Il brûle si ardemment Avalon - brûle autant que l’alcool qui a traversé sa gorge pour l’incendier si fort qu’il n’en distinguait plus ni le goût ni ses propres sens. Mais maintenant ce sont ses poings qui brûlent, parce qu’il se jette toujours et réfléchit peu, parce qu’il gronde toujours et toujours trop. À y réfléchir, il ne savait plus exactement pourquoi il avait attrapé sa gorge si puissamment cette fois. Peut-être parce qu’il n’avait pas apprécié cette façon dont il l’avait abordé, ni celle dont il l’avait regardé. Il n’avait pas non plus spécialement apprécié comment son camarade l’avait systématiquement empêcher de rétorquer - alors il s’était fait démon véhément. Brutal et irréfléchi qu’il avait frappé de ses poings en criant rageusement sur l’un d’eux.
Il détestait tout, il détestait tout le monde - ce genre d’incident lui confirmait cette idée et alors que l’alcool coulait à flot dans ses veines il se voyait déjà tout brûler, la salle et les uns, les autres et puis tout ce qui resterait.
Ça lui importait peu s’il finissait tous par périr de toute façon. Et alors qu’il frappait sans retenue, et qu’il compte encore à se trouver un peu plus en sang qu’il ne l’était déjà, il sent une pression contre l’avant de son bras, pression forte qui empêche un énième coup de s’abattre. Les deux face à lui se sont contrariés à cette suite, le visage dissipé par les tonalités de l’alcool.
Il ne s’est pas préoccupé de regarder à qui il avait à faire en premier lieu, trop enivré par ses envies destructrices alors qu’il s’agitait, beuglait presque sous la pression.

— Lâche-moi, tu te prends pour qui espèce de connard ? Qu’il grogne en tirant sur ses bras, les traits totalement irrités par la colère - et en percevant que l’individu n’est pas motivé il se retourne, bien décidé à lui en coller une autre ; mais l’écho de son nom résonne en même temps qu’il bascule pour contempler le visage qu’il est persuadé être bientôt amener à déchirer entre ses griffes.

Pourtant, il ne réalise pas tout de suite. Qu’est-ce que t’as dis ? Agressif au possible, il serait sans doute de ces félins aux poils hérissés si on lui demandait - pourtant il s’arrête net en distinguant les traits face à lui, et son sang ne fait qu’un tour.
Comment osait-il prononcer son nom ; comment osait-il le rattraper de cette sonorité horrible qu’il avait fui pendant des années ?
Dans le coeur d’Avalon la réponse était simple, il s’en était tout simplement moqué. Car si ce n’était pas le cas, alors pourquoi l’aurait-il abandonné de la sorte - il se demandait vraiment, mais son esprit était trop ravagé par les effluves de l’alcool et de la colère pour comprendre.
Son esprit alors, a totalement abandonné les deux autres hommes face à lui, et quand il a pivoté assez pour comprendre de qui il s’agissait - il lui a sauté dessus, au sens littéral pour s’apprêter à lui assigner d’autres coups ; Tu m’appelles pas comme ça et tu m’appelles pas tout court. Tu veux que je te tue ? Qu’il grogne au final davantage qu’il veut frapper - il ne sait pas trop ce qu’il lui prend Avalon, il agit sans réfléchir ; il est à la foi dérouté et énervé, tellement viscéral et attristé ; parce que pourquoi maintenant finalement ? Pourquoi est-ce qu’il réapparaissait après lui avoir menti toute sa vie ?

Il gronde Avalon comme la foudre prête à scinder le temps et pourtant, à part se débattre il n’est capable pas même de le faire partir. Et ça l’enrage bien plus qu’il n’y paraît, si bien qu’il serre les poings - si fort quitte à en déchirer sa propre chair ; ça l’enrage parce qu’il ne comprend pas, parce qu’il a tellement de questions qui le ronge et qu’il ne lui a jamais donné de réponses. Parce qu’il ne se doute pas une seule fois que ce n’est en réalité nullement sa faute. Et comme toujours, à chaque fois que tout va mal il lui faut un responsable.
Il l’écoute à peine quand il parle, mais le murmure à ses oreilles lui paraît très clairement ; s’il veut le tuer ? Il ne s’y oserait jamais, mais il était si enragé qu’Avalon songeait qu’il en serait capable, à cet instant.

