ciel bleu laisse le soleil se pavaner pour réchauffer les cœurs des miséreux

mais altruiste, est-il, de finalement s’occuper de tous les corps – certains se plaisent à sentir sa chaleur balayer le vent froid de l’hiver qui se meurt, d’autres ne vivent de leur bonheur qu’en se laissant traversé par ses rayons de lumière.
c’est fascinant. ça me rappelle les dépressions saisonnières.

pour échapper aux quatre murs mal éclairés de mon appartement, j’ai vagabondé, date en tête : aujourd’hui il s’entraîne, peut-être valait il que mon temps soit dédié à ses exploits sportifs

ah, non, avant, je termine ce dossier.

pour mon retard justifié, j’ai souris – ils ne virevoltent plus, nos artistes musclés. cela veut dire que son temps m’est dédié, le soleil peut bien s’en aller se reposer
le voilà, l’astre qui échauffe mes humeurs.

les yeux fixés sur ses lèvres (il parait que ça en excite, mais, comment le comprendre si en plus de ne pas l’écouter, je ne peux pas le lire ?)
« je pensais que c’était toi, le spectacle. »

ou tout du moins le contentement qui s’embrase quand je croise ton chemin.
« sympathique, la tenue de sport. mais les costumes rendent mieux sur toi.
j’ai entendu de sources sûres qu’un match contre les griffes va se jouer… »

et puis, je signe avec mes mains pour taire mes mots : « tu me dédicaceras la victoire ? », persuadée que ce qu’on ne dit pas, c’est ce qu’on veut avoir sans demander.

absolument tout, même l’arrogance – je ne pourrais jamais lui enlever ce talent qu’est le sien. il n’enlaidi vraiment aucun défaut. pas même cette audace mal placée lorsqu’il s’agit de se moquer de mes oreilles avec ses sales mots que je n’entends pas ; c’est bien vrai que mon attention est happée par tout et rien… il faut bien cela quand on ne peut pas écouter les ragots. le sait-t-il, qu’une fois le dos tourné, moi je suis toute vulnérable ? et qu’il pourrait m’insulter ou se foutre de moi le cœur libre, sans jamais atteindre mon ego. mais j’ai l’esprit fouineur et il n’est pas censé ignorer que si je tiens à lui ; alors
je sais déjà tout ce qu’il y a savoir.

on enquête, quand on apprécie. on ignore, quand on s’indiffère.

heureusement nous sommes assez badins pour ne pas jouer au chat et à la souris – et j’ignore volontiers combien de temps nous continuerons à faire les innocents, mais qu’il est plaisant, ne trouve-t-il pas, d’être désiré sans être acquis ? c’est comme… un souvenir d’école. le rire inaudible (je n’ai pas encore appris à maîtriser ces esclaffements qui ont la complexité de sonner naturellement maladroit… et vice versa), je fais coucou d’une main à ses camarades épuisés.

« il n’y a rien qui me gêne, lancelot. tu devrais t’en douter ? il y a simplement des choses que tu ne mérites pas encore de savoir, j’imagine. »
s’il me veut il devra apprendre.
« fais-moi monter sur un balai… aller ! rends-moi ma jeunesse, dis ? »

enfin, par ce culot qui est le mien, j’escalade la rambarde pour rejoindre son terrain – s’il me montre comment attraper un vif d’or peut-être lui ferai-je découvrir l’un de mes secrets.

accio. c'est-ce que j’ai lu sur ses lèvres qui, avant que la nuit ne nous gouverne complètement, je saurai capturer. le sourire qui j’affiche, toutefois, ne pourra que te faire douter – suis-je charmée par cette magie que tu utilises sans baguette, ou était-ce mon appétit pour toi qui ne faisait que croitre ?

« que vous êtes doué, monsieur avery. presque autant que moi. » un coup d’oeil sur le balai qui nous sépare et je reporte toute mon attention sur lui pour ne rater aucune parole. « c’est dommage, tu serais surpris par ma dextérité, pourtant. » ponctué d’un sourire hypocrite, délicieusement adouci par le second degré qui m’habille aussi bien que lui.

une main dans la sienne et je prends place sur mon nouveau jouet, amusée par sa dernière blague.

