T'as essayé d'oublier, t'es doué pour ça. Tout supprimer, qu'il ne reste que le goût amer du sang sur le bord de tes lèvres, qu'il ne reste que la saveur d'un amour juvénile. T'es doué. Pour aimer. Tes gestes sont doux, ta voix se porte toujours à la surface de l'eau. Talentueux pour l'amour, dévastateur  même, car quand ton cœur coule, tu te contentes de fermer les yeux.
On te dit insensible et toi tu murmures émotif.
Mais lui. Lui il a laissé une marque.
Une marque sur ce miroir, tu te plaisais tant à regarder ton reflet. Mais tout comme toi il a fuit. Lâche, Ephraïm, tu n'étais pas prêt à rencontrer plus effrayé que toi.

Sur les oreillers il reste vos secrets, loin d'ici, dans cette école poussiéreuse. Entre les draps vos mots doux, tes rires en cascade sur sa peau.
C'est peut-être même à cause de lui que tu t'es dit
oui
plus jamais.

Alors que le tard du soir vient tirer le temps par les oreilles tu te surprends à observer les couloirs. Tu n'as plus de raisons de rester ici. Tu as déjà salué les fantômes. Derrière ce comptoir, tu ne souris plus. Parce qu'il se fait tard, oui.
T'as trouvé derrière tes poumons un peu de courage et tu t'y accroches. Enfin, oui enfin.
La force de lui demander
Tu sais Isaac je ne comptais pas t'abandonner
Tu sais Isaac j'aurai pu te décrire tout mes sourires
Tu sais Isaac
Je crois que je t'aimais.

Tes doigts qui se glissent dans ta chevelure
T'as réussit à l'esquiver, facile, quand lui ne peut pas te voir alors que toi tu l’aperçois arriver au loin. Tu te contentes de t'esquiver, prétendre, mentir, ou dire la simple vérité.
Entre deux verres on te dit
Ephraïm t'as plus 18 ans arrête un peu tes conneries
mais t'as cet ego
et tu sais que lui aussi

Ta main qui se crispe dans un poing que tu aimerais écraser sur son visage.
Puis les épaules qui tombent
Pour qui tu te prends. Un sourire qui s'affiche sur tes lèvres
oui, pour qui tu te prends
t'es plus ce mec là, celui qui prenait le temps de pleurer ses amours, celui qui prenait le temps de changer l'heure de sa montre pour chaque fissure.
Maintenant t'oublies.
T'es doué
pour oublier.

De la lumière sous sa porte, ton estomac se tord mais ton visage ne laisse rien paraître. Il verra rien, de toute façon et ses mains n'entreront sûrement plus jamais en contact avec tes joues. Alors qu'importe. Pourquoi continues-tu de jouer cet acte.

Toque à la porte, joyeux, vif.
C'est son odeur qui fut la première lame, ce parfum qui s'accrochait dans ton cou fut un temps. Tu ne peux t'empêcher de grimacer. Rouler des yeux. Oh comme ça doit être dur pour toi Isaac, de fuir. N'est-ce pas ?
Tu ferme derrière toi, tu n'as pas encore posé ton regard sur lui, t'es trop occupé à l’enchaîner au sol. Tu veux pas te perdre sur ses blessures. Contre le mur tu croises les bras
Inspiration et enfin tu redresses la tête.
Ce que ça fait mal.

T'as jamais été doué pour souffrir, ceci dit.

On fait un loup glacé ? T'essaies de m'attraper ? Trop bien t'as pas besoin de bandeau pour tes yeux. Tu laisses échapper un petit rire léger ((ouais, t'as envie de crever, derrière tout ça, derrière ce jeu, ouais, c'est lamentable))

Et ce qu'il te fait sûrement le plus vaciller c'est la façon dont l'image de ton ancien amant s'écroule. Comme s'il avait tout abandonner mais que par fierté il avait décidé de rester debout. Simplement debout, oui, Isaac il joue au vivant mais il est mort.

Ton chat est … tu t'approches de l'animal et fronce les sourcils super moche. Je ferais son travail mieux que lui, je peux même miauler si tu veux. T’arrive à être jaloux d'une créature aux yeux ronds. Une main posé sur le bureau de l'aveugle, observant la bête qui dormait sur celui-ci tu relèves un peu la tête Meow.

C'est mignon, tu te donnes encore un titre d'appartenance envers ma personne. Joueur sur les mots, jouer sur les maux. Jouer avec son feu parce que tu as trop peur de t'en approcher, tu as trop peur de te brûler.
((et pourtant te voilà au centre même de l'incendie, aujourd'hui tout particulièrement, tu as ouvert la porte de son enfer, armes en mains))

Sur ton visage il y a ce sourire douloureux qui n'a pas quitté tes lèvres
depuis qu'il t'a tourné le dos
à la lumière
et à votre amour
on t'a souvent lâché pour tes infidélités, on t'a souvent lâché pour ton manque d'investissement mais avec Isaac tu avais l'impression de faire les choses correctement. Tu l'espérais, tout du moins. Quand tu lui tenais la main et que tout était plus simple.

Sourire douloureux sur un visage doucereux.

Oses me dire que tu n'aimes pas mes miaulements. Un soupire qui s'échappe, première fissure sur ce parfait paysage qu'est ton mensonge Isaac je t'en prie, je peux savoir pourquoi t'es autant sur la défensive comme ça ? Je veux dire, j'ai passé des mois à galérer à t'ôter le Nimbus que t'avais dans le cul et maintenant j'ai l'impression c'est tout le ministère de la magie entier qui a prit sa place. Tu fais un petit mouvement de la main, attrape une chaise et t'installes puis c'est … relativement douloureux.

