Combien de fois, depuis ? Il ne sait pas - peut-être a-t’il fermé les yeux la fois d’avant, puis la précédente. Pourtant Parsifal, n’étais-tu pas malheureux de passer cette porte de nouveau ?
C’est qu’il a contemplé trop longtemps ce long sourire sur ce visage étiré - et acerbe, l’a maudit. Ce n’était pas un sourire enivré de peines ; était-il donc le seul à en mériter un de sa part ? Quelle chance avaient ceux dont il se demande la sagesse, pour qu’il lui offre de telles courbes ?
Jusqu’à aujourd’hui, il ne s’était pourtant que très vaguement posé la question. Parce qu’elle n’importait pas, parce que la réponse était évidente et que de toute façon, il n’avait nul autre endroit où aller, personne ne l’accueillerait, pas vrai ? Il finirait bien par revenir, ne serait-ce que pour s’occuper de ce fichu chat boiteux.

Alors, à y réfléchir, peut-être que cela aurait pu passer - une énième fois - peut-être qu’il aurait pu s’en gausser, comme il se moque généralement de ses plaintes, de ses peines et de ses tristesses. Était-ce parce que cette fois, il en était directement touché ?
Était-ce peut-être parce qu’il craignait qu’il ne revienne pas, qu’il passa la porte sans regarder derrière lui ?
Parsifal ne ferait jamais ça, de toute évidence. Une raison plus probable serait une simple entrevue anodine, mais avec bien trop de valeur pour Ashe. N’avait-il pas souri après tout, quand il s’en allait ; même quand il revenait ?
Ce sourire dont Ashe n’est plus l’auteur,
Pourtant c’est comme s’il l’avait oublié, autrefois il était bien heureux (sans en être les fondements pourtant) et autrefois sonne comme une écharde amère dans l’abdomen. Parce qu’il n’a rien fait pour le sauver, parce que peut-être que Parsifal ne pouvait pas être sauvé.
Pourtant, il se tue à croire qu’il a essayé.
Qu’il le fait encore, sous ses coups de colère ; mais sait-il simplement qu’il s’agite en de plus larges ténèbres encore ?
Car quand sa colère (et elle gronde encore maintenant) pourfend son être, se sont ses poings qui parlent à sa place. Se sont ses phalanges qui parfois se teintent d’un rouge gras et grossier ; et il s’effraie parfois.
Sans jamais s’arrêter.

Était-ce cette même colère qui le forçait à le suivre ? De quelle robe cette fois se peignait-il ; rage, jalousie, impatience ? Lui-même ne daignait trouver de sens à ses questions, plus il s’y essayait et plus il martyrisait ses propres songes.
Il était persuadé que c’était juste, après tout ; comment pouvait-il avoir honte ?
Comment pouvait-il se sentir honteux de brûler lentement de l’intérieur en l’apercevant au loin ? Parsifal - pourquoi lui faisais-tu aussi mal ? Rien qu’en souriant maladroitement à chaque fois qu’il ouvrait la bouche.
Pourquoi étais-tu si lumineux quand tu étais loin de lui ?
Et pourtant il le sait - s’en doute - mais nie. Parce que c’est impossible, n’est-ce-pas ?

Kumiho avait peut-être raison, après tout.
C’est qu’il refusait de l’admettre ; il savait comment s’y prendre. C’est qu’il était persuadé de ne pas être coupable, pour agir ainsi. C’était lui, il l’avait forcé, comme à chaque fois.
C’était Parsifal ; il rendait tout si compliqué.

Qu’il l’attendait quelques temps plus tard, qu’il l’attendait plus loin, il ne l’éviterait pas, cette fois.
Avait-il déjà réussi à le fuir ?
Et dans les abysses de sa colère, noire au possible il patientait mais sa rage - aussi fervente était-elle, ne tardait déjà pas à consumer le peu de raison qu’il lui restait. Était-ce toi Parsifal, ou était-ce lui-même ?
Il ne le comprit qu’en saisissant avec fermeté ce bras dont il connaissait les arabesques comme force de l’avoir toujours entrevu, même dans le noir - il ne comprit que lorsqu’il pressa si fort qu’il sentit ses propres doigts rougir sous l’emprise.

