Évidemment, ça avait été un piège. Tu soupires en laissant ta tête reposer contre le dossier de la berline noire qui te conduit chez toi. Tu n'en a pas réellement besoin, tu aurais pu directement transplaner. Seulement tu aimes les entrées étudiées et encore plus le petit temps calme que te procure tes ballades avec chauffeur. Il faut bien que tu occupes tes gars.

— J'ai pas besoin de te dire de fermer ta mouille et de ne rien dire sur ce qu'il s'est passé, hm ?

Dans le rétroviseur, tu aperçois le regard de ton homme de main. Le message est passé. Tu aimes bien ce type, un certain Locke. Un homme taciturne, qui ne parle pas et qui exécute. Bref, un grand ami qui était devenu au fil des années ton chauffeur, larbin, garde du corps et autres joyeusetés. Tu grimaces en t'étirant. Tu préfères crever que de donner raison à Ezra, il aura tôt fait de te rabâcher aux oreilles ce couplet que tu ne connais que trop bien. Depuis douze ans, ton trafic avait bien progressé. Désormais solidement installé au Royaume-Uni, tu avais tourné ton regard vers l'étranger, le reste de l'Europe en particulier. Certains se seraient contentés de ce qu'ils avaient mais tu avais la folie des grandeurs et tu ne savais pas t'arrêter. Tu voulais le monde et plus, toujours plus. Et maintenant que tes enfants étaient là, ils constituaient ta principale excuse. Il fallait leur assurer un avenir radieux. Si tu faisais tout ça, c'était pas pour toi, mais pour eux. Quelle blague. Évidemment, tes nouvelles ambitions t'avaient apporté ton lot de nouveaux ennemis. Il y a quelques semaines, tu avais reçu une proposition de rencontre avec un intermédiaire Croate au sujet d'un accord avec une mafia locale. Le plan puait le traquenard à plein nez mais ça ne t'avait pas empêché de t'y rendre malgré les protestations de ton mari. Tu avais envoyé Ezra et les enfants à la campagne, sous bonnes gardes, en lui disant qu'il ne t'arriverait rien. Et bien, il t'était arrivé quelque chose. Mais les détails ont peu d'importances, tu rentres de ce piège vivant.

— Prépare tout pour mon retour. Je veux Oswin et les autres lundi dans mon bureau.

Vous arrivez devant l'immense propriété. Tu sors de la voiture et claques la portière. Mais avant de quitter Locke, tu lui lances quelques galions par la fenêtre.

— T'as fait du bon boulot, va donc prendre du bon temps pour moi tu veux ?

Tu le laisses sur ses mots. Les hommes que tu as postés chez toi te salut d'un hochement de tête que tu ignores superbement. Tu n'as pas à tendre l'oreille bien fort pour savoir où sont précisément tes enfants. Tu ouvres la porte.

— SURPRISE !
— PAPA !!

Ulysse et Cillian se précipitent vers toi. Tu t’accroupis pour les réceptionner tous les deux et les porter, un dans chaque bras.

— Raah, comment vont ma princesse et mon bonhomme ?

Tu plantes un baiser sur la joue de ta fille qui se pend à ton cou.

— Trop bien ! J'ai aidé papa, on a fait du cheval !

Presque immédiatement Ulysse s'agite pour réclamer de l'attention.

— Ouais bah moi j'ai fait de l'arc, papa ! Même que j'ai touché la cible trois fois !

