Une autre journée banale,
supposée être
phénoménale.
Miyeon, Miyeon.
Elle vit le rêve de beaucoup d’âmes.
Frôle la vie idyllique, et pourtant
ça pique.
Peu d’effort, ce n’est que le physique.

De retour au bercail, elle s’enlise
se b r i s e.
Thiboud’chou impuissant, ne peut que la regarder,
la toiser de ses yeux globuleux de hibou.
On suppose qu’il n’a plus de tympan à cause de tous ces hurlements.
Elle ne crie pas la mi-vélane, non,
c’est sa vaisselle qui glapit.
Pas de coup d'œil sur l’heure, si peu important.
Les grosses larmes la rendent aveugle, persuadée,
sur le mur de l’appartement d’à côté vide,
de lancer.

Encore un manque de réflexion.
Miyeon avait oublié qu'elle s’était présentée.
“Présentée”, ça, oui.
Mal reçue, aussi.
Elle avait fini par gober les pâtisseries hors de prix.
Un vieux con, qu’elle avait pensé, mais
ça l’avait fait tiquer, ça changeait de tous ceux à ses pieds.

Ramenée à la réalité par sa porte tambourinée.
Fuse la vulgarité.
Prend de quoi se moucher la demoiselle,
se dirige vers la porte, une énième assiette à la main,
visage marqué par ses pleurs, le maquillage coulé,
néanmoins, reste
belle,
dans son malheur.

Je suis… désolée...?

Des mots prononcés, au rythme de la porte qui s’ouvre,
peu pensés.
Ah.
L’aigri d’à côté.

Légère douleur à la nuque pour le regarder,
l’assiette dorénavant cachée par son dos frêle.

Navrée, j’étais certaine que le logement d’à côté était vide.

Quelques reniflements viennent rythmer sa prise de parole.
Puis,
soupir, un air de défi, ou simplement… vexé ?

Peut-être que si vous n’aviez pas été aussi indélicat, pour ne pas dire goujat, je n’en serais pas là.

Oh, reporter la faute sur un parfait inconnu, ça,
c’était malin.
Non, très peu. Elle avait regretté,
immédiatement.

Pardon.

Qu’elle lâche, avant de fondre en larmes, peu gracieux, qui ressemblait assez à :
BWAAAAAAH.
Lâche en même temps que l’assiette dans son dos,
se fend en deux.

Une bien belle vue,
influenceuse en jogging et t shirt trop large,
les cheveux qui prennent le large.
Un smic de produits cosmétiques ruinés.

Le "vieux" monsieur sur le palier, certainement dépassé.

Un drame.
On se croirait dans un telenovela.
Pas un mot d’espagnol.
Juste les larmes.
Entre ses gros sanglots,
elle n’entendait qu’une bribe de mots.
Se contente de hocher la tête,
obéissance bête.
Traîne des pieds jusqu’à son mobilier,
fessier désormais posé sur le canapé.

Et soudain,
la honte.
L’apogée de l’embarrassement.
fuck
Injure glissée.
Dans ses mains, le visage,
caché.
Les larmes avaient fait place aux longs soupirs,
exaspérés.
Par elle-même, par son manque de sang froid.
Elle avait laissé son voisin peu courtois,
envahir son foyer.

Dans un premier temps, ne daigne lui offrir une réponse.
C’était trop gênant.
Deuxième temps, un regard.
Au voisin.
Au sopalin.

Vraiment, du sopalin ? Vous n’avez pas plus abrasif ? Ma peau…

Prend tout de même ce fichu essuie-tout détesté,
entre des plaintes grommelées.
Comme si son épiderme n’était pas déjà ruiné.
Narines vidées,
larmes séchées.
Visage dès lors,
irrité.

Je suis trop mignonne pour me faire arrêter.

Un nouveau long soupir.

Vous devriez être content que ce soit ma vaisselle qui y passe, et non un humain qui trépasse. Peut-être que vous devriez essayer de casser des choses ? Ça détend, et ça pourrait vous rendre plus aimable.

Besoin de préciser qu’elle est rancunière ?

Les doigts délicats,
glissent entre ses mèches rosées,
quelle cata.

Je vous en prie, faites comme chez vous. Au point où on en est… Je peux enfin connaître votre nom, avant d’exposer ma vie tragique de personne trop belle pour ce monde ?

Tout à fait, sérieuse.
Pas une once d’humour,
elle le pensait.
Un fléau,
d’être trop beau.

Plainte sur plainte,
sa vie tragique dépeinte.
Quand est-ce qu’elle avait décidé de se mettre à nu,
en présence de ce voisin pas si inconnu.
S’en tiendrait à Leonid,
bien que l'appellation de ses chers collègues se rapprochaient plus
de ce qu’elle avait vu.

Miyeon. Et ça t'aide au moins, le psy ? Je me permets de te tutoyer.
J’ai toujours vu comme ça un fauteuil où tu vomis tes problèmes, et le professionnel se contente d’hocher la tête et donner des conseils que l’on appliquera jamais.
Puis c’est que ma vaisselle…

Derniers mots presque murmurés,
loin d’être éhontée.
L’instant de silence, elle le prend,
pour réunir sa souffrance.

Un rappel à l’existence,
quand on lui tend une tasse,
du thé,
Jouvence.
Sans refus.

Merci.

Se décale la vélane,
rapprochant ses jambes de son propre corps,
laissant ainsi une bonne partie du canapé à disposition de monsieur aigri.
Hume la tisane, réfléchit  à ses problèmes.

Ça risque d’être long. Je propose qu’on échange nos problèmes. Un des miens, puis un des tiens. Pas que je déteste parler de moi, mais, j’ai besoin de savoir que je ne suis pas la seule à avoir une vie compliquée.

On se rassure comme on peut.
Dans le malheur des autres, en l'occurrence.

Hum… Premier point : je suis une hybride. Si ça ne sautait pas aux yeux. J’espère que tu ne fais pas la chasse aux créatures. Et… ça me suit, ça me suivra toujours, mais disons que ça a déclenché des évènements que je qualifierais de dramatiques.

Prend une grande inspiration Miyeon.

Des agressions qui ont mené à de la dépression, une peur bleue, voire viscérale d’avoir des sentiments amoureux. La liste est longue. Mais si je ne trouve pas l’amour de ma vie du premier coup, je vais dépérir.

Flétrir, peut-être en mourir ?
Elle tait ces mots pourtant.
Ça ne devrait pas être si tragique de ne pas trouver l’amour, on peut vivre sans.

J’ai vingt-cinq ans, j’ai l’impression d’avoir ruiné ma vie juste parce que j’ai cette partie de moi qui crie PHÉROMONES.

Tousse, soudain haussement de voix,
dans la tisane se noie.