« je ne crie jamais ! » je pleure en silence, je m’esclaffe sans un bruit, je me pétrifie tout en restant muette – je vis dans une absence acharnée du moindre son, et si je parle, c’est simplement parce que sinon on ne m’écoute pas. il serait surement surpris, le jeune avery, de ce que l’absence de sens peut bien éveiller en soi... peut être la cécité lui hotterait cet air hautain qui le rend si désirable. voilà une idée utile.

et quand s’envolent nos corps ; mon cœur ne put que suivre. plaisir incommensurable, bonheur singulier, ivresse juvénile... il n’y aurait aucun vocabulaire capable de lui faire entendre à quel point ce voyage dans les airs éveillait en moi comme un état d’ataraxie jamais atteint auparavant. penchée en arrière pour m’adosser à son épaule, le rire presque inaudible se mêlant au vent. « pitié! que ça ne s'arrête jamais, lance! »

mais chacun des plaisirs de la vie n’existait que par leur manque. une fois les pieds sur la terre ferme, c’est à cet instant que je réalisais toute la gaieté qui m’avait animée, là-haut. peut-être mes joues rouges avaient-elles était un indice, elles aussi.

« c’était génial. j'espère que tu me réserveras un vol à chaque visite ! la vie ne vaut pas la peine d’être vécue si tu me le refuses. » un soupire et mes mains dans les cheveux, il fallait dégager mon visage pour dire au revoir à l’enfant et retrouver mes allures de femme. « dis-moi ce qui peux te rendre aussi heureux que je le suis à cet instant, je te jure que j’essayerai de te le dégoter. »

« hmmm... » sonorité assez longue pour passer du rire heureux au sourire mélancolique - en somme, cela devait sonner comme un soupire un peu las. Comment faisait-il, ce beau garçon, pour sans cesse me rappeler - malgré lui j’en suis sûre! que je ne serai jamais son égale.

« c'est vrai, tu as bien la liberté des cieux... » coup d’oeil sur ce ciel qui pouvait bien appartenir à n’importe qui savait monter un balai. encore fallait-il en avoir un et correctement le manier... mais que peut-on bien désirer de cet espace trop vaste pour être tenu d’un seul homme ? moi je ne veux pas du ciel. il a l’air bien trop solitaire et malheureux. le regard offert à lancelot à nouveau, j’apprécie son sourire ravageur et ses dernières paroles – même si quelque peu désagréables.

que voudrais je bien offrir à un homme qui se vante de tout avoir, sur terre comme au ciel ? on a plus seize ans, lance. te répondre que je pourrais bien m’offrir pour toi, ça ne fonctionne que pour les romances juvéniles – on vaut mieux que ça ; et tu veux bien d’autres choses, que cela. « laisse moi une seconde. » la réflexion m’accapare et le silence, mon bon ami, devenu le sien aussi l’espace d’un instant. après une longue minute bercée par le souffle du vent, je m’élance.

« oh j’ai quelque chose que tu n’as pas. c'est un cadeau particulier, mais, tu devrais comprendre comment l’apprécier. tu me fais confiance, pas vrai ? » qui sur cette terre pourrait bien douter de moi ?
 
posant mes mains sur ses bras, je laissai glisser le bout de mes doigts jusqu’à ses épaules. « ferme les yeux. il n’y a que toi et moi ici, et tout t'appartient, de toute façon. » il ne craignait rien, il avait tout ; sauf ce qu’on voudrait lui voler. c'est seulement après qu’il eut fermé ses yeux, que je retirai mes mains pour librement me placer derrière lui. défaisant le foulard léger qui protégeait mon cou pour le nouer derrière sa tête, en prenant soin de cacher ses yeux, je glisse à son oreille droite ; « j’espère que tu aimes le parfum à la vanille ? » sinon quel gâchis.
 
« alors, monsieur lancelot avery... » mes bras se frayaient un passage entre ses coudes et sa taille, pour l’enlacer contre moi, la joue reposée sur sa nuque. « à qui pensez-vous ? » à qui cette étreinte aveugle pouvait bien le ramener ? le comprenait-il à cet instant déjà, mon cadeau ?

le sourire est large, presque trop fier même, et je ne pourrais m’en cacher. en voilà un cadeau qu’on n’aurait pas pu lui offrir, à ce lancelot qui se pavanait quelques minutes auparavant de tout avoir – et même si c’était puéril, ça me donna comme l’impression d’avoir corrigé un gamin trop prétentieux.  

incapable de lire ses lèvres, je venu récupérer mon petit foulard, le rangeant dans une poche de mon jean.  

