Conversations de Concordances

Corps et esprit épuisé, mais il a du mal à l’admettre. Se tient toujours pourtant bien droit dans son costard beige quand il passe la porte de la Wyverne, le bleu de ses yeux qui balaye le maigre de l’assistance. Il pourrait être là pour Nikolaï mais ce n’est pas le cas, même s’il eût apprécié croiser le semi-vampire. Ramène son corps près du bar, derrière lequel tu te trouves.

Il prends délicatement place, maigre sourire sur ses lèvres à ton attention.

— Bonsoir Aaron.

Le ton se veut moins rigide qu’il ne l’est habituellement, mais le reste un peu. Il attends ton attention, que tu ne sois pas dérangé ailleurs pour formuler le glas de sa demande.

— Un irish coffee je te prie.

Attends sagement d’être servi. Ses doigts qui se glissent contre le verre doucement, avec minutie sans boire une gorgée pour le moment.

— Pas trop fatigué de la journée ? Je suis contente de te croiser sur une journée où le bar n’est pas plein à craquer. Nikolaï dit beaucoup de bien à ton propos.

Une manière bien à lui, d’entamer la conversation.

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Quand la porte s’ouvre et se referme sur un nouveau client, c’est à peine s’il lève le regard. Les va-et-vient ne cessent jamais ici. Et c’est trop fatigant d’accueillir chaque nouvelle venue avec des courbettes inutiles. Mais Aaron est bien obligé de porter son attention sur la tête blonde qui vient de s’asseoir au comptoir. Blair. L’un en face de l’autre comme ça, ils forment le yin et le yang. La grâce d’un côté, la grossièreté de l’autre. Sans que ça ne dérange véritablement le serveur qui lui rend un sourire plus prononcé.

« Un irish coffee pour sa majesté ! »

Avec agilité, il lui prépare sa boisson quelque peu inhabituelle pour l’endroit. Mais Blair n’est pas vraiment comme tout le monde. Ce qui est loin d’être déplaisant. Et le verre une fois servi, Aaron ne peut s’empêcher de lever un sourcil. Et de ricaner.

« Ah ouai ? Tu sais, tu peux être honnête, ça me vexerait pas qu’il dise que j’suis un vrai p’tit con. »

Parce que cela serait ce qu’il y a le plus proche de la vérité. Mais peut-être que ces mots ne traversent jamais la bouche de quelqu’un de bien comme Nikolaï. Et il faut dire qu’il apprécie tout autant son collègue.

« D’ailleurs si t’étais venu le voir, il est pas là aujourd’hui. »

Esprit pas assez aiguisé pour rebondir sur le reste des propos de Blair. Parce que de toute façon, s’il est venu là, c’est certainement pas pour la taper la conversation.

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— Merci Aaron.

Il te regarde servir, détaille le moindre de tes mouvements comme happé, fasciné même si ce n’est que du coin de l’oeil. Pourtant tu lui tires le glas d’une presque sourire par ton honnêteté débridée. Il détends légèrement ses épaules, bois doucement une gorgée, le regard toujours sur toi alors qu’il le repose délicatement.

— Je ne venais pas le voir. J’ai juste eu l’envie de faire une pause. Je n’en fais pas souvent. Et j’apprécie cet endroit, et tu es autrement très rafraîchissant.

Ce n’est pas simple de formuler les compliments, il n’est pas sensible, il n’est pas socialement adapté, parce qu’il donne tous dans son travail, il sort rarement de la rigidité dans laquelle on l’enferme. Dans laquelle il s’enferme plutôt.

— Je m’étais dit qu’éventuellement tu apprécierais un brin de conversation mais c’est fort présomptueux, alors je dirais que j'espérais sûrement avoir l’occasion de te décocher trois mots, plutôt que d’aller me perdre au milieu des Londoniens et des touristes.

Il ne les appellent pas les moldus.Même si le monde veut ça, c’est juste que pour lui tout le monde est pareil. L’avantage des deux mondes quand certains n’y voient que de la mauvaise influence.

