Tu traverses l’armoire, débarques dans la chambre, il n'est pas là. Tu n'as pas prévenu, tu ne sais même pas s'il est présent mais l’inquiétude te prend trop pour que tu fasses montre de patience. Tu reviens du manoir Cornwell. Vanitas n'y était pas. Vanitas n'a été vu par personne. Disparu, qu'ils disent. Disparu, mais t'avais pas envie d'y croire. Tu t'es convaincu qu'il reviendrait, qu'il devait être en planque, quelque part. L'article du Reniffleur tu ne l'as vu que trop tard. Pourtant un arrière-goût de terreur dans la gorge, une impression de déjà vu, comme quand Clovis avait disparu. C'est les yeux larmoyants de sa petite sœur qui avait achevé l’inquiétude.

C'est pas normal, Jasper, c'est pas normal ! Retrouve-le, retrouve mon frère s'il te plaît.

Et tu avais dit oui. Qu'aurais-tu pu dire d'autres ? Alors tu passes l’armoire, passe la porte de la chambre, longe les couloirs en te faisant le plus discret possible. Il doit être dans son bureau. Il est forcément dans son bureau. Tu avais dit oui. Et il était le seul susceptible de te fournir le début d'une piste. Pourtant t'étais censé être furieux. Quelque part tu l'es encore. Il n'avait pas essayé de te voir depuis la dernière fois. Tu passes précipitamment la porte du bureau, sans frapper. Sa silhouette blonde qui te dévisage. T'as encore ton long manteau noir sur les épaules, les joues encore rouge du dehors et ta poitrine se soulève trop pour ne pas trahir ta course. Tu refermes derrière toi.

— Je sais que je ne devrai pas être là mais il fallait vraiment que je te voie.

Pas un bonjour, rien. Tu t'avances vers lui saisit ses épaules sans y mettre forcément de la force cependant.

— Dis-moi que tu sais ce qu'il s'est passé, que tu sais ou que tu as une idée d'où il est.

Braque tes yeux dans les siens.

— Clovis.

S'il te plaît.

Non. Je ne sais pas.

La froideur avec laquelle il t'accueille te surprend, le dégoût dont il fait preuve te fait reculer d'un pas. L'énervement au bord des lèvres, c'est quoi cette manière de faire ? C'est à ça que ressembleront tous vos échanges ? Éclats furieux dans le regard, acide au fond de la gorge, nervosité au creux du ventre ? Pourtant il est censé t'aimer. T'as envie de lui dire que, toi, en revanche, tu vas finir par le détester.

Attends, une seconde.

Ce n'est que là que tu vois que la chaîne a quitté sa main. Ton regard qui dérive sur cet objet, ça aussi c'est une autre promesse que tu as faites et que tu n'es pas sûr de pouvoir tenir. Il se laisse tomber sur son siège, soudain épuisé. Tu te rends compte que tu n'as jamais pris le temps d'imaginer le poids qui devait peser sur ses épaules. Trop occupé à le haïr en silence, trop occupé à le regarder de haut, à maudire chaque aspect de sa vie où, toi, tu n'aurais pas te place. Tu soupires, lequel de vous deux est le plus épuisé tu ne saurais le dire. Tu viens te mettre à genoux, en silence, croiser tes bras contre ses jambes, laisser y reposer ton front.

— Je reviens de chez lui, je n'ai jamais vu sa sœur aussi bouleversée.

Et tu te demandes s'il n'y a pas une pointe de culpabilité dans ton envie de retrouver Vanitas. Parce que face à sa sœur tu t'étais souvenu. Souvenu de ton effroi en voyant le visage de Vanitas dans l'article. Souvenu de ton soulagement de ne pas y voir figurer celui de Clovis.

— J'ai eu peur que tu disparaisses aussi.

Tu redresses la tête, laisses percer ton regard bleu, si semblable au sien, au travers de tes mèches sombres.

— Laisse-moi t'aider. J'ai besoin de t'aider.

Et tu pourrais lui demander, pourquoi il n'a pas fait l'effort de venir te voir, pourquoi il ne t'a pas appelé plus que ça. Mais les questions meurent sur tes lèvres, ce n'est pas le moment. À la place, tu l'observes.

— Ta tête est pire que la mienne.

