Asra avait raison.
Il pourrait tomber amoureux, ou du moins, être fasciné par le monstre qui traverse le ciel, forçant le silence par cette concentration intimidante. Un autre homme, terrifiant, capable de briser n'importe qui se dressant sur sa route.
Impitoyable.
Envoûtant aux yeux de l'empoisonneur, presque au point de lui faire oublier cette foule bruyante, qui le bouscule au moindre point marqué ainsi que le travail qui l'attend à l'atelier. Asra est redoutable, et cela le maintient éveillé durant un évènement sportif qu'il a toujours trouvé d'un ennui à mourir.
La frustration le sublime presque.

Et elle n'est pas prête de s'en aller; les flèches perdent, laissant les supporters s'exprimer à gorge déployée, ou partir, désabusés. Le capitaine bouillonne à coup sûr. Il tient le coup le temps de fuir le regard du public.
Et il ne sort pas.
Eamon attend.
Mais le roi n'arrive pas.
Que des coéquipiers furieux qui quittent les couloirs.
Asra doit être à l'opposé.

Il se trouve encore dans les vestiaires, dans une tenue qui le met que trop en valeur, de près. Luttant contre sa propre colère, lui offrant un plaisant spectacle. Bien que tourmenté, il ne pouvait pas s'empêcher d'admirer ses traits sérieux, pour une fois.
Il n'y a que le bruit des pas d'Eamon pour l'annoncer, avec sa lenteur habituelle, alors qu'il s'approche d'un danger sur le point d'éclater.


Situation délicate, celle de devoir consoler ou trouver des mots apaisants.
Cela ne lui a jamais plu, à Eamon, et il n'a jamais cherché à réconforter plus qu'en étant une épaule sur laquelle ses sœurs avaient pu, à de rares occasions, venir pleurer. Non, sa spécialité, c'est pousser les gens à bout.
Alors il s'adosse à un casier adjacent, et croise ses bras. Indifférent à cette peine, à la colère qui torture ses muscles. Juste présent. Fidèle à lui même; imbuvable.


Cette salle embaume l'effort et la sueur, et par Merlin, il souhaite que ce soit la pièce et non pas le capitaine des flèches à lui seul qui parfume ainsi cet endroit.

On mentionnait Lucius pour le gronder, encadrer par son prénom et son nom. Mais quand Asra l’appelle Luce, cela devient doux. Même quand il lutte.
Eamon s’y fait. Bientôt, Asra lui aura réapproprié ce prénom et effacé les mauvais souvenirs liés à ce dernier.

La bête blessée grogne, se change frénétiquement, sous des yeux attentifs; la colère lui va si bien.

- Et ?

Soupir pour se donner un peu de courage, pour se détacher des casiers. Sa main repousse celles d’Asra d’un geste sec, et il lui vole les lacets du garde bras, les desserrant calmement. Il peut sentir sa fureur contenue à même le bras, grouillant sous la protection. Cette rage laisse l’empoisonneur indifférent. Trop fier pour plier devant la force brute, les cris et les menaces. Un jour, cela lui coûtera.

- Pas l’habitude de perdre, hm?

Léger sourire qui étire ses lèvres, railleur.
Colère sur le point d’éclater, et lui vient piquer l’abcès. Ses ailes finiront brûlées, à voler trop proche de ce soleil instable, rayonnant. C’est tout ce que la vipère peut faire, ramper dans l’ombre, cracher son venin vers Asra qui vole si haut, hors de portée , en pleine lumière, admiré et redouté.
Asra roi du match, souverain d’une équipe entière, qui vole et inspire, vit le rêve de tous les jeunes sorciers. Vaincu, le temps d’un match. Mais la passion qu’il suscite reste intacte, il continuera de régner, lui.
L’apothicaire raté, traînant la rancoeur d’une unique -multiples, mais révélées par une seule- erreur depuis des années, ne voit dans sa peine aucune raison de se sentir désolée pour un homme tremblant de rage face à une défaite insignifiante.
Il retire la protection de son bras et laisse cette chose sans valeur à ses yeux tomber au sol, avant de tendre la main pour qu’il lui tende l’autre.

- Je suis surpris que tu n’aies encore rien cassé.

Il aurait -avait- tout retourné sur son passage, s’il était enragé.

Ce regard qui le fige sur place, mais l'attise également. Certains craignent les enfers, mais pas Eamon. Il contemplerait les flammes dans ses yeux des heures, pourrait les entretenir pour son propre plaisir.

