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Persephone était habituée au calme et au silence. Depuis qu'elle était partie de la demeure familiale, elle avait toujours vécu seule. Isolée, même. Le confort de sa maison venait avec le bruit familier de la goutte qui perlait de son évier à un rythme régulier et le bruit des feuilles qui se tournent dans sa lecture, comme un écho tonitruant dans la quiétude de la pièce. Si ça avait été dur comme changement, elle qui avait d'abord grandit dans le brouhaha constant qui venait avec une fratrie de quatre, elle s'était ensuite faite au partage de chambrée à Poudlard qui, évidemment, venait avec ses propres nuits folles au fil des années. Alors, dans cet appartement qui n'était pas vraiment dans un très bon état, elle avait pris ses marques. Et le silence en faisait partie. Elle pensait que ça le resterait pour de nombreuses années. Salem n'était pas vraiment du genre bavard. Elle se demande si elle aurait pu tenir des conversations avec lui si elle avait été fourchelangue... ça aurait été bien plus intéressant.

Pourtant, depuis quelques temps, quelqu'un l'attendait au pas de sa porte avec impatience dès qu'elle quittait sa maison. Et quand elle revenait, elle était accueillie par des sauts et des bruits de joie en tous genres qui n'avaient nullement place dans l'enceinte de sa demeure à l'accoutûmer. Elle ne s'en plaignait pas du tout. Elle n'avait jamais eu de chien par elle-même, sa famille ayant toujours préféré les chats, mais elle avait toujours secrètement rêvé d'en avoir un. Alors, quand Bering la laissait garder Zora pendant qu'il partait en vadrouille ici et là, elle était plus que ravie d'obtempérer. Ce soir encore, quand elle était rentrée après une dure journée, elle avait rapidement finie accroupie pour enfouir son visage dans le pelage de la chienne et lui donner autant d'affection qu'elle le pouvait.

▬ Je suis rentrée, Zora.

Un sourire aux lèvres, le poids de ses épaules toujours si lourdes semblait s'être amenuisé grandement par cette simple phrase, ce simple contact. Avoir quelqu'un qui l'attend, de la compagnie, et à qui dire cette simple phrase qui lui a tant manqué. La soirée allait être courte, à son plus grand dam. Elle qui, à chaque fois, finissait par s'habituer à la routine qui se mettait en place, Zora lui semblait partir toujours trop tôt. Elle savait pourtant que c'était la meilleure chose. Bering était à n'en nul point douter un très bon maître, sûrement bien mieux qu'elle, et elle ne voudrait priver ni le maître ni le chien de la présence de l'autre. Elle savait aussi que son appartement n'était pas le plus idéal, bien qu'elle s'efforçait de faire sortir Zora autant qu'elle le pouvait avec ses horaires de travail toujours un peu fous. Alors elle se contenterait d'être une parenthèse, un hub de transfert pour une courte durée qu'elle saurait apprécier à sa juste valeur sans en demander de plus. Ce soir, Bering venait la chercher, rentré de son voyage. Et si son coeur se serrait légèrement à cette pensée, elle était pourtant bien plus heureuse de pouvoir retrouver son ami.

Elle avait donc continué sa soirée selon la ligne rigoureuse de ses habitudes qui ont la vie dure. Et si ses mains sont encore plus abîmées qu'à leur habitude, recouvertes de craquelures et de plaies en tous genres, elle les ignore. Novembre fut un mois rude pour des tonnes de raisons auxquelles elle ne veut plus penser (même si elles reviennent toujours la hanter) alors oui elle s'adonne encore plus à son rituel de désinfectant et de savon, quitte à marquer ses mains. Mais ça la soulage et elle ne peut pas s'en défaire, c'est plus fort qu'elle. Assise sur le canapé, Zora vautrée à ses côté, tête sur ses genoux qu'elle caresse machinalement en regardant la télé, c'est le canidé qui percute en premier. Tête qui se redresse, oreilles aux aguets - et puis un aboiement, jovial, avant de sauter du canapé pour courir vers la porte. Bering est là, sans en douter. Alors elle suit, à son tour, vers la porte qu'elle ouvre pour laisser son cadet entrer dans son humble abode.

▬ Bering ! Entre, viens au chaud.

Elle referme la porte derrière eux, s'y adossant. Sur ses lèvres, un sourire doux et accueillant, comme à son habitude. Bering était toujours une joie à avoir chez elle, ou à ses côtés de manière générale. Et elle sentait, étrangement, qu'avec lui elle n'avait pas trop besoin de faux-semblants, ce qui la changeait.

▬ Tu as fait bon voyage ? Zora n'attendait que toi. Tu veux un café ? Ou un thé ou un chocolat, comme tu préfères.