En provocation envers sa sœur, Ulysse lui tire la langue ce que Cillian lui rend avec la même véhémence. La tension monte rapidement et tu es obligé d'élever la voix. La compétition est forte entre eux quand tu es là. Cillian est ta princesse, ton trésor et tu es bien moins sévère avec elle que tu ne l'es avec tes fils. Mais Ulysse est ton premier-né, ta fierté et ce qu'il n'a pas en tendresse, il l'a en attention, en projet. Les deux se jalousent mutuellement les faveurs auxquelles l'autre n'a pas accès. Dans la dispute, Ulysse te donne un coup de genoux dans le côté et tu grimaces un peu trop fort pour la puissance du coup. La vérité c'est que tu es blessé au côté droit. Ce fils de pute de Croate t'avait touché avec une arme spécialement étudiée pour contrer ta lycanthropie. Tu étais sur pied, mais la cicatrice restait sensible. Tu surprends le regard d'Ezra, peste intérieurement car tu le sais observateur. Tu t'approches de lui pour te pencher et déposer tes enfants avant de l'embrasser comme tu le fais à chaque fois.

— Salut, toi.

Tu lui offres ton sourire le plus charmeur dans l'espoir de faire taire ses suspicions puis embarques directement sur un autre sujet pour l'empêcher de poser la moindre question.

— Où est Mladen ? MLADEN ? Ulysse, Cillian, allez chercher votre frère !

Tu n'as pas besoin de le voir ou de l'entendre pour comprendre qu'il te fait la gueule. La simple pression de ses lèvres contre les tiennes te suffit. Tu roules des yeux sans te gêner, épuisé d'avance de devoir te justifier ou te faire pardonner. S'il y a bien quelque chose qui n'a pas changé en douze ans, c'est la capacité de ton mari à se frustrer à suivre tes consignes. Elles découlent pourtant toutes d'un bon sens qu'Oswin lui-même approuve. Ton regard se perd sur les silhouettes blondes d'Ulysse et Cillian qui courent rejoindre Mladen. Tu poses une main sur ta côte et viens t'asseoir au côté de ton époux.

— J'ai réglé un problème, chéri. Mais comme tu le vois, je suis entier et toujours aussi beau. Alors tout vas bien, non ?

Tu lui décroches un sourire provoquant avant de soupirer. Joueur tu viens embrasser sa mâchoire et souffler.

— Je suis même rentré plus tôt. Tu me manquais.

Tes enfants aussi, mais face à Ezra ils ne font pas le poids. C'est peut-être le plus terrible de votre histoire : devenir parent n'a pas amoindri votre obsession mutuelle de l'un pour l'autre. Tu n'as pas le temps de lui souffler qu'il évident que tu lui as manqué qu'Ulysse débarque dans le salon en tirant Mladen par le poignet. Tu secoues la tête et te lèves.

— C'est pas un putain de clebs, Ulysse.

Et tu restes statique. Tu aimes Mladen. Profondément. Si tu étais totalement honnête envers toi-même, tu assumerais que ton affection pour lui est probablement bien plus tendre que ne l'est celle pour Ulysse. Mais Mladen ne t'aimes pas. Ou du moins, tu n'en a pas la sensation. Tu n'as jamais levé la main sur lui, pourtant il te regarde tantôt avec une peur vive, tantôt avec une sombre indifférence. Tu as l'impression d'être au choix le monstre, au choix transparent. Les deux options te blessent profondément et tu as toujours tenu Ezra responsable du fait que le lien père-fils auquel tu aspires ne se fasse pas.

Comme à chaque fois, vos rencontres et échanges sont d'une maladresse aberrante. Il faut qu'Ezra le traîne presque devant toi et lui indique quoi faire pour que ton propre fils daigne te dire bonjour. Ulysse et Cillian sont déjà collés à toi comme à leur habitude. Et tu ne comprends pas pourquoi eux sont comme-ci et lui comme-ça.

— Salut, fiston.

Tu t'accroupis un peu maladroit pour te mettre à sa hauteur.

— Tu comptes rester terrer dans ta chambre et me regarder en chien de faïence le reste du week-end ?

L'approche est trop brutale et trop maladroite mais tu te frustres de ne pas réussir à l'atteindre. Tu restes silencieux, cherchant quoi dire, quand Ulysse finit par s'exclamer.

— T'es vraiment trop nul Mladen !
— Ça suffit !