Tu souffles, mi-chemin entre le rire et le soupir. Tu n'iras pas le contredire, c'est tellement évident. Et qu'aurais-tu pu dire d'autres ? Que tu ne le chercherais pas ? Qu'il ne fallait pas qu'elle s'inquiète ? Qu'il reviendra ? Toi, tu te souviens avoir hurlé de rage et briser des miroirs pour moins que ça. Tu t'étais revu, face à elle, devant la tombe de Clovis à refuser l'évidence. Tu lui avais donné ce que tu n'avais pas eu à l'époque. Quelques mots d'espoirs.

— Je lui ai dit que je lui ramènerai son frère sain et sauf.

Tu fermes les yeux, appuies ta joue contre sa main.

— J'ai peut-être été un peu ambitieux.

Et c'est comme une montée acide qui te brûle la gorge. Imaginer que tu ne puisses pas tenir ta promesse, imaginer qu'il ne revienne jamais. Qu'est-ce que tu lui diras si tu ne le trouves pas ? Ou pire, si tu le retrouves, mais dans un état qu'elle ne saurai voir ou supporter ? Et tu t'en veux. Tu l'as libéré de ton emprise trop tardivement. Tu t'es accroché à ses caresses pour fuir ton propre néant, combler le trou béant dans tes entrailles alors que tu savais l'entreprise vaine et malsaine. Combien de Neal, de moment de bonheur aurait-il connu si tu avais dit stop plus tôt ? Combien d'année lui as-tu pris avec tes caprices ? La main de Clovis contre ta mâchoire et tu tends la nuque. Soupir contre sa peau, tes paupières qui s'entrouvrent pour dévisager l'éclat de la chaîne sur le bureau. Est-ce que ça lui pèse ? Est-ce que l'emprise de son père est un cancer qui le détériore lentement ? Tu attrapes sa main, la portes à tes lèvres.

— Combien de temps ça fait que tu n'as pas dormi ?

Et c'est l'hôpital qui se fout de la charité, mais qu'importe. Tu viens chercher du bout des doigts son autre main, caresse sa paume alors que tu embrasses sa peau. Comme-ci tes lèvres pouvaient chasser les impuretés laissés par les résidus de Magnus Lestrange. Mais tu sens sous tes doigts les contours d'une bague qui n'était pas là avant. Tu en dessines les contours, oses la regarder du coin de l'œil avant de voir ton cœur se serrer. Ah. Éclats blessés dans le regard. Tu aurais presque pu oublier. Ta mâchoire se contracte. Il la porte. Pas juste devant elle, même en dehors, même quand il est seul. L'amertume te prend, la jalousie aussi. Et elle déborde, insupportable. Tu détournes le regard, lâche ses mains, te lèves pour te poser contre le bureau, croiser les bras.

— Je peux mettre mes ressources à ta disposition. La clientèle du Dissemdium rassemble beaucoup de gens aux activités... Floues. Si tu me donnes quoi chercher, je pourrais t'apporter des informations que tes aurors n'auront pas.

Tu fuis son regard, te sens aussi misérable qu'hideux à avoir la force d'être jaloux quand Vanitas gît peut-être au fond d'un caniveau.

— Certaines personnes me doivent aussi quelques faveurs, si tes aurors ont été attaqués par des gens en froid avec la justice, je pourrais le découvrir. Donne-moi juste un cap à suivre, je me chargerai du reste.

Tu fronces les sourcils, il ne relève pas. Évidemment, tu lui épargnes la confrontation, lui épargne le conflit, pourquoi s'y jetterai-t-il ? Tu sais qu'il ne serre à rien d'attendre de lui qu'il fasse le premier pas, qu'il s'interroge à voix haute des perches que tu lui tend. Si tu veux quelque chose il va falloir que tu le dise, que tu le prennes, faisant ainsi de toi l'enfant gourmand et en demande de votre couple. Il est cruel, tu trouve. La vérité, c'est que tu ne sais même pas si le terme couple est d'actualité. Il est fiancé. Mais t'es tellement habitué à ronger ton frein, Jasper. Et le visage de Vanitas, de sa sœur en larme, que tu imagines plein de reproche, te font te sentir plus mal encore. Tu n'as pas le droit. C'est impudique et indécent. Ton meilleur ami se meurs peut-être quelque part. Tu tais la boule dans ta gorge.

