervement, en devinant que Clovis ne te lâche pas d'une semelle.

— Pas la peine de nous annoncer, ramènes-nous du thé s'il te plaît.

Lancé à la volée avant de tourner au premier virage. Finalement vous traversez le manoir et sans prendre la peine de toquer tu ouvres la porte de la véranda à la volée pour pénétrer la pièce. Clovis suit rapidement et c'est Grenat, qui a été surprise par ton entrée brusque, qui referme derrière vous. Rapidement, tu constates que Mère est présente, ça t'arrache un frisson d'écœurement que tu contrôles pour ne rien laisser paraître. Elle a l'air de jubiler, cette vipère.

— Wow, quel accueil.

L'ironie dans les mots tandis que tu reportes ton attention sur Jasper. Retire la cape de tes épaules pour venir la poser sèchement sur l'une des chaises autour de la petite table. Tu te retiens si fort de le provoquer en le remerciant, parce que tu as conscience que ça ne fera qu'aggraver une situation déjà presque hors de contrôle. Alors tu la poses et tu ne bouges pas, te contente de le regarder dans les yeux en attendant que la tempête n'arrive.

Argus ! Ce n'est pas toi qu'elle appelle et pourtant ça te hérisse le poil. Mais tu laisses faire, écoutes à peine la conversation qui se déroule alors que ton regard est planté dans celui de Jasper, aussi hautain que le sien se fait assassin. Tu ne baisseras pas les yeux. Ne le détourneras pas non plus. Tu n'as pas peur Iphigenie, peut-être devrais-tu mais ce n'est pas le cas. Alors tu le fixes, entends la porte se refermer derrière votre mère outrée de se faire ainsi éjecter. Tu aurais pu jubiler si tu n'étais pas focus sur ton frère. Ton frère qui claque des doigts pour t'interpeller.

Ce n'est pas sa place. Qu'il dit.
Tes poings qui se referment brusquement sur la cape, tu ne dis rien. Immobile, le souffle coupé tu le regardes. Une seconde. Deux secondes. Trois secondes. Il ordonne. Tu attends. Une seconde. Deux secondes.

Trois secondes.
Tu t'exécutes. Attrape la cape sèchement pour t'abaisser à hauteur de la petite Grenat qui s'approche déjà pour la récupérer. Si tu lui adresses l'ombre d'un sourire pour la rassurer, tu sais que ça ne fonctionne pas et qu'elle est toujours aussi inquiète. Tu laisses échapper un soupir glaçant aux mots de Jasper.

— J'ai appris beaucoup de choses, oui. Pas celles que j'espérais cependant. Attends une heure de plus avant d'appeler la prochaine fois.

Tu n'as pas besoin de regarder Clovis pour qu'il comprenne le sous-entendu de tes paroles. Il allait te parler, il s'était décidé à se confier mais Jasper a appelé. Mauvais timing, ça t'enrage. Il explique d'ailleurs qu'il ne reste pas, et tandis que d'une main tu tapotes doucement la tête de Grenat, tu rétorques sans laisser à Jasper le temps de répondre.

— Tu vas rester.

Tes yeux dans les siens vivement comme pour dire qu'il n'a pas le choix.
Il ne l'a pas, c'est vrai.

Tu reportes ton attention sur Grenat qui déjà s'éloigne. Le son d'une bouteille qu'on vide dans l'évier te fait relever les yeux. Rapidement c'est le reste de ton corps qui suit alors que tu te laisses tomber dans ta chaise. Pas pour Jasper que tu regardes toujours de haut mais bien parce que tu ne veux pas rester debout. D'une main tu te saisis de ta baguette pour verrouiller la porte de la véranda de dos. Tu sais bien que face à des sorciers expérimentés comme eux ça ne sert à rien, mais si tu peux éviter aux indésirables d'entrer... Quoique, ta mère saurait sûrement le défaire ce sort.

— Alors, grand frère ? Fugueuse, voleuse, menteuse, injoignable... J'attends la suite.

Parce que si c'est vraiment ça qu'il veut, qu'ils veulent tous les deux, toi aussi tu en as des choses à dire.

Tu sens tes doigts te démanger alors qu'il expose à haute voix les sévices de votre père comme une provocation de plus. Jasper au venin qui glisse sur ta peau pour en pénétrer chaque pore. Tu écoutes, immobile. Tu enrages, immobile. T'as envie d'hurler, Iphigenie, mais tu ne fais rien. À la place des cris le silence, t'encaisse les coups comme tu peux -qu'est-ce que t'as à répondre à ça après tout hein ? Qu'est-ce que t'as à répondre à ton frère qui t'avoue qu'il s'est fait battre plus d'une fois par ta faute. Tu fermes les yeux le temps de déglutir puis les réouvres pour le regarder, fais de ton mieux pour garder ton calme.

— Ce sont vraiment des excuses que tu veux ?

Non, tu sais bien que non quand son rire résonne à la fois amer et sanglant. Il n'a pas besoin d'excuses Jasper, ou s'il en a eu besoin, ce n'est désormais plus le cas.

Vous me tuez, tous les deux.
Tu ne le quittes pas des yeux.
Ce n'est pas ce que tu voulais, tout ça.

