Allongé dans ton lit à fixer le plafond tu maudis des noms au hasard. Rentrer avait été le comble de l'humiliation. Tu voulais qu'il te supplie, tu voulais rentrer en conquérant, à sa demande, en guerrier qui, par infinie bonté, aurait fini par céder à ses élans désespérés. Tu te rêvais en dieu romain, lui dans le rôle de la statue gracieuse est androgyne à tes pieds. Tu voulais revenir en soleil de sa galaxie. T'étais revenu en clochard après que Constance t'ait viré de la Pomme d'Or. Fait chier.

Tu t'étais employé à l'ignorer, à lui faire payer par l'indifférence sa trahison. Encore trop en colère, c'était encore trop insuffisant. Tu attendais chaque soir qu'il se glisse dans ta chambre, te supplies dans des élans lubriques et désespérés de l'aimer comme avant. Mais il ne vient pas, Ezra. Alors tu noyais ton désir mauvais et glauque dans la solitude et la frustration.

Sa voix résonne, il t'appelle une première fois. Tu te tournes dans ton lit, grogne, comme-ci c'était une réponse valable. T'entends sa chaise crisser sur le parquet, ton prénom de nouveau. Putain, qu'est-ce qu'il te saoule ? Il va te chialer dessus pour une vielle assiette salle dans l'évier ? Il a car la nettoyer, après tout, astiquer c'est son truc, non ? Tu grognes, te lèves, t'as bien compris qu'il n'ira pas céder alors autant saisir l'occasion pour extérioriser ta frustration. Tu sors de ton antre, le pas lourd, descends les escaliers jusqu'au salon.

— Qu'est-ce que tu veux, Strauss.

Tu l'as plus appelé Ezra depuis que t'es rentré.
Sa question te surprend, tu hausses un sourcil alors qu'il te fait signe de regarder l'ordi. Tu le toises sans une once de tendresse.

— T'es désespéré de me faire la conversation au point de me demander le blase de la daronne ? T'fais vraiment pitié.

Mais tu t'approches.
Et le monde s'effondre.
Sur l'écran tu vois ce que tu comprends être une maquette du journal. Le zoom est mis sur la rubrique nécrologique. Tu parcours des yeux sans comprendre, déni total, jusqu'à ce que ton regard accroche les lettres grasses.

Jane Priest.

— C'est quoi ce bordel ?

Tu souffles, prends l'écran à deux mains et rapproches ton visage comme-ci tu avais mal lu. Tu as sûrement mal lu.

Jane Priest. Jane Priest. Jane Priest. Jane Priest.

— C'est... C'est une blague ?

Jane Priest. Jane Priest. Jane Priest. Jane Priest.

Tu sens plus tes jambes, comme coupées d'un coup du te retrouve sur les genoux. Ton regard ne quitte pas l'écran, t'as le souffle court.

— Non...

Tu la revois, ses beaux cheveux, son beau regard. Tu la sens, son odeur si caractéristique. Tu la sens, ses doigts dans tes cheveux quand tu posais ta tête contre sa poitrine, réclamait de la tendresse juste pour te sentir premier, juste parce que tu sais qu'Atlas regardait.

— C'est des conneries, pourquoi... ?

Tu cherches précipitamment des explications, ton regard accroche la mention calligraphiée "décédée des suites d'une maladie". Tu te lèves, pousse avec violence la chaise qui vient tomber contre le sol.

— Maladie ? MALADIE ? Mais c'est de la merde ! Elle avait une santé de fer, elle allait TRES BIEN !

Tu fais quelques pas, tournes comme un lion en cage.

— C'est pas possible, y a un truc qui va pas, c'est pas possible. Faut que j'aille voir.

T'es torse nu et sans chaussure, mais t'es déjà en direction de l'entrée.

