Le soleil se couche et les lumières du stade sont braquées sur vous. Le match approche et t'es à fleur de peau Teddy. Les sens décuplés, ton irritation également. Tu l'as attrapé des dizaines de fois ce putain de vif d'or, mais t'es jamais satisfait. Tes coéquipiers t'encouragent mais tu les entends pas, dans ta bulle. Ils partent un à un et t'es désormais le seul à t'acharner sur ton balai. Tu sais pas si Neal sera là ce soir - son absence te pèse plus que tu ne voudrais te l'avouer.

Tu fonces en piquet sur la pelouse, descends de ton balai et te diriges furieux et de mauvaise humeur vers les vestiaires. A force de cogner dans les portes tu fais des trous dedans que tu dois réparer. A chaque période du mois tu dois te forcer à faire semblant, à ne pas alimenter bêtements des rumeurs auxquelles (certes) personne ne croit - mais il suffit d'un craquage pour que les fantasmes deviennent réalité.

Tu te douches et ressors habillé en bas du terrain, ton sac sur le dos. Déjà dans les vestiaires, t'as senti une présence sur le bas côté : ça sent le chien. T'es pas surpris quand il sort de l'ombre mais t'aurais pas parié sur sa présence à lui. T'as jamais pu le sentir, bien avant qu'il ne devienne par tu ne sais quel évènement, de la même espèce que toi.

— « Comment tu m'as appelé ? »

Direct sur la défensive. C'est pas le jour c'est pas le soir. Rien ne va. Tu le vois allumer sa clope et ça te donne direct envie d'en fumer une autre. Tu en sors une de ton paquet pour la coincer entre tes lèvres.
Putain, ton père. L'avoir revu le mois dernier ça t'a assez chamboulé. Le voilà qu'il revient à l'attaque.

— « Tu diras à mon père que c'est pas réciproque. »

Tu le prends de haut, tu peux pas t'en empêcher.
C'est comme ça qu'on t'a élevé. C'est pas un jeune mordu qui va te faire la loi, tu laisses déjà pas l'alpha te la dicter.

— « De toute façon qu'est-ce que tu branles là ? T'as pas mieux à faire que les commissions de mon daron ? Sans déconner tu fais peine à voir, respecte toi un peu. »

La haine, la haine.

L'agacement grimpe. Tu le fusilles du regard quand il remet sur le tapis le surnom débile qu'il t'affuble. P'tit prince. Les traumatismes de l'enfance resurgissent par vagues : ton père s'amusait souvent à te faire croire qu'en étant son fils, tu serais promis à une grande destinée. Que tu serais le prince des loup-garous, car lui en était le Roi incontesté. T'as mis des années avant de te rendre compte que c'était rien d'autre que des bullshits. T'es prince de rien, et son royaume c'est du vent. Ce type peut bien se foutre de ta gueule, si tu es le monarque déchu, il est le cloporte déçu.

— « Que je sois là ou pas, qu'est-ce que ça leur change ? Il est juste obsédé et cruel. ça l'emmerde que je fasse carrière autrement que garde forestier. »

Tu le vois écraser sa clope et tu tires encore sur la tienne. Claques ta langue sur ton palais.

— « J'ai pas envie de causer de ça avec toi. Tu devrais retourner d'où tu viens et t'éloigner de ce type. Il va rien t'apporter de bon. En plus de ça tu m'emmerdes à te ramener tous les trente six du mois pour me faire sa propagande. »

Ah. Dis donc tu causes beaucoup pour quelqu'un qui veut pas causer. Tu te permets même un petit conseil d'ami (non) parce que ça te démange Teddy.
Et ça t'énerve, surtout, qu'il puisse être aussi aveugle.

— « Si tu crois qu'il te considère tu te trompes. T'as rien à gagner à obéir à ses demandes. »

C'est le dernier effort avant que tu vrilles. Tu leur pardonnes pas d'avoir tout gaché.

Cette fois, tu dis plus rien. T'as déjà trop parlé pour aujourd'hui là, t'as dépassé ton quota de tolérance. Tu te contentes de le fixer d'un air sombre et renfermé. On dirait que t'es à deux doigts de te jeter sur lui pour l'agresser. Mais tu te contiens Teddy, manquerait plus que d'autres journalistes vous surprennent pendant que tu lui casses sa jolie petite gueule à ce fumier qui ose t'appeler princesse.
Qui est né avec une cuillère en or dans la bouche ?
Qui s'est cru supérieur aux autres dès qu'il est né ici ?

Il fait un pas en avant et t'arrache ta clope du bec pour la jeter par terre. Au vol tu chopes son poignet que tu serres entre tes doigts. Tu serres si fort que le sang ne circule plus.

— « T'avais pas le même discours quand tu venais gratter mon amitié y'a quelques années. »

Tu le lâches pas pour autant, compresses un peu plus son bras pour lui broyer. Et tant pis si c'est lui qui craque le premier. Tu souffles d'un air sérieux, fais virevolter ses mèches de cheveux.

— « Dégage de ma vue et reviens pas ou la prochaine fois je t'explose c'est clair ? »

Il n'a pas l'air de te craindre. Son regard fou te glace : il a les mêmes yeux que ton père quand il sait qu'il peut gagner quoi qu'il arrive. Tu espères pour lui que son arrogance te perdra. Tu le lâches en grognant, prêt à tourner les talons pour le planter là. Qu'il aille bien se faire voir, et qu'il ramène ces mêmes paroles à Romulus - peut-être qu'à un moment ou à un autre ils comprendront que tu ne reviendras jamais.