— C’était donc ça. Ah, j’aurai dû m’en douter. Qu’il jette alors qu’il gronde contre la porte et le jette à son tour ; parce qu’il fulmine intérieurement et que les ravages de sa propre insuffisance lui colle à la peau. Tiens, Parsifal. Tu reviens tôt, tu t’es bien amusé ?
Parce qu’il n’y a pas suffisamment de lumière pour moi,
Ne partage pas ton éclat - je l’abimerai de mes mains.

Est-ce de haut ou simplement de trop loin qu’il l’observe, les orbes où le feu insatiable consume toute lueur trop douce ou trop aimante ; avaient-elles déjà existé ? N’étaient-elles pas déjà mortes depuis fort longtemps ? À en aimer trop maladroitement, trop brusquement - c’est qu’il ne savait même plus comment réagir ni ressentir.
Mais ce n’était pas de sa faute ; il s’en persuadait. Il connaissait les conséquences, pas vrai ? Il le savait - c’était toujours pareil, rien jamais ne changerait plus, alors pourquoi ?
Les orbes noyées par la rage et pourtant mêlées par sa propre incompréhension, Ashe la porte s’éclate presque pour se refermer tant les poings se sont durement resserrés.

Mains devenues si meurtrières, si assassines qu’il en oublie presque qu’elles peuvent apporter douceur et réconfort. Mais ça n’a jamais été le cas ; ça ne le sera peut-être jamais.
C’est que ça l’abime presque de trop franchement le regarder. Que son coeur éclate en fragments de colère quand son interrogation résonne.

— Qu’est ce qui ne va pas ? Sérieusement ? Et si le ton est dur - c’est parce qu’elle gronde avec ferveur contre ses tempes ; le supplie d’éclater. Peut-être a t’elle trop attendu ?
Pourquoi t’étais-tu prononcé Parsifal ? Ne pouvais-tu pas simplement te taire - tu réussissais si bien, d’habitude.
Et il se penche, jambes repliées pour se poser à sa hauteur ; pourtant il a le regard si froid et pourtant si brûlant de rage. C’est comme s’il était parti à jamais et pourtant, c’est bien sous ses yeux qu’il se tient.

— Tu ne peux pas t’en empêcher, c’est ça ? Car c’est ta faute - Parsifal, toujours la tienne s’il se met dans des états lamentables et finit par n’avoir plus d’autres solutions.
Car c’est ta faute Parsifal, s’il enrage toujours bien plus qu’il ne t’aime ; jamais de la sienne. Pour ça qu’il enserre maladroitement entre ses doigts son menton pour l’efforcer de ne pas quitter son regard.
Voyait-il toute cette rage qui le malmenait - ce que lui seul créait ? Je devrais t’arracher les jambes, pour que tu cesses de- Mais il s’arrête dans son monologue, car il sait son venin parfois trop brusque.
Parce qu’au fond ; il l’aime trop - si durement et si cruellement.

Mais tu sais Parsifal, il ne voulait pas ; il ne l’a jamais voulu.
Et plus il sert ta peau hâlée entre ses doigts plus il sait que c’est insuffisant,
Parsifal - n’apprendras-tu donc jamais ?

Et il s’il s’ose encore à poser les questions, c’est que sa colère s’autorise à parasiter sa peau de presque spasmes périodiques qui lui font froncer les sourcils et serrer les poings. Emprise plus ferme sur son menton qu’il rejette brutalement - comme à son habitude, car il n’y a plus aucune expression du mot tendre dans ses faits et gestes ; ce depuis fort longtemps.
C’est que sa colère fulminait tant au creux de son torse qu’elle dominait toutes les autres émotions, tous les autres sentiments. Il en oubliait les étreintes plus belles et les visions fleuries des composants de sa vie ; il n’y avait jamais rien eu d’autre que du noir tacheté de rouge. C’était tout ce qu’il avait vu de sa vie, et le destin peut-être voulait qu’il en fut ainsi pour le restant de ses jours.
Car dès l’instant où ses nuits furent sans couleur - celles de Parsifal prirent un goût amer de perdition.

— Je devrai être celui qui pose les questions. Et de son regard dur dont il ne change pas la cruauté Ashe le regard d’un froid intense - ou peut-être était-il brûlant de colère ? Se dépose plus franchement sur ses traits alors qu’il rapproche son visage ; où est passé son éclat ? Il ne peinait pas à rayonner il y a quelques instants. Et tu devrais être celui qui se tait. Mais comment pourrait-il bien se taire s’il n’a de cesse de lui poser des questions ?