Merde. Merde. Merde. Merde.
Le cœur à cent à l'heure alors que tu marches à pas-de-géant vers l'entrée. C'est pas possible, c'est pas possible. Tu l'as vu, elle allait bien, elle t'a regardé, t'as vu le doute dans ses yeux ce soir-là. L'idée que ce soit un piège ne te traverse même pas l'esprit. Trop en stress, trop perdu. Tu n'imaginais pas que l'idée de la savoir morte te paniquerait à ce point. C'est viscéral, tu dois vérifier. C'est viscéral tu dois savoir. T'as un mauvais présentement, toute ta frustration au service de ta parano. Le monde autour cesse de se faire cohérent et la logique est aux abonnées absente. T'as à deux doigts de l'entrée mais le bruit des pas précipités d'Ezra te font te retourner. Instinct animal et furieux quand tu le pousses avec une brutalité inédite, son corps vole, percute le sol, et toi tu n'es que cri.

— DÉGAGE !

Regard furieux, des éclairs de haine dans les yeux. T'as l'air d'un chien enragé, ça n'a jamais été aussi proche de la vérité. Tu le toises, cette petite forme chétive qui t'inspire autant de haine que d'amour, autant de désir que dégoût. Tu l'observes et à voir son regard, le pli de sa bouche, cette façon si unique qu'il a de te prendre de haut en raclant le sol, tu deviens fou. Tu l'aimes. Mais dieu que tu le hais. T'en as ras le cul.

— Fait pas mine de comprendre, Strauss. TOI tu t'en fou, t'as mère elle rêvait que TU la trousse par le fond alors t'en as rien à foutre mais c'est pas MON cas.

T'as un sourire fou, cruel. Crache à même le parquet comme le dernier des chiens, marque l'irrespect comme le dernier des chacals. Ta poitrine se soulève au rythme de ta respiration.

— Je vais aller voir. Si tu me touches encore avec tes mains de pute je t'encule, c'est clair ?

Tu craches à ses pieds, furieux pose ta main sur la poignée.
Dieu t'as aucune idée de la guerre tu viens de déclencher.

Va te faire, qu'il dit. Tu l'observes, le visage tendu par la colère. Mais t'as la mesquinerie d'esquisser un dernier sourire. Le genre de sourire connard qui font aussi mal que tes poings.

— T'aimerais bien.

Puis tu lui tournes le dos, déterminé à franchir cette foutue porte, déterminé à transplaner jusqu'à chez toi (est-ce vraiment chez toi ?) sans penser aux éventuels pièges, sans penser que les protections avaient peut-être été modifiées depuis ta dernière visite, sans penser à ce que tu risques, parce que tu penses jamais, c'est bien le problème avec toi.

Tu tends la main vers les poignets, esquisse un pas mais soudain tu sens une pression sur tes chevilles et tu te sens tomber. Tu tournes la tête, stupéfait....

— Mais qu'est-ce que- ?!

... Avant de t'écraser lourdement au sol. Ta tête heurte la porte, ton épaule le sol. Tu le fixes, les yeux exorbité par la surprise. Est-ce qu'il vient de se jeter sur toi ? Est-ce qu'il vient de te faire tomber ? Et il hurle, ta serpillière ne veut plus racler le sol, le petit chiot ne veut plus faire le beau. Tu grinces des dents dans ta fureur. T'as pourtant rêvé secrètement de cette rébellion mais la voir se concrétiser te donne envie de tout casser.

— FERME BIEN TA GUEULE SALE FILS DE PUTE !

Tu te dresses sur tes genoux, te jettes sur lui pour attraper ses épaules, le plaquer au sol. Vous vous battez comme des chiffonnier, les émotions à fleurs de peau, des centaines d'insulte sur les lèvres.

— PARLE ENCORE D'ELLE ET JE TE PETE TA SALE GUEULE.

C'est à peine si l'écume rageuse ne borde pas tes lèvres. D'une main tu maintiens la pression sur son épaule, de l'autre tu essayes de lui attraper le poignet.

— Tu peux pas comprendre, Strauss ! Ouin, ouin je suis Ezra, ouin ouin je suis une pauvre petite victime mais victime de quoi, hein ? DE QUOI ?

Hurles en écho à ses cris.

— T'ES QU'UNE SALE PETITE MERDE QUI SUPPORTE PAS QU'ON LUI RETIRE DE L'ATTENTION ! POUR ÇA QUE TU COLLES TON FRÈRE COMME UNE SALOPE, POUR ÇA QUE T'AS ROULE UNE PELLE À HERMÈS COMME LA DERNIÈRE PUTE. LA SEULE CHIENNE ICI C'EST TOI PUTAIN !