— Tu travailles à la Wyverne depuis longtemps je me demandais ? Enfin si tu as le temps de discuter un peu.

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S’il pouvait, Aaron prendrait note de tous ces mots si distingués que Blair prononce à chaque fois qu’il prend la parole. C’est beau, presque poétique. On y verrait même presque des étoiles briller. Mais ça le fait aussi sourire. Pas méchamment, mais quand même foutrement sourire. C’est qu’il a pas l’habitude.

« Très…rafraichissant. »

Il se retient.
Et puis finalement non.
C’est plus fort que lui, il ne peut pas s’empêcher de pouffer de rire.

« Putain je l’aime bien celle-là. Et euh bah du coup… merci ? »

Mais c’est la suite qui finit par réellement le flatter. Et le prendre de court aussi. Un brin de conversation ? Avec lui ? Mais… pourquoi ? Qu’est-ce qu’un type comme Blair pourrait avoir envie de dire à quelqu’un comme… bah comme Aaron ? Ou alors… il y a quelque chose derrière tout ça, n’est-ce pas ? Mais quoi ? Trop compliqué pour le serveur. Beaucoup trop compliqué. Autant aller au plus simple. Et se laisser aller à quelques bavardages.

« Aaaarg m’en parle pas des touristes ! J’préfère largement aller à Manchester que me balader dans Londres au milieu de tous ces débiles qui prennent en photo le moindre bout de trottoir. La dernière fois, y en a carrément une qui faisait le poirier devant une porte. Non mais pourquoi ? Pourquoi ? »

Il lève les yeux au ciel. Abattu par toutes ces idioties qu’engendrent les réseaux sociaux. Sûrement aussi parce qu’il n’y a jamais rien compris. Complètement largué par toutes ces nouvelles tendances.

« J’suis tout à toi pour taper la discut’. Par contre, ce serait plus sympa si tu me payais un verre pour t’accompagner ! »

Sourire amusé. Ne pas perdre le nord tout de même. Certes, il pourrait se l’accorder lui-même. Mais il sait aussi qu’il est sur la corde raide avec le patron qui ne voit pas trop d'un très bon oeil sa facilité déconcertante à se servir lui-même un peu trop souvent…

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Sourit mal à l’aise quand tu te mets à rire, ses doigts qu’il glisse dans sa nuque avant de réajuster ses lunettes en réalisant que ses mots n’étaient surement pas les mieux choisi.

— Mes excuses, c’était maladroit. C’était un compliment, mon ex-femme dit souvent que j’ai atterri d’une autre planète pour m’exprimer aussi mal.

Racle délicatement sa gorge pour prendre une autre gorgée. Lui-même ne comprends pourquoi ses mots sont toujours si mal choisi, ou du moins toujours si hors du cadre de l’attendu. Et il n’est pas vraiment rompu à la chose, alors tout devient toujours plus complexe quand il se remettre plus ou moins en selle.

La suite de tes mots qui happent son regard, s’écarquillent, profondément outré.

— Pardon ? N’en ont-ils dont jamais assez de déprécier la ville que Diable !

Il fait non de la tête, claque un peu sa langue, il ne comprends vraiment pas pourquoi et il n’aime définitivement pas ça.

— Je ne comprends pas ce type de fantaisies, les réseaux sont déjà sur pollué de ces singeries en tout genre. Ne peuvent-ils pas juste s’intéresser à la beauté réelle des monuments. Des êtres, que sais-je.

Un soupir las entre ses lèvres.

— Et dire que je pensais que c’était l’âge qui faisait que je ne comprenais pas, j’admet Aaron que cela me rassure d’entendre que même à ton âge ce n’est clairement pas compréhensible.

Il n’exprime pas grand chose Blair, mais toi tu piques et tu piques juste. Il ne réalise pas le sourire que tu lui fais esquisser. Plus fort que lui.

— Je t’offre un verre. Mais en échange parle moi un peu de toi. Je ne suis pas très doué pour parler de moi-même alors j’aime apprécier écouter la vie d’autres. Et je suis sur que tu n’es pas en manque d’histoires intéressantes.

