Ils t'avaient escorté jusqu'au ministère, t'avaient traité comme un criminel - avec cette condescendance infantilisante qu'on réserve aux malades mentaux. La compassion absente de leur biais, tu as du mal à gérer ta colère. Tu la mues en victimisation insidieuse. Ce n'est pas toi le problème, que tu martèles ! Tu es victime d'une machination honteuse et familiale. Tu ne peux pas être coupable, parce que tu es Atlas Priest et que tu as passé toute ta vie à prétendre être quelqu'un d'autre. Tu as joué le rôle du parfait petit citoyen, sans histoires et toujours un sourire aux lèvres. Dommage que dans l'imaginaire collectif, le fou peut se cacher derrière tous les masques.

Ta première pensée avait été de craindre Azkaban. Mais tu n'iras que si tu perds ton procès. Mais pour le perdre, il faut déjà qu'il ait lieu. Dans le fond de ta cellule, tu restes assis et prostré, tapi dans une semi-obscurité angoissante dû à l'absence de fenêtre. Toi qui a toujours vécu dans le blanc, le noir t'agresse.

Tu ne sais pas où tu es précisément, sans doute au département de la justice magique, dans un espace de détention provisoire. Ils sont peu à passer par là, et le silence est parsemé d'un vide terrifiant. Tes mains sont toujours liées dans ton dos, maintenue par une énergie chaude qui te brûle les poignets. La chemise débraillée et sans chaussures, on t'a également privé de ta baguette et de tout moyen de transplaner ou même de pratiquer la magie. Tu es seul. Seul et désespéré. Seul face à une culpabilité qui n'arrive pas à se propager dans ton système.

Tu appelles - par pitié que quelqu'un t'entende ou te comprenne.

— « Il y a quelqu'un...? »

Tu répètes, la gorge sèche et l'esprit aliéné.

— « S'il vous plait ! Est-ce que quelqu'un m'entend ?! »

Soudain, une porte s'ouvre violemment. Un homme en uniforme (du même genre que ceux qui t'ont arrêté hier soir) arrive. D'une main il déverrouille la cellule, le loquet s'active et le verrou saute.

— « Je reviens dans dix minutes. Donnez-moi votre baguette. Aussi, sachez que toute forme de magie en ces lieux est dissoute. »

Tu reconnais la silhouette d'Elijah. Tu te colles un peu plus contre le mur, recroquevillé sur le banc en béton sur lequel tu es assis. A la fois soulagé de le voir, et mortifié qu'il te voit ainsi. Sale et faible. Tu l'as trahi en t'exposant, tu l'as trahi en te laissant piéger comme un débutant.

— « S-Strauss... »

Le garde referme derrière lui et repart, vous laissant tous les deux. Tu trembles de froid.

— « Tu... Ils t'ont laissé me voir ?! »

Ton monde intérieur qui se stabilise un peu (en écroulement depuis des heures) quand tu le vois. Tu te plaques contre le mur, les genoux pliés contre ton ventre. Sa voix est une lumière dans l'obscurité, tu t'y accroches désespérément. Elijah est bien habillé, propre sur lui. Il a l'allure des grands dictateurs prêts à renverser le monde. Tu voudrais que pour toi (pour vous) il le mette à feu et à sang. Que vous ne régniez que sur des cendres.

La voix tremblante, tu articules difficilement, toujours sous le choc et confus.

— « Il m'a... C'est Steven... Steven et Hyperion. Ils m'ont tendu un piège. Steven raconte partout que je suis malade... Que je suis fou. Il répète que je suis fou ! »

Il t'intime de le regarder. Tu braques tes yeux éteints dans les siens. Cherches à caler ta respiration pour ne pas paniquer. Tu dois garder ton sang-froid Atlas. Si tu te laisses aller tu ne sortiras jamais des ténèbres qui ont déjà commencé à t'oppresser.