S'il tente de se redresser tu le plaques encore. Dans ta fureur tu lui laisses cependant des tonnes de faille que tu ne remarques pas.

— T'AS LE DROIT DE RIEN ME DIRE T'ENTEND ? T'AS LE DROIT DE RIEN ME DIRE ! TU PARLES PAS D'ELLE TU PARLES PAS DE MA MÈRE !

Il sait pas. Il dit n'importe quoi. T'es pas fou, t'as pas rêvé, dans ses yeux, ce soir-là, t'as bien vu que t'étais pas encore totalement mort, elle a shooter ton père sous la pression, la vérité c'est qu'elle t'aime encore, que t'es encore son préféré, qu'elle t'as jamais renié hein ? HEIN ? H E I N ?

Tu ne le lâche pas, trop furieux, trop rageur, trop perdu dans toute cette frustration accumulée depuis des mois et que tu ne peux que laisser exploser, maintenant. Ce n'est que quand son genou s'enfonce dans ton ventre et que le souffle te manque que tu relâches la pression. Pose une main sur ton abdomen et avant de pouvoir riposter c'est sa main contre ta joue qui s'abat. T'es déboussolé, surpris, depuis quand sait-il rendre les coups ? Depuis quand Ezra Strauss sait faire autre chose que geindre ? T'as le vague souvenir d'avoir vu quelque chose de semblable le jour où Attila était venu. Est-ce qu'il a toujours été comme ça ? Est-ce que tu n'avais rien vu ?

Il hurle, crache des mots qui te retournant mais ne font que raviver la fureur. Il balance la vérité plus crûment que tu balances tes mensonges. Et soudain tu le hais pour de bon. Tu hurles, rugis de colère. Quand il plante ses ongles dans ta chère tu tentes de le repousser, quittes à ce que ça te déchire l'épaule, t'en as plus rien à foutre.

— LÂCHE-MOI SALE FOU PUTAIN LÂCHE MOI !

Tu te débats, la dernière insulte qu'il te lance et tu deviens fou. Tu lui saisis le col d'une main, brandis le poing avec une telle violence que tu pourrais lui déformer le crâne au premier coup. Tu bandes ton muscles vas pour lui envoyer ton poing dans la tronche mais au dernier moment tu retiens le coup. Ta cage thoracique se soulève sous ta respiration orageuse, ton visage déformé par la colère alors que tes yeux semblent chercher quelques secondes une bonne raison de ne pas le frapper pour de bon.

— Arrête de me regarder comme ça. ARRÊTE DE ME PRENDRE DE HAUT COMME ÇA.

Tu le tires jusqu'à toi, toujours le poing à quelques centimètres de son visage.

— J'sais pas ce qui me retient de pas te maraver, Ezra. Avec ta gueule de merde, t'as logique du merde, ton comportement de merde.

Tu maintiens la position quelques secondes puis tu le soulèves de terre. Tu le pousses comme on pousse un putain de chiffon pour le coincer contre le mur le plus proche. Et enfin ton poing s'abat à quelques millimètres de son crâne. Le mur prend tout. Ta main toujours sur son col, t'a le souffle tremblant.

— T'es qu'un sale parasite. Tu prends, tu prends, tu prends. Mon sang est dégueulasse mais t'as chialé pour que je te le donne.

T'es partagé, l'envie de lui arracher le visage, de le ravager d'une autre façon.

— Et maintenant t'en veux plus ? Putain mais.... Tu fais chier, je te déteste, de quel droit tu joues aux durs d'un coup, il t'arrive quoi ?

Ton poing quitte lentement le mur pour le saisir par le col, à deux mains.

— C'est ma mère. Tu peux pas comprendre. T'as jamais voulu comprendre. Tu me fais chier. Putain tu me fais vraiment chier.

Le poing quitte de nouveau son col, s'abat à côté de lui avant même que t'ai pu contrôler quoi que ce soit.