— Bien sûr ce ne sera pas gratuit. Je ne mélange jamais affaire et sentiment.

Tes yeux bleus, presque gris, qui se posent sur lui. Reproche à peine voilé. Tu te décale légèrement sans pour autant lui faire beaucoup de place. Il s'empare des dossiers que tu parcours des yeux avec lui. On pourrait presque vous croire de retour à Poudlard, la belle époque, ces soirs où vous théorisiez sur les choses inexplicables de votre ou que vous montiez des plans affreusement complexes pour simplement faire le mur en échappant à la vigilance des elfes de maison. Mais la nostalgie fait mal, alors tu l'enterres. Tu l'enterres sans être pour autant capable de ne pas regarder Clovis de temps à autres. D'imaginer ce qui a été et ce qui aurait pu être. Tu secoues la tête.

— Williams à donc fait une prédiction avant la mission. Et c'est sous cette prédiction que l'équipe s'est formée, c'est ça ?

Tu te penches sur les dossiers, vient mordiller ton pouce dans un réflexe aussi vieux que toi.

— Dis-moi... As-tu envisagé qu'il puisse avoir une taupe dans tes rangs ?

Tu tapotes du doigts les photos des disparus.

— Ça m'étonnerai que tous ça ne soit que des coïncidences. Les disparitions sont trop nombreuses et trop proches pour que ce ne soit pas liés... Je suppose que vous avez déjà fouillé la vie personnelle des victimes, ça n'a rien donné ?

Tu poses sur le doigt sur la photo d'Aurel. Fronce les sourcils.

— Davies m'a interviewé. Il m'a donné l'impression d'être le genre de journaliste qui aimait flirté avec les sujets dangereux, ça aurait pu déplaire à quelqu'un... Ca pourrait concorder avec tes pistes...

Tu agrippes ton menton, fronce les sourcils avant de prendre ton téléphone. Tu pianotes quelques instructions, tes yeux qui jongle entre l'écran et les photos.

— Je vais essayer de voir si des choses se sont dit sur eux dans l'allée des embrumes avant leur disparitions.... Attends. Ils ont tous étudiés à Poudlard ? Aucun d'eux n'a étudié à l'étranger ?

Tu relèves la tête vers lui, le regarde peut-être pour la première fois dans les yeux depuis que tu as touché sa maudite bague.

— Il y a un lien entre eux, Clovis. Est-ce que tu m'as tout dit ?

J'ai confiance en chacun d'eux.

Et t'as la désagréable impression qu'il ment. Tu fronces les sourcils, l'observes. La confiance, c'est quelque chose qui n'a plus l'air d'accorder, Clovis, même pas à toi. Preuve en est la chaîne, preuve en est ses années d'absences, preuve en est sa lâcheté, preuve en est son mariage, preuve en est la bague autour de son putain de doigt. Tu fronces les sourcils, suspicieux. Rapporte ton regard sur la photo d'Aurel.

— Ça, c'est une information simple à trouver. Je vais faire parler les bonnes personnes, on va trouver le sujet de ses derniers travaux.

Oh. Il a l'air fébrile, Clovis. Tu vois la sueur perler sur son front. La pièce est chaude, certes, mais pas au point de susciter une vague de transpiration. Non. C'est qu'il a l'air presque malade. Malade ou noyé sous la pression. Tu le suis du regard, en silence. Il ment. C'est évident. La tête qu'il agrippe entre ses mains et, toi, tu ne dis rien. Contemple, sévère. T'es presque curieux de savoir jusqu'où il s'enfoncerait. Tu laisses planer quelques secondes le silence avant de simplement déclarer.

— Mensonge.

Tu passes ton doigt sur la table, observes la cheminé au loin.

— Tu as toujours été un menteur déplorable et un très mauvais joueur de poker.

Tes doigts pianotent sur le bois du bureau. Tu le contournes à ton tour, très lentement, presque comme-ci tu t'amusais de la situation. Mais ton regard est froid, braqué vers une vérité qu'il refuse de te faire voir. Pourquoi ?

— Tu as l'air d'avoir chaud...