Tu aboies après Ulysse, un regard dur pour ton fils qui fronce les sourcils mais consent à se taire. Tu tends une main vers ton petit dernier mais en le voyant se tendre tu te ravises.

— C'est bon, retourne jouer va.

Tu te lèves, lances à tes aînés.

— Vous deux aussi, tien.

Tu te laisses tomber sur le canapé en grognant plus vexé et blessé que jamais.

— J'ai l'impression de terroriser ce gosse. À croire que je le bats !

Ça y est tu es d'humeur bougonne.

— Qu'est-ce que tu vas lui raconter sur moi pour qu'il me regarde aussi mal ?

Tu claques ta langue contre ton palais, agacé.

— Et tu vas encore me prendre la tête sur les gars, comme-ci c'était le vrai problème. Entre mon fils qui peut pas me voir et toi qui me fais la gueule comme-ci je t'avais fait cocu je me sens vraiment heureux d'être de retour à la maison, tien !

— Alors quoi ? Faut que je me mette des fleurs dans les cheveux et que je lui chante des conneries sur le bonheur comme dans un Disney ?

Sensible et créatif... Tu veux bien le croire, Mladen a toujours été spécial, dans sa bulle. Mais tu ne comprends pas en quoi cette sensibilité est un obstacle. Tu fais de ton mieux, pourquoi ça ne suffit pas ?

— Merde ! J'ai jamais touché à un seul cheveux de ce gosse. Je lui fais rien, j'essaye de pas crier et de m’intéresser à ses merdes mais rien n'y fais. Je peux pas partager un seul truc avec lui sans qu'il frôle la crise d'angoisse.

Tu lèves la tête vers Ezra.

— Et t'en jubiles. Tu l'encourages. Ce gosse va se faire bouffer tout cru à Poudlard et ce sera entièrement de ta faute, Ezra. Sensibles et créatifs mon cul.

Si tu as envie de respecter l'essence même de ton fils, tu n'approuves pas sa passivité. Vous n'êtes pas n'importe qui. Tu penses sincèrement que Mladen doit s'endurcir pour son propre bien. La réflexion de ton mari, aussi second-degré soit-elle, te prend à la gorge. Tu ne peux que le prendre pour toi. Tu lui assènes un regard orageux. Tu te faisais une joie de revenir le retrouver. Il fallait toujours qu'il gâche tout.

— Répète ça pour voir ?

Tu te lèves pour lui faire face non sans grimacer. Les blagues sur le sexe passent encore, mais tu es bien incapable de ricaner sur le reste.

— Tu n'as pas le droit de dire ça. Ne m'énerve pas.

La menace est à peine voilée. Tu n'es pas d'humeur. Tu ne l'es jamais. Roi d'un empire mais un problème d'image qui n'a jamais changé depuis Poudlard.

— Ah, on peut savoir pourquoi t'as besoin d'intimité bébé, hm ?

Tu le défies du regard, l'air de l'accuser de ta cacher quelque chose. En douze ans, ta possessivité n'avait pas changé. Tu souffles du nez avant de balayer ses accusations d'un revers de la main.

— C'est pour votre sécurité et tu le sais très bien.

Tu traverses la pièce jusqu'à un petit meuble où tu ranges tes bouteilles. Tu as pris l'habitude d'entasser des alcool hors de prix, plus pour l'image que ça renvoi que par réel plaisir du goût. Mais ce n'est pas vers les récipients cristallins que tu tends la main, non, mais vers un petit compartiment réfrigéré où se trouve des bières, somme-toutes, particulièrement banales. Tu en prends une et la décapsules d'un geste habile avant de la porter à tes lèvres.

— Le risque zéro n'existe pas. Quand bien même ce fils de pute croate n'avait aucune chance de faire un coup pareil, j'ai préféré être prudent. Je tiens à votre sécurité à toi et aux enfants.

