Breathe.

Comme un besoin de prendre l'air.

Un besoin de s'enfuir de ces murs de briques, de cette foule de visages, de ce temps qui court sans s'arrêter.

Un besoin de s'isoler... enfin, pratiquement.

Et, tous les 1er mai depuis plusieurs années déjà, Sigurd s'en allait. Il partait se réfugier dans la forêt de Sherwood. Un lieu très intriguant pour un né-moldu comme lui, mais il s'y était attaché.

Il faisait beau aujourd'hui, à l'ombre des chênes. Son sac de randonnée sur les épaules, Sigurd marchait d'un pas tranquille, retrouvant avec plaisir les odeurs caractéristiques de la forêt.

Cette année, il était particulièrement heureux de cette parenthèse. Sa participation en tant que coiffeur en coulisse de Danse Avec Les Sorciers l'avait ébranlé. Cet honneur s'était accompagné d'un stress intense en plus d'une stimulation constante - l'euphorie s'était mêlée au trac. Et surtout... il s'était loupé. Il avait raté la coiffure d'une des candidats -Robyn, qui plus est ; le destin s'acharne- et, si le résultat n'était pas si catastrophique que ça, il s'en voulait énormément.

Alors qu'il spiralait dans un océan de pensées dangereusement déprimantes, il finit par arriver à sa destination : un bord de rivière non loin de deux imposants rochers sortis d'on ne sait où.

Comme chaque 1er mai, Eridani se trouvait là. Ses beaux cheveux aux reflets rouges si reconnaissables ajoutaient une jolie touche de couleur aux lieux.

"Hey."

Il s'approcha d'elle doucement en souriant. Enfin un peu de repos.

Chaque fois, il avait l'impression qu'ils s'étaient quittés la veille alors qu'ils ne se voyaient qu'à ce moment-là de l'année.

"Content de te voir ici."

Il avait évidemment un milliard de choses à lui raconter, à lui demander. Mais ils avaient le temps - alors, il ne pressa pas les choses.

"Toujours pieds nus, je vois. dit-il pour la taquiner. Prête à partir ?"

Cette habitude l'avait toujours un peu interloqué même s'il comprenait ses raisons. Il était assez admiratif de cette façon de se reconnecter à la terre - lui était bien trop douillet pour le faire.

L'objectif était d'aller à une clairière un peu surélevée d'où l'on pouvait voir les étoiles la nuit. Un spot peu connu qui était pourtant une véritable pépite, heureusement loin du domaine des Greengrass.

"C'est beaucoup plus agréable, tu devrais vraiment essayer un jour !"

Ce jour ne sera certainement pas aujourd'hui mais, comme chaque année, Sigurd répondit :

"Peut-être l'année prochaine !"

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"Tu penses qu'on rencontrera quelque créature cette fois ?"

Le jeune né-moldu l'espérait bien. La créature magique en question pourrait être un simple lapin géant qu'il serait fasciné quand même.

Si Sigurd restait émerveillé par tout ce qui touchait de près ou de loin à la magie, Eridani se contentait de choses moins fantastiques : la nature, tout simplement. Là où Sigurd serait passé sans y penser, plongé dans les méandres de son esprit ou appréciant simplement l'atmosphère des lieux, Eridani trouvait toujours un objet de curiosité. Une plante, un animal. Son sens de l'observation rendait leur promenade encore plus intéressante, alors il appréciait sa présence. Parfois elle glissait un mot - le nom d'une fleur, d'une espèce d'oiseau - sans s'étaler. Malheureusement, le jeune homme n'en retenait souvent pas grand-chose même si ça suscitait son intérêt.

"Prenons celui de droite, ça fait longtemps."

Une envie d'explorer, de voir si le sentier avait changé - ça devait faire au moins trois années qu'ils n'étaient plus passés par là. Il semblait moins entretenu que l'autre ; plus broussailleux - Sigurd se disait qu'ils pourraient toujours faire demi-tour si besoin, il était encore tôt.

Peut-être qu'un chemin moins emprunté permettrait de rencontrer une créature, aussi...

Ils avancèrent tranquillement, devant parfois lutter avec les fougères pour trouver leur route. Au bout d'une heure, ils arrivèrent à une petite clairière. Au centre se trouvait un tronc de bouleau, probablement déraciné à la suite d'une tempête il y a longtemps.

"Ne serait-ce pas l'endroit parfait pour faire une pause ?" fit Sigurd en souriant.

Il alla s'asseoir sur le banc improvisé, et, tout fier, sortit de son sac deux sachets de chocogrenouilles.

"J'ai apporté des vivres !"

Oui, pour lui qui avait un faible pour les jeux de hasard ET le chocolat, les chocogrenouilles étaient évidemment son pêché mignon. Heureusement qu'il n'était pas un acheteur compulsif, parce qu'il aurait déjà toute la collection de cartes en trois exemplaires sinon.

Sacrée Eri, elle avait encore tout prévu. Deux boissons, quel luxe ! Pas que Sigurd n'ait rien pris bien évidemment, mais il avait toujours l'impression qu'elle avait un cran d'avance sur lui en la matière.

"Ah ça ! ..."

Il se versa de la limonade en réfléchissant par où commencer. Tout était si calme autour d'eux, un endroit propice pour une conversation telle que celle-ci. Pour se remémorer à tête reposée les événements passés, prendre du recul.

"J'ai été diplômé de mon DEMA l'année dernière, j'ai donc enfin rejoint le monde du travail monotone et ennuyeux !" dit-il en souriant, d'un sourire montrant qu'il était loin de penser ça.

Le jeune coiffeur but une gorgée - il en avait bien besoin après toute cette marche - avant de continuer.

"J'ai eu beaucoup de chance, la mère de Malone a accepté de m'embaucher à peine sorti de l'école. Donc ça fait déjà plusieurs mois que je suis coiffeur à son salon."

Il se gratta légèrement la tête, réfléchissant à quoi dire.

"C'est génial mais aussi très stressant. Il m'est arrivé de faire quelques erreurs par-ci par-là et on ne peut pas toujours tout rattraper..."

Son coeur se serra un peu en repensant au DALS, qu'il hésita à mentionner puis finalement se ravisa. Peut-être Eridani avait-elle suivi l'événement. Peut-être avait-elle vu son raté (enfin, son raté sur Robyn). Il n'avait pas envie qu'elle confirme ses craintes.

Craintes probablement insensées, parce que la coiffure n'était pas horriblement horrible... sauf aux yeux de Sigurd.

Il espérait avoir l'occasion de se rattraper un jour.

"Mais bon, il haussa les épaules, ça fait partie de l'apprentissage j'imagine. N'hésite pas à passer au salon, ce serait un honneur de m'occuper de tes magnifiques cheveux. Enfin, ce que je viens de dire ne doit pas trop t'inspirer confiance j'imagine !"

Il lui adressa un clin d'oeil complice avant de prendre une autre gorgée de limonade. Un oiseau curieux - gourmand ? - se posa non loin d'eux.

Il ne regrettait clairement pas son choix de voie, mais vraiment, il arrivait que ce ne soit pas bon pour son coeur. Ses collègues avaient toujours l'air si sûrs d'eux, alors lui aussi faisait de son mieux pour inspirer confiance à ses clients.

Cependant, parfois, il sentait une grande pression sur ses épaules... Alors qu'on ne parle que d'une coupe de cheveux. Heureusement qu'il ne rêvait pas d'être chirurgien.

"Et toi, que deviens-tu donc ?"