Au petit matin viennent les premiers rayons salvateurs du soleil. Tu reprends forme humaine, sous l'apparence chétive de ton corps d'enfant. Tes cheveux noirs tombent en épi sur ton front et ton regard s'éteint de ta moue taciturne habituelle. Ton père lui aussi est revenu à lui, et se meut bestial jusqu'à toi, plaques sa grande main sur ton épaule. Sa force incommensurable te donne l'impression de t'enfoncer droit comme un piquet dans la terre. Tu n'as pas franchement souvenir de la nuit qui vient de se passer, ni de l'incident auquel tu as fait face. Tu te tournes et dans les bras d'un de vos compagnons se trouve lové le corps effrayé d'un autre enfant. Tu lèves les yeux et te détaches de l'emprise de ton père (insolent) pour avancer vers lui. Tu n'es pas assez sociabilisé Teddy, et après l'avoir dévisage tu te détournes de lui comme si la faiblesse te brulait e regard. Il ne t'intéresse pas.


Et il était resté avec vous quelques jours. Dans le village voisin sa disparition s'était fait remarquer - tout le monde s'activait à faire des battues pour récupérer le fils du couple Wright.
Il a fallu le laisser rentrer chez lui, alors un soir il est parti.
Raccompagné à la lisière du bois maudit, vous l'avez regardé courir à en perdre haleine dans les champs. Son corps qui s'éloigne devient comme un point dans la nuit, à peine éclairé par les lumières des lampadaires.

— « Viens mon fils, la suite va être intéressante. »

Tu n'avais pas compris pourquoi ton père pensait cela.
Tu l'as seulement regardé, l'air interrogatif et ennuyé. Tu ne voulais pas le suivre, ni te rapprocher de lui. Il était parti, maintenant c'était terminé. La perspective d'avoir un ami, comme il te l'a fait croire pendant son court séjour parmi vous - s'est totalement envolé.

Et pourtant ton père ordonne, alors tu suis sans broncher.
Vous arrivez à la porte de la maison, encore entrouverte. Des cris attirent ton attention et l'odeur du sang agresse tes narines. Tes sens sont en alerte, captent la violence et la mort des lieux.
L'instinct prévaut, et tu te précipites à l'intérieur, te stoppes brutalement face à l'horreur de la scène.

— « Qu'est-ce qu'il s'est passé ? »
Ton père passe devant, il n'a pas l'air spécialement surpris (tu le sais plutôt insensible face au danger).
Il se glisse dans le dos de Neal et s'abaisse.
— « Tu vas bien ? »
— « Il faut appeler la police moldue ! »
— « Non. Surtout pas. Regarde ces marques Teddy. Ce n'est pas l'oeuvre d'un homme. »

Tu comprends.

— « Un loup-garou ? »
Précisément.

Tu es horrifié, et c'est bien la première fois qu'une scène aussi violente t'arrache des frissons de terreur. Tu veux agir ! Prévenir quelqu'un ! Qu'on puisse les sauver ou... au moins faire quelque chose pour le petit garçon qui pleure. Quand ton père t'ordonne de ne rien faire et dénonce l'évidence tu te figes entièrement. Les bras le long du corps tu baisses la tête. Si vous prévenez la police, ça revient à se dénoncer soi-même. Tu ne veux pas aller à Azkaban Teddy, tu n'as rien fait.
Neal questionne, demande entre deux sanglots étouffés la raison d'un tel massacre. Tu ne sais pas, ahuri et secoues la tête de droite à gauche.

Ton père ne semble pas plus paniqué que ça. Plutôt embêté. De sa voix rauque et caverneuse il fait taire le jeune garçon. Tu en as le souffle coupé.

— « C'est forcément Lucian. Il ne supportait pas la présence de Neal sur le camp. Je suis certain qu'il est derrière tout ça. »

Tu ne comprends pas, et ta voix tremble quand tu la hausses pour te faire entendre.

— « Lucian n'aurait jamais fait ça ! Il l'a sauvé ! Tu te trompes ! »
La gifle qui part, bien trop vite.
Ta tête a dévié sur le côté, et mutique tu te frottes lentement la joue - interrompu par l'enfant qui s'accroche à ton col. Ton père semble de plus en plus agacé.