Malgré tes costumes et tes allures beaucoup plus adultes, à peine les portent franchies et l'intimité du foyer gagné, tu reprends tes habitudes. Tu t'essuies la bouche du revers de la main sans la moindre grâce.

— Arrête de te plaindre. Tu m'as épousé en sachant pertinemment ce qui t'attendait. T'as pas l'impression d'être capricieuse un peu ? hm ?

Tu t'approches de lui et glisse une main sur sa hanche. Tu souffles contre sa peau, la voix volontairement plus rauque.

— S'il t'arrivait quelque chose j'en mourrais. Tu vas pas me reprocher de vouloir te protéger, hein bébé ? Tu vas pas me reprocher de t'aimer, hm ?

Tu es ravi d'entendre que ton mari parle avec votre fils de toi. T'imagines de loin la scène, Ezra assis sur le lit de Mladen et parler de toi avec pitié, comme pour excuser tes soi-disant défauts et Mladen recroquevillé dans son lit à fixer les draps. À croire que tu es son Atlas et l'idée te dégoûte autant qu'elle te dépasse. Tu ne lui as jamais voulu de mal.

— Je quoi ? J'essaye de profiter de ma famille, de toi, de mes enfants. Où est le mal ?! Je me tue pour vous offrir le monde ! C'est trop demandé d'espérer un merci ?!

Et le voilà qui embarque sur Ulysse. Tu secoues la tête, déjà prêt à défendre la chair de ta chair bec et ongles, mais aux propos d'Ezra tu te figes.

— Il te manque de respect ?

Tu fronces les sourcils, furieux. Tu as appris à ton fils à être fort, c'est vrai. Tu lui as appris à être indépendant, sûr de lui, à agir. Mais tu lui as appris aussi le respect envers la famille, l'absolue dévotion qui se devait d'avoir. Depuis la naissance de tes enfants tu es obsédé par l'idée de leur donner le meilleur des Priest tout leur épargnant le pire. Tu veux une famille parfaite, soudée, puissante. Tout ce que la tienne était censée être et qu'elle n'était pas. Il était hors de question que tu subisses un autre échec. Ton bonheur devait être parfait.

— Si ce chiard pense pouvoir se foutre de moi dans mon dos il se trompe. Je vais lui en toucher deux mots, d'homme à homme, on verra s'il continue de mal te parler après ça.

Tu fais un pas mais heurtes le coin de la table.

— Merde !

Tu te tiens la côte. Cette blessure te rend fou. Sous le regard d'Ezra tu finis par consentir à te tenir tranquille. Tu soupires, fait tomber ta veste et tire sur ta cravate.

— J'veux pas que mes hommes te manquent de respect. Tu es aussi important que moi dans cette affaire.

Tu commences à déboutonner ta chemise.

— Mais ok, d'accord, tant que tu restes sur la propriété je leur dirais de garder leur distance pour te laisser un peu... D'intimité.

Le mot est balancé avec dégoût. Tu défaits ta chemise. Sur ta côte droite un pansement maladroitement posé (c'est toi qui l'as fait). Tu t'assois dans un grognement. De mauvaise grâce tu balances.

— C'était un piège.

Avouer à voix haute qu'il avait raison met à mal ta fierté.

— Les Croates sont informés pour la lycanthropie. Il est venu équiper ce fumier.

Mais tu ricanes, comme-ci tu racontais une bonne blague.

— Pas de bol, ça n'aura pas suffi.

Tu laisses ton regard se poser sur ton mari. Tu soutiens son regard avec une telle intensité pour le forcer à te regarder.

— On mérite le monde Ezra. Tu mérites le monde.

Et pour toi ça justifie tout. Ça explique tout. C'est la première leçon qu'on vous a inculquée à ton frère et toi. Aucun besoin d'être humble, au monde vous ne devez rien de plus que ce que vous donnez déjà.

— Embrasse-moi.