— Ouais, je vais faire ça. Qu’il tonne de plus belle - le bras qui se détache de son emprise et alors qu’il veut abattre un énième coup, c’est le vide dans lequel il s’engouffre. Il ne l’a pas même touché, pas même effleuré ; c’est le néant qui l’étreint de la façon dont il l’avait étreint quand il avait brusquement disparu ; quand il l’avait abandonné, lui et ses belles paroles.
Ludwig devait être comme tous les autres.
Et il en enrageait tant qu’il céda, dès l’instant où il disparut pour se souvenir de ses mots ; le rejoindre, ça ne sera jamais pour son plaisir mais bien pour lui faire payer. De plus, il était bien trop enragé et consumé, l’esprit ravagé - pour dire quoi que ce soit de cohérent. Tellement ravagé qu’il n’a pas même remarqué les deux hommes déguerpissant plus loin dans la foule, mais il s’était assuré qu’ils brûleraient, eux aussi.

Il s’élance rapidement, le pas précipité - c’est sa chevelure blonde qu’il suit parmi les lumières ; il en est certain, ne la quitte pas des yeux. C’est comme s’il était né pour la traquer ; jusqu’à arriver à l’extérieur, où la fraîcheur semble lui dévaster l’esprit plus qu’il ne l’était. De sa colère brûlante, il secoue la tête ; secoue ses boucles dorées jusqu’à percevoir les siennes un peu plus loin. Il fait sombre, mais c’est presque comme si ses orbes luisaient dans l’obscurité.
Moins brutal qu’au départ, il n’en reste pas moins déchaîné.
Et sa question, elle meurt dans son esprit aussitôt qu’il la pose. Ce qu’il lui était arrivé ? Est-ce qu’il en avait simplement l’idée ?
Sans lui répondre, le contemple dans la nuit mais jamais pour le pardonner - ses poings se serrent et il se jette de nouveau sur lui, comme un gosse indécis, comme un gamin qui prête à frapper tout ce qui bouge sans raison. Tête la première qu’il lui fonce dedans, prêt à le frapper peu importe ô combien il doit regretter ; il n’a jamais eu peur de faire du mal. Il avait eu mal, lui aussi.

— Comment ça qu’est-ce qui m’est arrivé ? Son ton est accusateur, sa gorge brûlée à vive par l’alcool et les beuglées précédentes. Ses griffes s’agrippent à son vêtement, alors qu’il menace même de lui clouer le bec avant même qu’il ne réponde. Tu le saurais peut-être si tu- Il s’interrompt, le pousse contre un muret non loin ; c’est faute de lui trouver une raison valable, faute d’y réfléchir. Il a l’impression que ses yeux fanent de sa vue et que son coeur se tord de son abandon. Qu’est-ce que je t’ai fais hein ? Pourquoi tu m’as laissé là-bas ? Pourquoi tu m’as laissé avec eux ? Les morceaux éclatent comme la colère alors qu’il crève, Avalon ; il crève des questions qui lui bouffent l’esprit depuis trop longtemps, il crève de cette promesse qu’il a gardé dans son esprit, même s’il grandissait. Il crevait encore et toujours de ces réponses qu’il attendait sans jamais les recevoir.
Parce qu’il avait toujours refusé que lui le délaisse, il avait toujours refusé de croire qu’il était finalement et peut-être, l’unique problème ? Si Pendragon lui-même l’avait abandonné à son triste sort, alors c’était peut-être évident qu’il en soit de même pour lui.
Mais c’était si injuste.

Ça lui déchire la gorge de poser les questions, ça lui déchire le coeur de ne pas aussitôt y entrevoir les réponses. C’est comme s’il était sous l’eau, incapable de l’entendre. C’est comme si tout ce qu’il espérait entendre ne sortirait jamais ; il s’est déchiré le coeur à espérer et pourtant, il a fini par désespérer et laisser tout tomber. Comme il laissait frapper ses poings, et qui éclatait sa colère en grosses bourrasques.
Il ne l’a jamais oublié, même quand il a désespéré. Quand on ouvrait les portes du manoir, il espérait toujours pouvoir entrevoir cette chevelure bien connue, mais à chaque fois il finissait déçu. Il avait espéré au creux du coeur et pourtant on lui affirmait toujours que oui - on avait bien envoyé ses lettres.