Tu passes une main sur son front, humide, ramènes ses boucles blondes en arrière. Tu sors ta baguette, la pointe verre un verre posé là pour le remplir d'eau.

— Bois.

Tu lui tends le verre, t'appuies contre le bureau, lui à côté de toi. Tu le détailles du coin de l'œil. La suite est autant impulsion que manipulation. Tu l’accules en douceur contre le bureau, viens déposer de part et d'autre tes mains.

— Crache le morceau, Clovis, je ne suis pas n'importe qui.

Un sourire provocant à tes lèvres, c'est qu'il te volerait presque tes répliques, maintenant. Tu ne t'éloignes pas pour autant, le défi du regard, l'air de lui dire que tu peux être plus insupportable encore si tu n'obtiens pas ce que tu attends de lui.

— Ah oui ? Ça n'a pas l'air de te déplaire pourtant...

Tu le vois se hisser, adorable, ses lèvres qu'il glisse contre les tiennes, le réflexe de passer une main tendre dans le creux de son dos pour le sentir plus près encore. Le cœur qui s'accélère déjà et tu réalises que ça fait trop longtemps qu'il ne t'a pas embrassé. Les paupières, mi-closes, parce que tu ne veux pas perdre une miette du spectacle. Tu te demandes s'il a déjà embrassé Darya et t'as le besoin, jaloux, de le faire prisonnier de son bureau, de ravager la moindre parcelle de sa peau de ta bouche, de marquer ton territoire à coups de langue et de passion. Parce qu'il a toi. À toi. Rien qu'à toi. Mais il te repousse déjà. Tu recules malgré toi, l'esprit encore brumeux de tout ce que tu t'es imaginé lui faire. La bague de fiançailles brille à son doigt. Tu fermes les yeux, te reconcentre. Il a reçu une plume noire.

— Je peux la voir ?

Non. Tu fronces les sourcils.

— Dans quoi tu t'es encore fourré ?

Dans rien de très rassurant, visiblement. Tu tapotes tu bras du bout du doigt, pensif. Il a reçu une plume noire. Le lien n'est pas compliqué à faire, le corbeau et l'animal le plus médiatisé de ses dernières années. Mais quel est le rapport avec la disparition de Vanitas ? À moins que... Tu redresses le regard vers lui.

— J'aimerais penser que c'est une plaisanterie de très mauvais goût, mais tu penses qu'il y a un lien, n'est-ce pas ?

Entre la plume, les disparitions qui se succèdent. Tu te rapproches de nouveau, viens en silence saisir sa main baguée. Tu ne regardes pas une seule seconde la bague de fiançailles que tu viens toi-même faire glisser de son doigt. Tu le regardes lui, juste lui, rien que lui, le défit de t'arrêter alors que tu poursuis tes théories.

— Où l'as-tu trouvé ? À ton bureau ou chez toi ?

Parce qu'aucun de ses lieux n'est accessible au premier venu. Il y a donc une piste à remonter. Tu poses la bague sur le bureau. Fini par balancer, tes doigts qui se mêlent aux siens.

— Quoi ? T'es pas mieux comme ça ?

Toi, tu préfères. Qu'on te vole ton meilleur ami ne te rend que plus possessif encore.

C'est égoïste et dans le fond tu penses qu'ils ont raison, tous, Iphigénie, Vanitas, tous. Tu devrais lâcher l'affaire. Tu devrais te fiancer, toi aussi. La bague à son doigt c'est la mort de tout ce que vous auriez pu vivre et partager. Il serait grand temps que tu t'emprisonnes, toi aussi, en priant pour que ton cœur se fasse une raison. Mais à le voir comme ça (fragile), contre-toi (juste-là), t'en est incapable. Et il t'as promis tous le reste, Clovis. Même si tout le reste n'est pas grand-chose. Et puis, ils peuvent bien parler, Iphigenie, Vanitas. C'est simple de l'ouvrir quand l'une ne sait pas ce que sait d'aimer et que l'autre à trouver chaussure à son pied. Ils peuvent bien parler tous. Toi, t'es trop sourd et égoïste pour les entendre. La bague que tu déloges, tu voudrais la foutre aux flammes. Elle est lourde, qu'il te dit. Tes doigts pressent plus fort les siens. Évident quand tu balances ;

— Alors ne la porte pas avec moi.