C'est un euphémisme
après son départ il t'a laissé dans la cendre, il t'a fait bouffer de la poussière et t'as mit des semaines, des mois, des années avant de parvenir à te relever de son souvenir.
Il était partout, le démon

Je venais voir … si ça allait. Visiblement pas des masses.

C'est dur de ne pas simplement le lui demander
de ne pas juste
le prendre dans tes bras et lui dire
reviens
redonne moi une chance
promis cette fois je ne te ferai pas partir
((parce qu'il ne peut y avoir qu'un coupable et c'est toujours toi))
((à cause de toi qu'elle est morte))
((à cause de toi qu'il s'est évaporé))

c’est assister à ta propre chute, c’est assister à une représentation grotesque de ton identité, de ton existence même, pire, de ton amour. le premier coup fut le plus brutal, une immense lame qui vient te trancher la gorge, immobile tu ne peux que t’installer au fond de cette chaise, sonné. Et tu as le regard si triste. Il ne pourra jamais te voir, il a refusé de te voir, il a fermé les yeux sur ton existence.
Toi qui te voyais à ses côtés comme un astre dans un ciel calme, tu n’es plus que la dernière pièce abandonnée par ce dragon. dragon sans  foi, dragon sans loi.
Tu as osé te dire heureux
tu as osé te dire chanceux

et alors que tes iris deviennent humides c’est la colère qui prend le dessus alors que tu te redresses d’un coup

te fous pas de moi. tu vas pas bien, Isaac. t’as vu ta dégaine ? tu peux amadouer les autres si ça te chante mais compte pas sur moi pour te laisser gagner, comptes pas sur moi pour assister à ta propre destruction. oh et je t’en prie, épargne moi tes ‘’ça te regarde pas ‘’, t’étais le premier à me gueuler dessus quand je laissais le chagrin prendre le dessus.  

avaler la lave qui remonte le long de ta gorge, essaies de faire taire le rugissement, tout une épreuve de maintenir droit alors que tu te vides de ton sang. trop violent. trop douloureux. ses mots sont comme des odieux tatouages sur ta peau, ils resteront là, fiers et intemporels.

t’as sûrement raison. je suis un gamin. ton poing qui s’écrase sur le bureau de ton ancien amant mais t’as pas le droit de juger si j’avais les épaules ou non pour ‘’ça’’. pour toi. ton corps qui tremble et tu sais pas si c’est la peine ou la colère qui a le contrôle.

et même après toutes ces années tu es … tu restes celui que j’ai tant aimé. alors arrête de faire n’importe quoi, arrête de tâcher nos souvenirs, arrête de te tuer à petit feu.

t’as l’air si seul isaac
tout comme lui
le chien qui a toujours aboyé trop fort pour attirer ton attention

Il est doué, Isaac. Il sait user des mots, il sait faire glisser son parfum dans les pensées, il parvient sans peine à marquer la peau de souvenirs, oui, il est doué Isaac. Attirant dans la force qu’il dégage quand il traînait dans les couloirs, dans le regard absent qui fut un temps se posait sur ton sourire. Parfois même qu’il y répondait.

… ouais… j’avoue que c’est moins marrant. Avant je me marrais bien quand tu parlais ainsi, après tout j’étais toujours à côté de toi, jamais en face. Tout de suite, ça change. Ta mâchoire se crispe, t’arrives plus à maintenir le rythme. Tu parviens plus à continuer la course qui te maintient si loin de tes sentiments. Humour pour faire  fuir les mouches de ton cadavre, l’odeur de sang qui attire les rapaces.

ouais. Cette fois tu peux plus. ‘’Si j’ai envie de me foutre en l’air personne n’a son mot à dire ‘’ imite une voix agaçante, mais tout d’un coup c’est surtout la colère qui prend le dessus, toujours si puérile même quand le timbre de ta voix tremble. pauvre minable. attention, tu risques de chuter.

un miaulement de chat qui sursaute, des papiers qui s’envolent alors que tu te jettes sur lui en ayant enjambé son bureau, le renversant sur le sol
toute cette colère en toi
et pourtant ta main qui vient se glisser à l’arrière de son crâne pour que l’impact n’affecte que tes doigts

t’aurais dû être furieux à l’époque, le tirer par le bras et lui dire d’arrêter
tu ne veux pas qu’il revienne
mais alors pourquoi te battre contre un passé terminé ? sûrement car cette fin est invivable pour toi
toi qui as oublié l’unique amour de ta vie
et maintenant ? tu luttes pour ne pas l’oublier lui.  

s’il est talentueux pour blesser
toi t’es minable pour gérer tes peines
incapable de le blesser tu te trouves bien bête à l’avoir ainsi fait tomber, alors tu le secoues, tes mains crispées sur sa chemise

T’aurais pu me frapper,  me dire que j’étais qu’un raté parce que je t’ai pas sauvé ta voix qui se lève alors que ta parfaite coupe de cheveux perd en ordre et justesse au lieu de ça t’as préféré faire ton martyr tout seul dans ton coin.

le calme qui devient lourd alors que ta tête vient se poser sur son épaule, ton emprise sur son vêtement qui se relâche, un murmure brisé si tu veux me blesser, soit sincère au moins, défoules toi. tu sais bien que t’es mort dans son psyché, une carcasse qui devient poussière alors avant de disparaître pour de bon; qu’il puisse donner un bon coup de pied dans tes ossements. qu’il hurle des insultes sans pensées, qu’il hurle ce qui lui pèse sur le cœur. qu’importe. qu’il vive. qu’il survive.