— « Teddy fais le taire. »
Il s'avance vers la fenêtre pour guetter les alentours.
— « Je vais m'occuper de Lucian. »

Tu sens les ennuies arriver. La meute suivra forcément l'avis de ton père, c'est l'alpha de la meute après tout. Tu crains le pire pour le sort de Lucian. Mais s'il est vraiment coupable, c'est ce qu'il mérite non ?
Tu repousses Neal, un peu ennuyé par son contact et lui intime de baisser d'un ton, un doigt sur ta bouche. Murmures.

— « Si tu hurles tout va s'empirer. »

Déglutis.

— « Viens dans la cuisine, ne regarde pas. »

Tu l'entraînes à ta suite dans l'autre pièce, enjambant le bras de la mère étalé au sol au milieu des débris.

La première chose qu'on vous apprend quand vous naissez loup-garou c'est à respecter l'Alpha de la meute. L'Alpha c'est ton père, alors ça t'a conféré certains privilèges : celui d'être considéré malgré ton jeune âge. Tu sais pertinemment que Lucian a sauvé Neal pour t'éviter de tuer un innocent (ce que tu ne te serais pas pardonné). Alors pourquoi viendrait-il à la nuit tombée trancher les gorges de ces parents ? Pourquoi en faire un orphelin ? Avait-il l'intention de le mordre à son retour ? Rien n'a de sens et l'odeur du sang alerte les tiens.

— « Te détestent ? Qui te détestent ? »

Tu fais tout pour rester calme, intériorises tes émotions pour lui montrer le bon exemple. Tu te sens pitoyable, honteux, même à huit ans. Tu attrapes lentement un torchon posé en boule sur le plan de travail et t'affaires à essuyer maladroitement ses bras tachés de sang.

— « Tu... Tu vas devoir monter sur le marche pied pour te rincer. ça a séché et je n'arrive pas à l'enlever correctement. »

Fronces les sourcils.

— « Non tu ne vas pas mourir. Mon père va arranger ça. Lucian va être puni pour ses actes. »

Soupçonner celui qui se trouve dans le salon est fantasque, et pourtant ça te monte à la tête un instant. Tu ne peux pas confier tes doutes à Neal... et tu as peur. Tu as vraiment peur de ce qu'il est capable de vous faire s'il s'avère que c'est faux et que tu l'accuses à tort.
Non.
Non ça ne peut pas être lui. Arrête Teddy.

— « Je suis désolé pour ta famille, vraiment. »

On ne dirait pas mais c'est parce que tu ne pleures pas devant les autres.

— « Mais tu ne vas pas rester seul. On va t'en trouver une autre pour que tu sois en sécurité. Je te le jure. »

Tu le fais grimper, le gratifiant d'un petit allez... quand il monte sur le marche pied et ouvres l'eau du robinet pour le forcer à enlever tout le sang séché qui tâche ses avant-bras.

Il se confond en excuse, il culpabilise. Tu comprends... à sa place tu serais surement super mal. Il avait une maison, une famille qui l'aime, un lit douillet... et maintenant il n'a plus rien. Avec ta raison d'enfant tu essaies de te projeter en lui, le jalouses un petit peu avant de te sentir affreusement pitoyable. Comment est-ce que tu peux presque te réjouir de le voir aussi miséreux que toi, désormais ? Egoïste, tu veux pouvoir partager ton enfance avec quelqu'un qui te ressemble, qui peut te comprendre. Tu te sens si seul Teddy. Si seul.

— « Avec moi ? Euh... »

Il te supplie presque. Il te fait un peu (carrément) pitié. Tu souffles par le nez et enfonces ta tête dans tes épaules, les doigts accrochés nerveusement aux pliures de ton jean.

— « Je sais pas... c'est pas moi qui décide. »
— « Je pense que c'est une excellente idée. »

Tu tournes vivement la tête en direction de l'encadrure de la porte. Ton père est adossé à celle-ci, bras croisés sur le torse. Il a des tâches de sang sur le visage. Tu plisses les yeux et l'affrontes sans bouger - avant de finalement baisser la tête (capitules bien vite, Teddy).
Il avance vers Neal et s'accroupit en face de lui pour être à sa hauteur. Il est très grand naturellement.