— « Oui. »

Tu puises dans tes forces pour te concentrer sur votre échange. Le temps vous ait compté.

— « Lune Choi. C'est une avocate. Je la connais de Poudlard. Elle m'aidera peut-être. Trouve-la de ma part s'il te plait. »

Tu l'implores, la haine qui commence à bouillir dans tes veines.

— « Je ne veux pas aller à Azkaban. Elijah. »

Le visage baissé vers lui, il a la figure du prince qui s'agenouille pour te vendre mille promesses. Tu te laisses berner par sa stature. Il est le seul qui peut vraiment entendre ta détresse. La balayer d'un revers de main ou d'une balle bien placée. Tu t'accroches à ses beaux yeux qui se teintent d'une lueur écarlate - tu imagines tes détracteurs subir sous tes mains ou les siennes, les tortures méritées avoir osé te défier.

Tu n’es pas fou.
Tu répètes dans ta tête cette affirmation pour y croire plus fort que le reste. Ils mentent, il n'y a rien qui cloche chez toi. L'enfer c'est les autres, ce sont ceux qui ont décidé de croire ces deux traitres.

— « Elijah... »

Tu rentres les épaules, l'expression dévastée. Inspires, expires. Tu clignes des yeux et réfléchis. Qui d'autre pourrait rester ton allié ?

— « Fallen Cavendish. Je dois voir Fallen. »

Elle est cette amie dont tu as gardé le nom secret. Tu es bien obligé de lui en dire plus aujourd'hui - quand le monde est contre vous et menace de vous séparer.
Tu manques de craquer quand il dit que tu es sien. Les larmes d'inconfort pointent au bord des yeux. Tu confesses d'une voix tremblante (mais est-ce de peine ou de haine ?). C'est comme un murmure.

— « Je veux retourner dans la cage. »

Si tu n'es pas fou, alors ils sont en train de te le faire devenir.

— « Je veux que tu m'enfermes en bas et ne plus jamais en sortir. »

Il avait raison depuis le début, là-bas tu es en sécurité.

Qui aurait cru que tu le choisisses lui ? Qu'il soit le seul à pouvoir te réconforter, à avoir le droit de te prendre dans ses bras ? Tu cales ta tête sur son épaule, le souffle incertain. Ses doigts à ton visage, tu en as besoin. Il te caresse la tête et tu te laisses aller. Tu cales bien ta joue contre son cou, respires son odeur pour ne pas perdre la face.

— « D'accord. »

Certain qu'il ne peut pas te voir dans cette position, tu sanglotes comme un ange mortifié. Il n'y a ni remords dans tes pleurs, ni regrets. Tu n'as aucun recul sur tes mauvaises actions, juste la peine immense de t'être fait pincer.

— « Ne me laisse pas là. »

Puis les spasmes larmoyants se transforment peu à peu en ricanements hystériques. Tu ris à son oreille, le regard braqué devant toi. L'image de ses boucles brunes qui parasite ta vision. Tu implores, ordonnes, réclames, requiers.

— « Tue les. »

Steven, Hyperion, tout ceux du ministère.

— « Tue les tous. »

Tu susurres d'une voix rauque et éraillée.

— « Je veux leur tête. Je veux qu'ils souffrent. Je veux que tu les retrouves et que tu leur fasse payer. »

Tu sens bien qu'il répond parce qu'il faut répondre. Parce que vous n'avez pas beaucoup de temps ensemble et que le gardien peut sonner la fin de votre échange d'un moment à l'autre. C'est dur mais personne ne doit surprendre votre étreinte. Personne ne doit soupçonner quoique ce soit. Tu es beaucoup trop mal pour être honteux. Elijah est le seul qui te comprenne au final, le seul qui fera tout pour te faire sortir d'ici, pour te faire croire que tu n'es pas malade.

Lorsqu'il t'énonce ses intentions, tu tressailles. Il doit retrouver Noah, il doit vérifier ce qu'il faisait là aux côtés de ton père.

