Ses pas s’activent dans les couloirs du musée - bondés à cette heure comme à chaque autre. Pourtant pour lui, la journée déjà se termine, bien qu’il n’aurait su réellement se placer dans ce schéma temporel ; le jour, la nuit, il vit de façon tellement décousue que rien ne lui semble être réellement reposant. Seulement, ça ne semblait pas le déranger - parce qu’il se plaisait toujours à gaspiller son énergie en activités que certains trouvaient futiles.
Pour lui, c’était nécessaire. Une sorte de motivation de vie qui nourrissait sa racine, son essence même - et il avait été fier de ce dernier livre en date, qu’il avait fait publier sur de nombreuses recherches. Apparemment, elles avaient été jugées comme fiables. En réalité, il l’avait réalisé davantage pour lui-même que pour l’offrir au reste du monde. Mais ce qui profitait aux autres n’était presque jamais une mauvaise chose.
Passé par la pièce réservé aux employés, il avait tout rassemblé pour partir aussi rapidement que possible, après tout il avait prévu de grandes choses en rentrant, bien qu’il ne se souvenait plus exactement quoi.

De la main, salue quelques uns de ses collègues (avec qui il n’a en réalité jamais eu grande affinité - mais soit) et se faufile vers l’entrée de service. Et cette entrée, il aurait peut-être préféré ne jamais la passer ; peut-être qu’il aurait passé une meilleure journée.
Son regard balaie les alentours alors que le ciel éclatant d’un bleu pimpant malmenait sa rétine - il ne remarque tout d’abord pas parmi les foules cette présence qui l’observe. Pourtant, il n’est pas encore malentendant et il perçoit l’écho de son nom ; pire encore, il semble la reconnaître. Mais elle est si lointaine dans son coeur que c’est comme s’il s’en détachait expressément.
Pourtant, son regard se bloque sur cette silhouette qui s’avance vers lui - nonchalante. En tout cas, c’était comme ça qu’il la percevait. Mais dans ses souvenirs, elle ressemblait davantage à une ombre monstrueuse et malveillante.
En réalité, Avalon croit rêver ; pourtant il aurait dû se douter que ce jour arriverait, n’est-ce pas ? Il aurait dû se douter qu’il devrait un jour ou l’autre le confronter, parce que nul n’est capable de fuir définitivement, et surtout pas eux. Sûrement pas après tout ce qui était arrivé.
Peu importe la signification de ses mots, ils étaient un venin à ses yeux et lorsque Avalon réalisa enfin de qui il s’agissait, il était déjà bien trop tard pour fuir le confrontation. Simplement la vue de son visage torturait son esprit et dès lors divisait son esprit de centaines de songes torturées.
Alors son regard confus, incompréhensif contre le sien - pourquoi était-il là, comment l’avait-il retrouvé et que lui voulait-il ? C’était si brouillon dans son esprit et pourtant, il restait tétanisé. Comme s’il était redevenu ce jeune enfant, incapable de comprendre quelle pouvait être la meilleure réaction à avoir.
Alors - comme à son habitude - il avait joué la carte de l’agressivité. Car c’est ce qu’il savait faire le mieux.

— Verdammte Scheiße. Grondé alors qu’il prend la peine de faire un pas en arrière, par pur prévention. Qu’est-ce que tu fous là ? Menaçant par son expression, alors qu’il est sans doute le plus affecté des deux (il n’en sait rien) de cette retrouvaille inattendue. Parce que jusqu’à maintenant, il avait réussi à tout oublier, tout effacer. Il avait réussi à oublier la violence alors qu’il n’avait désiré que du réconfort - mais c’était terminé maintenant ; il n’avait plus besoin qu’on lui tende de nouveaux la main, et il n’avait plus besoin de sa présence.
Sourcils froncés à son interrogation, parce qu’il ne sait pas non plus comment a-t’il pu être au courant ; seulement il n’a jamais changé, en réalité. C’était ce qu’il avait toujours été, mais il ne l’avait sans doute jamais notifié.

— Ça a toujours été Avalon. Sans pour autant chasser l’agressivité, il y a toujours contre son palais une amertume certaine - une dont il n’arriverait sans doute jamais se débarrasser, tant elle collait à l’échine comme le font les parasites.