Il allait lui donner une raison de se taire, ou bien de trop cruellement s’exprimer ; car dans son regard baigné de terreur il en revoit certains qu’il ne connaît que trop bien. Ashe savait qu’il n’en aurait jamais plus d’autres - mais niait en partie sa responsabilité.
Et pour s’assurer cette fois qu’il ne filera pas une deuxième fois, de ce poing qu’il contracte depuis un moment maintenant laisse tomber l’aberration de sa colère ; contre ses côtes car il se complaît trop à observer ce visage qui souriait tant d’un éclat qu’il n’est plus permis de voir.
Et pour se répéter qu’il n’est pas coupable ; que ce n’est pas de sa faute,
S’empresse de contrarier ses songes - c’est de ta faute Parsifal, pourquoi as-tu fais ça ?
Comme il y a fallu que tu ramasses ce fichu chat - c’est probablement ce que son esprit parasité se malmène de penser.

Mais sous ses mains, c’est bien sa silhouette qui se dessine ; il n’y a pas de verres à briser, pas de papiers à déchirer. Simplement une âme abîmée qu’il ne sait plus aimer (ou peut-être si fort que c’est devenu rouge) et au lieu de se satisfaire de ses propres poings enserrés il agrippe sa chevelure - c’est qu’il l’aimait, elle et son odeur - mais que tout avait finalement toujours eu cette odeur de sang. Il s’en souvenait, comme si elle tapissait son palais et comme si elle dessinait les courbes de son visage.
Et bientôt déjà Parsifal ne prenait plus le visage de Parsifal - ou peut-être était-ce Ashe, qui en dévoilait son visage de toujours, aussi cruel que bousillé par sa propre insuffisance.
Car s’il se savait suffisant, il n’aurait pas craint ce sourire qu’il abordait en sa compagnie, n’est-ce-pas ?
Mais il savait que tôt ou tard, il s’en irait probablement ; c’était un cauchemar inimaginable à ses yeux.

— Mais même te taire tu ne sais pas le faire, il faut toujours que je t’apprenne tout. À sa seule orbe pleine d’une rage indécente, il laisse le regard corrompre son âme - n’était-elle pas déjà perdue, après tout ? Et tu sais comment on apprend, n’est ce pas ? Insiste sur l’emprise sur sa chevelure et c’est qu’il ne peut plus le regarder comme à son habitude - y avait-il simplement une façon plus délicate et bienveillante de le regarder depuis ce jour ?
Pourtant dans sa colère, il s’abîme autant que de nouveau, l’un de ses coups abîme le pelage hâlé d’un être qu’il a déjà tué depuis longtemps.

Et sa cruauté dépeinte contre ses doigts, glisse le long de ses courbes abîmées ; il y peint toujours des teintes violacées, blessées par les colères et les rages, par les peines latentes qui ne sont qu’un ruisseau interminable vers une chute prolongée. D’une Vénus idéale à une épave en perdition, c’est qu’Ashe ne sait même plus comment le contempler - de son regard assassin, c’est comme s’il ne cessait de le blesser à chaque fois, et peut-être alors les lumineuses sont elles plus douloureuses que tous les autres coups.
Son nom n’a pas d’écho, contre ses lèvres, il est un poison latent - Ashe n’a jamais bien sonné. Ashe n’est qu’un appel à l’encore - qu’un appel aux morts et qu’un glas mordant.

Et quand il répète - c’est sa voix si douce pourtant si fragmentée qui se glisse et dans sa mémoire finit par résonner. Elle a des notes si sinistres parfois, qu’il se demande souvent si c’est bien la sienne.
Tant de choses ont changé, qu’ils ne sont parfois (certains plus que d’autres) plus les mêmes.
Comme ils peineraient à se reconnaître peut-être, si on les confrontait avec les allures du passé.
Pourtant, Ashe du bout des doigts l’admire parfois aux courbes de son visage qui étourdissent ses sens ; mais ce sont ses actes si turbulents qui bouleversent son coeur et sa raison déjà bousillée ne se fait que plus ronger par les tourments.
Pourquoi, Parsifal ?
Pourquoi me forces-tu à faire ça ?