Un peu de condescendance, sur son visage. Il ne fait pas comme tout le monde car il a un peu de jugeote. Parce qu'il n'est pas médiocre.

- Je suis juste meilleur.

Bientot délivré des liens du garde bras.

- Et tu es bien plus intéressant comme cela.

Emprunt de vicieux défauts. De danger.
Eamon n'y peut rien, les gens solaires lui révélant une noirceur aussi intense, capable de sombrer, avaient toujours eu leur effet sur lui. Pas si différent l'un de l'autre, au final...

Libéré de ses protections, Asra le plaque aux casiers. La suffisance transformée en surprise, émotion qu'il ne laisse pas souvent paraître. Alors c'est maintenant que le karma vient lui faire payer son insolence ? Par la main d'un amant, main qu'il connaît par cœur ?
Consumé par la rage, tout ce qu'il trouve à lui demander en dehors de ses dernières paroles, c'est s'il lui appartient.
Et si ce n'est pas suffisant, le roi des flèches se presse à lui. Si Eamon est sans voix, son corps lui répond plus vite à cette fougue bienvenue, pris d'une fièvre, en alerte.
Un rire lui échappe, un sourire aussi, qu'il essaie de retenir sans succès. Incapable de détourner ses yeux des siens, si ce n'est pour venir se poser sur ses lèvres entre deux, tenté.

- Tu chasses quelque chose de plus ambitieux que la victoire... S'il existe, seulement.

Oh, il existe. Il tambourine, cherche à s'enfuir de sa cage. Captif depuis trop longtemps, privé d'attention et d'entretient. Si bien caché de la vue de tous qu'on le pense mort.
Lentement, et dans la limite de l'emprise de l'étreinte de l'homme en colère, ses doigts viennent caresser sa mâchoire.
Le coin de ses lèvres aussi, les même qui volent toute son atention.

- Qu'en ferais-tu, Asra ? Si tu venais à le gagner là, maintenant ?

Car il l'a gagné dans sa défaite, dans la terreur qu'il inspire dans les air et la rage qui l'anime.
Le meilleur pour la fin.

Léger soupire quand il le prive de ses lèvres pour venir à la place se réfugier dans son cou. Au moins il les y presse, libère ses bras et lui répond.
Asra le couvrirait encore de cadeaux.
Le garderait juste pour lui.
Le protègerait.
Eamon se fait silencieux. Ni sourire ni moqueries sur son visage. Ses mains attendent un ordre, accrochées aux épaules du capitaine, jusqu'à ce qu'il rigole.
Cela avait l'air sincère... Le monstre de colère qui vient se cacher au creux de son cou pour y devenir vulnérable. S'était-il véritablement épris de lui et de ses caprices ingrats ainsi que de ses remarques acerbes ? Sans belles promesses et fausses attentions ?

Son étreinte le sauve de ses pensées, lui arrache un sourire en même temps. Les coups et les cris semblent déjà loin, quand il le serre dans ses bras avec autant de douceur. Cette proximité l'enivre. Sa tête se presse doucement contre la sienne, une main remontant sa nuque, profite de la chaleur sous ses doigts brièvement, pour ensuite plonger dans ses cheveux.
Eamon en profite quelques secondes, en sécurité dans ses bras. Loin des façades et des jeux de pouvoir et manipulation. Puis l'autre bras passe autour de son cou, et l'empoissonneur tourne son visage vers son oreille pour venir y susurrer un secret.


Dans la fièvre du moment, il oublie qu'Asra n'est pas le seul à pouvoir raviver son coeur et prétendre le posséder. Qu'il reste encore un peu de lui à la salle commune de Serdaigle, qui attend encore.
Ses doigts se resserrent alors dans ses cheveux, l'autre main sur le tissu.


D'honnêtes menaces, prononcée avec beaucoup trop de tendresse quand on parle d'empoisonner un amant fautif. Prêt à arracher ses ailes, clouer le roi des cieux au sol. Lui provoquer une colère que même lui n'a jamais ressenti jusqu'ici s'il osait briser le peu de coeur qu'il lui reste.
Car c'est un grand risque, que de s'offrir à quelqu'un, entier.
Vulnérable.
Sa main se détend, dégageant gentiment ses cheveux de sa nuque. Laissant de la place pour venir y déposer ses lèvres et profiter maigrement de sa peau, point final de ses menaces.
Lot de consolation, quand il se languit déjà de son visage.