Toi tu voulais seulement les réponses qu'ils ont été incapables de te donner. Tu voulais les aider et ça t'enrage qu'ils trouvent le moyen de le retourner contre toi. Tu boues à l'intérieur, les dents serrées pour ne pas laisser échapper plus de venin. Vous allez vous détruire si tu parles, Iphi.

Non, ça vous l'êtes déjà.
Pourris jusqu'à la moelle Iphigenie et Jasper Fawley. C'est fini, y a plus rien. Et à peine il vous achève qu'il décide de s'en prendre à Clovis. T'as pas le temps d'en placer une qu'il t'oublie déjà. Espèce de petit con. T'as envie de l'enraciner dans le mur, mais c'est ton frère. Et Clovis est plus rapide que toi. Plus explosif alors qu'il te fait signe de rester à ta place et se jette sur lui pour le plaquer contre le bureau. Il appuie, tu devines que ça doit faire mal et pourtant t'es là, assise.

Même quand il finit par s'adresser à toi, tu restes assise au début. Tu ne dis rien, sens les elfes s'affoler autour de vous sans qu'aucun n'ose réellement bouger. Grenat terrifiée, tu es persuadée qu'elle t'en voudra un moment pour ça. Puis soudain, alors qu'il demande des réponses qu'aucun de vous n'a, tu te relèves. La baguette qui se tend vers eux pour les dégager, tu hurles. Exploses.

— EVERTE STATUM !

Clovis qui valse plus loin et Jasper dont tu ligotes les bras dans son dos d'un brachialigo rapide, tu pointes ta baguette en direction de Clovis.

— Ne t'avise même pas de penser à tenter quoique ce soit Clovis. C'EST CLAIR ?

C'est n'importe quoi.
T'en profite pour aller jusqu'au bout.

— C'est quoi le truc ? Vous allez jouer à celui qui a la plus grosse encore longtemps ? C'EST PAS APRES MOI QUE VOUS EN AVEZ ? Bordel mais vous êtes tellement stupides. Il suffit les conneries maintenant !

Ton regard que tu tournes vers Jasper, ta voix tremble à peine alors que tu énonces les premiers mots. Ça te touche plus que tu ne le montres réellement mais tu sais que tu l'as cherché.

— Y a plus de confiance ? Très bien. Mais tu crois vraiment que c'est comme ça que tout va s'arranger ? ET TOI LESTRANGE.

Ton attention que tu reportes sur Clovis.

— Tu crois qu'on continuerait à chercher si on avait la réponse ? TU CROIS QUE J'AURAIS FAIS TOUT ÇA SI J'AVAIS EU LES REPONSES ? NON. Non alors ferme-la et viens t'assoir.

D'un mouvement de baguette en direction de Jasper, tu le détaches. Ça te va bien de dire ça quand on sait que c'est de ta faute si la situation a dégénérée.

Les larmes au bord des yeux alors que Jasper se lâche. Il se livre d'une façon si cruelle qu'elle t'en brise le coeur, et si tu ne dis rien, si tu ne réagis pas à tout ça c'est bien parce que pour une fois tu n'as pas les mots. Ta grande gueule coupée dans l'élan, tout ce que tu peux faire c'est les regarder se déchirer, le regarder lui, Jasper, se déchirer. Sans trop savoir comment, dans un réflexe excédé et effrayé sans doute de les voir s'entretuer, tu finis par les arrêter. Écarter Clovis, ligoter Jasper. Crier.

Tu ne fais que ça, crier.
Tous les jours tu cries.
Du matin au soir.
Aujourd'hui.
Hier.

Demain.

C'est trop, pas vrai ? Tu n'y arrives plus, ni à crier, ni à tenir. Alors les mots de Jasper se bloquent dans ta gorge. Tu me trahis, encore.

— Encore ?
Encore.

Si tu as voulu t'énerver, sache Iphigenie que tu n'as pas réussi. T'es simplement restée là, à demi absente, comme une conne à le regarder; t'as essayé de respirer au mieux, lentement, leeeentement. Tu m'as déçu. T'as foiré. Tu foires beaucoup en ce moment, tu sais ? Bien sûr que tu sais. Il est fatigué, déçu, dégoûté. Il n'a plus confiance, Jasper. T'as envie de pleurer -tu n'en fais rien. Ce serait un comble d'être celle qui pleure alors que tu es celle qui a crée tout ça.

Non.
Tu sais que c'est faux, ce n'est pas toi.
Ce n'est pas toi toute seule Iphigenie.

Alors pourquoi... ?

?

L'étreinte de Clovis que tu n'as pas vu venir te surprend. Tu ne lui as pas rendu. Mais t'as pleuré, finalement. Tu pleures encore, silencieuse, lorsqu'il s'écarte. Lui aussi te demande de partir et tu as à peine la force de le regarder. Tu le fais, par respect. Une seconde, peut-être deux. Puis tu pars. Simplement, la tête haute malgré les larmes et sans un mot. Eux sont restés bloqués pour finir écrasés.

Ce n'est pas toi toute seule, Iphigenie.
Ce n'est pas toi toute seule mais tu en as trop fait.
Vraiment ?

Peu importe, ils n'ont plus besoin de toi.
Plus jamais.