Et tonnerre grondant lacérant alors,
— Tu es devenu sourd ? Je t’ai dis de te taire ! Où taire sonne plus comme un glas assourdissant, aux notes de graves bémols d’une partition déjà noire de colère qu’il assigne un coup plus violent au visage cette fois. L’esprit parasité alors que des centaines de ronces écorchent sa propre paume ; il a senti brûler contre cette dernière le feu ardent des plus consumés.
Et il n’a pas instantanément réalisé, contre sa joue rougie sa main déposée. Quand sa mâchoire s’est décrispée pour sentir par milliers les larves parsemer sa vision déjà rouge - alors il l’a rudement constaté.
Il était trop tard - il le savait ; mais là où il libérait toute les affres de son animosité, un corps - une âme déconstruite (qu’il avait aimé un jour tendrement) peinait dans l’obscurité.

Quand sa vue déjà brûlée de colère et noyée d’immondices perçu plus franchement sa silhouette décousue, le sang d’Ashe ne fit qu’un tour. Il savait qu’il ramperait s’il le fallait un jour pour fuir - qu’était-il, sinon l’ombre d’une bête sinistre et brutale ?
Et sans lui, Ashe ne retrouverait jamais la lumière (elle avait disparu)
Alors un instant le regard suspendu, sans réfléchir le ramène contre lui. Il est si froid, pourtant - son toucher contre sa peau blessée. Mais il ne peut pas le laisser, pas ici ; il fuira, comme elle n’est-ce-pas ? Il voulait simplement l’aider - les aider.
— Je ne voulais pas, tu sais.. Évidemment, que tu sais. Mais je ne peux pas te laisser. Tu le sais aussi, évidemment. C’est si désaxé et pourtant, ce n’est pas à sa demande - ce ne sont que des excuses façonnées. Il n’y a aucune justification, pas vrai ? Il n’y a qu’une jalousie et une peur irrépressible. Mais Parsifal n’ira pas loin - pas aujourd’hui, ni demain.

Qu’aussitôt il l’attrape pour le porter - ce n’est pas réconfortant,
Car contre un corps d’épines ; on ne se sent que lentement brutalisé.
Et à quelques pas là, il ouvre la porte d’un bras. Il fait si noir et pourtant, l’obscurité ne l’a jamais quitté - il fait si froid et pourtant, à ses yeux sa rage brûlante ne fait que le tourmenter plus encore.
Et quand il le pose sur le sol froid, c’est sans délicatesse ; c’est quand entre ses mains maintenant il prend les cordes qui presque viennent à lui.
Il ne voulait pas tu sais - en arriver là,
Peut-être qu’il ne l’a jamais voulu.

Entre ses doigts pourtant elle coule, jusqu’à gronder à son tour contre sa peau.
Couleuvre sans pitié qui serre et resserre l’emprise jusqu’à ce qu’il n’y ai plus de chance que la lumière de nouveau éclate.

Bien qu’il n’était pas sourd à ses suppliques, il fut un moment déjà depuis qu’il avait appris à ne les considérer que brièvement. Il était commun, après tout, qu’elles se succèdent ; mais il n’y pouvait rien, il ne pouvait pas céder, peu importe ô combien elles étaient emplies de peine et de tristesse. C’est qu’il y semblait indifférent, tant sa colère avait dépeint son visage en un tableau d’indifférence cruelle.
Et que du bout des doigts, il manoeuvre durement sur les cordes comme il l’a toujours fait et alors adroitement, connaît déjà chaque arabesque et tour - chaque emprise plus ferme pour s’assurer que cette fois Parsifal il n’y aura ni sourires à d’autres,
Ni éclats à d’autres. Et s’ils ne désiraient que l’arracher, que resterait-il pour lui ?

Rien, assurément.
Et à chaque fois qu’il gesticule un peu trop - au départ Ashe les mots tendres ; mais ils sont cette teinte de désespoir latent. Il n’y aura pas de douceur la prochaine fois, tu le sais ? Je ne peux pas. Tu sais que je ne peux pas. Il aurait sûrement été peiné, s’il lui restait un peu de bon sens - mais tout le monde sait qu’il est déjà mort à jamais.
Puis d’une main libre sur ses mèches autrefois malmenées, c’est d’une douceur si cruelle alors que les coups ont retenti si brutalement il y a peu. Alors quand il déplace certaines de ces mèches, c’est un toucher ardent qui le brûle, trop véhément.
Et aussitôt qu’il l’oublie se redessinent toutes ses songes parasites. Entre ses doigts bientôt, il trouve ses poignets liés dans son dos - c’est qu’il ne voulait pas. C’est qu’il le devait.