Ce second baiser à déjà plus de goût. Tu apprécies plus de le voir inquiet qu'en colère. Tu étires un sourire, la lueur dans ses yeux vaux bien toutes les preuves d'amour qu'il pourrait t'accorder.

— T'as peur pour moi ?

Tu vas l'agacer, mais tu ne peux t'empêcher de lui décrocher un sourire en coin, trop triomphant et heureux de lui arracher autre chose que son rictus déplaisant ou sa moue fatiguée. Ton regard se baisser sur l'entaille entourée de noir.

— Évidemment que j'ai pris du tue-loup, pour qui tu me prends ?

La toxine devait être dissipée. Pourtant, tu ne peux que constater que tu as du mal à cicatriser cette fois-ci.

— Ça date d'un peu plus de 24h. J'ai assuré la rencontre, j'ai fait ce qu'il y avait à faire, on m'a soigné, je suis rentré prendre une douche et je suis venu ici.

Tu fronces les sourcils à le voir se détourner de toi. Tu soupires et rends les armes pour mieux te satisfaire de sa tendresse (ton seul véritable objectif).

— Reviens, Ezra. Je suis désolé, ok ?

Tu pousses sur tes jambes pour te relever en sachant pertinemment que ton grognement douloureux va lui serrer le cœur. Tu t'approches de lui et glisse un bras autour de ses épaules.

— Mon cœur, hé... Fait pas la tête.

Tu embrasses son épaule avant de poser ton menton dessus.

— Ces types ont dû se fournir auprès de spécialistes. Leur mélange est plus agressif que celui qu'on fabriquait chez les Priest. Je vais reprendre une seconde dose, ça va aller.

Tu improvises, parce que tu n'as jamais su évaluer ta propre survie.

— Je le sentirais si ça puait vraiment la merde, Ezra.

Tu souffles contre son cou.

— Il vous en faudra plus pour vous débarrasser de moi, Mladen et toi.

Ton mari s’adoucit enfin. Cela te navre de devoir en arriver à t'excuser pour qu'il consente un peu à se détendre, mais c'est un sacrifice nécessaire. Tant qu'il cesse de te regarder avec son air de chien fou blessé, tu peux bien lui formuler tout les "pardon" de ton répertoire. Tu fermes les yeux en sentant sa main caresser tes cheveux. Tu vous berce doucement, te détend aussi à sentir de nouveau la tendresse que tu vous impose. Tu soupires contre son épaule, non sans rouler des yeux.

— Tu commençais si bien... Raah. C'est pas si simple, Ezra.

Tu le serres un peu plus contre toi, va pour ouvrir la bouche quand Ezra surprend Ulysse. Tu tires la gueule à te sentir séparé de ton mari, t'en voudrait presque à ton fils. Ce dernier trottine vers toi pour se jeter dans tes jambes, tourner tel un petit chiot curieux. Il pose de vraies questions avec des mots d'enfants et, contrairement à Ezra, tu n'as jamais su définir la frontière entre bien et mal. Tu poses une main sur l'épaule de ton époux pour lui dire d'arrêter.

— Laisse.

Tu t'accroupis lentement et fais signe à Ulysse de s'approcher.

— Approche, fils.

Tu surprends le regard d'Ulysse se figer sur l'entaille à ta côte. Ton gamin est malin. L'embobiner à coup de fausses excuses ne le satisfera pas.

— Papa va bien, c'est juste une égratignure.

Ulysse hoche la tête, des étoiles dans les yeux. Tu passe un bras dans le creux de ses genoux pour le porter sur un bras. Le petit garçon se pend à ton cou et à la voir autant en admiration tu crois comprendre ce qu'Ezra essaye de te faire comprendre. Pour Ulysse tes paroles sont évangile. Pour ton fils tu es un dieu. Tu esquisses un sourire.

— Papa bosse dur pour vous, tu le sais ça, hm ?
— Oui ! Je sais !

Tu hoches la tête.