— « Mon fils aurait bien besoin d'un ami précieux pour canaliser... ses divagations. »

Tu roules des yeux.

— « Est-ce que tu accepterais de prendre soin de lui quoi qu'il arrive ? »

Tu ne sais pas si tu es touché Teddy, mais Neal ne met pas longtemps à réfléchir à la proposition. Il répète inlassablement que vous êtes copains, meilleurs copains même. Tu n'en as jamais eu et n'en as jamais voulu mais... maintenant qu'il est là... c'est peut-être pas si mal. C'est même cool. Innocemment tu arrives à te détacher de la scène de crime et tu l'imagines vivre avec toi dans les bois pour longtemps. Puis vous irez ensemble à Poudlard ! Tu veux que ton père te laisse y aller : Neal en sera la bonne excuse.

— « Oui. Je veux qu'on soit copains. »
— « Teddy. Retournes dans le salon. Laisse-nous seuls un instant. »

Tu fronces les sourcils et jettes un regard interrogatif vers Neal. Non tu ne sais pas ce qu'il a en tête... Tu te mords la joue et obéis sans rechigner. Il ajoute.

— « Et ferme la porte de la cuisine derrière toi. »

Tu les abandonnes et rejoins le salon après avoir fermé la dite porte. Tu t'assois sur le pied d'une chaise renversée et observes les cadavres. On dirait un vieux tableau, le temps s'est arrêté. L'odeur est étouffante.

Dans la cuisine, ton père fait face à Neal, sourire carnassier sur le visage. Il lui tapote la tête.

— « Tu vas faire partie de la famille Neal. Oublie ton ancienne vie. Tu es des notres maintenant. »

Il penche la tête sur le côté pour le dévisager avec cruauté.

— « Toi et moi on aura des secrets. Des secrets qu'il ne faudra partager avec personne d'autre. Pas même avec Teddy. Teddy ne comprendrait pas. Et si jamais... si jamais il apprenait ce que je t'ai dis, je pourrais faire de toi un beta. Tu sais ce que c'est ? »

Devant l'ignorance de l'enfant il explique avec lenteur.

— « Un monstre, comme moi, comme teddy, comme Lucian. Tu deviendrai la bête qui a tué tes parents, qui a voulu te dévorer. Tu n'en as pas envie pas vrai ? »

Il sourit.

— « Alors tu vas te taire, et faire tout ce que Teddy voudra. Et si tu t'enfuis... »

Couic.

Les traits de ton paternel s'affaissent lorsque le gamin hésite. Il se montre plus froid et moins ouvert à la discussion. Glisse sa main le long de sa nuque pour le choper par la peau du cou et le soulever de quelques centimètres. Il approche son visage pour dévoiler ses crocs proéminents, même sous forme humaine. Un grondement sonore s'échappe de sa gorge et il demande d'un air soudain plus doucereux.

— « Veux-tu que je te transforme maintenant ? Il y a une chance sur deux pour que l'humain transformé décède de ses blessures sans jamais devenir un loup-garou. »

La question est bien sur un mensonge. Il ne peut rien faire sous forme humaine, et ne peut se transformer en dehors de la pleine lune. Il compte cependant sur l'imagination de l'enfant pour faire tout le travail.

— « Enfuis-toi et je te cuisine à mon prochain repas. Contente toi d'être un gentil ami pour Teddy et il ne t'arrivera rien. »

Il le relâche et se redresse, lui écrase l'épaule de sa grande main - blagueur.

— « Si tu as de la chance et que vous créez un lien fort, alors ça sera sans doute lui qui aura le privilège de te transformer. »

Il tourne les talons et ouvre la porte de la cuisine. Tu attends dans l'entrée, devant la porte.

— « Suis-nous. »
— « Papa, il y a des hommes avec des lampes torches dans le jardin. Ils m'ont pas vu mais inspectent la maison. »
— « Merde. Déjà ? La cave. »

Il ouvre grand la porte et pousse Neal dans les escaliers, t'intimes de le suivre.

— « On s'arrache. »