Marrant comment, même en plein cyclone, certaines choses ne changent pas. Toujours la même effervescence, les gamins qui réclament après les bonbons, les vendeurs qui surchargent leurs vitrines dans l'espoir d'attirer de nouveaux clients. Quelque part t'as l'impression que tant que le Chemin de Traverse vivra, le reste suivra. Un peu comme un indicateur de bonne santé du reste de la société, un peu comme ces grandes machines moldu qui relèves les constantes, mesure le pouls, l'oxygène dans le sang. Autour de toi ça se presse Do, tu vois sur le chemin des attroupements éparses ici et là. Un plus gros devant la librairie. Sur les grandes vitrines affichées en grand un portrait animé de cette sale fouine de Bergling. Un comble que ce soit ta mère qui soit en prison quand ce type, lui, est encore en liberté.

Tu détournes le regard, t'en a attendu parlé de son bouquin. T'as eu tout le loisir de te foutre de ce navet que tu n'as pas lu par message vocal avec Gus. À la place tu poursuis ta route. Ignore, Dorothy. L'ignorance est le plus beau des mépris. Un des rares conseils que t'a balancé ton père depuis que vous avez emménagé à Bristol. Non, si tu es venue ici aujourd'hui c'est dans un but bien précis : trouver de l'équipement d'occasion pour Beckett. Tu pousses la porte de ce petit magasin que tu connais bien, une bonne adresse quand on a peu d'argent et beaucoup de dépense. Un sourire quand tu fais sonner la cloche de l'entrée lève la main ouvre la bouche.

— Patron je voulais sa-

Mes salutations, Dorothy.

Tu n'as pas la courtoisie de masquer ton dégoût.

— Bergling.

Tu ne l'as pas revu depuis quoi ? La fin de Poudlard ? Une défaite cuisante n'aura pas effacé son sourire. Ce genre d'attitude te fait regretter l'époque où personne ne t'aurait reproché de le faire disparaître.

— Surprise de constater que personne ne t'a encore tué. C'est pourtant pas les candidats qui manque.

Rire insupportable, cette retenue en lui qui donne envie de renverser les tables, de les lui envoyer comme t'envoies les cognards : en plein visage. Il a la défaite belle. Chez n'importe qui d'autre tu aurais admiré ça, Do. Chez lui, ça t'insupporte. La vérité, c'est que tu ne détestes pas vraiment beaucoup de gens. Mais lui. Mais lui, s'il pouvait ramper au sol en pleurant tu serais incapable de t'en émouvoir. Lui, s'il pouvait crever, tu n'irais pas le regretter.

Tu souffles du nez, réponds à sa provocation. Sourire insolent, pour qui te prend-il ? Tu es Serdaigle, fille de Serdaigle, petite fille de Serpentard, tu sais ce qu'est l'hypocrisie mieux que n'importe qui. Alors tu croises les bras, voix guillerette quand tu susurres.

— À un ancien camarade de classe peut-être pas, en effet. Mais à un parasite en revanche...

Parce que c'est ce qu'il est. Et vraiment, le savoir en liberté n'améliore pas ta confiance en la justice magique. Tu penses, à crime équivalent, un plus vieux que lui aurait été conduit et laissé pour mort à Azkaban. Tu tapotes agilement ton doigt contre ton bras.

— Ceci dit, j’admets que tu ne manques pas de culot. Venir me provoquer, sortir à la lumière du jour après avoir échappé à Azkaban seulement parce que t'as encore une bouille de gosse... La défaite de ton empaffé de gourou ne t'aura pas rendu plus pudique, Declan.

C'est dommage, il est tellement plus agréable à supporter quand il se tait et se fait oublier.

— Marrant, aussi, de te voir dans un magasin aussi modeste. Ton fameux magot se serait-il envolé en même temps que ta crédibilité ?

Il est révolu le temps où le corbeau était au sommet de la chaîne alimentaire.

