Déposée là à son bureau, que le silence dépeint, elle est de ces tableaux de nacre que l’impatience n’ébranle pas, que les présences même les plus pernicieuses ne dérangent pas. Car sagement les orbes déposées sur les papiers, elle se complait à sa tâche toujours assumée, toujours plus ravie. C’est comme si ses doigts et son esprit étaient habités par cette fervente habitude depuis toujours, et alors travailler n’était qu’un laurier de plus, qu’une gloire de plus sur son immense comptoir.
Et Mnemosyne brandissait son épée comme gloire - elle savait qu’elle n’avait nul besoin de se confirmer dans l’idée. Le monde ne serait jamais assez grand pour toutes ses convictions. Les autres ne savaient pas même comment retenir toute cette témérité, toute cette grandeur qui brûlait en elle, alors ; ne pouvait-elle pas compter que sur elle ? C’était si suffisant - si suffisant dans ce sourire fier qui couronnait son visage, qu’elle n’avait pas aperçu la chouette lui adresser la missive.

— Tiens, n’est-ce pas Téléphone ? Qu’elle s’exécute à saisir entre ses doigts le papier, toujours bien présenté - car venant de lui, elle n’est jamais étonné.
Et l’oeillade délicate sur le papier s’écoule, entre quelques arabesques de compliments adulateurs ; comment ne pouvait-elle pas se sentir bercée par tant d’éloges ? Le monde n’en aurait jamais assez pour elle ; et elle connaissait sa valeur du bout des doigts, sans même que quiconque n’ait eu besoin de le lui rappeler.
Contre les extrémités de la lettre, ces phalanges glissent le long du ruisseau de ses mots et elle sourit fièrement ; elle sera là, à l’heure. Tenue droite et fière, comme à son habitude.

Et elle n’y manque pas, dans sa robe flambante - elle ne manque pas même, louvoyante dans son manteau de fourrure.
C’est qu’elle se sait toujours centrée par habitude, que peut-être déjà s’imagine t’elle le long tapis de velours rouge déployé sous ses pieds. Qu’elle s’imagine les pas fracassant contre sa surface - n’est-ce-pas vrai après tout ? Et se dirige l’allure droite vers sa présence qu’elle devine au loin. Distingue, d’une oeillade trop adroite ; c’est qu’il est toujours si bien vêtu fort heureusement, car loin d’elle l’idée d’être perçue avec moins qu’elle, n’est-ce-pas son statut de sang qui est déjà un bien trop gros point à relever ?

— Bonjour, Seiji. Merci pour l’invitation. Toujours ponctuelle et convenable, qu’elle laisse se dessiner un sourire apprécié sur ses lèvres. C’est toujours apprécié, venant de toi. Car aux mots flatteurs, elle aussi sait les rendre bienheureux et délectables. Ce n’est pas qu’elle lit en lui comme dans un livre ouvert ; c’est qu’il est simplement normal qu’elle soit ainsi dessinée aux yeux du monde.