— MAIS PUTAIN MAIS FERME TA GUEULE !

Il s'agite sous ta main, crache comme un chien plein de rage. Mais dans le genre t'es pas mal non plus. Tu resserres ta prise, tapes le mur encore, c'est que tu vas finir par le déformer à force.

— C'est ça que tu veux ? Que je me casse ? Ça y est, t'assume plus ? Mais mdr tu te prends pour qui ? C'est TOI qui m'a aguiché comme une petite putain parce que ton meilleur pote pouvait pas te troncher comme tu le voulais. Tu captes, Ezra, tu captes que tout ça c'est de TA FAUTE ?

Ton poing frappe une quatrième fois, puis tu reviens choper son col, le soulever un peu plus de terre.

— C'EST DE TA FAUTE ! CE QUI SE PASSE AUJOURD'HUI C'EST DE TA FAUTE !

T'approches ton visage, sous ta peau pulse le sang furieux, ça doit être une torture.

— TU m'as trahi, TU l'as embrassé dans MON dos ! ALORS QU'ON A PASSE TON PUTAIN DE PACTE, ALORS QUE TU M'AVAIS DIT QU'ICI C’ÉTAIT CHEZ MOI ! J'AVAIS BESOIN DE TOI PUTAIN ET MAINTENANT QUOI ? TU ME VIRES ? TU ME DIS DE PARTIR ?!

Tu le trimballes, dans ton énervement tu le décolles du mur, le pousse vers le canapé.

— T'as pas besoin de moi ? Vraiment ? T'as trois poils qui te poussent sur le torse et tu te sens plus pisser ? Le petit vampire passe la puberté ça y est ?

T'as un sourire cruel une seconde, puis la fureur de nouveau.

— J'AI TOUT SACRIFIE POUR TOI TOUT ! SI T'AVAIS PAS ÉTÉ LÀ MA CHIENNE DE MÈRE SERAIT PROBABLEMENT ENCORE EN VIE ! Et tu veux savoir pourquoi sale fils de chien ? PARCE QUE J'AI PRÉFÉRÉ VENDRE TOUTE LA FAMILLE D'HERMES PLUTÔT QUE DE TE VENDRE TOI ! Tu comprends ? T'es en vie parce que JE T'AI PROTÉGÉ ! Mais ça tu vas me le reprocher, hein ? Parce que t'es TELLEMENT PARFAIT PUTAIN !

Tu te frappes le torse, provocation.

— Alors qu'est-ce que t'attend petit caïd ? Viens ! Tu veux me virer ? Tu veux que je disparaisse ? ALORS VIENS PUTAIN VIENS TE BATTRE VIENS ME VIRER, VIENS ME MONTRER À QUEL POINT TU ME DÉTESTE À QUEL POINT T'AS PAS BESOIN DE MOI !

Soudain, tu te stoppes. T'aurais pu cracher mille mots encore mais tu te stoppes. Parce qu'en face de toi, Ezra aborde l'expression choquée, déstabilisée. Sur le coup tu ne comprends pas pourquoi, ta colère et le besoin de tout laisser exploser trop prédominant pour que tu arrives à raccrocher les wagons. Mais quand il te regarde si déboussolé, quand ses mots s'échappent tu percutes, tu te souviens. Tu lui avais jamais dit.

Tu secoues la tête, comme un gosse pris en faute, frustré d'avoir commis une erreur qu'il pourrait te reprocher.

— Non putain non j'ai pas dit ça pour-

Et il chiale, et il pleure, et il reprend du poil de la bête, comme pour te faire payer le fait que si sa vie est ce qu'elle est, c'est parce que tu es là. Et au fond de toi tu ne peux pas lui donner tort. Seulement si t'as vie est ce qu'elle est aujourd'hui, c'est parce qu'il est là lui aussi. Et ça, ça te donne tous les droits d'être en rogne.

T'encaisses la fureur de ses poings contre ton torse, grogne, tu étais le seul qu'il disait et t'as un rire amer, il t'admirait qu'il disait et tu réalises que son admiration t'en avait rien à foutre. Ce que tu voulais, ce que tu as toujours voulu : c'est autre chose. Brusquement tu lui saisis les poignets, si fins entre tes paumes et c'est une sensation à cheval entre le grisant et le dégoût.