Avalon pensait qu’il avait été maudit ce jour-là, ou détesté. Peut-être que c’était un assemblage de laideur depuis longtemps, et que ce jour-ci Ludwig s’était enfin décidé à ne plus l’entrevoir. C’était cette pensée qui avait hanté son esprit juvénile, trop candide pourtant trop brusqué dans la fleur des grands âges, ceux qui nous apprennent à vivre un peu trop en avance.
Il avait dit qu’il l’épouserait mais il était là, abandonné comme à son habitude. Dans un coin de ruelle qu’il connaissait plus comme les vestiges de ses véritables cris.
Et au début, il l’entend sans l’écouter, le perçoit sans le regarder - il ne sait pas vraiment pourquoi, il ne le contrôle pas à cet instant mais elle est si troublée sa vue, comme elle l’a toujours été finalement parce qu’il ne saisissait rien, ne percevait rien d’autre que de la douleur. Ça y ressemblait un peu aujourd’hui, trop ce soir.

Il lui a écrit, tout le temps, il se souvient encore parfois il y a laissé des grosses larmes entre le dégoût et la colère. Il a écrit longtemps jusqu’à ce que l’encre manque jusqu’à ce que la veilleuse grésille et pourtant, quand il se tenait droit devant à attendre il n’y avait jamais plus rien.
Il écoute, comprend si clairement Avalon, mais il y a ce goût d’amertume qui l’empêche de réellement comprendre, réellement saisir tout ce que cela représente.

— Pourquoi tu m’as pas dis, si c’était juste une promesse en l’air- Il hoquète entre les mots Avalon, ne sait pas même vraiment ce qui lui arrive à cet instant. Lui colérique et vindicatif se retrouve tout autant morcelé par les peines. Parce que sous l’échine qui gronde, il y a tout qui s’effondre. J’ai toujours cru que tu viendrais un jour moi - pourquoi t’es pas venu ? Il se moque de le frapper Avalon parce qu’il a plus mal qu’il ne le montre encore, qu’il cherche définitivement un fautif mais que c’est la sorcière en réalité. Il se moque de frapper à travers ses yeux embués il ne se voit même plus nettement lui-même. Pourquoi tu m’as laissé tout seul ? Je les déteste tous tu sais - il me détestait aussi c’est pour ça tout ça- Et il crache et recrache tout son venin, toutes les douleurs qui puisent au fond de lui, et lui il les laisse flamber, brûler comme un feu lent.

Mais il sait que ce n’est pas de sa faute, au fond de lui-même il l’a compris. Il a entendu ses mots et les a considéré ; il y avait seulement ce doute rongeant au fond de lui. Tous ces maux qui lui ont autrefois rongé l’esprit, c’était comme s’ils mouraient brusquement désormais, comme impossible.
Alors il fait un pas en arrière, le lâche un instant - tout ce qu’il voulait c’était qu’il reste ici, avec lui. Il n’y pouvait strictement rien, mais c’était plus fort que lui. Il avait besoin d’un coupable.

— Je m’en fiche de te frapper je.. Il s’affaisse un instant, le regard incompris - passe une main vive l’avant bras écorchant les larmes maladives qu’il refuse de montrer à nouveau. Parce qu’elles étaient des poignards pour lui-même, un pincement désagréable. Je me suis juste senti tellement seul. Il gronde brusquement, les bras glissant dans ses mèches dorées ; il ne savait pas s’il était totalement brusqué ou si c’était l’alcool, qui rendait ses mots et ses doutes totalement stupides. Avec ce truc.. qui grossissait… Il aurait préféré qu’il n’existe jamais - quand il l’imagine il grogne plus fort encore.
Parce que s’il avait été là, il aurait peut-être pris la bonne décision. S’il avait été là, il l’aurait sans douté aidé ou compris, s’il avait été là peut-être qu’ils se seraient vraiment enfui.
Et même sans ça, Avalon se demandait avec regret pourquoi ; pourquoi est-ce qu’il n’était pas venu plus tôt ?