La pique était attendue, elle n'en restait cependant pas moins douloureuse. Évidemment. Il savait. Tout le monde savait. Ce n'était pas le premier à te lancer ce genre de réflexion, mais c'était peut-être bien l'un des seuls à en comprendre la portée. Ton regard se fait plus sombre. Tu te souviens, de tout, de la déchirure dans son regard à la contraction de son visage pour ne pas pleurer. Elle avait toujours été comme ça, ta mère. Plutôt cracher de l'acide que de verser une larme. Et la ressemblance est douloureuse, Dorothy, tu es pareille. Plutôt devenir le pire être humain sur terre que de verser une larme devant Declan.

— Innocent. Je t'en prie, tu n'y crois même pas toi-même.

Tu soutiens son regard. Tu devrais peut-être reculer mais l'idée de lui céder le moindre pas te révolte. Alors t'encaisses sa proximité, encaisses le reste. Tu te raidis face à cette main qui vient se poser sur tes cheveux. Il a les yeux plein de haine. Tu as ébranlé son calme. Il fait tomber le masque. C'est dangereux, mais c'est une victoire. Tu repousses sa main.

— Tu as perdu Declan. Tu as voulu jouer et tu as perdu. Tout ce qu'il te reste c'est ta nostalgie. La vérité c'est que tu me fais profondément pitié.

Ta glissée ta baguette dans ta main, juste au cas où. Innocent. Ce ministère pourrit n'avait pas la moindre idée. Mais tu n'as jamais attendu après le ministère pour triompher. Tu trembles un peu, mais tu veux l'achever.

— Les corbeaux sont morts, Declan. Tu n'es plus en position de terroriser qui que ce soit.

Tu bombes le torse sans lâcher son regard. Vous avez cinq ans, à vous jouer à celui clignera des yeux le premier, à celui qui ira observer autre chose que la haine de l'autre. Mais qu'importe, t'as toujours été douée à ce jeu, Dorothy. Tu t'adaptes à l'ennemi. Flexible, s'il faut être cruelle, très bien. S'il faut être impassible, très bien. S'il faut être mordante, parfait. Élitiste, parce que tu n'iras pas te sous-estimer devant lui, abaisser tes standards, reconsidérer la personne en face au nom d'une maturité quelconque. Tu es rancunière, tu as besoin d'un ennemi vers lequel diriger ta haine et Declan est parfait. Dans la provocation, tu glisses le bout de ta baguette contre sa hanche.

— Ose me toucher encore et tu verras si je n'ai que de la gueule, Bergling.

Tu répètes. Autant pour lui rappeler sa défaite que pour ancrer ta victoire.

— T'es fini, Bergling. Tu survies en surfant sur une vague qui finira par mourir tôt ou tard. Alors que moi ?

Sourire méprisant, quand t'appuie plus fort de ta baguette.

— Moi je n'ai pas besoin de provoquer en écrivant un torchon pour qu'on me remarque.

Tu le pousses pour l'éloigner de toi. Qu'il prononce le nom de Beckett te fait froncer les sourcils. Tu sais de quoi il est capable et tu n'aimes pas, pas du tout, qu'il s'approche plus que nécessaire de tes proches. Quoi que, tu présumes peut-être de la force de ton amitié avec Beckett. Ceci dit, ça ne change rien qu'il reste un ancien Foxes, un ami de Gus et tout le reste. Et puis, tout ce que Declan méprise est forcément quelque chose que tu aimes.

— Ce pouilleux de Beckett qui a une vie nettement mieux que la tienne.

Tu croises les bras sur ta poitrine ta baguette à la main.

— Ça doit être dur pour toi de voir tout ceux que tu méprises réussir. J’espère que tu vas t'y habituer rapidement, parce que l'humiliation ne fait que commencer.

Tu lui désignes la porte d'un mouvement de la tête.

— Trace ta route, Bergling.