— Et maintenant quoi, Ezra ? MAINTENANT QUOI ?

Tu serres un peu plus, t'as la fureur de son regard. Tu lui en veux de pleurer quand t'as juste besoin de lui hurler dessus.

— J'AI DÉTRUIT TA VIE MAIS T'AS AUSSI DÉTRUIT LA MIENNE ALORS JE NE M'EXCUSERAIS PAS.

Œil pour œil, dent pour dent.

— Tu m'admirais ? Je te fascinais ? Bienvenue au club, connard. Seulement ça m'a coûté cher alors tu vas assumer.

Tu plaques ton front contre le sien, pas dans la tendresse, juste une démonstration de force, juste de l'intimidation.

— T'as pas le droit de m'abandonner, t'entend ? T'as pas le droit de me laisser. Tu peux les détester eux, tu peux me détester moi, je te déteste aussi. Mais t'as pas le droit de me laisser partir.

On en revient toujours au même. Dans le fond, y a aucun monde où tu ne trembles pas de son abandon.

— T'as pas le droit, t'entend ?

Tu lâches ses poignets vient saisir son visage pour qu'il te regarde bien en face.

— Parce que la seule chose qu'il nous reste c'est l'autre et ça c'est autant de ta faute que de la mienne. T'es pas un putain de sain. T'as tout fait pour qu'on en arrive là alors maintenant quoi ?

Il ferme les yeux, les larmes qui perlent. C'est toi qui es trop lâche pour partir et c'est cruellement en vrai. T'as plus que lui. Hyperion était entouré, mais Noah, lui, n'a plus que lui.

Et c'est pour ça que tu as cruellement besoin qu'il n'a que toi.

Ses lèvres contre les tiennes, combien de temps depuis la dernière fois ? Bouffée d'envie et de fierté. C'est lui embrasse. C'est lui cède. C'est lui, lui, lui, LUI. Il rend les armes de lui-même et tu gagnes, tu le prends comme ça, tu savoures la victoire. Tu dévores ses lèvres comme il dévore les tiennes. Une de tes mains glisse de sa joue jusqu'à l'arrière de sa nuque. Soudain tu romps le baiser et agrippes ses cheveux pour tirer légèrement sa tête en arrière.

— Tu es à moi.

T'as le souffle lourd. Tu veux imposer ta marque.

— Tu es à moi, c'est clair ?

À toi. Rien qu'à toi. Tu plonges tes lèvres contre sa nuque, ravage son cou, sa peau, ta bouche glisse à la conquête d'un territoire dont tu as perdu le contrôle. Explore comme à la première fois, avec la même avidité, la même passion, trop pressée que tu es de t'approprier ton dernier bien. Parce que si Hyperion avait tout, Noah n'a plus rien. Tu reviens à son menton, à sa bouche de nouveau. Tu tires un peu plus sur ses cheveux, romps le baiser de nouveau.

— Tu fais rien pour partir non plus.

Et tu jubiles, tu respires, c'est lui qui a rendu les armes. Tu lâches ses cheveux .

— T'es incapable de vraiment me détester, tu m'aurais déjà viré sinon.

Tu braques ton regard dans le sien, une main contre sa nuque, l'autre contre sa hanche.

— Tu veux que je reste. Dis-le. Dis ce que tu veux. Maintenant. Assume.

Qu'il scelle son destin. Qu'il ferme la porte de la prison et jette la clé.
Parce que t'as plus que lui.
Et qu'au final, l'objectif n'a pas changé : il ne doit avoir plus que toi.

Tu balayes sa logique implacable d'un geste rude de la main, comme on chasse une mouche trop persistante. Tu en veux à sa logique d'être si logique et à la tienne d'être si déconstruite. Comme pour marquer qu'il sera toujours le plus intelligent de vous deux (et de ce fait celui qui te sera toujours supérieur) il part à la conquête de ta bouche, croque ta lèvre comme on croque un fruit défendu. Tu grognes douloureusement, surpris par la sensation et la chaleur du sang qui vient baver sur ton menton. Il t'entraîne sur le canapé, impose que tu le domines et l'espace d'une seconde tu es incapable de faire autre chose que de le regarder.