— Très bien. Il y a des gens qui sont jaloux de papa, qui n'aiment pas le voir travailler dur comme ça. Des fois, ils viennent l'embêter. Mais c'est pas grave, bonhomme, parce que-
— T'es trop fort !
— Exactement, parce que je suis trop fort.

Le regard d'Ulysse passe de toi à Ezra, comme pour chercher à ce que ton mari confirme tes propos.

— Mais tu vas pas mourir, hein ?

Tu ricanes.

— Aucun risque, je suis trop fort, tu te souviens ? Et puis-

Tu attires Ezra par la taille et plante un baiser sur sa joue. Ulysse tire la langue, dégoutté, dans un "beurk" disgracieux.

— Tant que papa m'aimera et que vous m'aimerez, je peux pas mourir. C'est mon super pouvoir.

Tu esquisses un sourire, plisses les yeux avec provocation quand tu regardes Ezra. À l’abri du regard de ton fils tu glisses ta main sur les fesses d'Ezra que tu presses discrètement.

— Alors faut que tu m'aimes, hein papa ?

Tu ricanes trop fier de toi. Mais soudain tu te rappelles un détail. Tu tournes la tête vers ton fils, l'air beaucoup plus sévère.

— D'ailleurs, c'est vrai que tu parles mal à ton père, Ulysse ?

Le petit garçon prend un air horrifié.

— Je parle juste comme toi !

C'est, mot pour mot, ce qui t'as dit Ezra. Et c'est peut-être parce qu'Ulysse lui donne raison que tu le prends aussi mal. Tu fronces les sourcils, pour ton fils c'est un signe visible et annonciateur d'un moment déplaisant. Le petit garçon te défie du regard, exactement comme tu l'aurais fait à son âge. Il te ressemble tellement que tu ne sais pas quoi exprimer entre peur et fierté.

— Sauf que t'es pas moi, gamin, et tu ne le seras jamais.

Tu as la voix un peu tendue. Tu apprécies autant de voir dans les yeux de ton fils ton reflet que tu l’exècres. Non, il ne doit pas être toi : il doit être meilleur.

— Tu veux jouer aux bonhommes ? C'est la bouche qui te nourrit, Ulysse. C'est ta famille. Ton sang. Tu peux bomber le torse autant que tu veux mais face à ton père ? Tu restes à ta place et tu respectes.
— Mais !

Tu secoues la tête, grondes presque à présent.

— Mais que dalle. Si je te reprends à manquer de respect à ton père, ça va barder.
— Mais je suis un homme ! Comme toi !

Tu élèves la voix.

— Alors comporte-toi comme tel !

Le petit garçon te défit du regard, mais face à ton regard incendiaire, il baisse les yeux. Ulysse est bien incapable de présenter des excuses du premier coup. En ça, c'est ton digne fils. Il lui faudra réfléchir jusqu'au dîner pour lâcher au prix d'un gros effort un "pardon papa" qui donne l'impression de lui arracher la gorge.

— C'est injuste !
— Continue et ça va vraiment l'être. Maintenant file dans ta chambre et t'as intérêt à demander pardon sinon ça va chier !

Ton fils quitte la pièce non sans donner un coup de pied dans la porte. Ses démonstrations de colères sont toujours... Expressives et fatale pour le mobilier. Tu soupires et passe une main dans tes cheveux. C'est quand tes enfants te mettent face à tes propres manquent que tu t'énerves le plus.

— Il a un fort tempérament , c'est tout. Ça lui servira, au moins il ne se laissera pas marcher sur les pieds.

Mais face au regard de ton mari tu finis par céder.

— Mais faut qu'il apprenne à se contenir, ok ok.

Tu t'approches de lui, désireux d'enterrer cet épisode pour entamer ce qui t’obsède vraiment depuis la seconde où tu l'as quitté, quelques jours plus tôt. Tu glisses tes mains à ses hanches, joues des épaules, séducteur.