Ton autre main qui vient saisir la sienne.

— Parce que tu seras toujours plus à moi qu'à elle, Clovis.

Et ce n'est pas tant de la poésie qu'une vérité vraie.
Tu fronces les sourcils, tu voudrais qu'il te parle, aussi. Alors tu t'approches, tu te fais autant joueur doux qu'aguicheur pour délier sa langue.

— Je ne suis pas un auror.

Tu souris.

— Même si je t'accorde que je vaux bien plus que la moitié de ton équipe.

Tes doigts qui jouent avec les siens. Il a l'air perdu. Tu l'es aussi. La plume, le lien, Vanitas, les disparus, la plume, le lien, Vanitas, les disparus. Tu fermes les yeux, essayes de trouver ce qui peut tout connecter. Tu les rouvres, désignes les fauteuils devant la cheminée.

— Viens, on va procéder étape par étape.

Tu l'entraînes sans lui laisser vraiment le choix. Quelque chose que tu ne te permettais, autrefois, que lorsque qu'il n'était au bout du rouleau. Tu as toujours été la force tranquille qui tempère les ardeurs, soutient lorsque la fatigue prend après l'agitation. Tu le fais s'asseoir, sans quitter ses mains. Tu aurais bien voulu voir la plume, seulement, il a l'air de craindre les conséquences.

— J'y songeais depuis quelque temps, mais je crois qu'il devient vital pour nous que je me forme à l'occlumencie. J'avais dans l'idée de demander à Van-

Ton regard se voile, tu te racles la gorge, secoues la tête.

— Je pense que tu devrais t'y mettre aussi. Tu as peur de ce que les gens pourraient découvrir, n'est-ce pas ?

Tu presses ses mains.

— Tu as peur de ce que la plume signifie. Et tu penses qu'il y a un lien entre elle et les disparitions. Je suppose que personne ici n'a vu ou sentit quoi que ce soit ?

Ce serait trop beau. Ton regard dérive vers le feu.

— Je suppose qu'il est également utopique de penser que tu pourrais t'en débarrasser en la jetant dans la cheminée ?

Tu poses la tête à son épaule, réfléchis.

— Réfléchis, Jasper, réfléchit. Toi, la plume, Vanitas, Williams, Davies, les autres, quel est le lien... Tu as dit que c'était une menace directe... Tu sais donc de qui elle vient... Est-ce que le propriétaire de la plume pourrait être à l'origine des disparitions ?

Tu redresses la tête.

— C'est à devenir fou, ton histoire.

Redis-le.

— Tu seras toujours plus à moi qu'à elle.

Tu rectifies, caresse à tes lèvres, il n'aime pas être enfermé, mais tu sais ta prison bien attractive que toutes les autres.

— Non... Tu es à moi. Tu m'appartiens entièrement, Lestrange.

Lueur presque malsaine dans le regard, alors qu'il t'est déjà infidèle, Clovis. Et le pire, c'est que tu sais qu'il ira te le reprocher si tu le deviens toi aussi. Il est terrible, horrible. Tu te demandes bien pourquoi tu mets autant d'énergie à faire honneur à votre relation quand lui la jette dans les orties. Les images de la fête avec Iphigenie et Vanitas en filigrane dans ton crâne. T'es trop con, Fawley.

Tu l'entraînes sur le canapé, tes mains dans les siennes. Écarte pour l'heure toutes les horreurs que la jalousie te pousserait à faire, tout ce que le moment présent t'empêche de dire. Parce qu'il y a un disparu que tu dois retrouver. Alors presque une lueur de défi quand tu le regardes.

— Oui, je lui demanderai, quand nous le retrouverons.

Et tu lui laisses le loisir de penser à toutes les heures de travail à deux que ça engendrera. Toutes ces heures qu'ils auraient pu passer avec toi, mais qu'il a perdues par fierté et bêtise. Nous le retrouverons, parce que tu comptes bien lui voler cette victoire aussi. Tu lui refuses le rôle du héron. Non. Non. Tu veux le voir ramper, quémander, chercher ton affection avant. Sans pour autant te départir de la terreur de le voir sauter sur l'occasion pour se débarrasser de toi, de vous. T'es fatigué qu'on te prenne en permanence. T'es coupable d'encore une fois faire passer Clovis avant quand ta seule préoccupation devrait être Vanitas.