Il ne t'accorde pas ce que tu veux, il déforme suffisamment les choses pour te donner satisfaction sans pour autant t’obéir. Il joue subtilement, il manipule habilement pour te garder frustré tout en te retirant la légitimité de te plaindre. Et soudain tu le trouves... Changé. Plus dangereux. Plus fort. Tu te rends compte que le garçon en face de toi tu peux le qualifier d'homme. Que jusqu'à maintenant il n'était qu'une silhouette frêle à infantiliser et protéger. Rien de plus qu'une serpillière à trimballer. Mais tu te souviens soudain de cette bestialité si semblable à la tienne quand il a passé le couteau sous le cou d'Attila. Et tu réalises que cet homme-là est le vrai Ezra.

Et Dieu qu'il est magnifique.

— Tu as changé.

Tu constates, alors qu'appuyer sur une main, tu viens décrire de l'autre la forme de sa mâchoire avec tes doigts.

— T'as moins l'air d'une petite pucelle effarouchée. T'as l'air plus... Dangereux.

T'as un sourire qui trahit à quel point ça t'impressionne, à quel point son insolence nouvelle réveille la tienne.

— Tu me plais. Qui l'eu cru, le petit vampire cachait bien son jeu...

Tu repars à la conquête de ses lèvres, avide, revigoré. Chaque baiser comme une guerre que tu lui imposes, parce que t'as jamais su être doux, parce que dans le fond tu te sens jamais aussi heureux que quand Ezra montre les crocs. Des semaines que tu brûles d'un désir vicieux et terrible pour lui. Dans ta tête défilent des images impudiques aussi dangereuses que sales. Mais tu retiens l'envie de ravager son corps en entier. Juste encore un peu.

— Je vais quand même retourner là-bas, je dois savoir.

Tu te redresses sur lui, anticipes déjà sa colère mais tu coupes, froid, sévère.

— Je te demande pas de comprendre ou d'être d'accord. C'est comme ça. J'irai.

Tu te pinces la lèvre, passe tes doigts sur l'épaule qu'il a mordue avec tant de férocité.

— Mais pas tout de suite, j'accepte d'attendre un peu. Manquerait plus que tu me déchires l'épaule.

Tu fermes les yeux une seconde, les rouvres, vos yeux qui sous l'impulsion de l’émotion trahissent votre nature de monstre.

— Tu sais, je crois que t'es un sale menteur. J'crois que je te fascine toujours autant.

Tu prends sa main et pose son doigt contre tes lèvres.

— La vérité c'est que je crois que t'es dingue de moi, bébé.

Tu hausses un sourcil, a-t-il toujours été ainsi ou est-ce sa peine de cœur (gloire à elle !) qui lui donne autant de répondant ? Ah, c'est pas pour te déplaire. Peut-être que demain matin tu auras envie de douceur, qu'il te prenne dans ses bras. Peut-être auras-tu besoin de pleurer comme un gosse et de chercher à ce qu'on te console comme autrefois. Mais maintenant, tout de suite, alors que l'étrange cocktail du choc, du désir et de la colère domine, tu as besoin d'autre chose. Anesthésier les choses, te laisser fondre. Après tout cela fait des semaines que tu te frustres de vous pour le simple plaisir de flatter ton ego et de briser le sien.

— C'est vrai, t'es le plus grand.

Tu apprécies qu'il ne relève pas davantage, apprécie qu'il ne cherche pas à se battre. Son bassin, qui ondule contre le tien et tu le soupçonnes de vouloir un tout autre genre de guerre. Et c'est dur, Noah, tu le faire languir encore. Son doigt entre tes lèvres que tu suces, geste obscène parce que tu trembles à chaque fois que son souffle flanche. Tu ne le quittes pas des yeux, à aucun moment.

— Tu dois pas aimer mon insolence, du coup... Hein ?