Il n’y peu rien Ludwig et il le sait ; il n’a pas cette nécessité de le regarder pour le comprendre, simplement l’écouter lui suffit à comprendre. Pourtant, tout brûle en lui, ravage ses émotions et empiète sur la raison. Il s’était fait à l’idée qu’il l’avait définitivement abandonné, peut-être parce qu’il était déplorable. Le revoir c’était comme lui enfoncer un pieu au coeur - un second, et il se souvient de tout Avalon ; les larmes déchirent ses joues et brûlent sa vision floue. Ça lui arrache la gorge de parler, parce qu’il aimerait crier sa peine.
Il l’a écrite et s’en souvient, il se souvient avoir tâché les lettres de perles effervescente ; celle de ses maux les plus lourds et à chaque fois la déception latente l’enfonçait plus encore. Il avait pris sa décision seul, s’était tué seul.
Alors sa demande est simple, mais le tourmente au possible - le regarder, comment pouvait-il ? Il agite rapidement sa tête de droite à gauche, comme un enfant paumé et indécis, et enfonce sa tête entre ses bras, juste un instant. C’est le temps d’effacer cette vulnérabilité brusque et aussitôt qu’il relève le regard, c’est pour retrouver le sien.

Et lui, qu’est-ce qu’il était devenu, au fond ? Pourtant quand il s’explique c’est si clair et si sombre à la fois. Et Avalon simplement songea que le monde était contre lui, qu’il n’avait pourtant pas le souvenir d’avoir offensé quoi qu’il soit jusqu’à tout ça. Mais l’éclat de son nom (qui n’était plus cette laideur d’autre fois) lui a forcé un pincement au coeur, parce qu’il s’en était rappelé.
C’était suffisant. Mais pas assez pour arrêter les flots sur ses joues ; Avalon pensait qu’il n’avait jamais ressenti autant de peine, de colère ou même de joie que ce soir - un cocktail trop étrange qui alimentait ses réactions, et il n’en maniait rien du tout.

— Avalon, tu t’es souvenu.. Il a un sourire qui se tisse, morcelé par la peine ; mais il est bienheureux ce sourire sur ses lèvres, béni par sa présence. Il lui avait dis déjà longtemps avant que c’était ce qu’il préférait, ce nom auquel il s’identifiait plus que le reste. Et Ludwig s’en était souvenu, comme personne.
Mais il en demeure trop déchiré pour tout comprendre, sans même broncher ; s’il ne l’abandonnait plus ? Mais il ne croyait plus en personne - comment pouvait-il encore y croire ? Et si tu finissais par le faire, hein- Arrache ses larmes avec vivacité - il n’était plus ce gamin pleurnichard, il ne s’y entrevoyait plus. Il avait cessé de pleurer il y a longtemps. Et si toi aussi tu finissais par croire que je suis comme eux alors.. Il grogne entre ses petites larmes ; il ne contrôle pas ce qu’il ressent, peu importe à quel point il veut que ça sorte neutre et vif à la fois.

Mais il n’y peut rien Ludwig, il le sait. Il n’a jamais voulu ça, quand il n’a pas agit ce n’était pas sa faute ; et il était peut-être le seul à pouvoir l’écouter, à savoir l’écouter ; Alors tu m’y ramènerais peut-être.. Non, non tu peux pas- Secoue la tête, parce qu’il ne sait plus quoi ressentir et qu’il ne sait plus comment le ressentir. Il a pourtant entendu ce compliment, il en aurait été fier s’il n’était pas dans cet état, il ne comprenait plus pourquoi il n’arrivait plus à réagir simplement.
Il avait l’impression que tout ce qui lui rappelait le manoir était définitivement condamné, comme sur un long chemin parsemé, on lui laissait des pièces du puzzle pour lui rappeler. Je préfère mourir que d’y retourner, mais tu le feras pas ? Tu m’abandonneras pas encore ? Pourquoi est-ce que je vous croirais de toute façon, vous êtes tous des menteurs ! Il l’abandonnera peut-être encore, comme Pendragon l’a laissé alors qu’il croyait trouver refuge dans ses bras ; il croyait qu’il trouverait du repos dans l’Enfer mais le démon l’a enserré si fort et rien qu’à l’idée ça lui brûle la gorge.
Il se perd, le contemple mais jamais sans terreur, jamais sans peur que lui aussi ; il ne lui enserre la gorge pour mieux le tuer lentement - il a peur et pourtant il y a cette lueur dans son regard qui s’accroît. Il pleure ; lui aussi.