Il se déleste de sa veste de costard, à l’étroit, réajuste sa chemise cintré.

— D’où venez vous donc très cher Aaron ?

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Oh tiens. Une ex-femme. Qui voit plutôt juste d’ailleurs, sur le fait de venir d’une autre planète. Et si tenté que cela soit de la maladresse, Aaron la trouve plutôt touchante. Et amusante (malheureusement pour Blair). Et le pire, c’est que le compliment n’était rien comparé à l’agacement qui suit. Obligé de se pincer la lèvre pour ne pas exploser de rire à nouveau. Et sa main qui vient dissimuler le rictus qu’il a dû mal à contenir.

« Blair… j'crois même que c’est d’une autre galaxie que tu viens. »

Il sourit toujours plus. Mais il ne faudrait pas le vexer, ce serait injuste. Car même si ça l’amuse, Aaron ne souhaite pas se moquer à ses dépens. C’est juste… qu’il détonne tellement de son quotidien.

« Et franchement, si tu peux, faut que tu m’y emmènes un jour. J’finirais peut-être par apprendre la politesse. »

Mais après une rapide réflexion.

« Ouai en fait nan, j’crois que j’suis un cas désespéré pour ça ! »

Il ricane. Et il s’en fiche de toute façon de passer pour un garçon vulgaire et impoli. Parce qu’il préfère être ainsi que trop lisse, trop comme ce que voulaient lui imposer ses parents. Et ça, plus jamais. D’ailleurs, c’est à ça qu’il va trinquer. Puisque Blair s’est décidé à se montrer généreux (légèrement par contrainte, mais ce n'est qu'un détail), Aaron se sert aisément une pinte de bière.

« Ahah j’crois que tu risques d’être déçu mon vieux ! J’viens de pas très loin. Yorkshire du Nord. Un endroit pas très fun si tu veux mon avis. Il pleut. Les gens sont pauvres. Et cons. Même très cons en ce qui concernent mes géniteurs. »

Sa bière vient clinquer contre son verre. Et Aaron se délecte d’une première gorgée rafraichissante.

« Et oh, je dirais que ça fait bientôt 2 ans que je fais don de mes talents à la Wiverne. »

Torse bombé pour surjouer sa réponse. Comme si être serveur dans un tel endroit était un choix de carrière des plus flamboyants.

« Alors, déjà subjugué par ma vie trépidante ? »

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Il sourit Blair, se répète mentalement une autre galaxie, surement que c’est le cas. Il sait que tu te moques gentiment, et ça ne le vexe pas. Il sourit un peu amusé même quand tu enchaines.

— Je suis persuadé que tu n’es pas si désespéré. Tu as toujours très poli à mon égard.

Il t’observe te servir une pinte, les mots qui découlent de ta bouche, en note chaque dissonance, chaque écho. En cherche les explications, les réponses. C’est qu’il aime ses parents Blair, qu’il regrette le décès de son père, et il a du mal à imaginer ce que c’est d’être dans l’autre partie du prisme.

— Fasciné.

Alors que les verres tintent.

— J’aime bien le Yorkshire. Je ne savais cependant pas que certains manquait d’éléctricité à tous les étages.

C’est la curiosité qui s’insinue entre ses lèvres.

— Vous ne vous entendez pas ? Je ne te force pas à en parler si tu n’en as pas envie.

On vient tous de quelque part, et il sait la chance que lui a eu.

— Ils sont sorciers ? Il n’y a pas beaucoup de villages mixte dans mes souvenirs par là non ? C’est bien dommage d’ailleurs. Ma mère aurait surement voulu s’y installer avec sa boutique de fleurs autrement. Pas qu’elle soit sorcière, juste qu’elle aime être dans un endroit où il y en a. Elle dit que comme ça elle pense à moi.

Un regard sur son téléphone portable, depuis quand il ne l’a pas appelé.

— Enfin on ne parlait pas de moi mes excuses.