Tu réponds à son agitation en donnant un brusque coup du bassin. À travers vos vêtements tu sens son désir en écho contre le tien. Tu embrasses sa paume la lèche avec délectation alors que lui s'impatiente. Ta bouche descend le long de son bras, mordille le creux de son coude avant de lentement revenir à sa bouche.

— Je crois que t'as déjà une petite idée... Le genre d'idée dont tu crèves d'envie.

Tu l'embrasses fougueusement. T'as besoin de lui, de ça, de vous. T'as besoin qu'il te noie et ne te laisse pas revoir la surface. T'as besoin qu'il te coule par le fond, qu'il t'enveloppe tout entier. T'as besoin de l'accrocher, de fondre en lui, de faire qu'un. T'as fait de Ezra l'obsession de ta survie. Tu crois qu'il le sait. Non, il le sait vraiment. Alors s'il te trahit encore, il en paiera les conséquences.

— Fait moi oublier.

Tu souffles alors que tu fais sauter la boucle de son pantalon, glisse ta main. Tu le détailles du regard, en quête de la moindre micro expression.

— Tu m'as manqué.

Ta bouche qui vient à l'assaut de la sienne avant de descendre lentement à la conquête de son plaisir, lève le regard vers lui comme pour le forcer à formuler l'autorisation. Par pitié qu'il vienne étouffer ta douleur, il n'y a que lui qui sait faire.

Sa main à tes cheveux alors que tu travailles avec entrain à le faire trembler de plaisir. Tu donnes, autant par besoin, que par envie, que par désespoir aussi. T'aurais voulu te consoler en te disant que la vengeance est plus douloureuse pour lui que pour toi. La vérité, c'est que dans sa chaleur tu réalises que tu préfères le tuer que de l'abandonner. Depuis quand ce petit être incertain était devenu le fruit de toute ta folie ?

Il te force à le quitter pour mieux le rejoindre. Tu te redresses, incapable de te dérober à la fièvre que provoquent ses mains contre tes joues, ses lèvres contre les tiennes. Tu captures sa bouche, avide, le souffle court. Tu le dévores comme le dernier des affamés. C'est ce que tu es dans le fond. Affamé de lui, chaque jour, chaque heure, chaque instant. Il t'ordonne, t'étouffe ses mots d'un nouveau baiser avant de hocher la tête, tremblant, avais-tu déjà autant montré combien tu aimais le dévorer ?

— Maintenant.

Rauque quand tu réponds, alors que tes mains empressées et folles s'empresse de le déshabiller. Tu fais glisser son pantalon, manque presque de l'arracher tant les gestes sont précipités. Tu soulèves son t-shirt, ne tiens jamais longtemps avant de ravager de nouveau sa bouche et peau de ton désir indécent. Tu te déshabilles aussi. T'énerves sur le nœud de ton jogging avant de replonger à ses lèvres, ordonner (supplier) qu'il t'aide.

— Défait le nœud, vite.

Tu trembles, comme t'as jamais tremblé pour lui avant.

— Tu veux monter... ?

Attends qu'il refuse, hoche la tête.

— Bien.

Enfin libéré de ta prison de tissu tu presses ton corps nu contre le sien, gémis au contact de sa peau, de la sensation de vos ventres qui s'épousent, de la moiteur de vos cuisses. T'en peux plus. Tu le tournes, ravage son dos de baiser, donne tout ce qu'il faut pour le combler, graver ta présence, la rendre indispensable. Alors que tes mains s’affairent à le contenter tu colles tes lèvres à son oreille, murmure qu'il t'a manqué, murmure qu'il est à toi, murmure qu'il ne doit plus te laisser partir, murmure que tu le veux lui, rien que lui, aujourd'hui, demain, toujours. Et quand tu lui susurres tout ce que tu t’apprêtes à lui céder, à lui donner c'est pour mieux le torturer. Tu joins le geste à tes descriptions obscène que quand tu le sens trembler de tout son être. Tu le sens enfin tout entier et tu te sens enfin tout entier aussi. Tes hanches qui ondulent. Tu l'aimes. Tu l'aimes. Tu l'aimes. Il est à toi. À toi. À toi.

— Ezra...

Son nom comme un chant religieux.
Je t'aime, je t'aime, je t'aime.