Son nom de nouveau résonne et c’est comme une fierté à chaque fois - comme si on le considérait vraiment, comme si on l’aimait vraiment sans ne plus le remettre en question. Sans remettre en question son existence, ses principes - comme libre s’il le voulait de tout envoyer balader ou de frapper quelqu’un si l’envie lui prenait. C’était lui tel qu’il avait voulu l’être depuis toujours et il était reconnaissait envers Ludwig de s’en être souvenu, parce que si lui avait oublié alors sans doute cela aurait-il signifié qu’il n’était qu’un grain de poussière - aspiré par le temps, aspiré par tout ce qui est éphémère et peut-être n’était-il pas si important, dans ce cas là.
Et elle est douce sa main, sa paume chaleureuse qui borde son visage ; il ne se souvient pas vraiment de la chaleur. Qu’elle soit maternelle, paternelle ou même fraternelle - pourquoi n’y avait-il jamais eu droit ? Était-ce parce qu’il était moins méritant que tous les autres ? Même si Avalon savait où il avait signé pour en arriver là, il n’avait jamais réellement compris.
Il n’avait jamais réellement compris pourquoi chacun de ses pas laissait un sillage ensanglanté derrière lui ; pourquoi il finissait toujours si consumé par ce qu’il aurait voulu oublier. Pourquoi cette soif vindicative ne se taisait pas avec le temps, quand bien même les bourreaux croupissaient derrière des barreaux.

Alors il le laisse s’exprimer, calmer ses maux ; ceux qui dorment sans se taire. Quand bien même il lui donnerait tort sous le coup de l’épuisement, il ne pouvait nier que son esprit se ravissait d’étreindre cette idée. Parce qu’il arrivait qu’on exprime ce besoin d’être garanti quelqu’un de bien - et Avalon s’était trop imprégné de l’idée qu’il n’était pas suffisant, qu’il ne l’avait jamais été. Peut-être qu’ils avaient tous eu leurs raisons et que c’était lui le coupable, en réalité. Et quand il ferme les yeux pour que s’efface un peu cette vision floue - c’est pour que ses orbes lui brûlent de nouveau, comme quand il avait pleuré ce jour-là, et puis les autres d’après. Il se sentait simplement ridicule, au fin fond de lui ; mais finalement, c’était un peu comme une libération.
Il ne sait jamais vraiment comment répondre aux compliments - pourtant il sait qu’il n’a pas pleinement besoin de lui répondre à cet instant pour que Ludwig comprenne qu’il lui en était reconnaissant. Avalon ne grognait que quand il avait quelque chose à rajouter, et son corps s’était calmé.

— C’est pas grave. Enfin si ça l’est. Mais moins maintenant. Il renifle, ouvre les yeux et l’observe un instant ; le souffle toujours un peu court alors qu’il s’évertue de récupérer un rythme plus agréable. Un sourire moins contrarié se tisse sur ses lèvres dans l’écho de son surnom. Je suis passé au dessus de toute façon.. C’est faux, partiellement faux et ça s’entend - il y a bien plus de colère dans la phrase que de réelle nonchalance. La vérité Avalon c’est qu’elle double, se multiplie ; cette colère qui l’embrase.
Cette volonté avec laquelle il aimerait faire brûler le manoir, avec tous ceux qui y vivent.
Le regarde un instant, questionne ses intentions parce que qui sait, au final ? Mais c’est bête, trop bête ; s’il lui aurait voulu du mal il ne se serait sûrement pas autant pris la peine de tenter de le consoler, pas vrai ?
Lentement il hoche la tête, le regard qui finit par divaguer ; c’est juvénile, de quémander son attention peut-être ? Ou bien était-ce simplement ce dont il avait besoin, il ne savait plus vraiment.

Ça le peinait de réfléchir. Tant que je suis ici je suis vivant. Entre leurs mains il s’était senti déjà mort - mais il le savait assez pour ne pas avoir à lui énoncer de nouveau. Et toi ? T’es vivant ? Il ne sait pas vraiment si c’est parce que tout avait des allures de rêves ou si c’est parce que son esprit était si détaché qu’il posait une question aussi étrange. Il voulait simplement s’assurer que lui aussi, allait bien - s’il était tout aussi cassé de lui ou un peu moins, un peu plus - il espérait qu’il n’aurait plus la nécessité d’envoyer des lettres maintenant.