Des promesses, des yeux humides.
Le doute d'avoir fait une erreur, tapie au fond de ses pensées, trop habité à garder ses secrets.
Trop de temps passé isolé.
Trop beau, pour lui arriver.
Trop doux pour un misérable criminel.
Asra, présence devenue familière, habitué de ses caprices et regards noirs, qui les supporte et les chérit presque.
Le seul écart dans sa prudence maladive.

Finalement il l'embrasse.
Un frisson remonte son dos, puis Eamon cède et réponds à ce baiser dans un léger sourire.
Une impression de vertige intérieur, apaisement qui lui revient comme après un exil forcé. Un sentiment bizarre à s'avouer que son quotidien pourrait être partagé.
Malgré tout cela, toujours insatiable.
Toujours en vouloir plus.
Asra peut s'éloigner mais sa main glisse de la nuque à son torse, refusant de le laisser filer bien loin.
Mais il faut le lâcher.
Sourcils froncés, il détaille le joueur de Quidditch. Suant après l'effort et la colère, contre lui. Alors un soupir exagéré est lâché alors que ses mains le libèrent péniblement.


Il pousse légèrement le capitaine, élan supplémentaire pour en finir avec ces vestiaires. Pour qu'il lui laisse contempler l'idée de devoir retourner sur un balai, ce maudit moyen de locomotion qui ne lui dit rien qui vaille.

Asra revient, propre et humide. Sauvé de l'errance dans ce temple écœurant au sport et au dépassement de soi aux effluves nauséabondes. Main et lèvres volées aussitôt qu'il entre dans son espace vital sans qu'il ait à peine le temps de se tourner vers lui. Plus de colère, rien. Juste cet air empressé et ravi de l'emmener ailleurs, une bonne humeur qui le contamine presque.
Hors de question de le laisser paraître.


Affreuse épreuve que de se fondre dans la foule et subir leurs émois, d'y rester le temps d'un match et d'en plus devoir attendre ensuite le prince des flèches. Fini le Quidditch. On ne l'y reprendra pas deux fois.
Main doucement serrée dans la sienne, Eamon le suit jusqu'à son balais. Une fois dans son champ de vision, son rythme ralentit, le déplaisir lui revient au visage.
Mon ange.
Voilà qui le saoule d'avantage. Claquement de langue -c'est tout ce qu'il mérite pour cet affront-, avant de s'approcher. D'essayer de s'installer sans avouer qu'il n'est pas très confiant vis-à-vis de ce moyen de transport.
Il se tient, un peu, à Asra.
Enormément, après le départ. Fermement, à travers le torse de son nouvel amour. Visage pressé dans dos et refusant de regarder en bas.
Il l'a fait exprès.
Eamon en est convaincu.


Eamon n'a jamais partagé la passion de ses soeurs. Eamon est heureux, sur le sol, ne rêve pas de côtoyer les nuages.
Bien qu'une fois détendu, il est vrai que la vue est sublime.
Eamon reste un moment silencieux : demain, il désire se réveiller dans une chambre spacieuses, aux draps somptueux. La compagnie d'Amaryllis lui plait, mais elle commence à ne plus être assez. Plus il y réfléchit, plus il est foutu.


Dans un soupir, il vient poser sa tête près de son oreille.


Et s'il est serein, uniquement grace à la présence de son ange déchu, alors il en profitera autrement.

Ce genre de réponse était inévitables, et son mécontentement en retour également. Solidement accroché à lui, sourcils froncés, il continue à lui souffler à l'oreille ses réponses, au taquet.


Aucun compris.
Frustré de ne pas pouvoir le percer de son regard, obligé à la place de resserrer son étreinte dans cet aveur compromettant. Asra triste et Asra loin d'être amusant, leur place est aussi au creux de sa main et nulle part d'autre.

Et Asra le mène sur une colline, loin de chez eux, de tout confort. Eamon descend du balon, confus. En voilà une scène pleine d'intimité... Et il se surprend à ne rien dire et s'installer là où il le désire. A son tour, le prince s'installe, et se livre lui et ses insécurités. Impossible de ne pas souffler du nez devant une question à laquelle il n'aurait jamais imaginée.
Mais il ramène ses genoux à lui.
Asra a l'air sérieux.
Toute envie de se moquer de lui s'évaporent, à la place incrédule.