— « Cette amitié tu sais où tu peux te la mettre évidemment. »

Sa main sur ton épaule t'empêche de faire demi tour. Tu baisses les yeux vers celle-ci et il a suffit de ce moment d'inattention pour sentir une vive douleur sur tout ton visage, en particulier sur ton nez que tu as entendu craquer. Tu bascules vers l'arrière en te tenant la face, vacilles légèrement comme si l'équilibre devenait de plus en plus rare. Tu relèves la tête, le regard haineux vers lui.

Tu vas le tuer.
Tu t'es juré, tu vas le tuer ce clochard.

— « Complètement taré ... T'es mort. »

Tu remets ton nez en place dans une grimace et te jettes sur lui pour le plaquer au sol, lui assénant plusieurs poings dans la figure - un autre au niveau de sa cage thoracique pour lui couper le souffle. T'as tellement la rage Teddy, c'est pas un petit merdeux (jeune mordu) qui va t'apprendre la vie.

Increvable. Il est increvable. Quand toi tu avales tes insultes pour en dire le moins possible, lui se pavane tel un lion imbattu et imbattable. Tu rêves Teddy, d'attraper sa crinière blonde pour le tirer jusqu'au mur du terrain et lui éclater la tête. Qu'il se change les idées, que ça remue là-dedans parce qu'à ce que tu vois il est en boucle. P'tit prince, p'tit prince. Tu grognes.

— « Je vais te faire bouffer ta langue, charognard. »

Tu encaisses un coup de genou dans le ventre. Tu te tiens les cotes en geignant d'une voix rauque. Grondement dans les tripes, remontée acide. Il en profite pour se jeter sur toi. A croire que c'est chacun votre tour. La droite a l'effet d'un choc électrique, tu protèges ton visage avec un de tes bras - pour temporiser.

— « C'est quoi ton putain de problème ?! »

Pourquoi il a le dessus ? Comment peut-il seulement avoir le dessus ? Tu pousses un râle, puises dans tes forces malgré la fatigue du corps après l'entrainement pour vous faire basculer sur le côté. Tu penches ta tête pour mordre son épaule avec hargne, jusqu'à lui faire pisser le sang.

T'as son sang dans la bouche, le gout de ses chairs déchirées par ta mâchoire. Tu rigoles zéro Teddy quand il s'agit de se battre à la déloyale. Il t'a cherché il te trouve. C'est pas le genre de type à comprendre qu'il n'y a pas que ses actions qui ont des conséquences : ses putains de paroles aussi. Et il parle trop Priest, il parle trop.
Il pousse un cri de femelette, on dirait un porc qu'on égorge. Tu remontes la tête et t'essuies la bouche, lui cales un direct dans la mâchoire pour lui faire sauter une dent.

— « C'est pas mon genre de sucer mec, pas comme toi apparemment ! Je te facilite la tâche. »

Tu vois la dent voler dans le gazon. Tu manques de t'étouffer quand il te chope à la gorge. Sa poigne est effrayante tant elle est forte. Tu n'arrives pas à te dégager Teddy, ni à lui faire lâcher prise. Tu te tiens à ses poignets dans l'espoir de le faire céder, un oeil mi-clos à cause du manque d'air.

— « Put...ain... »

C'est impossible. Impossible ! Tu es censé le surpasser. T'es né comme ça putain, t'es le fils du roi - alors pourquoi est-ce qu'il te met en échec aussi facilement ?

Tu réalises Teddy, à quel point tu es faible. Tu te laisses dominer, te fais surpasser par un putain de rat débutant. Par un roublard tricheur et menteur ! Tu encaisses, étouffes. Tu tentes de l'écarter mais tu n'y arrives pas. Ses doigts sont solidement ancrés dans ta gorge. Ils y dessinent des hématomes qui ne seront visibles que demain. Tu bas des cils, manquent de t'évanouir sous la privation d'oxygène mais tu résistes. T'as de la force en toi, t'as du sang royal dans les veines putain ! T'es pas un prince Teddy. Tu tiens bon.

— « Je le suis... »

Supérieur à lui.
Incontestablement. Et c'est en y croyant plus fort que lui que tu rends ses cauchemars un peu plus réels. Tu lui arracheras une par une ses dents de lait et ses traumatismes seront définitifs.

— « La vache... T'y vas pas à moitié bâtard... »

Tu roules sur le côté, craches tes poumons dans l'herbe, à quatre pattes sur le gazon. Putain ça fait mal. Tu tournes légèrement la tête vers lui, cherches à le rattraper du regard pour ne pas qu'il te prenne en traitre. Te laisses tomber sur les fesses, les mains vers l'arrière. T'as les yeux gorgés de sang.

— « Molo le caïd. »

Tu lèves les mains quand il te pointe avec ta baguette. Tu fronces les sourcils, te sentant menacé malgré tout. S'il te tue, il est mort. Si tu le tues, t'auras juste la paix. Il n'a rien à y gagner, mais toi, serais-tu capable d'y arriver ? Tu n'assimiles toujours pas votre écart de force et ça te frustre. T'es pas un faible (peut-être bien que si).

— « Ta gueule. DEGAGE DE MA VUE ! »