Il se moque bien des larmes qui coulent Avalon, les perles translucides aux portes de ses orbes ou des rives déjà débordantes sur ses joues - ça importe peu. Parce qu’il était là maintenant, il était là alors tout le mauvais temps se dissimulait derrière des astres fastueux.
Tout est comme avant alors il n’a pas besoin de mentir, tout est mieux qu’avant (certainement) alors il peut s’ouvrir avec un peu plus de franchise. Mais quand son regard s’assombrit et que son sourire fane il a les teintes interrogatives Avalon ; combien de temps déjà ? Il a perdu la notion du temps depuis longtemps pourtant, tout cela lui a paru comme une éternité - il devait avoir manqué tant de choses et pourtant, c’était toujours ce même Ludwig qui se tenait face à lui. Quand bien même il avait tant changé, il lui semblait toujours cette personne si généreuse et bienveillante.
Si son esprit s’en était calmé, la scène lui semblait toujours si floue et invraisemblable. Un mirage, éthéré qu’il avait criblé de colère à son arrivée.

— Ouais, t’es vivant je pense du coup. Sourire rieur aux lèvres pourtant cette suite et ce visage déformé par la peine ne prête sûrement à rien d’aussi drôle que ça. T’as qu’à me dire qui te pompe l’air, je lui saute dessus hein ! Maintenant qu’il avait passé sa colère et sa peine sur lui - et même s’il s’en voulait un peu, il était trop tôt pour regretter - il se sentait déjà un peu plus léger. Ta mère est en prison aussi ? Sa mère a lui ; il ne se pouvait probablement plus l’appeler ainsi, comme les autres. Ils ne valaient rien, plus rien - et quand il y repensait, c’était simplement brûlant dans sa mémoire, brûlante l’envie d’aller soi-même finir ce que le monde avait commencé.
Mais ce que Ludwig lui dit lui va droit au coeur et il se sent fleurir un court instant - se sentir vivant, c’était probablement ça. Et maintenant qu’il y avait goûté, il ne lâcherait plus cette liberté dont il était avare - il la prenait avec tout ce dont elle était composée, colère et tristesse, rage et angoisse, peine et dégoût.
Alors il ne lui rend qu’un sourire béant, ses sourires dont il n’imagine pas même la largeur tant ils sont plus naturels qu’autre chose ; et à sa question, Avalon ricane, l’air tout aussi espiègle que son vis-à-vis.

— De base je viens juste me détendre. C’est pas prévu que ça parte tout le temps en couilles.. Hausse les épaules, même si la situation est un peu moins drôle qu’il n’y paraît. En réalité il ne peut pas s’empêcher Avalon de sauter au cou de n’importe qui, pour l’épuiser ou les frapper - il y a cette rage qui gronde et le brûle à petit feu et c’est sa seule façon d’évacuer tout ce qu’il ressent. C’est si confus ; Les gens font pas d’effort pour pas me faire chier aussi, comment je suis censé me retenir. Mais il part toujours au quart de tour et c’est souvent peu mérité ; un regard trop suspicieux, des mots trop mal taillés et il s’empresse de faire parler ses poings. Il avait toujours été plus doué qu’avec des mots de toute façon.

Il a toujours tout réglé par les poings alors ça lui semble si légitime de toujours si résoudre et quand il tape parfois il oublie (parfois) pourquoi ; il se gorge d’une colère qui lui est systématique et il en oublie parfois la raison. C’est qu’il la perdue il y a longtemps maintenant alors à quoi bon trop penser - quand il peut juste faire cogner pour libérer tout ce qu’il n’arrive pas pleinement exprimer ? Alors savoir se battre, il ne sait pas trop Avalon ; tout ce qu’il fait c’est sauter au cou des gens et frapper le regard grondant. Il a perdu plus d’une fois et il ne ferait pas long feu en tactique - qui plus est, on ne peut pas vraiment dire qu’il ai beaucoup de forces.. Plutôt de la hargne.

— Tu trouves ? Y’a besoin de savoir, même ? Qu’il rit alors que ses orbes contemplent un instant ses mains ; pas si égratignées que ça on ne peut pas dire qu’il se soit réellement battu ce soir là. J’ai même pas pu me donner à fond puisque tu m’as interrompu. Et au final qui sait, c’est peut-être pas plus mal - car sur le bout de sa colère voilà qui il a fini par retrouver et c’était mieux que toute la violence du monde dont il pourrait faire preuve. Il ne l’avait avoué que par sa colère et ses soupçons de rancoeur mais ; Ludwig lui avait bien plus manqué que ce qu’il montrait.
Il avait été une présence si nécessaire après tout l’oublier était comme oublier une partie de lui, qui dort parfois mais qui n’a jamais cessé d’exister.