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Blair le diplomate. Blair le bienveillant. Jamais à relever le négatif, à toujours pointer du doigt que les bons côtés. Ca doit être agréable de voir toujours le verre à moitié plein comme ça. D’être un éternel optimiste. Ou tout du moins de paraître comme tel. Lui arrive-t-il parfois tout de même de râler ? Genre réellement râler? Pendant un instant, Aaron se l’imagine, il le voit en train de... lancer un « nom d’une cuillère en bois », tout en tapant du poing sur la table. Si amusant.

« Toute la région vit pas au Moyen-Âge, mais certaines villes minières ont pris cher. Et jackpot, c’est là-bas que j’suis né. »

Né sous une bonne étoile. Celle du petit Jésus de l’avis de ses parents. Quoique… ils ont vite déchanter du cadeau que leur bon Dieu leur avait fait avec un gosse pareil. Et en prêtant attention aux paroles de Blair, sa relation avec sa mère semble être bien meilleure que celle qu’il entretient avec la sienne.

« Ahah t’excuse pas ! Ok j’suis le centre de l’univers mais on est pas obligé de parler que de moi. »

Un nouveau rire qui s’échappe. Puis une nouvelle gorgée. Il ne s’y attendait pas mais cette conversation imprévue devient… vraiment plaisante.

« Mais du coup, ta mère est une moldue si j’ai bien suivi ? Les miens le sont ouai. Seul sorcier dans une fratrie de 6. J’te jure, quand j’te dis que j’ai gagné le gros lot en venant au monde. »

Si le don de la magie n’avait pas coulé dans ses veines, peut-être que son caractère aurait été différent ? Peut-être serait-il toujours un élément de sa famille ? Bizarrement, il a dû mal à y croire…

« Et entre mes pouvoirs de sorciers et leur fanatisme débile autour de Dieu, disons que…nos chemins se sont plutôt séparés si on peut dire ça comme ça. »

Euphémisme. Car bien avant qu’il ne comprenne son appartenance au monde magique, Aaron était destiné à suivre une autre voie, pas celle d’une croyance aveugle dans un être dont l'existence est toute relative.

« Putain ça fait bizarre de parler d’eux ! »

Et il réalise qu’à la Wiverne, il évite habituellement de s’épancher sur le sujet. Les né-moldus n’ont pas forcément bonne réputation dans le quartier… Mais la tournure de la discussion avec Blair l’a finalement amené à être imprudent. Merde.

« D’ailleurs, si tu pouvais garder ça pour toi… ça m’arrangerait. »

Ou comment se rattraper aux branches.

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Il écoute, sagement Blair, entends ce que tu dis à propos de là où tu es né, et il se demande à quoi ça ressemble là où tu t’es forgé, à quoi ressemble les gens qui ont peuplé tes souvenirs et ta vie. Il se demande s’il a même porté autant d’intérêt à Marianne quand ils étaient ensemble, parce que les pauses sont si rares.

— Ma mère, comme mon père. Cela devait être animé avec autant de frères et soeurs !

Fils unique, il n’a jamais su ce que cela faisait.

— Ils ne l’ont pas bien pris ? Le fait que tu sois sorcier. Je me doute que s’ils sont très religieux cela a pu entrer en conflit. J’ai croisé beaucoup de gens différent, certain le voit comme un don de Dieu, souvent sous une vision saine, mais il y a toujours des extrêmes.

Il est sur le point d’enchainer quand il voit le trouble se nicher quelque part dans ton expression dans tes mots, ça le stoppe, il est surpris un instant avant de se reprendre.

— Je ne dirais rien c’est promis. Je ne suis pas du genre impoli ou irrespectueux. Les cancans ne sont pas dans mes hobbies.

Un presque sourire sur ses lèvres.

— C’est cependant un peu curieux de ma part mais comment l’as-tu vécu ? Etre sorcier en ayant été élevé dans la religion ?

Parce qu’il n’a que rarement l’occasion d’aborder la question.