Capitaine qui disparaît de sa vie une fois qu'il s'est lassé de lui et ses prétentions, maintenant dans la peur de le voir partir à son tour. Et lui, incapable de savoir s'il devait se méfier de cet Asra étourdi, loin de la flamboyance et de la provocation. Eamon, déserteur de la vulnérabilité, en plein dilemme : Est-ce un piège ? Est-ce que dire la vérité allait le détruire ?
Ses promesses ne l'empêchent pas de se reculer légèrement, sourcils froncés, son regard accrochant tout ce qui pouvait trahir un mensonge, n'importe lequel.
Rien.
Mais il ne veut juste pas répondre.
L'idée de lui mentir ne lui traverse pas l'esprit. Cela aurait été si simple, comme pour tous les autres: un peu de douceur, des promesses scellées dans un baiser tendre...
Un soupir frustré, un regard noir. Sa vérité lui arrache la gorge, traine son égo dans la boue douloureusement.


Mais regardez le. Penaud, à regarder le ciel bêtement.
Jamais cela ne suffirait.
Et il serait doucereux, tendre et sorti tout droit d'un rêve pour n'importe qui d'autre qui puisse lui offrir du pouvoir. À la place, Eamon se glisse à ses côtés, face à lui et arrange ses cheveux avec nonchalance.


Le fatigue, lui et les murailles qu'il peine à maintenir. Asra les perce à force, et Eamon se retrouve à apprécier son attention. À se sentir apaisé à ses cotés.
Il retire sa main : Eamon a cru la voir trembler, et c'est déjà assez effrayant pénible comme cela. Ses sourires au réveil le force à en rester un de plus, ses élans d'euphorie lui arrachent un rire discret contre son gré, et sa colère l'émerveille.
Même dans ces égarements, ses doutes, ses yeux viennent s'imprégner de ses traits sans se gêner.


Oh si, Eamon comprend. Il s'attache.
Il refuse de le croire.
Des mots lui viennent à l'esprit, des mots qu'il reconnaît.
Constat qu'une constance dans ses goûts, d'une défaite inévitable face à ce genre d'adversaire, capable de lui voler trop d'honnêteté à son gout.
Le bout de ses doigts viennent longer ses  avants bras, reposé sur ses genoux, suivant leur contour des yeux également pour esquiver les siens.

Je t'aime.
Doigts piégés tendrement entre les siens, ses mots le figent et appellent ses yeux. Eamon scrute les siens avec incertitude.

Ces mots pourraient lui voler un rire doucereux, des sourires qui se veulent timides, s'ils étaient prononcés par n'importe qui d'autre qui, comme Asra, le couvre de cadeaux comme du pouvoir ou des financements. À chaque fois qu'ils sont murmurés, ses griffes se resserrent un peu plus autour du cou de sa victime, et lui les susurrent pour achever ses proies. Ils aiment cette version enivrante, calculée pour panser leur coeur et vider leurs poches.
Asra a tout vu, ou presque. Les promesses, les rires; les mensonges, le poison et l'égoïsme. Asra lui offre, et il prend, encore et encore, sans gêne.

Il peut rester silencieux.
Redoutable et incompréhensible, à ainsi offrir son cœur au pire amant possible. Un qu'il aurait aimé décrire comme insensible, mais ses mais fébriles lui hurlent le contraire.
Asra se répète, approfondit la plaie qu'il venait de provoquer dans la poitrine de la vipère.


Il faut l'être, pour rester à ses côtés quand il s'évertue à faire fuir tous ceux qui désirent trop s'approcher. Incapable de se montrer à nu, d'exposer ses sentiments, tremblant derrière ces faux semblants de roi impitoyable de peur de saigner encore une fois. Incapable de lui demander de répéter ces mots doux jusqu'à ce qu'il puisse y croire sans montrer les crocs, juste bon à poignarder d'une insulte pour se protéger. Juste bon à observer ses lèvres, d'abord à distance de sécurité, puis osant finalement un peu s'approcher pour y poser les siennes doucement, brièvement.

Le froid, oui.
C'est surement ça qui puise dans sa fougue et son courage.
Eamon ne se fait pas prier et libère ses mains des siennes avant de se relever. Quelques secondes prise à observer le capitaine de Quidditch sentimental, en silence.
Qu'est-ce que cela pouvait bien lui faire, les sentiments d'Asra ? Cela ne l'avait jamais arrêté, avant.
Après qu'Asra se relève, Eamon en profite pour prendre la veste et la mettre sur ses épaules comme si elle lui avait toujours appartenue.


Frustrant à admettre, au delà de ses aveux précédent.
Puis finalement, son regard jusqu'ici méfiant s'adoucit, se posant sur lui.


Regard plus doux certes, mais toujours avec une pointe de reproches : Asra a abusé de sa patience à bouder dans les vestiaires.