— Pas besoin de boire pour se faire submerger. L’alcool n’a jamais eu trop d’effet sur lui à ce sujet, surtout quand on parle de brutalité ; il n’a jamais eu besoin de rouler la table pour crier sa colère, il n’a jamais eu besoin qu’on l’efforce de le faire, il le faisait de lui-même.
Mais peut-être que s’il a pu être aussi honnête envers lui ce soir, c’est grâce à ça. Pas moyen qu’on m’enferme, je te rassure. Ou peut-être que si, va savoir. Ça ne lui a jamais vraiment rapporté de problèmes, quand on y pense ; seulement des petites séquelles, celles qu’on oublie d’un coup de baguette et pour le moment il est en un seul morceau. C’est la seule chose qui compte. Ou alors tu viendras me libérer hein ? Rire moqueur, parce que de toute façon peu importe il refuse qu’on lui passe les menottes ; si ça doit arriver, alors il brisera lui-même les chaînes.

Il sourit Avalon, bien loin de ce visage tordu par les larmes et par la colère qu’il abordait plus tôt. Parce que même s’il lui en a voulu ce soir, d’avoir si subitement disparu il était là. Il était là et il ne méritait pas toute cette rancoeur qu’il manifestait si aisément envers tout le monde ; il ne méritait pas qu’il enrage et le frappe, il ne méritait pas d’être interposé au même rang que tout ceux qu’il rêvait de faire brûler.
Ce n’était pas sa faute, et il réussissait à le comprendre, pour une fois - même si ces poings avaient menacé de le cogner, ça n’était plus le cas désormais. Il réservait cette haine véritable pour les autres et peu importe combien de fois il devait perdre.

Alors cette révérence et ce baise-main le font plus rire qu’autre chose ; finalement, il le perçoit tel qu’il a toujours été. Peut-être pas dans la forme exacte qu’il avait dans ses souvenirs, mais presque. Il se dessinait encore et encore, peu importe ô combien son esprit se constituait de souvenirs désagréables. S’il n’y en avait qu’un seul qui devait persister, Avalon espérait que cela soit ceux qu’ils passaient avec lui ; parce qu’il ne s’était jamais senti aussi bien compris que par lui.

— Tu n’as pas vraiment changé. Jamais vraiment. Qu’il constate, sourire aux lèvres. Parce que leur réunion ne fait que lui rappeler qu’il a toujours été celui prêt à l’épauler, toujours été le plus présent auparavant même s’il avait demeuré le plus absent récemment. Ça n’était pas grave. C’est vrai, je pense que même toute la bonne volonté du monde n’est pas prête de nous foutre à taire. Sourire fier, parce que qu’est-ce qui était plus puissant que lui-même ; rage inépuisable et volonté fervente ? C’était sans doute ça et Ludwig en compagnie. Si ça paraissait anodin dit de la sorte, Avalon savait tout ce que cela représentait à ses yeux.

— Bah oui, t’as cru que j’allais me tirer maintenant ? Rire silencieux cette fois ; alors qu’il l’aborde d’un regard malicieux - un peu moqueur ; Ne me fais pas patienter trop longtemps si tu veux pas me retrouver de nouveau au milieu des bagarres. Rire furtif alors qu’il relève la tête ; l’impression toujours d’avoir détaché son esprit de son corps pour crier tout ce qu’il ressentait, mais de toute évidence ça allait déjà mieux qu’avant.

L’étreinte qui se manifeste autour de lui, paisible et délicate n’a de cesse pourtant de le surprendre ; c’est comme s’il l’avait depuis si longtemps attendue et qu’elle n’était jamais venue. Peut-être qu’il ne méritait pas d’être étreint de cette façon - mais peu lui importait car c’est frénétiquement que ses bras vinrent l’accueillir de plus belle.
En réalité, il aurait aimé pouvoir l’accueillir plus tôt, l’enserrer quand il en avait le plus besoin, ou même lui parler quand les maux le perçaient.
Quand il lui affirme que ça ne sera pas long il hoche de la tête, silencieux. Rattraper le temps perdu, il ne sait pas si l’éternité même lui suffirait. Peut-être que oui ; une partie vague de lui-même ne pouvait se résoudre à ressasser et pourtant, Avalon s’était rendu à l’évidence.
Le plus important, c’était maintenant, et rien d’autre. Pour cela qu’il le laisse s’envoler parce que rien n’a plus des allures d’adieux ; il sait qu’il le reverra cette fois et ne se peint plus de colère ou de mépris.

