Elle brille, Tove.
Sur le devant de la scène, alors que tout le monde la regarde. Les lumières braquées sur ses cheveux qui semblent d'argent et de soleil. La voix puissante et chaude, mais réconfortante. Elle brille, Tove. Faut dire qu'elle est belle. Que le public aime sa beauté. Aime sa tenue et son visage. La voix qu'elle fait chanter.

Mais elle brille, Tove.
Parce qu'elle s'amuse plus que tout quand on l'autorise à faire ce qu'elle veut. A laisser ses cordes vocales vibrer avec une maîtrise juste mais une sensibilité désarmante. Elle est bonne, Tove. Dans tous les sens du terme. Et si elle ne travaille pas ici depuis si longtemps que ça, nul doute qu'elle s'y est fait sa place. Tant par son talent que son travail. Son envie d'aider. De participer. Qu'elle chante ou danse, tout lui plaît. Elle s'improviserait serveuse s'il le fallait. Elle veut faire tourner ce petit monde entre quatre murs autant qu'elle le peut, parce que c'est la maison qui l'a recueillie. Le foyer qu'elle a trouvé.

Alors quand elle descend de son perchoir, qu'elle quitte sa jolie cage dorée où elle ne se sent pourtant pas étouffée, c'est vers toi qu'elle vient. Elle vient souvent. Elle t'aime bien, Tove. Elle aime beaucoup les gens, mais elle t'aime surtout beaucoup toi. Elle aimerait bien être aussi indépendante. Elle se dit que ça viendra.

▬ Constance !

De sa silhouette frêle elle se laisse monter sur le tabouret à côté de toi, sourire aux lèvres. C'est qu'elle se sent si bien quand elle est là.

▬ Comment tu vas ? J'espère que t'as passé une bonne journée !

Et ça peut sembler superficiel, mais c'est sincère.
Elle espère vraiment que tu as pu trouver un peu de bonheur dans la simplicité du quotidien. Car après tout, le petit bout de paradis que tu héberges lui en apporte tant. Ca ne serait que justice à ses yeux candides, tu sais.

Elle était un peu perturbée, Tove.
Quand elle est arrivée ici pour la première fois. C'est une évidence que tu la déstabilisais. Les gens comme toi elle n'en a jamais côtoyés. C'est aussi une évidence qu'elle a changé, Tove. Qu'elle continue de changer, doucement. Elle qui était si recluse, si timide et discrète quand elle a passé la porte au tout début. Aujourd'hui elle sourit. Aujourd'hui elle rit, bien que cachée derrière sa main avec élégance. Elle se laisse à vivre. Elle semble apprécier la chose.
Elle semble goûter à la liberté.
Et ça lui va bien, à Tove.
De ne plus être enfermée.

Le surnom lui arrache un sourire, tout comme le contact que tu lui offres. Elle sait, maintenant, que ça n'a pas forcément beaucoup d'importance. Ca ne l'incommode pas. Au contraire, elle aime bien ce genre de choses. Elle est tactile il faut dire, déprivée d'amour pendant tellement longtemps. Elle a encore un peu plus de mal avec les garçons, mais ça vient doucement.
C'est qu'elle revoit un peu Thomas, encore.
Il a l'ombre persistante.

Et tu es proche, très proche.
Si Tove ne peut nier une chose, c'est la beauté. Parce que t'es belle, Constance. Elle n'est pas attirée par les femmes, à ce qu'elle sache, mais ça n'empêche pas sa poitrine de paniquer un peu et ses joues de rosir. Peut-être aussi parce que tu sous-entends que sa compagnie te fait plaisir. Et pour elle, ça veut dire beaucoup. Même si c'est juste des jolis mots en l'air.

▬ Mes journées sont toujours belles quand je suis ici.

Elle retient son souffle un peu, pourtant.
Avant que son sourire ne s'agrandisse, un brin d'amusement dans les yeux. Elle ne te repousse pas, Tove. Parce qu'elle saurait dire non si ça lui déplaisait (au moins une chose qu'elle sait dire, à force de l'avoir si souvent supplié) et elle se doute que tu n'en viendrais pas à outrepasser ses limites. Vous auriez toutes deux à perdre. Et tu es plus intelligente que ça. Elle ne te connaît pas beaucoup, mais elle sait que tu es plus brillante qu'elle à n'en point douter.

▬ Comme d'habitude ! Un Nojito s'il-te-plaît.