Après ça, tu risquerais de partir n’est-ce-pas ?
Le visage contrarié, et les sourcils froncés alors qu’il regarde la détresse dans son regard - et c’est si douloureux. Douloureux l’éclat mort qu’il lui offre. Il n’est pas de cette ardeur éclatante qu’il lui offrait à lui, un peu plus tôt.
— Je t’avais dis que tu étais trop faible. Je te l’avais dis. Qu’il répète, une seconde fois ensuite - en constatant les teintes rougies de sa peau hâlée, peut-être à cet instant précis perd-t’il raison. En appuyant cette fois fermement ses mains sur ses épaules, pour galvaniser les propres fourmillements contre ses songes parasitées. Je ne veux que te protéger tu sais. Je ne fais que ça. Et en culpabilité qu’il essaie de faire basculer, il n’obtient qu’un regard trop perdu pour même l’écouter.

Parce qu’il veut le protéger ; parce qu’il veut en réalité - pour lui seul l’avoir. C’est qu’elle est si précieuse la lumière (morte) c’est qu’il est si précieux de t’avoir près de lui, peu importe ô combien chaque étreinte empoisonnée l’abîme.
Qu’il rejette le corps, dans un excès brutal de colère. Aux mains qui relâchent les épaules pour projeter son dos contre l’un des murs. Pour mieux cette fois, s’attaquer à ses jambes - n’avait-il pas pensé un instant qu’elles étaient mieux hors d’état de nuire, hors d’état de fuir ?
— Tu le sais Parsifal. Tu le sais. Alors pourquoi tu me forces à faire ça ? Et entre ses doigts qu’elle glisse pour les lier, pour arracher sa liberté - alors que déjà sur le sol il pouvait amasser chacune de ses plumes les plus abîmées.
Ça faisait si longtemps qu’elles étaient tombées.

Et les ronces grimpent à ses pieds, des lierres fanés qui s’imprègnent de chaque teinte déjà un peu plus bleutée, un peu plus rougie. Et dans ses pigmentations colorées malsaines, Ashe ne distingue pas les suppliques d’un corps qu’il blesse plus qu’il ne chérit vraiment désormais ; dont il oublie parfois les arabesques doucereuses. Il n’y avait que de la colère sur sa surface, et son intérieur si gris fulminait encore, en gros amas de fumée qu’il délaissait parfois dans les abysses d’une pièce aux recoins chacun plus étroits les uns que les autres.
Et alors à chaque élan plus suppliant il ne répond que par des longues râles - des colères prisonnières qu’il tente de faire taire.
Parce qu’il le blesse - le sait, ne sait pourquoi c’est sur lui qu’il la déverse plutôt qu’un autre. Il aurait très bien plus sauter sur lui ; celui qui méritait ses éclats de rires et sa bienveillance. Il aurait très bien réussi à lui faire comprendre et pourtant qu’était-ce ? De la faiblesse ou de l’insuffisance ?
Contre ses quelques coups de pieds en tentative mal réalisée, Ashe la force grandissante (grondante) se veut pourtant délicate quand il s’explique, et pourtant se sont bien ses chevilles entre ses phalanges désormais qu’il serre comme une menace équivalente.
Comme plus durement que la vipère qui emprisonne ses chevilles, entrave ses mouvements ; il persiffle au dessus de lui.

— Arrête. Tu le sais très bien. Alors quand la rage ne peut plus se contenir et que pourtant toujours les mots persistent ; il sait si bien. La douleur qui persiste, elle persiste toujours et pourtant ; il ne la pressent pas instantanément. Il devrait, il devrait comprendre, il devrait ressentir et pourtant c’est simplement quand il finit de serrer qu’il explore les questions plus franchement.
Et à ses questions Ashe n’a qu’une seule réponse alors qu’il ne voulait pas en donner - coup plus brusque que le précédent déjà sur les arabesques de son torse où le souffle court avance et recule frénétiquement ; c’est qu’il ne mesure plus sa force. (L’a-t’il déjà mesuré ?)
Quand là où il attrape son épaule pour planter ses griffes sur le hâlé si souvent bleuté - le force soudainement à se rapprocher car tout n’est qu’une succession de délicatesse et de blessures. Et resserre ses serres autour de la peau quitte à la blesser, quitte à la dévorer car il n’y a plus d’ailes désormais - qu’il oublie la beauté de cette peau unique qu’il chérissait autre fois comme un cadeau. Dont cette fois, il arrache les plumes sans s’expliquer. Si je te laisse, tu partiras. Et qu’il observe non sans cruauté chaque détail de sa physionomie terrifiée ; Et si tu pars.. En grognement. Qu’il rapproche son corps près de lui - là où est sa place. Et pourtant, c’est ce même corps qu’il frappe sans peine. Ce même corps qu’il ronge, tant fatigué de se ronger lui-même.