— C’est moi qui suis heureux. Bien plus peut-être qu’il ne l’imagine à cet instant. C’est plus facile à évoquer, laisser flotter cette fois ; comme si les mots traçaient idéalement des sillons d’eux-même ; et il n’avait plus à trop penser cette fois-ci, simplement dire ce qui lui venait.

Cela aurait semblé long pour quelqu’un d’impatient - mais Avalon s’était assoupi légèrement alors le temps était passé plus vite, que le voilà déjà aux côtés de Ludwig. Il a toujours cette impression curieuse en l’observant du coin de l’oeil ; il s’effriterait peut-être s’il l’effleurait. Peut-être se dissiperait-il, et s’il n’était qu’un mirage ? Si Avalon s’était assoupi et qu’il n’était le fruit que d’un rêve reflétant amèrement ce qu’il désirait réellement ? Peut-être verrait-il autre chose aussi.
Le temps de trouver un sens à ses interrogations qu’ils arrivent, et il doit avouer Avalon ne pas être habitué aux autres appartements que le sien.
Pénètre d’un pas dans la pièce à vivre et son regard se noie un instant - sourire aux lèvres il trouverait presque ça stupide.

— Si j’avais su, j’aurais foutu plus tôt un pied dans ce night-club.. Il n’était pas là depuis si longtemps, mais l’idée même que Ludwig était si proche depuis tout ce temps le hantait. Il s’était confirmé dans l’idée qu’il disparaîtrait comme les autres, alors c’était déroutant. Le faire remarquer lui fait se sentir plus stupide encore ; Désolé, généralement quand t’accueille les gens chez toi ils te disent wooow c’est beau mais.. Mais - il était si près tout ce temps et c’est la seule chose qui lui vient à l’esprit.

Rire nerveux qui gronde au bord de se lèvres, tant de questions brûlent celles-ci mais il se limite au possible ; chaque chose en son temps. Lui-même est encore un peu embrumé par tout le reste ; Qu’est-ce que tu viens faire ici ? Au fond il avait quelques hypothèses sur la réponse - peut-être que tout comme lui, tout était mieux loin de là-bas.

Il se doute que ce n’est pas une critique - et il se demande par la même occasion, ce qu’il entend vraiment par là Ludwig. Laisse fleurir un rire court sur son visage parce qu’il se sent léger à cet instant, comme s’il avait l’occasion de revivre ce qu’ils avaient déjà vécu, mais sans personne pour les séparer ni-même les déranger.
C’était quelque chose qui d’habitude, ne lui tourmentait jamais l’esprit ; mais c’était en le revoyant aujourd’hui qu’Avalon se rendait compte de toute l’importance qui l’avait à ses yeux. Et c’était toujours comme ça avec lui, toujours comme ça avec tout ; n’est-ce pas quand on perd les choses que l’on se rend compte d’à quel point elles nous manquent ?

— Je pense qu’on se complète bien, alors. Ludwig aussi, il sortait de la norme si c’était son cas. À l’époque en tout cas, il avait toujours eu cette impression. Peut-être parce qu’il brisait tous les codes avec lesquels ses parents l’avaient bercé. Avalon y avait pris goût ; peut-être que c’était lui qui avait participé à le rendre si hargneux et têtu.
Alors qu’il se défait à son tour de son manteau, sa question s’effrite dans l’air. Et alors qu’il finit d’une traite son verre d’eau sa réponse le surprend un peu, surtout sur la fin.
Mais au final, sourire aux lèvres - parce que ça lui convenait tellement.

— Ouais, je comprends. Tu te doutes que c’est pareil pour moi.. Soupir simultané alors que ses doigts trônent sur le buvant. Le Corbeau ? Ça te ressemble bien, ça. Qu’il constate, toujours ce même sourire aux lèvres. La réalité c’est que lui, il avait trop l’esprit ailleurs pour pleinement écouter l’oiseau, mais il avait perçu suffisamment de personnes que ses propos avaient enivrés. Ça n’était pas surprenant, il semblait déjà si bon orateur quand on l’écoutait. J’veux dire, suivre les trucs qui t’intriguent même s’ils sont à l’autre bout du monde.. Qu’est-ce qui t’intrigues, au juste ? C’était une question dont il avait déjà la réponse, dont il se doutait parce qu’il était toujours le même au fond, même s’il était évident qu’il avait changé. Il se demandait pourtant ce à quoi il aspirait ; peut-être trouveraient-ils des chemins communs finalement.