« ça n’a pas l’air de t’avoir fait plaisir. » pouvait-on alors appeler ça un cadeau ? aurais-je raté le coche ? mon regard sur le sol j’ai laissé l’incertitude s’en prendre à ma confiance, seulement le temps d’une seconde. « mais je ne sais que trop bien, qu’il y a des cadeaux dont on se serait volontiers passé... avant de les aimer. » victime et avocate, ma surdité je l’ai condamné avant de la défendre corps et âme. mon index pointant l’une de mes oreilles, je me recule pour rejoindre la barrière, afin de m’y tenir, toujours droite dans ce tête à tête capable de laisser s’embraser nos débats et nos frivolités.

« si tu n’as pas apprécié, ce n’est pas grave – tu m’en remercieras plus tard. mais je suis assez surprise de te voir perdre ton sang-froid si aisément. alors ! monsieur lancelot avery aurait-il cet énorme défaut ? pas très glorieux pour un joueur de quidditch. mais je ne le dirai à personne. »

toujours habitée par ce sourire effrontée, par ce soupçon de pouvoir qui pourtant jamais ne m’avait fait envie ; j’avais, finalement, ce soir, réussi à pénétrer la défense de son esprit impossible à sonder ? mais n’était-il pas trop tôt pour se réjouir d’être l’incongrue capable de percer la carcasse d’un homme aussi influent ? au-delà de la fierté j’y avais trouvé autre chose.

« à qui pensais-tu, lancelot? »

qui était cette âme capable de mouvoir ton cœur par une colère aussi pure et sensible ? qui était-il, cet individu, qui sans être là se faisaient pourtant maître de tes émotions ?  

c'est sans curiosité que je lui demande tout cela : aucune. c'est simplement, un peu de jalousie malpolie – parce que moi, ça fait bien longtemps qu’on n’a pas ému mon cœur.

jamais je ne pourrais quémander le moindre pardon ; quel idiot. m'excuser ? d'être la ruse maquillée, l’intelligence espiègle, l’efficacité prodigue... m’excuser d’avoir lutter contre cette sacrée vie pour en ressortir grande gagnante, un pied victorieux sur les moqueries qui m’avaient pourtant tabassées ? chercher le pardon. je suis avocate, moi. pas coupable.

et s’il me fallait m’abaisser à la demande d’une rédemption bien légère, pour ne savoir ne serait-ce que le genre de cet individu qui lui frappa le cœur et l’esprit : autant rester ignare. la curiosité m’a rendu capricieuse et gourmande, mais jamais trop stupide pour en reconnaître les limites.

« lancelot! » et la ligne était si fine. n'est-ce pas ? portée soudainement comme un vulgaire polochon ah elle était bien loin la délicatesse féminine et la fierté effrontée ! était-ce là ma punition pour être venu danser trop près de son cœur ? un rire de surprise qui m’échappe mais je me doute bien, de tout l’intérêt qu’il a, à me tenir de la sorte – nous savons parfaitement que seuls ceux qui refusent que je les écoute sont ceux qui me tournent le dos. alors, que se passait-il derrière moi ? je pourrais faire écrire ses potentielles paroles avec des lettres de feu, sur son gazon si précieux. je pourrais.  

mais mon regard se porte sur l’horizon, sans volonté d’émettre un sort informulé. non à cet instant il n’y avait que ses mots peut-être, ou notre silence, que sais-je, pour gouverner l’instant... et d’indiscrétion aussi frauduleuse, je ne m’en permettrai aucune.

« je crois que tu triches, lance. c'est assez bas de parler dans mon dos ? ah, même un ami comme toi peux donc me planter un couteau dans l’échine. » je laissais le bout de mes doigts tracer quelques courbes sur ses hanches, le regard sur mes ongles. privée d’ouïe je n’avais plus que ma voix pour me plaindre mes yeux pour m’occuper et mes mains pour l’embêter.