Heureusement pour toi, Clovis vous recadre. Tu fronces les sourcils, joint tes mains pour poser ton menton dessus. Évidemment que tu as un doute. Mais tu refuses l'évidence. Vous n'avez pas besoin de son retour. Pas à lui. Pas maintenant. Mais il prononce la sentence, Clovis, le mot que tu ne voulais pas entendre.

— Il est censé être mort.

Mais tu as appris très récemment qu'elle était surfaite.
Tu secoues la tête, te lèves à ton tour.

— Alors c'est que tu as quelque chose à voir avec lui.

Tu le dévisages.

— Il ne t'a pas envoyé cette plume parce que tu es le chef des aurors, n'est ce pas ? S'il avait voulu faire ça, il l'aurait envoyé à ton bureau, aux yeux de tous, pour montrer que sa menace existe toujours.

Toi, c'est ce que tu aurais fait. Et tu as compris depuis quelque temps que tu as plus en commun avec les antagonistes, qu'avec les héros. Tu croises les mains derrière le dos, imites sa posture.

— Je déteste devoir te sortir ce genre de phrase, mais il faut qu'on parle, Clovis.

Si tu veux le protéger, assurer ses arrières, tu dois savoir ce qu'il s'est passé.

— Quoi que... Tu pourrais aussi ne rien me dire et te laisser submerger. Ainsi quand tu paieras ta connerie au prix fort -parce que tu as fait une connerie, n'est-ce pas ?- Darya sera forcée de rompre vos fiançailles et je n'aurai plus à me coucher avec le sentiment d'être le dindon de la farce.

Tu n'as pas plus t'en empêcher. Ni ça, ni le rictus suffisant, le même que tu avais quand tu le savais acculé durant vos parties d'échec sorcier.

Ton rictus suffisant qui se fait plus prononcer. C'est ça. C'est juste ça. Tu as besoin de ces petites victoires. Tu as besoin d'avoir le dessus. De contre balancer sa toute-puissance. Parce que tu te sens acculé, floué, la vérité, c'est que l'acide ne passe pas, que tu voudrais le détester, mais que la fierté (l'absurdité de tes sentiments) t'empêche de franchir le cap de la haine. Ce serait tellement plus simple, pourtant. À la place, tu te retrouves à essayer d'obtenir des preuves de son affection. Parce que jusque-là, il a eu les mots, Clovis, aucunement les gestes. Et tu revois les paroles de Neal.

Parce que s'il t’aime pourquoi se forcerait-il à épouser une femme qui ne sera jamais toi. Est-ce que c’est vraiment un choix ?

C'est un choix. Clovis béni des dieux, privilégié. Il est le saint Lestrange. Le fils victime. On lui tombe tout cuit dans la bouche parce que son enflure de père à eu la mauvaise grâce de laisser son enveloppe corporelle trop facilement. Non. C'est inexact, en vérité. Il est comme toi, patriarche, avec tout ce que ça implique quand l'objectif est de perpétuer le nom, de donner une descendance aussi pure que nous. Mais c'est le timing qui te meurtrit. Pourquoi aussi vite ? Pourquoi elle ? Pourquoi le permettre alors qu'il s'est jeté dans tes bras en clament que tu étais sien ? Et t'arrive pas à compatir de son malheur si tant est qu'il existe. Parce que t'as besoin d'effacer l'outrage à coup de rage et d'injustice. Besoin de soigner les blessures qu'il t'inflige à coup de cruauté et de méchanceté.

Seulement t'intériorises. Peut-être parce que tu sais que tu ne supporteras pas de le voir insensible à ta peine si jamais tu la verbalises. Alors tu serres la mâchoire, te fais plus perçant encore.

Je te déteste, tu le sais ça ?

— Tu n'as aucun droit de me détester.

Même ça, tu ne lui accorderas pas.

Tu viens croiser les bras, tapoter ton coude de tes doigts, pensif.

— Autrement dit, il te fait chanter.

Et ça tombe bien, tu es plutôt doué à ce jeu-là. Tes pas te portent vers la cheminée. Tu t'appuies dessus, le regard plongé dans le feu, en quête d'inspiration.