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Aaron s’esclaffe. Si seulement il l’avait mal pris… Si seulement cela avait été aussi simple. Peut-être que tout n’aurait pas autant dégénéré entre eux. Mais non, le fossé creusé par la religion a seulement été accentué par son appartenance à autre monde et son désir de voir plus loin que de simples préceptes écrits dans un bouquin.

« Ces cons ont cru que j’étais le Messi. Et tout d'un coup, POUF, ils ont oublié à quel point ils se prenaient la tête avec moi, mes problèmes à l’école, tout ça, tout ça… J’étais devenu L’ELU. Parce que forcément tout doit avoir un lien avec Dieu, donc ça pouvait pas être autrement. »

Bande d’imbéciles. Evidemment qu’il n’avait rien d’un élu. Sorcier ou pas sorcier, Aaron aurait toujours été le même gosse en quête de liberté. Et Poudlard n'y avait rien changer. Alors après la divine illumination qui avait eu lieu chez les Wardell, cela avait été la descente aux enfers.

« Dieu et moi, on a jamais vraiment été potes. Tu te doutes bien que quand j’ai compris qu’il y avait tout un autre monde qui n’était même pas évoqué dans la Bible… nos relations se sont pas franchement arrangées. »

Et chaque passage forcé à l’Eglise lors des retrouvailles familiales était devenu une longue et lente torture.

« Et comme j’ai jamais kiffé qu’on me dicte quoi faire…je suis finalement passé du Messi à l’incarnation du Diable. J’ai jamais su m’y retrouver dans cette famille de dégénérés. »

Etre tout simplement Aaron. Et juste Aaron. Mais magie ou pas magie, une famille, on n’en a qu’une. Pas possible d’en retrouver une, même avec tous les sortilèges que l’on veut.

« Et merci pour ta discrétion. Parce qu’on peut pas dire que ce soit très glorieux tout ça. Mais dis moi… c’était comment de ton côté du coup ? »

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Il t’entends t’esclaffer, s’imagine que ça a dû être bien moins reposant que ce qu’il peut imaginer. Et quand tu parles, il n’ose imaginer ce que ça a dû être pour toi, de grandir dans un tel environnement. Dans cette dualité, dans cet extrème, rien de tout ça ne lui semble très sain. Mais ce sont tes parents ils ne se voient pas les juger ouvertement.

— Je suis désolé que ça se soit passé ainsi pour toi Aaron.

Il y repense un peu à comment cela avait été pour lui.

— Tu n’as pas de honte à en avoir. Tu es qui tu es, tu n’as pas à être honteux de ça. Tes parents ont leur croyances, leur façon de voir les choses mais ça ne te définie pas. Au même titre que ce qu’ils pensent n’est pas de ta responsabilité.

Les parents restent des parents. Et c’est simple quand il le prononce, mais il sait qu’en réalité c’est bien plus complexe que ça.

— Ils ont eu peur au début. Ma mère était très inquiète de ne pas gérer. Mon père lui cherchait des explications logique. Mais l’amour a fini par surpasser tout ça je crois. Que je sois toujours leur fils malgré tout. Beaucoup déterminé, et puis comme ma mère le disait souvent, j’ai toujours aimé chaque côté.

Il a toujours suivi la voie qui lui semblait juste. Logique.

— A mon époque les né-moldu était très mal vu, alors c’était pas toujours simple à l’école. Mais bon les enfants sont des enfants. Ce n’est pas comme si j’allais changé mes origines et j’en suis de toute façon fier. Et tout le monde n’était pas ainsi. C’est comme ça que j’ai connu Marianne.

Un léger sourire sur ses lèvres un instant.

— Mon ex femme. Elle a rendu, je dois le reconnaitre, les choses plus simples à bien des égards.

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C’est bizarre ce qu’il ressent à cet instant. Et il ne sait pas vraiment comment le définir. De la…reconnaissance peut-être ? D’être enfin compris et de ne pas culpabiliser d’être arrivé là où il est aujourd’hui.

S’il avait su que révéler aussi facilement une partie de son passé à un (presque) inconnu pouvait le soulager autant… Peut-être l’aurait-il fait avant. Et la confiance qui s’immisce à l’égard de Blair le pousse à continuer les confidences. Sans crainte ni regret.