— Non. Je ne te laisserai pas retourner avec lui. Parce que la simple idée d’un sourire ardent sur ses lèvres qui ne lui est pas destinée est parasite. Alors quand il se relève, c’est pour l’abandonner sur le bitume froid.
C’est pour de sa jambe, constater son état sans tiquer sur les détails ; il sera mieux là de toute façon.
Ici et sans personne - seul et sans sourire, rien d’autre qu’un visage horrifié de tourments qu’il ne pourra pas soigner.
Alors Parsifal ne le supplie pas encore ; il n’a jamais voulu tout cela après tout, tu le sais.

Ne sait-il pas, ne comprend-il pas toute l’ampleur que ses sentiments prennent quand ils se glissent et s’élancent le long de sa gorge pour enserrer les mots qui peinent ? De ses excuses mal façonnées dont lui même doute de la véracité, Ashe ne pose que des points (poings) sur les doutes et assiège ce qui lui déplaît. Et il y a fort longtemps que rien ne lui plaît plus.
Peut-être existe-t’il encore quelque chose qui l’éveille, qui le maintient en vie - mais qu’est-ce-que la vie quand elle est parasitée de troubles et de présences malsaines qui en recouvrent la surface ? Ses poings qui frappent plusieurs fois aux mêmes endroits, ne sont-ils pas épuisés ?

Il en a oublié Ashe, tous les maux qui l’habitent lui et pourtant, il y a plongé tant de fois. Pour savoir ce qu’il ressentait, pour être insensibles à ses larmes muettes et à ses tremblements constant. Il a exploré chaque recoin pour en connaître l’intensité, il a plongé dans ses orbes pour n’y connaître que la terreur.
Puis, Ashe ne se souvient plus de la première fois où il l’a frappé. Comme il ne se souvient pas de combien de coups il est nécessaire de donner pour que cela soit suffisant.
Parce que tout est si destructeur autour de lui, il aimerait stranguler ce coeur pour qu’il n’aime que lui ; il aimerait enfermer tout son être dans une boîte pour toujours la garder auprès de lui. Gardien de quelque chose, de quelqu’un qui ne lui a jamais appartenu.

Et alors que le pied d’une traite a filé - Ashe a longtemps cherché ses mots sans les trouver. Il les avait perdu depuis longtemps ; peut-être n’avaient-ils jamais cherché à exister. Il n’avait jamais eu d’excuse à donner, pas vrai ?
— Je m’imagine des choses ? Qu’il gronde, sourcils intensément froncés et alors qu’il se froisse plus fermement. C’est qu’il aurait aimé simplement s’imaginer - mais des mites rongent son esprit et les serpents persifflent.
Elle a sifflé elle aussi, juste au dessus de lui. Simplement perchée sur son épaule elle lui a murmuré que tu t’en irais. Un jour quand tu seras épuisé de ces poings qui te frappent et t’écorchent ; un jour quand il n’y aura plus aucun amour à sauver.

— C’est moi qui imagine ? Qu’il répète une première fois, abaissé à sa hauteur pour saisir les extrémités de son col. Parsifal absent, peut-être transporté de nouveau ce soir là. Quand son regard déjà mort depuis longtemps ne lui offre plus d’éclats. Qui est-ce que je devrais croire à ton avis ? Et si la réponse est évidente à ses yeux, lorsqu’il serre plus fort de ses doigts c’est pour cruellement se répondre à lui-même,
Peu importe en qui il doit bien croire, il le saura bien assez tôt en explorant son esprit ; il le sait, il ne peut jamais rien lui cacher et pourtant, il est terrifié de simplement pouvoir l’imaginer. Mais n’était-il pas terrifié de constater les terreurs infligées ?