— « Un enregistrement. Je suis sûr qu'il a enregistré mes confessions. »

Tu réprimes un frisson quand ses lèvres glacées épousent la peau de ton cou. Ton corps se souvient du passage de ses crocs et des caresses qui les précédaient.

— « Elijah. Tu dois rompre le pacte du calice. »

Tes mains toujours liées dans ton dos s'agitent. Tu essaies d'articuler tes doigts engourdis. Le dévisages d'un air sérieux.

— « Le ministère ne doit pas voir la bague. Ils feront les rapprochements, et ça ne pourra que me desservir. »

Tu baisses la tête, épuisé à l'idée de marchander avec lui.

— « S'il te plait. »

Tu hoches la tête quand il questionne vis à vis de l'enregistrement. Tu es même certain. Tu n'as cessé de revisualiser la scène depuis que tu es enfermé, comme un mauvais film, comme un cauchemar. Les paroles de Steven te reviennent en tête : Tu as tout ce qu'il te faut, Hyperion ? Un piège grossier. Ils n'auraient pas pris le risque de mêler la brigade d'intervention et le ministère s'ils n'avaient pas des preuves contre toi. Tes aveux sont une preuve suffisante.

— « S'ils font écouter l'enregistrement de mes aveux pendant le procès... je suis fichu. On m'enverra loin d'ici... »

Tu constates, les traits fatigués, qu'il est foncièrement outré de ce que tu lui demandes ensuite. Tu imagines bien que rompre le pacte du calice est un service un peu trop ambitieux. Mais tu n'as pas le choix Atlas, s'ils découvrent (et ils le découvriront à la bague) que tu es lié à Elijah Strauss, ils iront fouiller votre maison, ils iront lui poser des questions. Hyperion et Ezra seront au courant. C'est pour son bien. Pour votre bien.

— « Je sais que ça te coûte. »

Il te tourne pour accéder à tes mains. Recroquevillé, tu pousses un gémissement d'inconfort. Quand il embrasse la bague, celle-ci produit une chaleur qui te fait tiquer, avant de disparaitre, laissant une trace rouge derrière elle.

Tu te cales de nouveau dos contre le mur, un peu ratatiné. Tu fronces les sourcils en étirant tes épaules. Tu supportes de moins en moins cette position.

— « Alors promets-moi que tu feras tout pour que je rentre. Et on refera le pacte, d'accord ? »

C'est vraiment la dernière chose qui t'importe à ce moment là.

Elijah te demande si tu sais sur quoi il a pu enregistrer tes aveux. D'un mouvement las, tu fais non de la tête. Tu vas devoir compter sur lui pour le découvrir. L'idée de remettre ton destin dans les mains d'autrui ne te plait guère... Mais le choix ne t'est plus accordé désormais. Tu feras tout ce qui est nécessaire pour retourner l'odieuse machination contre Hyperion et Steven.

— « Je ne veux pas les enfermer. Je veux les tuer. »

Tu grimaces quand il te soulève. Pas trop à l'aise d'être possiblement surpris par le garde alors qu'il te prend sur ses genoux. Tu tournes la tête pour esquiver un peu ses baisers, avant de te débattre légèrement.

— « Repose-moi s'il te plait... »

Touché dans ta fierté, tu te recroquevilles de nouveau contre le mur. La porte claque et tu sursautes. Le garde finit par arriver devant la grille. A côté de lui lévite un plateau de bronze où est déposé la baguette d'Elijah, ainsi qu'un registre épais de plusieurs parchemins.

— « C'est l'heure. »

Il ouvre la porte de la cellule d'un mouvement de main et attend qu'Elijah se lève pour sortir. Tu suis d'un regard dépité sa silhouette quitter la prison et cales ta tête contre le mur.

— « Au revoir Strauss. »

Glissé solennellement. Tu es amer Atlas. Tu espères qu'il ne te décevra pas. Pas comme les autres.