« J’crois que j’aimerais bien avoir ta maturité. Et ton cerveau aussi. Et ce serait cool aussi que tout le monde soit aussi tolérant que toi. Mais attends… t’es le fils modèle en fait ?! »

Il aurait bien dit le genre idéal mais pour une fois, il se retient de dire une connerie. Car ça ne fait que quelques minutes que Blair a mentionné l’existence d’une « ex-femme » et cela pourrait être maladroit. Et… Oh. Tiens, justement. Il lui confirme à la fois son statut d’enfant idéal et lui rappelle qu’il était bel et bien un homme marié.

« J’crois que la différence est là avec mes parents. Ils ont fait des gosses par obligation, par devoir. Pas par amour. »

En tout cas, si tenté qu’il y ait eu de l’amour, il ne l’a jamais véritablement senti dans son foyer.

« Ca donne envie de connaitre tes parents en tout cas. Et cette fameuse… Marianne aussi. »

Sourire espiègle. Le sujet pourrait être sensible, ouvrir de vieilles blessures, mais il y a comme cette douceur dans la voix de Blair quand il mentionne celle avec qui il a dû partager une partie de sa vie. Et forcément, ça le rend curieux.

« J’imagine que ouai, ça devait moins être simple avant. Même si t’as pas l’air siiii vieux que ça. T’as quoi… 60 balais ?! »

Il se marre, bien conscient que Blair n’a pas autant d’années derrière lui. Mais c’est si tentant de se moquer d’un homme plus mûr quand lui n’a pas encore atteint la trentaine.

« C’est abusé de ma part si j’te demande pourquoi vous êtes plus ensemble avec ton ex-femme ? »

Abusé ou pas abusé, la question est désormais posée.

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Il a un petit sourire Blair quand tu dis que tu voudrais sa maturité, quand il lui quelques part toute sa vie il aurait aimé avoir ta fougue, peut-être que Marianne aurait été plus heureuse, plus épanouie s’il avait été un peu plus comme toi. Il fait non de la tête en riant un peu quand tu dis qu’il est le fils modèle.

— Je suis loin de cette affirmation.

Un fils modèle aurait donné plus, aurait et serait plus présent pour sa mère désormais seule. Mais il entends Blair,le manque d’amour au creux de tes mots, de tes souvenirs, les conséquences d’une religion qui est ce qu’elle est mais aura fait certain dégat.

— Je suis sur que ma mère t'adorerai. Au même titre que Marianne. Si mon père était encore de ce monde, surement qu’il aurait eu grand plaisir à discuter.

Le véritable vide de son existence. Il explose de rire quand tu dis qu’il a au moins 60 ans.

— Je fais si jeune ?

Un essai d’un brin d’humour. Avant que son regard ne se voile de mélancolie.

— Marianne était un soleil, l’amour de ma vie, elle a toujours fait de son mieux, toujours tout donné. Elle voulait des enfants, et moi je n’ai toujours vécu que pour ma carrière. Elle a supporté pendant des années, avec le sourire et beaucoup d’amour, alors que je n’étais qu’à peine là un soir par semaine parfois. Et un jour, elle est partie. Je ne l’ai pas retenue, parce qu’on savait autant elle que moi, à quel point elle était malheureuse.

Il a laissé partir la femme de sa vie.

— Elle méritait de réaliser ses rêves. Et elle l’a fait. Elle est mariée, elle a deux adorables petits. Elle est heureuse et c’est tout ce qui compte à mes yeux.

Sourire un brin amer.

— Pas si parfait je te l’avais dit. Mon boulot est toujours passé avant tout, et c’est tout ce qu’il me reste vraiment.