Quand il le lâche brusquement, c’est pour laisser tomber quelques objets laissés sur les étages à côtés, c’est qu’il a toujours été trop grossier de toute façon et que sans délicatesse toujours, il l’observe désormais. Qu’avait-il créé de nouveau ? Une toile brusque et rude - une toile qu’il avait lui-même peinte de son propre sang et de ses propres poings.
Mais qu’il était terrible de l’admirer - qu’elle bousillait de nouveau ses pensées.
Car se seront toujours les plus laids parasites qui l’emporteront - plutôt que de croire les mots d’un coeur qu’il ne sait plus aimer.
Et d’une dernière conscience balafrée il s’assure que les liens sont fixés, car il serait terrifié qu’il s’en aille ; car il serait terrifié que dans les ténèbres la lumière meurt.
Qu’il enfonce son corps frêle et presque tué dans un coin pour s’assurer, comme si c’était suffisant ; qu’il ne bougera pas et qu’il restera.
— Sois sage. D’accord ? Tu dois apprendre de toi-même. Et lentement les pas derrière qu’il traîne. Qu’il observe toujours à l’affut ; il ne s’enfuira pas, jamais. Il ne le peut pas, il ne le doit pas.
Qu’il se répète toujours, jusqu’à ce que la véhémence de ses mots le galvanise lui-même.
Et si tu es sage alors il reviendra - et vous apprendrez à deux.

Et s’il ferme la porte il le laissera, noyé dans les abysses taraudantes de sa propre violence - pour mieux esquiver ses propres douleurs délaissées contre sa peau, pour mieux esquiver toutes la peur de son regard. Car il sait qu’il en est l’ultime responsable - car il sait qu’il ne peut que s’affirmer encore et encore qu’il demeure par des coups. Et qu’il admire alors les traces, horrifié quand se désaccorde sa colère à son amour perfide et rugissant.
Car quand l’animosité cessera alors peut-être qu’il dira, au creux de son cou violacé - peut-être qu’il chuchotera qu’il le devait à la manière dont la vipère lui a déclaré qu’il devait le faire. Parce qu’il le doit, parce que c’est nécessaire.
Parce qu’entre de mauvaises mains il ne peut pas le laisser, il ne peut se résoudre à l’abandonner dans d’autres bras car le froid du sol sera toujours plus agréable. Parce qu’il le sentira à proximité - parce que l’éclat mort ne sera accordé à personne d’autre et alors,
Il ne comprend toujours pas sa jalousie exécrable. Elle titube dans son esprit, se heurte et meurt. Il n’est pas jaloux, il ne l’est (presque) pas - il se l’assure. C’est éhonté, n’est-ce-pas ? Parce qu’il est si conforme que tout se déroule ainsi.

Et après l’avoir lâché, après l’avoir admiré (se rendait-il même compte qu’il le contemplait ?) ce corps, cette épave sinistre qui dans les ténèbres se noie ; le destin voulait qu’il parte. Loin de ses propres violences, loin de se corps désarticulé force d’avoir été lié.
Et pourtant, il l’a si clairement entendu, il criait comme un oiseau laissé à son nid. D’ailes qu’il n’avait même plus, d’ailes dont Ashe distinguait les plumes, tapissées au sol. Comme sur le bitume froid et il se rappelait, les avoir lui-même tour à tour arrachées.
Les mots se mêlent, s’emmêlent, se ressemblent et pourtant il ne distingue que du brouillard immonde qui résonne contre ses tempes. L’esprit en fanfare quand il distingue que c’est lui qu’il appelle, lui qu’il supplie - n’arrêteras-tu donc jamais, Parsifal ?
Il te l’avait demandé, il te l’avait déclaré.
Pourquoi ?

— Arrête. Grognement. Qu’il gronde pour lui-même, s’efforçant de se résoudre au silence, de se résoudre à ne pas l’entendre, mais c’est qu’il n’y a que lui. Dans son monde de gris, il n’y a que sa lumière éclatante qui réchauffe son organisme si froid ; pourtant cette lumière aujourd’hui si indélicate ne provoquait qu’une rage plus véhémente encore.
Elle résonnait comme un mauvais glas contre ses tympans et il n’existait qu’un seul messager de la mort. Il ne voulait pas porter son nom, alors il porta un premier coup - quand il se penchait vers l’arrière pour retourner à ses côtés.
Elles résonnaient, ses suppliques. Même quand il était plus près, il l’entendait si clairement. Le désirait-il si fort ? Qu’il ne parte pas ? Qu’il reste avec lui ? Ne désirait-il cela que parce qu’il était ici, enfermé bientôt et sûrement seul ? Était-ce là la seule raison pour laquelle il nécessitait sa présence ?