Jamais d'alcool pour elle.
Elle s'installe plus confortablement dans son tabouret après s'être étirée de toute sa longueur. Profite de pouvoir agiter ses jambes dans le vide. De poser ses coudes sur le comptoir, rejetant quelques mèches blondes par-dessus son épaule avant de te demander;

▬ Ca t'a plu ce soir ?

Et elle a les yeux qui brillent un peu.
C'est qu'elle aime progresser, elle aime s'améliorer. Elle aime chanter et s'amuser. Et elle aime rendre les gens qui l'écoutent heureux, ne serait-ce que pour un moment. Elle cherche la reconnaissance et la fierté. La satisfaction de son emploi qui lui plaît. Et qui de mieux à satisfaire que la personne qui l'a employée ? Et peut-être aussi qu'elle aimerait que ça te plaise en tant que personne. Mais ça, elle se gardera bien de l'avouer.

Maigre en compliments mais ça ne la gêne pas, Tove. C'est déjà bien plus qu'on a pu souvent lui donner. Alors elle rayonne avec douceur, satisfaite des mots que tu daignes lui accorder.

▬ Je suis contente si c'est le cas.

Car après tout, ça veut dire qu'elle fait bien son travail. C'est important, pas vrai ? Alors elle est contente d'y arriver. Elle ne se doute pas qu'il y a en toi quelque chose de trop familier, quelque chose que tout le monde semble porter à son égard - l'envie. Celle de mettre un oiseau chantant en cage pour le garder en propriété privée.
Insouciante et ignorante qu'elle est.
Elle apprécie simplement le cocktail rafraîchissant après le travail. La tension qui retombe et la satisfaction de la tâche terminée et du repos mérité. Puis ta question, qui lui fait redresser la tête et semble la surprendre un peu. Après ? Après quoi ?

▬ J'irais où, sinon ?

Elle sourit un peu, Tove.
Pourquoi quitter sa maison ?

▬ Je suis bien ici, j'ai pas besoin de plus et je voudrais pas moins. C'est pile ce qu'il me faut. Je resterai aussi longtemps que tu voudras bien de moi aux alentours. C'est pas comme si j'avais des aspirations de carrière ou quoi que ce soit, j'ai tout ce dont j'ai envie et tout ce dont je pouvais rêver.

Et peut-être que ça semble curieux, venant de quelqu'un qui pourrait certainement faire carrière dans la musique, mais elle est aveugle Tove, à ses qualités comme à ses compétences. Et quand bien même, elle n'est pas sûre qu'elle quitterait le confort de la Pomme d'Or pour plus grand.
C'est qu'elle s'y est fait.
Que c'est devenu rassurant.

▬ Pourquoi ? Tu veux me voir partir ?

Si c'était le cas, elle ne ferait qu'obéir.
Peut-être qu'elle se débâterait un peu avant, quand même. Ce n'est plus aussi facile de la mettre en laisse et de l'y tenir.

Réconfortante, Constance, chaleureuse dans le froid de la Toundra. Elle se plaît à rire doucement quand tu passes autour d'elle tes bras. Quand elle se blottie légèrement contre toi. Profite du contact trop rare pour ses envies qui suffit à faire chauffer délicatement sa peau opaline. Si proche et pourtant t'es si loin. Elle ne se doute de rien.

▬ Tant mieux, je serais triste si tu le voulais.

Et la douce culpabilité qui revient doucement en elle à tes mots (elle ne la connaît que trop) et tu sais elle pense changer, elle pense prendre de meilleures habitudes mais la vérité c'est qu'elles ont la peau dure et que c'est rassurant d'entendre ce genre de chansons.

▬ Oh, non, je n'ai pas envie que tu m'en veuilles...

Trop facile Tove, trop simplette.
Trop bonne, trop conne.
Le baiser contre sa tempe qui la fait tomber dans le piège si facilement alors qu'elle sourit un peu plus - radieuse. Petit soleil, la colombe.

▬ Tu veux bien ? J'en serais ravie !

Car après tout elle a si peu d'amis.
Elle en rit, doucement, sans jamais se défaire de ton étreinte (au contraire) elle s'y blottie un peu plus parce qu'elle y est si bien. Un soupir de confort qui sort de ses lèvres alors qu'elle ferme les yeux.

▬ Merci, Constance.

Merci d'être là, de lui donner une chance.
(Si tu savais, Tove.)
Peut-être que tu ne serais pas si tendre.
Ou peut-être que si.
Tu ne sais pas être méchante.