C’est impossible de ne pas le regarder avec moins d’amertume et de colère, c’est aussi impossible de croire qu’il puisse agir si naturellement après tout ce qu’il a causé. Pour Avalon du moins, ça reste insaisissable ; trop marquant finalement pour qu’il puisse pleinement faire la part des choses, distinguer la raison de ses propres émotions. Et quand bien même il se présente de façon purement pacifique - ça n’en reste pas moins une menace grandissante pour son plus jeune frère.
Et il reste persuadé que c’est de sa faute, de toute façon - il n’a jamais rien fais pour se rendre moins détestable, n’est-ce-pas ? Encore plus quand il lui reproche son langage fleuri ; et ses sourcils se froncent de nouveau, pour le peu que ses muscles s’étaient détendu dans sa fournaise.
La tonalité théâtrale de son expression pourtant, ne lui fait pas même l’effet qu’il serait le bienvenu ; parce que s’il songeait de nouveau à son contact, ça serait bien évidemment le pire.

Alors son visage se tord, entre rire et moquerie ; Ah ouais, je pouvais pas rêver mieux. Ironique au possible et l’amère qui gronde contre la gorge, ou était-ce la crainte, la colère ? Peut-être la peine qu’il s’efforçait de terrer, parce que c’était avouer qu’il aurait espéré que tout puisse mieux se passer. Autrement, peut-être.
Mais c’était impossible, et Avalon s’était résigné. Résigné à tout ce qu’il avait embrassé auparavant ; il avait fini par rayer de la liste tout ceux qu’il aurait aimé pouvoir aimer à son tour, mais finalement ils s’étaient avérés monstrueux. Admettre que Chrysanthe en faisait partie avait été suffisant pour ronger définitivement la chrysalide de son coeur déjà blessé.

Avalon le toise, lui totalement indifférent contre lui comme explosion de tout ce qu’il pensait pouvoir extraire de lui-même depuis. Mais c’était pire, parce que comme une vague brusque et désagréable, tout remontait et venait tétaniser le peu de témérité qu’il possédait.
Soudainement, c’était comme s’il redevenait cet enfant impuissant - qui avait recherché le confort et n’avait reçu qu’une bourrasque interminable et froide. Et le flot d’émotions et de sentiments désagréable qui saisit sa gorge est trop simultané pour qu’il puisse pleinement retenir tout ce qui dort à l’intérieur.

— Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Pardonne-moi grand frère d’être étonné que tu me retrouves après m’avoir- Abandonné, jeté, écrasé, (étouffé) - mais rien ne sort, rien d’autre qu’un visage dont les traits tordus lui rendent l’air misérable. Ça sonne si moqueur et si ironique que ça rend le tout si abrupte et Avalon ne sait pas même pourquoi il s’efforce de l’écouter - pourquoi même n’a-t’il pas poursuivi sa route en l’ignorant ? Mais j’ai eu tort, t’as raison. J’aurais dû me cacher. C’est si stupide mais c’est tout ce qu’il trouve à dire, comme si ça justifiait tout. J’aurais dû commencer par effacer cette horreur que mon sang me force de porter.
Et ce qui l’avait suivi une partie de sa vie ; mais il était loin d’être le seul, n’est-ce pas ? Parce que désormais, comment voir autre chose qu’une famille perverse à travers un nom aussi entaché que le leurs ? Dis-moi Chrysanthe, tu n’aurais pas préféré l’effacer toi aussi ? - Parce qu’il ne lui a jamais appartenu, comme il ne s’était jamais appartenu à lui-même.

Les mots aussitôt prononcés ont plus d’effets qu’escompté. Et c’est son sang qui pulse, ses muscles qui se tendent ; parce que cette ironie, c’est tout ce qu’il a. Tout ce qu’il a pour dissimuler cette peine stupide qui le ronge et le poursuit, pour dissimuler (s’il le fait) sa colère et il se fait violence Avalon, pour ne pas hurler tout ce qu’il ressent parce qu’il sait - ça lui déchirerait les cordes vocales. Parce qu’il a toujours contre son derme cette sensation insolente cette envie sinistre de frapper, jurer, gronder sur le premier venu ; mais Chrysanthe n’en a aucune idée, pas vrai ?
Et il sait Avalon, qu’il n’a pas besoin de finir sa phrase pour qu’il en compresse le sens. Pourtant répéter ce qu’il a fait de vive voix, cracher ce vécu comme lui lui avait craché son venin ; c’était encore beaucoup trop douloureux. Pire encore de le revoir.