— Je t’ai dis de te TAIRE ! Qu’il gronde, toujours plus fortement jusqu’à peut-être même en faire trembler les murs. C’est qu’il ne s’est jamais entendu, qu’il a toujours perçu le tonnerre comme un nuage éphémère et qu’aujourd’hui, la foudre trop longtemps retenue implosait. Ses ossements fondirent instantanément, sous la rage pétulante, pour se retrouver davantage plus proche de lui. À cet instant, il ne chercha pas même son regard dans l’obscurité latente, il le savait terrifié. Maintenant tu veux que je reste ? Tu veux que je reste, tu en es certain ? Frénétiquement, le souffle presqu’aussi court que le sien qu’il ne réfléchit pas même au sens de ses mots - il n’y en avait jamais eu, pas vrai ? Mais tu n’appellerais pas au secours, si tu n’étais pas là dedans. - Tu ne m’appellerais pas au secours.
Et d’un premier coup sur les devants de son torse il ancre ses mots durement - il ne reçoit que des plaintes.
Et il se souvient alors, elle suppliait elle aussi - dans son esprit, il avait fouillé - elle le suppliait d’arrêter de frapper et pourtant ;
Elle recevait toujours des coups plus brusques et quand les marques devenaient plus voyantes encore, elle pleurait.
Ashe lui avait tendu la main, puis elle l’avait délaissé. À chacun de ses piaillements, il l’entendait ; il voulait la protéger tu sais ? Comme il voulait te protéger Parsifal et pourtant - c’est de ta faute, toujours.
Avant la sienne, avant celle des autres.

On lui disait que c’était bien. Elle lui sifflait au creux de l’oreille qu’il le fallait.
Qu’il fallait resserrer les liens encore, là où on frappait toujours.
Kumiho murmurait, il faut parfois stranguler fort ceux qu’on aime, pour qu’il ne nous laisse jamais. Alors il s’était résolu à faire glisser de nouveau les cordes.

Et quand il n’a pas assez de lumière pour éclairer l’immensité de sa colère, quand il s’écrie trop fortement pour lui demander de rester, quand les mots se répètent dans son esprit parasité et que sa vision se teinte de pigmentations rougeâtres, c’est pour repousser son corps périclitant contre l’un des murs piteux ; pour le pousser si fort quitte à ce qu’il s’en imprègne. Et quand entre ses doigts il sent sa peau glisser c’est pour venir jusqu’à ses lèvres le faire taire, jusqu’à effleurer maladroitement l’arête de son nez pour s’enrager, s’embraser comme si les terres volcaniques venaient une à une de se déchirer. Quand je te dis de te taire, tu dois te taire. Tu comprends, tais-toi. Tu te tais, tu comprends ? Grognements chauds entre ses dents, qu’il persiffle si proche de lui, sans pourtant même le sentir, sans pourtant même sentir avec la rage qui dégénère, ses mains glisser le long de son cou ; redessiner sans crainte sa pomme d’Adam marqué pour s’enserrer autour.

Elle disait ; il faut stranguler ceux qu’on aime pour qu’ils restent.
Il faut stranguler. Il faut arracher couper lacérer les ailes.
Alors il comprendra. Alors il saura. Alors il

Suspendu un instant dans le silence. Souffle coupé, par ses propres gestes qu’il comprend, en sentant entre ses doigts les pulsions de son sang ; Parsifal entre ses phalanges assassines, il sent son souffle court presque mort et aussitôt le relâche, aussitôt réalise.
Il faut stranguler ceux qu’on aime pour qu’ils restent.
Il faut stranguler ceux qu’on aime pour qu’ils restent.
Il faut stranguler ceux qu’on aime pour qu’ils restent.

Qu’il répète. Mais il sent l’air dans sa gorge se noyer ; il sent la peur entre ses doigts filer, qu’allait-il faire ? Qu’avait-il fait ? Qu’est-ce que sa propre colère avait déchaîné, qu’est-ce qu’elle lui avait fait ? Et alors qu’il le lâche brusquement, recule sans réfléchir, en fuite à sa colère, en fuite à ses torts, en fuite aux lacérations les plus douloureuses et les plus mortelles.
Et derrière lui ne jette plus un regard, derrière lui il ferme, verrouille. Se répète ; il ne voulait pas.
Tu l’as forcé,
Elle l’a forcé,
Ils l’ont forcé.
Il ne voulait pas tu sais - il t’aime tant.
Il ne le voulait pas.