— Il va s'excuser et on va arranger les choses, ok ? Je vais rester avec vous quelques jours, je lui parlerai.

Tu glisses tes lèvres à son cou.

— Tu m'as manqué.

Tu laisses tes mains caresser son dos, ses cotes, ses fesses.

— J'ai fait que penser à toi. Je t'ai manqué aussi, hein ?

Tu glisses tes lèvres jusqu'à sa bouche. Tu attrapes son menton pour l'embrasser avec lenteur, puis plus de passion.

— Les gamins sont dans leur chambre, y a du temps avant le dîner. Tu veux pas monter ? J'ai bien envie de te foutre dans la baignoire... Allez chéri, dis oui. Tu mas tellement manqué... Allez.

— Dis pas ça.

Tu caresses son menton du pouce et colles vos bassins. Tu secoues la tête, un air qu'on pourrait croire sincèrement peiné si tu n'accompagnais pas vos hanches à onduler lentement.

— Tu es toute ma vie.

Pas vos enfants. Pas ton travail. Lui.

— Je pense à toi tout le temps. La nuit... Le jour... Tout le temps. Je pense sûrement plus à toi que tu ne penses à moi.

Si tu fronces les sourcils, tu ricanes bien vite. Ah, il veut jouer ? Se faire désirer ? Qu'à ne cela ne tienne. Tu es très joueur et en manque de sa chaleur. Tu l'observes, une lueur de malice inquiétante dans le regard et tu passes ton bras sous ses genoux pour le soulever puissamment de terre. Tu grimaces mais ne t'arrêtes pas pour autant. Tu éclates de rire en passant la porte. Tu montes quatre à quatre les marches, ne résiste pas à caresser sa nuque de langue. Tu fais un boucan d'enfer tant et si bien que tu aperçois la tête de Cillian dans l'entrebâillement de ta porte.

— Papa ?
— Pas maintenant mon cœur papa est fatigué je l'amène se reposer. Va jouer avec ton frère.
— Lequel ?
— Celui qui fait la tronche.
— Mais papa, c'est les deux ça..
— Alors va jouer avec les deux !

Tu éclates d'un nouveau rire ce qui suffit à convaincre ta fille qui s'empresse de débarquer en trombe dans la chambre d'Ulysse.

— VIENS GROS NULOS JE VAIS VOUS LIRE UNE HISTOIRE !

Puis d'aller toquer à la chambre de Mladen avec une voix beaucoup plus douce et maternelle.

— Je vais lire une histoire, tu viens ?

Dieu bénisse cette enfant. Ce sera une star ou rien. Tu pousses la porte de l'épaule et la refermes d'un coup de talon avant de plaquer Ezra contre la porte.

— C'est pas d'anti-poison dont j'ai besoin, mais de toi.

Tu te sais incroyablement beau et tu en joues.

— Avoue t'as faim de moi.

Tu souris contre sa bouche, c'est trop bon de le sentir, de le voir. Tu glisses tes mains à ses hanches, l'embrasses encore, aspires sa lèvre dans des rires que tu n'avais plus sortit depuis que tu l'avais quitté.

— Ah ouais ?

Tu laisses ses lèvres dévorer ton cou. Tu glisses une main dans ses cheveux et masse son crâne pour l'encourager à continuer. Tu le serres violemment contre toi.

— Hm... Je dois avoir peur qu'on te passe dessus, bébé ?

Tu t'agites pour le forcer à lâcher ta nuque, tu plonges à son cou, le presse contre la porte.

— Tu sais comment je suis possessif.

Tu t'en es jamais caché. Tu considères la porte, tu sais que des hommes à toi ne sont pas loin. Tu ricanes, mais le ton est à la menace.

— Je vais devoir te faire crier pour qu'ils entendent tous que tu es ma propriété.