« si tu crois que je vais m’excuser pour avoir mis le doigt sur un sujet ardent... tu te fourvoies. et moi je ne te pardonne pas pour un cette bassesse... couvre mes yeux si tu ne veux pas que je lise tes lèvres. moi je t’embrasserais si je ne voulais pas t’entendre ! tu es bête, en plus. j'ai mille façons de savoir ce que tu peux bien raconter. mais je te respecte : moi, je prends cet instant, très insolent, pour un silence. tu n’as rien dit. je ne sais rien. sauf que tu es sacrément culotté... pose moi quand tu auras fini de m’humilier. »

ah, l’horizon s’éloigne et c’est surement car je regagne la terre ferme. elle était meilleure, la vue, lorsque j’étais sur un balai... l’épaule d’un homme ce n’est pas comparable. presque désagréable, même... mais certaines vérités méritaient quelques fois de rester des pensées fugaces.

face à son sourire j’ai fait la moue, partagée entre une fatigue signe de maturité et un amusement badin qui me ramenait en enfance. mais nous n’avons plus l’âge de nous contenter d’être heureux pour si peu, lance. le sait-il ? oui... oui il ne le sait que trop bien, pas vrai ?

« le jour où tu m’embrasseras c’est qu’on n'aura plus rien à se dire... » quand bien même la caresse qu’il m’offrit mériterait bien d’être prolongée pour la nuit, il était sûr et certain... que physiquement si nous craquions, ce ne serait que pour taire la frustration de nos échecs personnels. si nos regards ne sont pas à la même hauteur, ils partagent tout de même cette... frustration silencieuse... qui a façonnée nos vies. voilà ce que je crois.  

la main rejoignant son bras, glissant de son biceps à la pliure de son coude, je venue si proche de lui que je l’avais bousculé. « fais-moi confiance, lancelot. de toutes les étoiles qui gravitent autour de toi je suis surement celle qui respecte le mieux ton espace... quand bien même j’aime te taquiner. » sans pour autant ternir son éclat. ah que serions-nous sans un peu d’espoir...

« tu sais. j'aurai aimé te rencontrer quand j'étais gosse. ton air condescendant et ta droiture infecte signé sang-pur... oui si tu avais été là plus jeune pour me dire que j’avais une jolie voix... qui sait. » j’aurai surement, un cœur plus léger, et des peurs moins sévères. je n’aurai peut-être aucune colère lorsque l’on me porte comme il l’a fait, je n’aurai peut-être aucune vergogne à profiter ses lèvres. mais il n’était pas là quand j’ai rencontré mes cauchemars, et j’ai, comme lui, bien du mal à partager mes pensées. « tu passes la soirée avec moi ? ou bien monsieur est occupé et il me met dehors ? »  

le ricanement est joyeux même si la critique est sincère – il n’a pas tort quand il dit que j’ai le talent d’être envahissante. un peu trop pour qu’on veuille me pardonner, mais pas assez pour qu’on m’en tienne rigueur.

la marche entamée nous quittons lentement le gazon si précieux des joueurs de quidditch, surement pour rejoindre les étoiles de la ville, sans que je ne puisse me détacher de son bras. « pleurer ? comment tu aurais fais ? raconte-moi tes vices d’antan coquin, je veux avoir un aperçu du lancelot juvénile que j’ai raté ! »

à défaut de se défaire du présent, j’ai plaisir à croire, égoïstement, que l’on puisse se jouer du passé ; de quoi se découvrir un chemin différent, loin des erreurs qui s’érigent par-delà mes rêves... et si nous étions ce que la jeunesse nous a volé, lancelot ? la nuit ne peut nous dénoncer.

« je veux de votre compagnie toute la nuit, monsieur avery. » d’un timbre apaisé pourtant stimulé par le remord et l’envie. mon regard, lui, ne faisait que chercher ce que la fin de cette journée nous préparait ; là-bas au loin il y avait surement des margaritas et des lumières éclatantes, et, en me projetant si loin sans plus le regarder lui, j’avais finalement compris que, quelques fois, c’est moi qui n’ai pas envie de savoir ce que les gens disent. que répondait-il, à mes avances aussi légères que badines ? et si un jour nous perdons ce soupçon d’innocence qui fait notre force, lancelot ?

et si un jour nous nous perdions de vue, trop accaparés par ces âmes qui volent tout notre intérêt. à quoi ça ressemble, l’amour, quand on est volage, lance ?