— Le chantage est un art à double tranchant. Seul tu te serais fait avoir, mais heureusement pour toi je suis assez stupide et amoureux pour te sauver la mise. Bien, c'est loin d'être parfait mais, à défaut de mieux, voilà ce qu'on va faire.

Tu te redresses désigne la chaîne échouée sur le bureau.

— Ta chaîne est beaucoup trop voyante, mais si tu la retires du jour au lendemain les gens le remarqueront alors je vais t'en faire fabriquer une copie. Si le corbeau décide de te faire couler il faudra que tu puisses faire illusion. Au moindre doute, tu déposes l'horcruxe dans l’armoire à disparaître.

Et comme tu sais qu'il va contester tu lèves la main, imposes le silence.

— Je te promets de ne pas la toucher. Je la garderai dans l'armoire le temps qu'il faut en cas de fouille de ton manoir et je te la renverrai à ton signal.

Tu le toises, dans ton regard se lit les plans qui se mettent en place, les idées qui jonglent et fusent.

— Aussi, on ne peut pas attendre de retrouver Vanitas. Je vais nous trouver quelqu'un pour nous enseigner l'occlumencie. On fera ça chez moi, le soir. Tu prétexteras dormir dans ton ancienne chambre et tu me rejoindras. Il faut que tu intègres les bases le plus rapidement possible.

Tu agrippes ton menton, réfléchis. Passe une main dans tes cheveux pour les ramener vers l'arrière.

— Reste à décider comment procéder si jamais on vient t'emmerder alors que tu es au bureau... Parce que je suppose que te demander de laisser l'horcruxe sous ma garde quand tu n'es pas chez toi est vain...

Ton regard qui se perd dans le sien. Plus sérieux.

— Il attend quelque chose de toi. Dis-moi ce que c'est.

Tu hoches la tête, étant donné la situation, c'est peut-être même le plus urgent.

— Je vais mettre ça en place, alors.

Mais tu hausses un sourcil, sincèrement surpris. D'un coup il se fait instable, d'un coup il se fait tremblant. Prémisse de la folie ? Simple déni ? Il rejette l'existence du Crow comme un politique trop effrayé par son propre échec. Tu fronces les sourcils balance calmement.

— C'est pourtant toi qui as évoqué son nom, il y a à peine deux minutes.

Il se retourne, fait voler les papiers, tu penses qui s'il se l'étais permis, il aurait fait voler bien plus. Il ne sait pas qu'il dit. Il faut que tu arrêtes de le regarder comme ça, comme-ci il te cachait encore des choses. Tu ne peux pas t'empêcher de le fixer une seconde, intense, le regard lourd de reproches. Pourtant, il n'a fait que ça depuis son retour, te cacher des choses. Tu restes droit, statique, impassible. Et tu sais que ce serait plus facile pour lui si tu explosais aussi. Seulement, tu n'es pas là pour lui rendre la vie facile.

— Moi, je ne suis pas ton ennemi.

Tu l'accules en quelques enjambées contre le bureau. Te colle à lui, vient relever son menton, ferme, contrarié.

— Respire, Clovis. Qui es-tu, un môme apeuré ou un chef de famille ? Tu te laisses déborder, il ne faut pas.

Il ne peut pas se le permettre. Tu continues de maintenir son menton, glisse un sourire narquois, plus tendre aussi.

— Tu es malin et courageux, je suis intelligent et fourbe. On finira par reconstituer le puzzle.

Ta main glisse de son menton, à sa joue.

— C'est marrant, tu hurles quand je te juge, mais quand je te regarde autrement tu fuis en courant.

Tu colles ton front au sien.

— Là, je te regarde comment, Clovis ?

Comme l'objet de tous tes désirs, comme la plus belle des œuvres d'arts, comme la chose la plus précieuse au monde, comme un démon tentateur dont on va signer le pacte, comme une proie qu'on veut dévorer, comme le prédadeur qu'on rêve qu'il nous dévore, comme personne d'autre que toi ne l'a jamais regardé et ne le regardera jamais.

— Tu n'aimes pas non plus quand je te regarde comme ça ?

Souffle contre sa peau, ta voix à peine un souffle. Si avec ça il ne détend pas un peu tu rends les armes.