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Aïe, sans le vouloir, il a l’impression d’avoir abordé un sujet sensible. Perdre un père, c’est perdre une partie de soi. Aaron est juste rassuré par le ton bienveillant qu’emploie Blair. Le deuil a dû avoir fait son œuvre qu’il lui est désormais possible d’aborder le sujet sans être déboussolé. Enfin, ce sont les conclusions qu’il tire lui-même dans son cerveau qui s’imagine toujours mille et une choses, d’ailleurs souvent à côté de la plaque…parce qu’il ne sait pas lire les gens. Et il se contente de supposer ce qui lui paraît le plus simple.

Et puis, comment ne pas être rassuré par cet éclat de rire ? Y a quelque chose de réconfortant à le voir ainsi laisser tomber certaines barrières, de cesser de rester dans une stricte conventionnalité trop étouffante. Ca le touche même en plein cœur de l’entendre se dévoiler sur Marianne…

« T’es définitivement parfait. Et j’suis sûr que de là-haut, y en a qui doit être fier. Parce que y a pas de quoi culpabiliser d’avoir chacun ses priorités. Ca aurait été pire que tu fasses des enfants et que tu t’en occupes pas. Et t’as sacrifié ton amour pour elle afin qu’elle soit heureuse. Franchement, t’en connais beaucoup qu’aurait été capable de ça ? »

Egoïste comme il est, Aaron sait que - clairement - ses actions n’auraient pas été aussi nobles que celle de Blair. Mais que connait-il de l’amour ? Pas grand-chose… La différence capitale réside certainement là. Et au fond, il aimerait que quelqu’un puisse le voir comme Blair voit Marianne. Avec attachement et respect profond. Mais il faudrait que lui-même en soit capable.

« A ta place, j’suis sûr j’aurais tout fait pour qu’elle plante son nouveau mari. »

Et qu’elle lui laisse la marmaille.

« Et si c’est vraiment l’amour de ta vie, tu penses pas que c’est ce que tu feras un jour ? Et si c’est pas le cas, peut-être que ça veut dire que tu l’as encore rencontré ce fameux amour ! Même si franchement, j’ai des doutes sur l’existence de ce machin. »

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Il a un presque rire quand il secoue doucement la tête de droite à gauche quand tu répètes qu’il est parfait. Un presque émotion humide à ses iris, qui disparait aussi vite qu’elle s’est nichée, il se le demande souvent si son père est fier. De là où il repose, mais Blair pense qu’il est le déçoit. Pour la façon dont il prends si peu de nouvelles de sa mère. Il te sourit un peu.

— Quelqu’un qui l’aurait aimé dignement lui aurait offert tout ce qu’elle désirait. Elle aurait du passer en premier. Je l’ai laissé partir sans me battre.

Tu le fais rire quand tu dis qu’à sa place tu l’aurais fait planté sa nouvelle histoire.

— Je ne suis peut-être juste pas fait pour les histoires d’amour Aaron.

Une gorgée du précieux liquide.

— J’espère que tu rencontreras quelqu’un qui te prouvera que ça existe. Que tu n’auras pas envie de laisser partir, Ca ne t’es jamais arrivé ? Pas même un peu ?

Ses iris qui se logent aux tiennes, comme pour lire en toi.

— Quelqu’un qui emplissent tes pensées, bonnes ou mauvaises, qui te rende fou ?

Il est un peu curieux. Marianne aimerait surement à entendre ce genre de petites histoire. Elle lui en parlait surement avec un sourire amusé et complice. Depuis quand ne l’avait-il pas visité Marianne ?

Trop longtemps.

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Lui, pas fait pour les histoires d’amour ? Aaron a du mal à y croire. Il suffit d’un simple coup d’œil et de quelques mots échangés pour savoir que Blair est quelqu’un de bien, quelqu’un d’attirant. Tout pour plaire. Peut-être faut-il simplement qu’il revoit sa définition de l’amour… Que ce n’est pas simplement l’histoire d’un homme et d’une femme qui fondent une famille. L’amour est multiple. Changeant. Atypique parfois. Et souvent, on ne le reconnait pas tout de suite…

« Naaaan mais écoutez moi ce loveur torturé ! J’pense tout simplement que t’as des idées un peu trop… hmm coincées ? Enfin tu vois, faut peut-être que t’élargisses un peu tes horizons. »

Fini le preux chevalier qui vient sauver la princesse en détresse. Fini Adam et Eve. Quant à l’amour avec un grand A… L’amour fou, l’amour passionnel. Ca effraie Aaron autant que ça l’attire.