Si elle ne le dit pas, tout son être le crie à sa place.
Bienvenue à la maison.

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C'est marrant, elle se dit. Il est habillé en accord avec ce qu'elle pense de lui - un vrai petit soleil. Mais pas un qui frappe fort comme aux heures chaudes de la journée ; orange comme quand il vient se coucher. Doux, apaisant, mais toujours rayonnant. Bering avait des allures de délinquant - ça ne l'avait jamais rebutée, il suffit de voir qui elle côtoyait durant ses études pour comprendre que les apparences ne l'avaient jamais intimidée. Passé outre sa dégaine, il était sûrement l'une des personnes les plus douces qu'elle connaissait - le coeur tendre, plein de rêves et de passion. Sa présence semblait toujours apporter la douceur du printemps, le confort des soirées avec une brise légère durant lesquelles on boit un thé chaud pour se réconforter. Alors, oui - elle était toujours très contente de l'accueillir dans son foyer.

Elle le laisse enlever ses chaussures, appréciant l'attention. Il faut dire que chez elle, ça sent le propre (clinique), le désinfectant, tout le temps. Inutile de préciser qu'elle ne supportait pas que tout ne soit pas nickel. Même si elle ne serait jamais du genre à s'énerver contre un invité.

▬ Un thé, alors. Tu peux t'asseoir sur le canapé si tu veux, mets toi à l'aise.

Elle passe derrière le comptoir de sa cuisine, attrapant deux tasses. Quand elle va pour taper dans sa réserve de thés - un indispensable, quand on s'appelle Persephone Bishop - elle se rend compte qu'il ne lui en reste pas autant qu'elle aurait espéré. Il faut dire que le mois a été long et qu'elle n'a fait que carburer à la théine et à la caféine. Elle devrait en racheter sous peu, parce que la pénurie serait plus dure à vivre qu'un dégrisement après dix ans d'alcoolisme. D'une oreille, elle écoute ses récits. Elle se permet même de rire légèrement à son histoire de portoloin.

▬ Portoloin mis à part, est-ce que tu as apprécié la visite ? J'ai entendu dire que c'était très beau, l'Islande.

L'eau dans la bouilloire, elle s'accoude au comptoir pour mieux lui parler. Ses mains, toujours plus abîmées au fil des jours, sont cachées par son pull trois tailles trop grandes. Un sourire serein repose sur ses lèvres - mécanique, comme à son habitude, mais c'est tout ce qu'elle sait faire.

▬ Sage comme une image ! Elle a été absolument adorable. Elle doit tenir ça de son maître.

Un léger rire, discret.

▬ Et ne t'en fais pas, c'est toujours un vrai plaisir de l'avoir ici.

Ca rend l'appartement plus vivant, plus habité, en dehors des fantômes qui ne cessent de la hanter. Une présence appréciable dont elle ne se plaindra jamais.

▬ C'est plutôt moi qui devrais demander si tu es sûr que c'est une bonne idée de me la laisser. Mon appartement n'est pas idéal, il tombe un peu en ruines...

Elle regarde autour d'elle, l'endroit est bien entretenu, courtoisie de ses rituels, mais ça n'empêchait pas l'état déplorable de la bâtisse qui est en morceaux. Elle devrait vraiment penser à chercher un autre endroit, peut-être... Mais elle vit ici depuis qu'elle a pris son indépendance, ça lui paraît insensé de partir s'il n'y a rien de vraiment urgent. Dès que la bouilloire finit son affaire, elle verse l'eau dans les tasses avec les sachets de thé. Elle les pose sur un petit plateau, une assiettes de biscuits pour faire bonne mesure et du lait et du sucre pour compléter selon les envies. Elle le rejoint, s'asseyant à son tour sur le canapé. Elle rajuste ses manches, pour être sûre de garder ses mains cachées.

▬ Alors, raconte moi. Qu'est-ce que tu as découvert ?

Et dans ses yeux si mornes, ça brille un peu. Elle attend toujours les récits des aventures de son ami avec impatience, comme une histoire qu'on lirait avant d'aller se coucher. Elle qui est terrée dans son Angleterre natale, elle aime entendre les histoires de voyages. Ca lui rappelle ses vacances en France, qu'elle a toujours beaucoup apprécié. Mais en grandissant, elle a cessé de s'envoler, et elle doit bien avouer que ça lui manque - le travail est sa vie, et il est à n'en point douter à temps plein. Alors elle vit ses idylles par procuration. C'est largement suffisant.

▬ Tu sais où tu vas partir, la prochaine fois ?

Elle espère que ça ne sera pas trop long.
Il faut avouer qu'il lui manque, à chaque fois.