Tu le tires par le col pour le pousser dans la pièce. La parentalité et le business t'ont forcé à te faire plus raisonnable. Alors que tu brûles pour lui, des fois tant que tu n'arrives pas à penser. Tu l'aimes à en crever. Tu l'embrasses à en perdre haleine, tires sur son haut pour le forcer à ce qu'il le défasse. Les enfants ne sont pas couchés encore mais qu'importe. Tu fonctionnes au désir tel un enfant. Avec Ezra ton peu de réflexion s'estompe. Tu t'attaques à sa ceinture, tends la nuque.

— J’attends toujours que tu me bouffes. T'as que de la gueule, mon cœur ?

Tu sais qu'il bluff, qu'il se moque, qu'il rigole, pourtant tu tombes dans le panneau et tu grognes. Tu empoignes son cou avec force, souffle à ses lèvres.

— Attention, chéri.

Tu souffles contre sa bouche, le jauges du regard quelques secondes avant de l'embrasser de nouveau. Tu souris. Putain, tu le trouves craquant à crever. Ezra est comme le bon vin, plus vous avancé en âge dans votre relation, plus il devient sexy, imposant.

— Ne me provoque pas trop, je pourrai le prendre sérieusement et... Mal réagir.

Tu rigoles. Franchement, que tes enfants puissent vous entendre ou vous surprendre ne te fait ni chaud ni froid. Tu ne ressens aucune honte, tu n'es mal à l'aise dans aucune situation. Ça te rend aussi souple que chaotique. Tu roules des yeux.

— T'enfonceras ta tête dans l'oreiller, bébé.

Vous évoluez dans la chambre. Dans vos chamailleries, il saute sur toi et te fait tomber au sol. Tu écarquilles les yeux, surpris. Pendant quelques secondes tu restes sans voix. Tu es toujours aussi surpris par cette capacité qu'il a de prendre confiance en avançant en âge. Ton cœur bat, tu sens le rouge te monter aux joues.

— Putain...

Il te rend fou.

— Merde Ezra...

Tu te laisses aller à ses mains, à son bassin qui ondule sous toi. T'as le souffle plus court et les mains plus passionnées.

— Elles sont vertes quand elles voient ma bague... Remarque, c'est pas ce qui les arrête. Mais-

Il te mord et tu expires un souffle bruyant. Tu empoignes sa hanche et guide ses ondulations pour que vos intimités se frottent et s'écrasent l'une contre l'autre. Tu rejettes la tête en arrière et papillonne des yeux. Tu caresses son dos et son crâne avec envie en murmurant des obscénités pour l'encourager.

— Merde, tu me rends fou.

Tu finis par l'arracher à toi pour le faire basculer au sol et l'embrasser, sa bouche encore pleine de sang. Tes lèvres ainsi rougies, tu traces des sillons ensanglantés sur sa peau. Tu finis te défaire sa ceinture et fiévreux tu balances.

— Je veux t'épouser encore. J'suis à deux doigts de te passer la bague une seconde fois.

Tu te dresses sur tes genoux, pour défaire la boucle de ta ceinture.

— Pourquoi taper dans de la vieille milf défranchie quand je t'ai en face, hm ? Elles crient si mal comparées à toi.


— J’t’aime trop, bébé.

Tu te presses contre lui, câlin au possible comme à chaque fois. Tu l'emmènes avec toi sur le lit pour lui imposer un moment tendre presque rituel. Tu lui murmures ses surnoms affectueux, caresse sa peau avec une douceur et une tendresse presque effrayante tant elle ne te sied pas. Tu cueilles sa bouche avec lenteur, t’as le regard fou amoureux qui justifie à lui seul tous tes abus. Tu captes du regard le miroir, sa silhouette inchangée depuis douze ans et la tienne, soumise à l’épreuve du temps.

— Ez.

Tu fronces les sourcils face à ton reflet.

— Est-ce que je te satisferait encore dans vingt ans ?

Pourra-t-il seulement aimer la décrépitude à laquelle tous les mortels sont soumis ?