Et les propos de Blair piquent un peu trop à un endroit qu’il préfèrerait taire. Cela réveille quelque chose en lui qu’il ne sait pas bien définir. Et c’est surtout un visage qui vient occuper ses pensées, comme un peu trop souvent ces derniers temps.

« Mon vieux, tu commences à devenir trop curieux ! »

Un rire moqueur. Oui c’est pas très fair de poser des questions à Blair mais de ne pas répondre aux siennes. Mais que pourrait-il dire ? Alors que lui-même ne trouve pas les bons mots pour définir cette relation étrange qu’il entretient avec ce satané capitaine de Quidditch qui n’en fait qu’à sa tête ?

« Ce qui est sûr, c’est que j’ai essayé. J’dis pas que j’étais parfait, mais j’me suis plusieurs fois bien ramassé la gueule. Et maintenant… et maintenant je sais pas. J’essaie de pas trop me poser de questions. »

Mais il sait bien qu’il a malheureusement perdu le contrôle et ça, c’est plutôt mauvais signe…

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Il arque un sourcil quand tu dis qu’il est coincé, parce qu’il se trouve rigide mais pas coincé, mais probablement que tu as raison, un soupir qui s’échoue hors de ses lèvres.

— Et qu’est ce que je devrais faire selon toi ? Qu’est ce que tu entends par élargir mes horizons ?

Parce que ça peut vouloir tout et rien dire. Il note par contre que t’es piqué quand il déverse son flot de question, et ça le fait sourire, c’est presque s’il ne verrait pas un peu de Marianne en toi, dans cette réaction qui t’es propre. Son regard qui se perds à la couleur du verre.

— C’est surement le mieux oui. Désolé si j’ai été trop curieux Aaron.

Il s’excuse mais ne s’excuse pas vraiment. Il a pas envie de regretter d’avoir pu voir ce bout de toi, cette étincelle particulière comme un secret. Il se demande si tout le monde est comme ça, si c’est en vieillissant qu’on devient plus las, il se demande aussi si il sera toujours perdu.

— Je ne t’embêterai pas plus. Mais on devrait reboire un verre à l’occasion. J’aimerais beaucoup. Pas un jour où tu travaille bien sur pour t’éviter les ennuis.

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Merde, en disant ça, Aaron n’avait pas l’intention de mettre un quelconque malaise dans la conversation. Et pourtant, il a l’impression que c’est plus ou moins ce qu’il s’est passé. Ou tout du moins, que cela a recréé une distance entre eux. Blair n’a absolument rien à se rapprocher alors forcément, Aaron ressent comme une légère culpabilité. Un sentiment pas franchement agréable.

« Naaaan t’inquiète ! C’est moi qui t’embête en vrai. »

Avec ses questions, sa curiosité… et tout ce qu’il aimerait encore découvrir.

« T’as été cool de bien vouloir me parler de toi comme ça. Et franchement, ça m’a bien du fait de pouvoir discuter de… ce genre de choses. Alors grave partant pour remettre ça ! »

Dans un contexte plus approprié. A un autre moment, un autre endroit. Plus propice aux confidences. Car Blair lui inspire un sentiment de confiance. Peut-être pas au point de tout dévoiler mais au moins juste assez pour pouvoir vider un peu son sac.

« Et comme ça, on aura peut-être l’occaz’ d’essayer de t’élargir les horizons ! »

Il ricane, imagine un instant Blair se retourner la tête à l’alcool et le voir lâcher complètement les chevaux. Peu probable que cela arrive réellement, mais Aaron s’accroche à la minime petite chance de le voir sous un autre jour. Et sans qu’il ait à se préoccuper que son patron débarque pour lui dire de se bouger le cul et que des clients attendent depuis 3 plombes après lui.

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