Il y a quelques jours à peine tu as enfin posé tes pieds sur le sentier sinueux de la victoire - ou du moins, sur le seul sentier susceptible de t’y emmener. Tes pas assurés, tu as chassé la miette de doute indésirable qui subsistait.
C’est le seul moyen, te répètes-tu depuis lors - et même avant.
Entériner tes idées, te battre pour le monde dont vous rêviez. Vous douloureux depuis quelques mois, comme une blessure à vif qui commençait difficilement à cicatriser et qu’on aurait arraché à nouveau.

Retour à la case départ et tes pensées tournoient tandis que tu marches à l’ombre de l’allée des Embrumes. Tu as quelque affect pour cette librairie mais jusqu’il y a quelques jours - ces quelques jours au goût nouveau - tu n’y trouvais pas davantage d’attrait qu’une autre - hormis la collection d’ouvrages de magie noire un peu plus étendue qu’ailleurs.
Tu ne l’affectionnes pas plus que la blanche à vrai dire, tu excères en fait cette classification superflue. Quel intérêt de colorer la magie neutre par essence si ce n’est de brider son utilisation, de condamner son accès ?

Les lois fautives poursuivent l’homme partout et celui-ci se réfugie dans d’étroites ruelles misérables pour respirer un peu - cruelle ironie.

Et sur ces pensés réjouissantes, tu entres dans la librairie - déserte comme tu l’espérais. Tes yeux repèrent dans le fond d’un rayonnage la raison de ta présence à cet instant précis. Tu prends garde à ne pas faire sonner la porte et t’éclaircis simplement la gorge :
— Bonjour Hua.

Et puis t’approches sans te presser, mains dégagées, preuve que tu ne viens pas en ennemie - plutôt en alliée.
— J’étais agréablement surprise de te voir, l’autre jour, tu poursuis, un regard circulaire aux rayonnages qui t’entourent, question muette à ton interlocutrice, pour t’assurer que vous êtes seules.
Tu jettes de toute façon un sortilège de silence d’un murmure sec, mais deux précautions valent mieux qu’une.