— Je suis sûr que le souvenir est encore tout frai dans ta mémoire. Ne me force pas à te le répéter. Et il abandonné l’ironie Avalon, le passif-agressif pour ne plus cacher cette amertume qui fulmine encore en lui. Ça ne sert à rien, puisqu’il est là, puisqu’il l’a retrouvé, de toute évidence. Il ne le lâchera sûrement pas, aussi triste ce fait puisse-t’il paraître.
Mais Avalon aurait aimé pouvoir tout jeter, son nom, sa famille, même son frère. Peut-être que c’est ce pourquoi il n’arrive pas se défaire de tout ça, c’est peut-être la raison pour laquelle son corps fulmine encore de colère. Peut-être qu’il est juste un de ces gamins stupides qui ne savent pas ce qu’est réellement la vie, qui s’accrochent aux mauvaises expériences pour justifier tout le malheur du monde, y compris le leur.

Pourtant, il ne peut s’empêcher un rire amer quand Chrysanthe spécifie qu’il pense l’inverse. Une partie de lui a envie de simplement lui dire que ça l’importe peu, ce qu’il peut supposer. Peu lui importe ce qu’il peut penser, vouloir, ou faire mine de savoir. Mais il le sait Avalon, qu’ils ne le chercheront plus. Ils n’en sont plus capables. Mais il n’a aucune idée de ce que son aîné a pu endurer ensuite. Lui s’est enfui, et peut-être que c’était la meilleure décision de sa vie - sûrement.
Et il comprend, Avalon, il comprend à quel type de discussion il espère mener. Pourtant, ça ne peut que lui faire tisser une courbe amère.

— Je n’aurais plus rien à leur apporter, de toute manière. Et fort heureusement, parce qu’il n’aurait pas été capable de supporter ce cauchemar une seconde fois. Puis ses orbes remontent affronter leurs homonymes, aussi blasées de devoir se justifier que décontenancées d’avoir cette conversation à ce sujet. En réalité, je ne me suis pas caché, je me suis enfui. Le fait qu’ils m’aient totalement délaissé après leur premier échec a simplement été une preuve suffisante que je n’avais plus rien à faire avec vous. Le ton calme, plus calme que ce que l’intérieur avait envie de s’écrier. Mais il sait Avalon que rien ne sert de se faire violence avec son frère - parce qu’il ne lui rendra pas toute la douleur qu’il lui a causé.

Et il décide de totalement ignorer cette aspect de la chose ; de totalement ignorer ce nom de famille qui ne lui a jusqu’à maintenant, que pourri l’existence. Mais ce silence est une forme d’approbation qu’il dissimule en réalité - c’est sans doute idiot de se rattacher avec tant de mal à quelque chose qui n’a plus autant d’importance qu’avant. Tu ne peux pas ignorer que certaines erreurs nous suivent à la simple résonance de notre nom. Parce que si tout a fini par se tasser maintenant (et encore) il ne peut pas faire mine d’ignorer l’avant. Certains sont prêts à se rattacher à n’importe quoi pour justifier leur refus et leur malveillance, peu importe ce dont il s’agit. Se faire traiter comme un Von Rosenwald lambda ou comme une victime, c’est ce que le monde a choisi pour eux, il n’y a que deux divisions pour une lignée aussi méprisée.

— Cool. Il ne sait pas si c’est de l’agacement, mais il aurait dû se douter que ça arriverait. Mais ce n’était pas ce qu’il fuyait, il n’avait juste jamais pensé qu’une personne (même quelconque) serait revenue le chercher. Je suppose qu’il a été assez intéressant pour que tu viennes me chercher ici. Intention volontaire de lui demander pourquoi précisément était-il ici, pourquoi était-il venu le trouver.
C’était peut-être pour ça que malgré le calme presque surprenant de la conversation, il n’arrivait pas à défaire ce regard vindicatif du sien. Peut-être finalement que cette rage ne se tairait jamais, peut-être qu’elle était simplement une partie de lui-même. Mais à quoi lui servait-elle au final, si elle ne lui faisait rien d’autre que du mal ?